14 février 2022
Dans les usines Framatome de Romans-sur-Isère (Auvergne-Rhône-Alpes), on fabrique du combustible nucléaire. De l’uranium enrichi est utilisé, avec normalement toutes les précautions associées aux matières fissiles pour éviter un accident. Mais dans l’atelier où la poudre est transformée en pastille d’uranium, ce n’est apparemment pas le cas.
Un des principes de base à respecter avec l’uranium, le plutonium et autres matières qui ont la particularité d’être fissiles est de surveiller très soigneusement les quantités, les entreposages et les stocks [1] . En effet, si une masse trop importante de matière fissile est rassemblée au même endroit, une réaction nucléaire peut se déclencher toute seule. Ce risque dit de criticité est un des principaux risques dans les installations nucléaires [2] . Des règles précises, qui définissent quelle quantité de quelle matière doit être mise à quel endroit, en découlent. Elles sont la base de la prévention du risque de criticité. Mais elles ne sont manifestement pas connues de tou.te.s dans les usines de Framatome.
L’incident est peu détaillé mais les faits en disent long sur le manque de connaissances et les défaillances des contrôles dans les usines de Romans. Le 4 février 2022, un employé travaillant dans l’atelier de pastillage découvre une petite bouteille, remplie de poudre d’oxyde d’uranium, posée à un emplacement non prévu. On ne sait ni la quantité de matière concernée, ni depuis combien de temps elle était là, ni pourquoi elle n’a pas été rangé là où il se doit. Mais on sait que ne pas respecter les zones d’entreposages autorisés de matière fissile met en jeu le risque de criticité dans ce type d’atelier. Un risque de dispersion de radioactivité et de contamination des personnes et de l’environnement aussi, car la poudre d’uranium doit être non seulement être entreposée de manière sécurisée, afin d’éviter que la bouteille soit renversée ou brisée, mais aussi dans un local confiné au cas où un accident de manutention surviendrait.
Les règles élémentaires assujetties à la manipulation des substances dangereuses utilisées dans l’usine semblent ne pas avoir été suffisamment enseignées. Quant aux contrôles des locaux et à la surveillance des activités, ils semblent ne pas non plus être suffisants. À se demander si Framatome donne des moyens suffisants à ses équipes pour travailler correctement et limiter autant que possible les risques générés par les activités de ses usines nucléaires. Les faits, significatifs pour la sûreté de l’installation [3] [4], ont été déclarés le 10 février 2022 aux autorités.
L.B.
Non-respect d’une règle de maîtrise de la criticité
Publié le 14/02/2022
Usines de fabrication de combustibles nucléaires de Romans-sur-Isère Fabrication de substances radioactives - Framatome
La société Framatome a déclaré le 10 février 2022 à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif relatif à la maîtrise du risque de criticité.
L’événement est survenu dans l’installation nucléaire de base (INB) n° 63-U, située dans la commune de Romans-sur-Isère (Drôme), dans les ateliers dédiés à la fabrication d’éléments combustibles standards utilisés dans les réacteurs à eau sous pression. La matière fissile utilisée dans ces ateliers est de l’uranium à un taux d’enrichissement maximal de 5 %.
L’atelier de pastillage a pour objectif de transformer la poudre d’oxyde d’uranium en pastilles de combustible nucléaire, qui sont ensuite insérées dans les crayons des combustibles nucléaires des réacteurs.
Dans cet atelier, un opérateur a découvert, lors de sa prise de poste, le 4 février 2022, un bouteillon contenant de la matière fissile sur un emplacement non prévu à cet effet.
Dès la détection de cette anomalie, les équipes de Framatome ont entreposé ce bouteillon sur un emplacement dédié à ce type de matière.
Compte-tenu des marges de sûreté retenues vis-à-vis du risque de criticité, cet événement n’a pas eu de conséquence sur les travailleurs ou sur l’environnement.
En raison du non-respect du référentiel de sûreté de l’installation relatif à la prévention du risque de criticité, l’incident a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).
[1] Un nucléide est dit fissile si son noyau est susceptible de subir une fission sous l’effet de neutrons de toutes énergies. Exemple : l’uranium 235. https://www.asn.fr/lexique/F/Fissile
[2] Le risque de criticité est défini comme le risque de démarrage d’une réaction nucléaire en chaîne lorsqu’une masse de matière fissile trop importante est rassemblée au même endroit. Un milieu contenant un matériau nucléaire fissile devient critique lorsque le taux de production de neutrons (par les fissions de ce matériau) est exactement égal au taux de disparitions des neutrons (absorptions et fuites à l’extérieur). https://www.asn.fr/lexique/C/criticite
[3] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif
[4] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire