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Des accidents nucléaires partout

France : Cruas : Rejets "trop" radioactifs dans l’air

EDF déclare un évènement significatif pour l’environnement




2 juillet 2021


Un radioélément artificiel, le Tellure 123m, a été rejeté par la cheminée d’un bâtiment où sont conditionnés les déchets de la centrale nucléaire de Cruas (Drôme), début juin 2021. En quantité supérieure à ce qui est autorisé. EDF s’en est rendu compte après-coup, un fois les rejets terminés. Et ne sait pas pourquoi le seuil maximal autorisé a été dépassé.


Aucune alarme n’a sonné pour signaler le dépassement de l’activité en rayonnements bêta  [1] lorsque le bâtiment des auxiliaires de conditionnement (BAC)  [2] du site a rejeté dans l’air ses effluents radioactifs. C’est lorsque le filtre placé dans la cheminée a été relevé, le 14 juin 2021, que le dépassement de radioactivité a été découvert. Après coup donc. Un dépassement du seuil autorisé en radioactivité. Car les centrales nucléaires, comme toutes les usines, ont des autorisations légales, elles ont obtenu des autorités le droit de rejeter des substances dans l’environnement. Des autorisations qui fixent les conditions de ces rejets de polluants (combien, où, quand, comment). Le filtre de la cheminée du BAC étant relevé une fois par semaine, on peut supposer que les rejets "trop" radioactifs ont eu lieu au cours de la deuxième semaine de juin, entre le 7 et le 14. Le public a lui été averti 2 semaines plus tard, par un communiqué de l’exploitant, le 2 juillet.

Le temps de faire ses analyses, ce n’est que le 24 juin qu’EDF a pu déterminer que du Tellure 123m  [3], un radionucléide artificiel, était passé par cheminée du BAC. En quantité un peu trop importante, "légèrement au-dessus du seuil de détection de l’appareil utilisé" nous dit l’industriel. Mais alors, pourquoi l’appareil de détection ne l’a-t-il pas détecté, si la radioactivité était légèrement au dessus du seuil de détection ? "Des analyses sont en cours pour déterminer l’origine de ce dépassement de seuil" précise l’exploitant. En d’autres termes : le dépassement n’a pas été détecté sur le coup, lors des rejets - impossible donc de les stopper. Et EDF ne sait pourquoi le dépassement n’a pas été détecté. Problème matériel ? Système de détection mal réglé ? Manque de surveillance ? Et de combien le seuil a été dépassé ? Quelles conséquences potentielles pour l’environnement et les riverains ? Ça non plus EDF ne le dit pas. Le radionucléide en question rejeté dans l’environnement reste pourtant radioactifs plusieurs mois (119,7 jours, cf. la Fiche radionucléide Tellure 123m et environnement de l’IRSN, page 3) .

Malgré les enjeux environnementaux inhérents à ses activités industrielles, les dispositifs mis en place par EDF pour surveiller les rejets de polluants dans l’environnement et pour détecter des anomalies lors de ces rejets - ce qui in fine est le seul moyen d’éviter les pollutions "au delà des seuils" - ne sont manifestement pas au point sur la centrale nucléaire de Cruas. L’exploitant de l’installation nucléaire est pourtant censé tout faire pour prévenir, éviter et limiter les impacts de ses activités sur le vivant. Pour avoir rejeté dans l’air trop de radioactivité, la centrale nucléaire de Cruas a déclaré le 29 juin 2021 un évènement significatif pour l’environnement.

L.B.

Ce que dit EDF :

Déclaration d’un événement significatif environnement (ESE) relatif au dépassement du seuil de décision d’activité volumique au bâtiment des auxiliaires de conditionnement

Publié le 02/07/2021

Le 14 juin, l’analyse hebdomadaire du prélèvement du filtre de la cheminée du bâtiment des auxiliaires de conditionnement a présenté une activité volumique en beta globale supérieure au seuil de décision. Des spectrométries ont été réalisées et ont révélé la présence d’un radionucléide légèrement au-dessus du seuil de détection de l’appareil utilisé.

Des mesures complémentaires ont été réalisées et ont confirmé le 24 juin la présence du radionucléide artificiel, Tellure 123-m. Des analyses sont en cours pour déterminer l’origine de ce dépassement de seuil.

En raison du dépassement du seuil, la direction de la centrale a déclaré cet évènement à l’Autorité de sûreté nucléaire, en tant qu’événement significatif pour l’environnement, le 29 juin 2021.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-cruas-meysse/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-cruas-meysse/declaration-d-un-evenement-significatif-environnement-ese-relatif-au-depassement-du-seuil-de-decision-d-activite-volumique-au-batiment-des-auxiliaires-de


[1Il existe différents types de rayonnements ionisants :

  • Le rayonnement alpha, émis par un atome radioactif, est un faisceau de noyaux d’hélium composé de deux protons et deux neutrons.
  • Le rayonnement bêta, émis par un atome radioactif, est un faisceau d’électrons. Le rayonnement bêta cause plus de dégâts que le rayonnement alpha car il est chargé électriquement.
  • Le rayonnement gamma est composé de photons de haute énergie. Ce rayonnement va pénétrer davantage dans l’organisme que les rayonnements alpha et bêta, mais il modifie moins les particules qu’il rencontre.
  • Le rayonnement X est formé de photons (particules composantes de la lumière). On utilise ce rayonnement pour observer à travers la matière (contrôle des bagages à l’aéroport, radiographie par exemple). Source : base de connaissances IRSN

[2Les bâtiments des auxiliaires de conditionnement (BAC) des CNPE du palier CPY (à savoir situés sur les sites du Blayais, du Tricastin, de Chinon, de Cruas, de Dampierre, de Gravelines et de Saint-Laurent-des-Eaux) ont pour fonctions :

  • le conditionnement et l’entreposage de déchets solides de procédé, d’exploitation ou de maintenance ;
  • l’entreposage de déchets liquides (huiles et solvants) ;
  • le bouchonnage et l’entreposage de coques béton.

Les opérations réalisées sont notamment la découpe et le compactage de déchets, le dépotage d’huiles et de solvants, le bouchonnage de coques béton et l’entreposage avant expédition des colis de déchets.

Les BAC sont des ouvrages mixtes constitués d’une dalle et de murs en béton armé (jusqu’à une hauteur de 4 m pour les parois extérieures) et d’un bardage métallique pour les parois extérieures au-dessus de la partie en béton et pour la toiture. Source : Avis IRSN 2020-00026 du 21 février 2020

[3Le tellure appartient au groupe de l’oxygène de la table périodique des éléments. C’est un métalloïde rare de couleur blanche-argent présentant des caractéristiques à la fois métalliques et non métalliques. Un contact avec le métal pur ou ses composés doit être évité non seulement parce qu’ils sont toxiques mais encore parce que l’inhalation de leurs vapeurs provoque des odeurs corporelles déplaisantes : des travailleurs exposés à une concentration de 0,01 mg.m , voire moins, développent une haleine alliacée caractéristique. Les deux principaux isotopes artificiels sont le TE132 et le TE123m. Le premier est un produit de fission et le second est produit artificiellement pour être utilisé comme traceur expérimental. La période radioactive du tellure 123m est de 119,7 jours. Source : fiche radionucléide IRSN Tellure 123m et environnement, 2003.


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