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Des accidents nucléaires partout

France : Flamanville : Deux incidents dans la même journée sur le réacteur 2




16 septembre 2020


Double erreur, alarmes et déversement de liquide primaire dans l’enceinte du réacteur. Explications obscures de l’exploitant sur le double incident survenu le 2 septembre 2020 à la centrale nucléaire de Flamanville, (Normandie). Qui pour mémoire est placée depuis un an sous surveillance renforcée en raison de la dégradation avancée des équipements, du laisser-aller de l’exploitant dans sa gestion de l’installation et de trop nombreux incidents survenus ces dernières années [1]. Les deux réacteurs arrêtés depuis janvier 2019 pour l’un et septembre 2019 pour l’autre devraient redémarrer prochainement. Ce qui, vu des déclarations récentes d’évènements significatifs pour la sûreté, n’a rien de rassurant.


Obscure communiqué de l’exploitant de la centrale de Flamanville publié le 16 septembre 2020. Qui sous couvert de force détails et termes techniques ne dit en réalité pas grand chose sur ce qu’il s’est réellement passé le 2 septembre 2020 sur le réacteur 2.

On comprend toutefois qu’il y a eu 2 évènements significatifs pour la sûreté. Consécutifs. Et liés. En pleine nuit le 2 septembre 2020, EDF prépare un essai sur le système d’instrumentation du cœur du réacteur 2 - système qui a été modifié durant la visite décennale du réacteur, ce grand programme de maintenance censé améliorer la sûreté de l’installation. Le réacteur est arrêté mais il est chargé de combustible nucléaire. À 3h14, les alarmes et les systèmes de protection du réacteur se déclenchent - ce qui se passe lorsqu’un problème dans le fonctionnement du réacteur nucléaire est détecté. Les équipes de conduite passent en mode "pilotage incidentel". Ce qui est normal, puisqu’un incident est survenu. À 13h le lendemain, EDF repasse dans un mode de pilotage normal. "La situation d’exploitation du réacteur [2] est alors considérée en état « arrêt pour intervention » circuit primaire entre-ouvert". C’est là que l’exploitant a commis une erreur : après avoir stabilisé le réacteur nucléaire, EDF s’est trompée de mode de conduite. L’exploitant n’aurait pas dû passer dans ce mode de pilotage puisque le circuit primaire n’était pas ouvert.

Le premier incident - le déclenchement des alarmes d’arrêt automatique et des systèmes de protection du réacteur - serait dû à une erreur de maintenance commise lors de la visite décennale, quand le système d’instrumentation du cœur à été modifié : "une mauvaise position de deux départs électriques, ayant entraîné l’apparition de l’alarme de perte de mesure de capteurs et le déclenchement des pompes d’alimentation du système d’injection de sécurité". En réalité, 2 armoires électriques ont été mises hors service lors de l’intervention, ce qui a de fait déclenché les systèmes de protection du réacteur. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) nous apprendra qu’en réalité, de l’eau du circuit primaire s’est déversée hors des tuyaux, dans l’enceinte de confinement. Fait totalement passé sous silence par EDF. Tout comme le fait que le système d’injection de sécurité ait fonctionné près d’une heure.

EDF déclarera initialement cette erreur au plus bas niveau de l’échelle des incidents, la considérant comme un simple "écart" n’ayant aucune importance au plan de la sûreté. Ce niveau sera relevé quelques jours plus tard : non seulement une erreur a été commise lors des modifications de l’instrumentation du cœur du réacteur, mais elle est restée inaperçue de l’exploitant - ce qui sous-entend une mauvaise maintenance mais aussi une piètre qualité des vérifications faites après les interventions techniques sur les équipements, quand bien même sont-ils fondamentaux pour limiter les risques de l’installation. L’ASN pointe les multiples défaillances organisationnelles à l’origine de l’évènement et annonce qu’elle ira inspecter sur place avant le redémarrage du réacteur nucléaire.

Le second incident laisse entendre qu’EDF n’a pas été capable de définir correctement comment elle devait piloter son réacteur nucléaire. Après l’avoir stabilisé, EDF a considéré qu’elle pouvait revenir à une conduite normale. Sauf que ce n’était pas le cas : " la situation d’exploitation effective du réacteur n°2, après la phase de conduite incidentelle, ne répondait pas précisément aux exigences du domaine de fonctionnement Arrêt Pour Intervention circuit primaire Entre Ouvert". Et c’est seulement après coup qu’EDF a détecté que cet état n’était pas adapté, notamment en raison de l’absence effective d’ouverture du circuit primaire. Les procédures opérationnelles appliquées par l’exploitant pour conduite le réacteur nucléaire n’étaient pas adéquates. Et ceux aux commandes ne s’en sont pas rendus compte. Erreurs d’appréciations de la situation réelle du réacteur et mauvaises décisions de conduite.

Ce que dit EDF :

Le 16/09/2020

Déclaration de deux événements sûreté au niveau 1 de l’échelle INES, concernant le démarrage des protections du réacteur n°2 et le non-respect des spécifications techniques d’exploitation dans la conduite du réacteur

Mercredi 2 septembre 2020, l’unité de production n°2 est à l’arrêt, le réacteur est chargé de son combustible. La réaction nucléaire n’est pas lancée. Durant la nuit, les équipes de conduite préparent des essais sur le système d’instrumentation du cœur du réacteur, suite aux interventions de maintenance réalisées dans le cadre de la visite décennale.

A 3h14, lors de l’application des conditions préalables pour la réalisation de ces essais, les opérateurs constatent l’apparition d’une alarme associée à l’arrêt automatique du réacteur et le déclenchement des systèmes de protection. Ils adaptent immédiatement la conduite du réacteur, conformément aux consignes d’approche par état (APE) et de pilotage en situation incidentelle.

L’équipe de conduite identifie une mauvaise position de deux départs électriques, ayant entraîné l’apparition de l’alarme de perte de mesure de capteurs et le déclenchement des pompes d’alimentation du système d’injection de sécurité. Dès 13h, les opérateurs procèdent au retour en pilotage normal. La situation d’exploitation du réacteur [3] est alors considérée en état « arrêt pour intervention » circuit primaire entre-ouvert (API-EO). L’événement a été déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire le 2 septembre 2020 au niveau 0 et ré-indicé au niveau 1 de l’échelle INES le 14 septembre 2020.

Suite à cet événement, la Direction de la centrale nucléaire de Flamanville a demandé à ce que soit réalisée une analyse complète de l’événement. Les conclusions indiquent que la situation d’exploitation effective du réacteur n°2, après la phase de conduite incidentelle, ne répondait pas précisément aux exigences du domaine de fonctionnement Arrêt Pour Intervention circuit primaire Entre Ouvert. Cet écart a été déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire le 11 septembre 2020, au niveau 1 de l’échelle INES, échelle internationale de classement des événements nucléaires qui en compte 7.

https://www.edf.fr/groupe-edf/nos-energies/carte-de-nos-implantations-industrielles-en-france/centrale-nucleaire-de-flamanville/actualites/declaration-de-trois-evenements-significatifs-surete-classes-au-niveau-1-de-l-echelle-ines


Ce que dit l’ASN :

  • Mise en service intempestive de l’injection de sécurité du réacteur 2

Publié le 23/09/2020

Centrale nucléaire de Flamanville - Réacteurs de 1300 MWe - EDF

Le 4 septembre 2020, EDF a déclaré à l’ASN un événement significatif pour la sûreté relatif à la mise en service de l’injection de sécurité du réacteur 2, qui a conduit au déversement d’eau du circuit primaire dans l’enceinte de confinement.

Le circuit d’injection de sécurité permet, en cas de fuite du circuit primaire, d’injecter de l’eau borée dans le réacteur afin de maintenir le refroidissement du cœur.

Le système de protection du réacteur, qui est un système d’instrumentation et de contrôle-commande, assure quant à lui la détection de situations anormales et le déclenchement d’actions de protection telles que l’injection de sécurité. Le déclenchement de ces actions repose sur le traitement électronique des informations transmises par des capteurs de différentes natures (sonde de température, de niveau d’eau, de pression...).

Le 2 septembre 2020, le réacteur 2 de la centrale de Flamanville était en arrêt pour maintenance et le combustible était chargé dans la cuve. Lors de la réalisation d’une activité de maintenance sur l’instrumentation du réacteur 2, deux armoires électriques permettant l’alimentation des capteurs du système de protection du réacteur ont été mises hors service, ce qui a entrainé le déclenchement de toutes les actions de protection du réacteur. L’injection de sécurité a notamment été mise en service pendant un peu moins d’une heure. Les alarmes reportées en salle de commande ont conduit l’exploitant à appliquer les règles applicables à la gestion des situations incidentelles et accidentelles.

Cet événement n’a pas eu de conséquences pour les personnes et l’environnement. Néanmoins, en raison des multiples défaillances organisationnelles à l’origine de cet évènement, celui-ci a été classé au niveau 1 de l’échelle INES.

L’application des règles applicables à la conduite du réacteur a permis à l’exploitant de rétablir une configuration normale d’exploitation. L’installation a été nettoyée après collecte de l’eau déversée et l’exploitant s’est assuré de la conformité des matériels concernés. Une inspection sera réalisée par l’ASN avant le redémarrage du réacteur afin de contrôler que les actions réactives nécessaires ont été bien définies et mises en œuvre.

https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Mise-en-service-intempestive-de-l-injection-de-securite-du-reacteur-2

  • Non-respect des règles d’exploitation lors de la fin d’une phase de conduite incidentelle et accidentelle du réacteur 2

Publié le 05/10/2020

Centrale nucléaire de Flamanville - Réacteurs de 1300 MWe - EDF

Le 11 septembre 2020, EDF a déclaré à l’ASN un événement significatif pour la sûreté relatif au non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation du réacteur 2.

Les règles générales d’exploitation sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent notamment les règles à respecter selon l’état de l’installation. Elles distinguent la conduite normale, qui permet à l’exploitant d’exploiter son installation dans des limites garantissant la sûreté, de la conduite incidentelle et accidentelle, qui a pour objet de stabiliser le réacteur lorsqu’il est affecté par un événement. Lorsque la stabilisation est obtenue, le retour à la conduite normale est autorisé à la condition que l’installation respecte les exigences d’un état standard des règles générales d’exploitation.

Le 2 septembre 2020, le réacteur 2 de la centrale de Flamanville était en arrêt pour maintenance et le combustible était chargé dans la cuve. Un événement survenu au cours de la nuit a amené l’exploitant à appliquer les règles de conduite incidentelle et accidentelle. Après stabilisation du réacteur, le retour à la conduite normale a été autorisé par l’exploitant, qui a considéré l’installation conforme à l’état « circuit primaire ouvert ».

EDF a détecté après analyse que cet état n’était pas adapté, notamment en raison de l’absence effective d’ouverture de ce circuit. Dans cette configuration, les procédures opérationnelles appliquées par l’exploitant n’étaient pas adéquates.

Cet écart n’a pas eu de conséquence sur le personnel et l’environnement. Cependant, compte tenu du non-respect des règles générales d’exploitation, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES.

EDF a remis l’installation en conformité avec l’état « circuit primaire ouvert » le 3 septembre 2020. Une inspection sera réalisée par l’ASN avant le redémarrage du réacteur 2 afin de contrôler la gestion de cet événement par l’exploitant.

https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Non-respect-des-regles-d-exploitation6


[1Voir le bandeau à droite de cette article pour la liste des derniers incidents concernant cette centrale et la communication de l’Autorité de sûreté nucléaire de mise sous surveillance renforcée

[2Les spécificités techniques d’exploitation définissent six domaines d’exploitation (réacteur en production / Arrêt normal / Arrêt normal sur réacteur en refroidissement à l’arrêt / Arrêt pour intervention / Arrêt pour rechargement / Réacteur complètement déchargé)

[3Les spécificités techniques d’exploitation définissent six domaines d’exploitation (réacteur en production / Arrêt normal / Arrêt normal sur réacteur en refroidissement à l’arrêt / Arrêt pour intervention / Arrêt pour rechargement / Réacteur complètement déchargé)


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Installation(s) concernée(s)

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