8 juillet 2022
Un mauvais réglage est à l’origine de la mise hors-service de 2 groupes électrogènes à moteur diesel, l’un servant de source électrique de secours au réacteur 2 de la centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly (Centre - Val de Loire), l’autre au réacteur 4. C’est le 3ème incident sur ce site nucléaire déclaré en peu de temps par EDF.
Un réacteur nucléaire, même arrêté, ne doit jamais être privé d’électricité. Les systèmes de surveillance, de commandes, les équipements de secours, le refroidissement du combustible, la ventilation des locaux, le confinement des zones radioactives, tout cela requiert pour fonctionner de l’électricité. C’est pourquoi chaque réacteur est doté de plusieurs sources électriques de secours (des groupes électrogènes à moteurs diesels), pour garantir que les systèmes les plus cruciaux puissent être alimentés en électricité en cas de coupure de l’alimentation électrique principale. C’est l’enjeu principal dans une centrale nucléaire : toujours avoir plusieurs sources électriques fonctionnelles et prêtes à prendre le relai en cas de coupure d’électricité. C’est une des pierres angulaire pour éviter un accident nucléaire.
C’est sur 2 de ces moteurs diesels que des mauvais réglages ont été effectués, chacun équipant un réacteur nucléaire différent. EDF ne dit pas comment une erreur de paramétrage a pu arriver une première fois et être reproduite. Erreur dans la procédure établie ? Erreur dans la mise en œuvre ? Quoiqu’il en soit, le manque de rigueur s’est propagé et le fonctionnement de plusieurs équipements s’en est trouvé entravé. En plus des relais de contrôle de tension de tableaux électriques sur 2 diesels (des systèmes permettant de détecter une tension électrique trop faible), un autre tableau électrique a été aussi mal réglé. Ce tableau permet une bascule de l’électricité afin d’alimenter des systèmes de secours en cas de coupure de l’alimentation électrique principale. Le tableau électrique n’était pas requis au moment de l’incident argue EDF. Il n’empêche que ce mauvais réglage a été appliqué et répliqué sur plusieurs équipements de plusieurs réacteurs. Alors même que le réacteur 2 est en pleine visite décennale, un grand programme de travaux et de modifications des installations censés les rendre plus fiables et plus sûres.
Les erreurs s’enchaînent sur le site nucléaire de Dampierre et avec elles les déclarations d’incidents.
Mi juin, toujours sur le réacteur 2, EDF a découvert qu’un dispositif qui contrôle le bon fonctionnement d’un tableau électrique permettant d’alimenter en électricité plusieurs systèmes de secours était hors-service depuis plus d’un an, faute d’être branché.
Fin juin, lors du redémarrage du réacteur 4, des alarmes retentissent, signalant une sur-activité dans la cuve du réacteur. EDF a oublié de régler les seuils des capteurs qui surveillent la puissance de la réaction nucléaire. Alors que le réacteur est en pleine montée en puissance, son exploitant a omis de régler les dispositifs qui surveillent l’évolution de cette montée en puissance. EDF a mis du temps à analyser la situation et à comprendre son erreur (avoir oublié de régler les capteurs) et n’a, qui plus est, pas appliqué les règles imposées par l’autorité de sûreté nucléaire (ASN) dans une telle situation. Double, voire même triple faute de l’industriel sur un même incident.
Loupés de maintenance, contrôles inefficaces, erreur de réglages, application incomplètes de procédures essentielles, difficultés d’analyses des situations et réactions inappropriées, les ratés sur le site de Dampierre se multiplient et semblent toucher tous les niveaux d’activités. L’Autorité de sûreté nucléaire pointait les piètres performances du site nucléaire en matière de protection de l’environnement et des travailleurs. Sur la sûreté aussi peut-être [1] ?
L.B.
Non-respect des spécifications techniques d’exploitation
Publié le 08/07/2022
La centrale dispose de cinq sources d’alimentation électrique internes et externes, une seule est suffisante pour garantir le fonctionnement des matériels de sûreté. Parmi les alimentations de secours, chaque réacteur est équipé de deux puissants groupes électrogènes à moteur (appelés diesels de secours), qui assurent de façon redondante l’alimentation électrique des systèmes de sauvegarde en cas de défaillance.
Le 4 mai 2022, l’unité de production n°4 est à l’arrêt dans le cadre de sa maintenance programmée. Un intervenant réalise des réglages sur des relais de contrôle de tension [2] sur un tableau électrique de l’un des diesels de secours. Il réitère l’opération une semaine plus tard, sur un second tableau dont le rôle est de réalimenter certains matériels de secours en cas de perte de tension sur l’alimentation principale, mais non requis à ce moment de l’arrêt.
Le 27 juin 2022, la même intervention est réalisée sur l’unité de production n°2, à l’arrêt dans le cadre de sa Visite Décennale, en présence d’un autre intervenant. Ce dernier détecte que la méthode de réglage mise en œuvre est inadaptée. La correction est immédiatement réalisée sur le tableau de l’unité de production n°2, puis sur les deux tableaux de l’unité de production n°4, toujours à l’arrêt pour maintenance.
Bien que les tableaux électriques aient toujours fonctionné normalement, du fait du mauvais réglage appliqué, ils sont considérés comme indisponibles au titre des spécifications techniques d’exploitation [3] , ce qui n’est pas permis dans la configuration dans laquelle se trouvaient les réacteurs.
Cette indisponibilité n’a pas eu d’impact réel sur la sûreté de l’installation. Toutefois, en raison du non-respect des spécifications techniques d’exploitation et de la détection tardive de l’anomalie, la centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly a déclaré cet événement le 6 juillet 2022 à l’Autorité de sûreté nucléaire comme un événement significatif de sûreté de niveau 1 (anomalie) sur l’échelle INES, qui en compte 7.
Non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation du réacteur 4
Publié le 29/07/2022
Centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly Réacteurs de 900 MWe - EDF
Le 6 juillet 2022, l’exploitant de la centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un évènement significatif pour la sûreté relatif à l’indisponibilité de plusieurs tableaux électriques alimentant des matériels de secours du réacteur 4.
Les RGE sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite des réacteurs associées. Elles prescrivent notamment les délais maximums de réparation en cas d’indisponibilité des systèmes requis pour assurer la sûreté des réacteurs.
Par conception, chaque réacteur comporte deux sources électriques externes (transformateur de soutirage et transformateur auxiliaire) reliées au réseau national, ainsi que deux sources électriques internes (deux groupes électrogènes de secours à moteur diesel). Un groupe électrogène d’ultime secours vient compléter ce dispositif.
Le 4 mai 2022, dans le cadre de la maintenance programmée du réacteur 4, un intervenant a réalisé des réglages de manière erronée sur un relais électrique assurant la protection de l’un des diesels de secours (LHQ). Le 11 mai 2022, le même intervenant réalise d’autres réglages également erronés sur un relais d’un second tableau électrique (LHA) qui permet l’alimentation de divers matériels de secours du réacteur 4.
Dans la nuit du 27 au 28 juin 2022, un intervenant a réalisé la même intervention sur un relais électrique du tableau LHA du réacteur 2 dans le cadre de sa visite décennale. Un second intervenant présent lors de cette dernière intervention a alors détecté que la méthode de réglage mise en œuvre était différente de celle qui avait été utilisée précédemment sur le réacteur 4. Après analyse l’exploitant a mis en évidence que les réglages réalisés sur les matériels électriques du réacteur 4 étaient erronés.
Dès la découverte de ces anomalies, l’exploitant a procédé de manière réactive à un réglage adapté des installations électriques concernées sur le réacteur 4.
L’ASN a effectué une inspection sur la centrale de Dampierre-en-Burly le 22 juillet 2022 (voir la lettre de suites INSSN-OLS-2022-0674) afin d’analyser les causes et conséquences de cet événement.
Du fait de ces mauvais réglages, l’exploitant a considéré le diesel de secours LHQ ainsi que le tableau électrique LHA du réacteur 4 comme indisponibles du 4 mai au 28 juin 2022, période pendant laquelle leur disponibilité était requise, conduisant alors à dépasser les délais de réparation et de replis maximums fixés par les RGE.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Néanmoins, en raison de la détection tardive par l’exploitant du non-respect des RGE, cet événement, qui a affecté la fonction de support d’alimentation électrique, a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).
[1] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire
[2] Ce type de relais de tension détecte une tension qui passerait en-dessous du seuil défini.
[3] Le pilotage d’un réacteur s’inscrit dans un cadre de prescriptions, parmi lesquelles les spécifications techniques d’exploitation (STE), qui recueillent l’ensemble des règles à respecter pour la conduite des installations.