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Des accidents nucléaires partout

France : Dampierre : Les arrêts d’urgence de 2 réacteurs mal configurés

Matériel cassé et données fausses pour régler des systèmes de protection




10 août 2021


Parce qu’EDF a utilisé du matériel cassé pour réaliser des essais, l’industriel a programmé les systèmes de protection automatiques de 2 réacteurs nucléaires du site de Dampierre (Centre - Val de Loire) avec des données erronées. En cas de niveau d’eau bas dans un générateur de vapeur (GV) [1] , les systèmes n’auraient pas déclenché l’arrêt d’urgence des réacteurs.


C’est pourtant un des facteurs à prendre en compte et qui doit être surveillé de près. Lorsque le réacteur est en fonctionnement, les systèmes qui le "protègent" (et déclenchent un arrêt automatiquement pour éviter un accident) doivent être opérationnels. Ces systèmes reposent entre autres sur la mesure du débit d’eau d’alimentation des GV, du débit de vapeur en sortie et des niveaux d’eau dans les GV  [2] .

On ne sait ni pourquoi, ni comment l’affaire a été découverte. Le 20 juillet 2021, lors d’un essai périodique relatif au réglage des chaînes de débit vapeur du générateur 3 des réacteurs 3 et 4, EDF constate que le matériel utilisé pour la réalisation de cet essai était défaillant. Analyses faites, il s’est avéré que plusieurs essais avaient étaient faits avec de même matériel sur les réacteurs 3 et 4. On ne sait ni combien d’essais ont été faits avec, ni sur combien de temps.
L’industriel ne s’est rendu compte de rien et a utilisé les données recueillies lors de ces tests pour paramétrer les systèmes de protection des réacteurs. EDF a ainsi mal réglé certains relais qui participent à l’arrêt automatique du réacteur en cas d’atteinte d’un niveau d’eau trop bas dans un générateur de vapeur. Une erreur à la source, du matériel cassé utilisé quand même, une absence de vérifications approfondies et l’exploitant nucléaire créé un incident significatif pour la sûreté. Par son manque de rigueur, de vigilance et de précautions. Les communiqués d’EDF et de l’Autorité de sûreté sur l’incident ne disent pas depuis combien de temps les arrêts en urgence des réacteurs 3 et 4 de Dampierre étaient mal réglés. Une chance qu’au cours de ce laps de temps, le niveau d’eau dans un de leur GV ne soit jamais tombé trop bas.

Ce que dit EDF :

Evénement sûreté

Déclaration d’un événement significatif de sûreté relatif au non-respect des spécifications techniques d’exploitation

Publié le 10/08/2021

Entre mars et juillet 2021, des essais périodiques [3] sont réalisés sur le système d’instrumentation des processus (SIP) [4] des unités de production n°3 et n°4 de la centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly.
A l’issue, les résultats de ces essais amènent à réaliser des réglages des relais de la chaîne de protection du réacteur des générateurs de vapeur n°3 des unités de production n°3 et n°4.

En juillet 2021, les essais prévus mettent en évidence un défaut de l’appareil de test utilisé lors de ceux-ci. Les analyses démontrent que les relais de tension ont été réglés sur la base de données erronées, rendant indisponibles les chaînes de protection débit vapeur du générateur de vapeur n°3.

Cet événement n’a eu aucune conséquence réelle sur la sûreté des installations. Toutefois, en raison du non-respect des spécifications techniques d’exploitation et de sa détection tardive, la direction de la centrale nucléaire de Dampierre a déclaré un événement significatif de niveau 1 sur l’échelle INES (qui en compte 7) à l’Autorité de sûreté nucléaire le 05 août 2021.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-dampierre-en-burly/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-dampierre/declaration-d-un-evenement-significatif-de-surete-relatif-au-non-respect-des-specifications-techniques-d-exploitation-0


Ce que dit l’ASN :

Non-respect des règles générales d’exploitation des réacteurs 3 et 4

Publié le 10/08/2021

Centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly - Réacteurs de 900 MWe - EDF

Le 5 août 2021, l’exploitant de la centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un évènement significatif pour la sûreté relatif au non-respect des règles générales d’exploitation (RGE) des réacteurs 3 et 4 concernant le réglage des chaînes de mesure du débit de vapeur à la sortie d’un générateur de vapeur (GV).

Les RGE sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite associées. Le GV est l’échangeur qui assure le transfert de la chaleur de l’eau du circuit primaire [5] au circuit secondaire vapeur, qui alimente la turbine  [6].

Lorsque le réacteur est en puissance, des systèmes de protection du réacteur doivent être disponibles. Ces systèmes reposent entre autres sur la mesure du débit d’eau d’alimentation des GV, du débit de vapeur en sortie et des niveaux d’eau dans les GV. Un déséquilibre entre l’alimentation en eau et le débit de vapeur pourrait provoquer une baisse trop importante du niveau d’eau dans le GV et un système de protection provoquerait alors un arrêt automatique du réacteur.

Afin de s’assurer de la disponibilité des systèmes de protection d’un réacteur, les RGE prévoient la réalisation d’essais périodiques.

Le 20 juillet 2021, lors d’un essai périodique relatif au réglage des chaînes de débit vapeur du générateur 3 des réacteurs 3 et 4 alors en puissance, l’exploitant a constaté que le matériel utilisé pour la réalisation de cet essai était défaillant. En donnant des valeurs erronées, il a conduit l’exploitant à un réglage inadapté de certains relais participant à l’arrêt automatique du réacteur sur bas niveau d’eau d’un générateur de vapeur.

Après investigation, l’exploitant a identifié que plusieurs essais périodiques précédents avaient également été réalisés avec le matériel défaillant sur les deux réacteurs. Dans ces conditions et en application des RGE, un des systèmes de protection du réacteur aurait dû être considéré comme indisponible mais ne l’a été que tardivement.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Cependant, en raison du non-respect des RGE ainsi que de sa détection tardive, cet évènement été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

Dès la détection de l’écart, les relais concernés ont été de nouveau réglés avec un matériel différent et le matériel défaillant a quant à lui été envoyé en maintenance.

https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Non-respect-des-regles-generales-d-exploitation-des-reacteurs-3-et-4


[1Un générateur de vapeur (GV) est un échangeur thermique entre l’eau du circuit primaire, portée à haute température (320 °C) et à pression élevée (155 bars) dans le cœur du réacteur, et l’eau du circuit secondaire qui se transforme en vapeur et alimente la turbine. Chaque générateur de vapeur comporte plusieurs milliers de tubes en forme de U, qui permettent les échanges de chaleur entre l’eau du circuit primaire et l’eau des circuits secondaires pour la production de la vapeur alimentant la turbine. les réacteurs à eau sous pression de 900 MWe comportent 3 générateurs de vapeur, les réacteurs de 1 300 MWe comportent 4 GV. https://www.asn.fr/Lexique/G/Generateur-de-vapeur

[2Le système de protection du réacteur (RPR) a pour principales fonctions : la détection de situations anormales, l’arrêt automatique du réacteur et le déclenchement des systèmes de sauvegarde appropriés en situation accidentelle. Il possède deux voies redondantes, c’est-à-dire identiques et indépendantes, Chacune de ces deux voies surfit à remplir l’ensemble des fonctions de sûreté dévolues au système de protection.https://www.asn.fr/Lexique/S/Systeme-de-protection-du-reacteur

[3Un essai périodique est un test réalisé à une périodicité définie afin de s’assurer du bon fonctionnement des matériels.

[4Le système d’instrumentation des processus (SIP) élabore, à partir des grandeurs physiques mesurées par l’instrumentation du réacteur (hors mesures de la puissance nucléaire), les informations utilisées par le système de protection du réacteur.

[5Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entrainer le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible.https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire

[6Circuit secondaire : Circuit fermé dans lequel la vapeur produite dans le générateur de vapeur est conduite à la turbine, qui transforme son énergie en énergie mécanique. Il comprend : la partie secondaire des générateurs de vapeur, la turbine, le condenseur, les systèmes d’extraction et de réchauffage de l’eau condensée jusqu’au retour au générateur de vapeur, ainsi que les tuyauteries associées.https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-secondaire


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Installation(s) concernée(s)

Dampierre-en-Burly

Nombre d'événements enregistrés dans notre base de données sur cette installation
94