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Des accidents nucléaires partout

France : Cruas : Quand EDF agit avant de réfléchir

Manœuvre interdite et erreurs sur une procédure de test classique




5 février 2020


Mi janvier 2020, l’exploitant de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse (Drôme) doit tester le fonctionnement d’une vanne qui permet d’isoler hermétiquement le bâtiment du réacteur 4. Erreurs en série lors d’une procédure pourtant classique, qui démontrent le profond manque de connaissances et de rigueur de l’exploitant. Et comment la désorganisation d’EDF a engendré la défaillance de plusieurs lignes de défense.


Le confinement [1] des zones nucléaires d’une centrale est un principe de base pour limiter la dispersion de radionucléides dans l’environnement. Pour ce faire, un ensemble de dispositifs permettant d’isoler une zone (ou tout le bâtiment) doivent être fonctionnels en permanence. Vannes, canalisations et ventilations qui participent à ce confinement obligatoire sont donc régulièrement contrôlés et testés [2].

Lors d’un de ces essai, l’exploitant de la centrale de Cruas a démontré pleinement sa désorganisation et le manque de connaissances de ses équipes. La procédure a été faite au mépris des règles de bases régissant le fonctionnement de l’usine nucléaire : une vanne a été ouverte alors que son ouverture était interdite et n’aurait pas dû être autorisée. Cette même vanne a aussi été considérée par les équipes comme hors-service, car les intervenants n’ont pas réussi à la faire fonctionner automatiquement depuis la salle de commande. Sauf que l’exploitant glisse plus loin dans son communiqué qu’elle fonctionnait correctement. Ce qui laisse penser que ce sont les équipes qui ne savaient pas comment l’actionner. Embêtant pour un équipement aussi important.

Un essai de fonctionnement tout ce qu’il y a de plus courant qui n’est ni préparé ni bien dirigé alors que le réacteur nucléaire est en plein fonctionnement, des procédures de tests ignorées par ceux qui doivent les appliquer, des manœuvres autorisées alors qu’elles sont interdites, des diagnostics sur l’état des équipements erronés, des analyses faites après avoir agit et non avant... Ce type d’évènement lié à des erreurs et un manque de rigueur n’est pas nouveau sur le site de Cruas. Début décembre 2019, le réacteur 1 redémarrait avec une pompe du circuit ASG (le circuit d’alimentation en eau de secours des générateurs de vapeur, utilisé notamment lors des arrêts et de redémarrages de réacteurs nucléaires) hors-service. Erreur de diagnostic sur l’état d’un équipement important pour la protection, doublée d’une erreur de maintenance, passées inaperçues malgré des mois d’arrêt. Un laxisme qui se retrouve à tous les étages, de la conduite à la gestion de déchets sur le site. À l’automne, un rapport d’inspection de l’Autorité de sûreté nucléaire révélait une gestion catastrophique des outils radioactifs, qui perdurait depuis des mois. Les taux de radioactivité dépassaient par endroits jusqu’à 30 fois la limite autorisée, et malgré plusieurs contrôles avérant ces dépassements, EDF n’a rien mis en œuvre pour rétablir une situation réglementaire.

Les exemples récents et le déroulé des faits qui ont conduit à cette nouvelle déclaration d’incident significatif pour la sûreté ne laissent aucun doute : ceux qui sont au commandes de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse ne respectent ni les règles, ni les procédures. Et ne semblent pas vraiment se soucier de vérifier la justesse de leurs actes avant d’agir. Des lacunes à plusieurs niveaux - connaissances formelles et pratiques, organisationnelles, réflexives - qui se cumulent et qui accroissent les risques générés par l’installation nucléaire.

Ce que dit EDF :

Ecart aux règles d’exploitation sur l’unité de production n°4

Publié le 05/02/2020

Le 17 janvier 2020, l’unité de production n°4 de la centrale EDF de Cruas-Meysse est en fonctionnement. Les équipes d’exploitation réalisent un essai périodique pour tester l’ordre de fermeture de l’une des vannes d’isolement de l’enceinte de confinement du bâtiment réacteur. Au préalable, l’ouverture de la vanne doit être réalisée. Or, cette ouverture automatique par le pupitre en salle de commande, n’est pas pleinement opérationnelle. Un diagnostic par les équipes du site est réalisé le 18 janvier. Les intervenants manœuvrent la vanne manuellement et lancent le dépannage de son moteur pneumatique qui était défaillant.

Après analyse, l’ouverture de la vanne n’aurait pas dû être autorisée, selon les spécifications techniques d’exploitation. L’analyse a aussi confirmé que la vanne d’isolement de l’enceinte est toujours restée disponible à la fermeture de manière automatique et à l’ouverture manuellement.

Cet écart aux spécifications techniques d’exploitation n’a pas eu de conséquence sur la sûreté des installations. La Direction de la centrale l’a cependant déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire le 04 février au niveau 1 de l’échelle INES.

https://www.edf.fr/groupe-edf/nos-energies/carte-de-nos-implantations-industrielles-en-france/centrale-nucleaire-de-cruas-meysse/actualites/ecart-aux-regles-d-exploitation-sur-l-unite-de-production-ndeg4


Ce que dit l’ASN :

Ouverture inappropriée du système de surveillance atmosphérique de l’enceinte de confinement du réacteur 4

Publié le 27/02/2020

Centrale nucléaire de Cruas-Meysse - Réacteurs de 900 MWe - EDF

Le 21 janvier 2020, EDF a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), un événement significatif pour la sûreté relatif à l’ouverture inappropriée du circuit du système de surveillance atmosphérique de l’enceinte de confinement (ETY) du réacteur 4 de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse.

Le circuit ETY assure la ventilation de l’atmosphère du bâtiment réacteur pour y permettre l’accès du personnel en toute sécurité . En fonctionnement normal du réacteur, les spécifications techniques d’exploitation prévoient que les vannes d’isolement de ce circuit restent fermées pour éviter tout rejet radioactif accidentel hors du bâtiment réacteur. De plus, en cas d’augmentation anormale de la radioactivité dans ce bâtiment, les vannes d’isolement se ferment automatiquement pour contenir l’air contaminé à l’intérieur de l’enceinte de confinement.

Le 17 janvier 2020, alors que le réacteur 4 était en production, un essai périodique demandait l’ouverture d’une vanne d’isolement du circuit ETY qui ne s’était pas ouverte automatiquement. L’ouverture de cette vanne était autorisée dans le cadre de cet essai périodique, qui visait notamment à tester sa fermeture automatique.

Le 18 janvier 2020 au matin, l’exploitant de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse, avec l’accord de la filière indépendante de sûreté, a autorisé l’ouverture de cette vanne afin de réaliser le diagnostic de son dysfonctionnement détecté dans le cadre de l’essai périodique précité. La vanne d’isolement a été ouverte à plusieurs reprises pour une durée totale de douze minutes.

A posteriori, une nouvelle analyse a été réalisée par l’exploitant, qui a mis en évidence, le 19 janvier 2020, que les ouvertures réalisées pour le diagnostic de la vanne d’isolement du circuit ETY n’étaient pas autorisées par les spécifications techniques d’exploitation.

Du fait de l’absence d’événement nécessitant l’isolement du système ETY, cet événement n’a pas eu de conséquence directe sur les installations, le personnel ou l’environnement.

Toutefois, compte tenu du non-respect des spécifications techniques d’exploitation et de la défaillance de plusieurs lignes de défense prévues par l’organisation d’EDF, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle internationale des événements nucléaires INES.

https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Ouverture-inappropriee-du-systeme-de-surveillance-atmospherique-de-l-enceinte-de-confinement


[1Dispositif de protection qui consiste à contenir les produits radioactifs à l’intérieur d’un périmètre déterminé fermé https://www.asn.fr/Lexique/C/Confinement

[2Au sens de l’arrêté du 7 février 2012 modifié fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base (INB), un EIP est un élément important pour la protection des intérêts mentionnés à l’article L.593-1 du code de l’environnement. Cet élément contribue à la prévention des risques et des inconvénients pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/EIP


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Installation(s) concernée(s)

Cruas

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