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Des accidents nucléaires partout

France : Flamanville : Erreurs de raccordements électriques en série sur des équipements importants

Après les vannes des circuits de refroidissement, les soupapes des circuits primaires




24 octobre 2022


En 2018, 2019 et 2021, des erreurs de raccordements électriques ont été découverts sur les 2 réacteurs nucléaires de Flamanville (Normandie). Elles rendaient les vannes des circuits de refroidissement à l’arrêt (RRA) inopérantes en cas d’accident. En 2022, ce sont cette fois sur les soupapes qui évitent les surpressions dans le circuit primaire du réacteur 2 que ces erreurs ont été retrouvées. Là encore, les soupapes n’auraient pas fonctionné en cas d’accident. Avec à la clé, une impossibilité de ramener le réacteur dans un état sûr. En d’autres termes, des erreurs commises lors d’interventions de maintenance ont rendu des équipements importants inaptes à fonctionner en cas d’accident nucléaire, justement quand ils sont le plus nécessaires.


Le circuit primaire est le premier circuit de refroidissement du réacteur nucléaire [1] . C’est lui qui évacue la chaleur dégagée par le combustible nucléaire lorsqu’il est dans la cuve et que le réacteur est en fonctionnement. Lorsque le réacteur est encore chargé de combustible mais arrêté, c’est le circuit RRA [2] qui assure cette fonction de refroidissement. Une fonction essentielle, qui ne doit jamais être interrompue. Si la chaleur n’est pas évacuée, le combustible finira par fondre et le cœur du réacteur entrer en fusion. L’accident nucléaire grave par excellence.

Ce sont justement ces circuit de refroidissement, le circuit primaire et le circuit RRA, qui ont été impactés à Flamanville. Des erreurs de raccordement électriques sur plusieurs vannes des circuits RRA des 2 réacteurs de la centrale les rendaient en réalité inaptes à résister à un accident nucléaire (température, niveau de radioactivité, taux d’humidité et pression élevées). Et plus récemment ces mêmes erreurs ont été découvertes sur plusieurs soupapes du circuit primaire du réacteur 2. Or ces circuits doivent absolument pouvoir continuer à refroidir le combustible nucléaire si besoin, même (surtout !) si un accident survient.

Les premières erreurs ont été découvertes en 2018. Puis d’autres en 2019. Puis en 2021. EDF s’est alors lancé dans un grand programme de vérifications des raccordement électriques des équipements des 2 réacteurs de la centrale. De nouvelles erreurs ont alors été découvertes en mars 2022, sur 6 soupapes du circuit primaire du réacteur 2. L’eau qui y circule est sous forte pression pour éviter qu’elle ne se mette à bouillir et s’évapore sous l’effet de la chaleur dégagée par le combustible nucléaire. Mais si la pression devient trop importante, c’est la structure même du circuit qui pourrait ne pas résister. Sous la pression, les tuyauteries pourraient se déformer, se fissurer, voire exploser. Il n’y aurait alors plus aucune possibilité de faire circuler l’eau qui refroidissement du combustible dans le circuit primaire. Il faut donc des soupapes sur le circuit pour évacuer la pression si besoin. Comme les vannes qui ouvrent et ferme le circuit de refroidissement à l’arrêt, les soupapes du circuit primaire sont des organes absolument essentiels. Des équipements qui doivent toujours pouvoir fonctionner, même dans les pires conditions.

C’est justement à ces conditions extrêmes de température, pression, hygrométrie et radiations que ces soupapes et ces vannes n’auraient pas résisté. Quand on en a le plus besoin pour maintenir le refroidissement. À cause des ces erreurs de raccordements. À quand remontent-elles ? Comment ont-elles pu être commises d’une part et ne pas être détectées d’autre part ? Comment ont-elles pu concerner autant d’équipements fondamentaux pour la sûreté, être répétées durant plusieurs années et passer inaperçues ?

Le communiqué de l’Autorité de sûreté nucléaire ne livre aucune explication sur les origines de ces erreurs. Ni sur leur antériorité. Pas plus sur leur répétition et sur leur non-détection. Au delà de la qualité des interventions et des contrôles techniques censés les suivre, ce sont bien les tests et les vérifications du bon fonctionnement des équipements importants qui semblent être le fond du problème. Qu’une erreur soit commise passe encore pourrait-on dire, "l’erreur est humaine". Même si, quand on est dans une centrale nucléaire, on pourrait avoir un niveau d’exigence bien plus drastique étant donné les enjeux. Mais plusieurs années de suite ? Sur plusieurs circuits de refroidissement ? Sur les 2 réacteurs ? Sans être détectées ? Combien de temps les réacteurs ont-ils fonctionné avec des vannes et des soupapes qui n’auraient pas marché en cas d’accident alors que ceux à la barre pensaient pouvoir compter sur le maintient de la fonction de refroidissement et éviter les surpressions ?

Pour les 6 soupapes du circuit primaire du réacteur 2, EDF a déclaré un incident significatif pour la sûreté le 16 mars 2022. Nous n’avons pas retrouvé trace de l’annonce de cette déclaration d’incident au public sur le site internet de la centrale de Flamanville. L’ASN précise dans son avis sur l’incident publié le 24 octobre que tous les équipements impactés par ces erreurs ont été remis en conformité et pourront maintenant remplir leur fonction, même en cas d’accident. L’Autorité assure qu’elle veillera à l’exhaustivité des contrôles et vérifications réalisées par EDF. Mais n’était-ce pas déjà le cas [3] ? Est-ce que cela sera suffisant ? Est-ce que cela résoudra vraiment le problème de fond qui persiste sur cette installation ?

Ce que dit l’ASN :

Détection de défauts affectant la qualification de plusieurs équipements des réacteurs 1 et 2

Publié le 24/10/2022

Centrale nucléaire de Flamanville Réacteurs de 1300 MWe - EDF

Le 16 mars 2022, EDF a déclaré à l’ASN un événement significatif pour la sûreté relatif à la détection tardive de défauts affectant la qualification aux conditions accidentelles de plusieurs équipements des réacteurs 1 et 2 de la centrale nucléaire de Flamanville.

La sûreté des réacteurs électronucléaires repose sur un certain nombre d’équipements, qui font l’objet d’une qualification visant à garantir leur capacité à assurer leurs fonctions dans les situations où ils sont nécessaires. Dans l’enceinte du réacteur notamment, certains équipements doivent résister aux conditions accidentelles qui y régneraient si un accident grave de fusion du cœur survenait, avec notamment un niveau de radioactivité, une température, une hygrométrie et une pression élevés.

EDF avait déclaré à l’ASN trois évènements significatifs le 24 juillet 2018, le 11 juin 2019 et le 17 mars 2021 relatifs à des défauts ayant affecté la qualification aux conditions accidentelles de vannes situées sur le circuit de refroidissement du réacteur à l’arrêt. Ces défauts portaient sur les raccordements électriques de ces vannes. Dans le cadre de l’analyse approfondie de ces évènements, EDF a mis en œuvre un programme de vérification de la présence de défauts similaires sur d’autres équipements des réacteurs 1 et 2.

Lors de la réalisation d’essais périodiques réalisés dans le cadre de l’arrêt pour simple rechargement du réacteur 2, des anomalies similaires ont été détectées sur six soupapes assurant la protection du circuit primaire du réacteur 2 contre les surpressions. Les défauts détectés ne permettaient plus de garantir le bon fonctionnement de ces soupapes et le retour à un état sûr du réacteur en cas de situation accidentelle.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les personnes et l’environnement. Toutefois, en raison de la dégradation des fonctions de sûreté du réacteur, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES.

Les différents défauts détectés affectant la qualification des équipements aux conditions accidentelles ont été corrigés par EDF durant l’arrêt du réacteur. L’exploitant doit désormais compléter le retour d’expérience des événements de 2018, 2019 et 2021 précités. L’ASN veillera à l’exhaustivité des contrôles de vérification réalisés.

https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/detection-de-defauts-affectant-la-qualification-de-plusieurs-equipements-des-reacteurs-1-et-22


[1Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entraîner le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. La température du circuit primaire principal est encadrée par des limites afin de garantir le maintien dans un état sûr des installations en cas d’accident. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire

[2Circuit de refroidissement du réacteur à l’arrêt (RRA)  : Ce circuit assure l’évacuation de la puissance résiduelle dégagée par le combustible, quand il est encore dans la cuve, pendant les périodes d’arrêt. https://www.asn.fr/lexique/R/RRA

[3La centrale nucléaire de Flamanville est restée sous la surveillance renforcée de l’ASN de septembre 2019 à l’été 2022. En cause : de graves dégradations des équipements, un nombre élevé d’incidents, des documents de piètre qualité transmis aux autorités depuis 2018. Voir notre article paru dans la revue 86 de l’été 2020 et le communiqué de l’ASN sur la levée de sa surveillance renforcée


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Installation(s) concernée(s)

Flamanville

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