Faire un don

Des accidents nucléaires partout

France : Cruas : Alarme en salle des commandes et câble fondu

3ème incident en 12 jours : problème de fond à la centrale




4 novembre 2022


Après une pompe de refroidissement mal remontée il y a 18 ans, après une vanne d’appoint en eau bloquée manuellement et oubliée durant des semaines, une vanne du circuit vapeur dont le câble de commande a fondu faute d’être bien positionné. Le dernier contrôle, réalisé en 2020, n’avait rien remarqué. Pourtant le câble n’a pas pu bouger tout seul pour se coller à un point chaud. C’est le 3ème incident significatif pour la sûreté de la centrale de Cruas (Auvergne-Rhône-Alpes) déclaré par EDF en 12 jours.


À chaque déclaration, un point commun : des questions sur la qualité des interventions de maintenance et des contrôles des équipements. Des équipements qui n’ont pourtant rien d’anodin, ce ne sont pas des systèmes accessoires qui sont impactés par le manque de surveillance et des vérifications de piètre qualité. Système qui permet de maintenir la concentration de bore [1] à la juste dose pour contrôler la réaction nucléaire en chaîne, pompe du circuit de refroidissement à l’arrêt, et maintenant le système qui permet d’éviter au circuit secondaire d’exploser et de maintenir un refroidissement du réacteur... À chaque fois, il a fallu des semaines, voire des années, pour que les erreurs et oublis de l’industriel soient détectés.

La dernière découverte du genre date de fin octobre 2022. Le réacteur 3 de Cruas est arrêté pour maintenance. Une alarme apparaît en salle de commandes : un problème électrique empêche un équipement de fonctionner. L’équipement en question est une vanne, située à la sortie d’un générateur de vapeur [2] . Cette vanne permet d’envoyer la vapeur dans l’atmosphère au lieu qu’elle n’aille vers la turbine. Ce système de contournement permet d’éviter une explosion du circuit secondaire [3] (en cas de surpression) et de maintenir un refroidissement du circuit primaire [4] , le circuit qui évacue la chaleur dégagée par le combustible nucléaire [5]. Un système qui est n’est pas uniquement réservé aux situations d’urgence ou d’accident, le contournement de la turbine à l’atmosphère (système GCT-a) est aussi utilisé en fonctionnement normal, dans certaines phases d’exploitation du réacteur nucléaire.

La dernière vérification de ce système remonte à 2020. À l’époque, le contrôle n’avait pas révélé d’anomalie. Pourtant le câble électrique qui permet de commander l’ouverture et la fermeture de la vanne a fondu. Mal positionné, trop proche d’un point chaud, il a été dégradé par la chaleur, abîmé au point de ne plus fonctionner. Sans câble, impossible de commander l’ouverture et la fermeture de la vanne.

Pourquoi et depuis combien de temps ce câble était-il mal positionné ? Une intervention a-t-elle été faite après 2020 sans qu’elle n’ait été tracée et identifiée par EDF ? Le câble était-il en l’état en 2020 et le contrôle serait passé à côté ? Est-ce lors de ce contrôle que le câble a été déplacé sans que la proximité du point chaud ne soit détectée et la dégradation progressive du câble s’est étendue sur plusieurs années ? Car pourquoi l’alarme ne s’est pas déclenchée plus tôt ? EDF est quand même allé vérifier les autres éléments du système de contournement turbine du réacteur 3, sans découvrir d’autres problèmes. Mais quid des autres réacteurs du site nucléaire, quid des autres systèmes ?

L’incident, cumulé aux déclarations précédentes de l’exploitant, pose de nombreuses questions. Une chose est certaine : à Cruas, les vérifications des équipements ne sont pas assez fréquentes. Une surveillance et des contrôles trop peu rapprochés, des interventions de mauvaise qualité, un cocktail qui donne à terme une installation nucléaire dont les systèmes sont détériorés sans que l’exploitant ne le sache. Un état qui ne peut qu’accroître le risque d’incident en entravant le fonctionnement des équipements importants. Ni le communiqué de l’industriel ni celui des autorités ne donne d’explications quant aux racines de cet évènement significatif [6] pour la sûreté [7] . Pas plus qu’il n’est pointé une défaillance du contrôle des activités et de la surveillance des installations. Pourtant, cette 3ème déclaration en moins de 2 semaines devrait alerter sur l’existence de problèmes de fond sur le site nucléaire EDF de Cruas-Meysse. Et poser la question de la suffisance des moyens (humains, financiers, organisationnels etc. ) alloués par l’industriel pour l’exploitation de sa centrale nucléaire.

Ce que dit EDF :

Déclaration d’un ESS de niveau 1 relatif à l’indisponibilité d’une vanne du circuit de contournement de la turbine.

Publié le 04/11/2022

Evénement sûreté

En cas d’indisponibilité de la turbine ou lors de certaines phases d’arrêt ou de redémarrage d’un réacteur, le circuit GCT atmosphère (Contournement global turbine) est conçu pour piloter le refroidissement par les générateurs de vapeur. Lors de certaines phases des arrêts programmés pour maintenance, la disponibilité de GCT est requise.

Le 22 octobre 2022, l’unité de production n°3 est en arrêt programmé pour maintenance. A 9h00, un défaut est localisé au niveau de la commande électrique d’une vanne vapeur sur le circuit GCT. Dès la détection de ce défaut, les équipes de la centrale réalisent des investigations qui permettent d’identifier une détérioration du câble de contrôle-commande de la vanne. Celle-ci est considérée a posteriori indisponible. La réparation du câble a permis de retrouver la disponibilité de la vanne.

Cet événement n’a pas eu de conséquences réelles sur la sûreté de l’installation, la vanne ayant toujours assurée sa fonction lors des dernières manœuvres. Cependant, du fait de la détection tardive a posteriori de l’événement, la direction de la centrale de Cruas-Meysse a déclaré, le 2 novembre 2022, à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), un évènement significatif sûreté au niveau 1 sur l’échelle INES qui en compte 7.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-cruas-meysse/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-cruas-meysse/declaration-dun-ess-de-niveau-1-relatif-a-lindisponibilite-dune-vanne-du-circuit-de-contournement-de-la-turbine


Ce que dit l’ASN :

Endommagement du câble de commande d’une vanne du circuit de contournement de la turbine à l’atmosphère

Publié le 07/11/2022

Centrale nucléaire de Cruas-Meysse Réacteurs de 900 MWe - EDF

Le 2 novembre 2022, EDF a déclaré à l’ASN un événement significatif relatif à l’endommagement d’un câble de commande d’une vanne du système de contournement de la turbine à l’atmosphère (système GCT-a) du réacteur 3 de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse.

Le système de contournement de la turbine à l’atmosphère a pour rôle d’évacuer la vapeur produite dans le circuit secondaire vers l’atmosphère, dans certaines phases d’exploitation normale du réacteur et dans certaines situations accidentelles, au cours desquelles il permet de limiter la pression dans le circuit secondaire et de contrôler le refroidissement du circuit primaire. Il est constitué d’une vanne motorisée en sortie du circuit vapeur de chaque générateur de vapeur.

Le 22 octobre 2022, à l’occasion de l’arrêt pour maintenance du réacteur 3, une alarme pour défaut d’isolement électrique est apparu en salle de commande. Le défaut d’isolement a été localisé au niveau d’une vanne du circuit GCT-a. Les investigations menées sur les installations ont permis d’identifier une dégradation au niveau du câble de commande de cette vanne consécutive à un échauffement de ce dernier en raison de son mauvais positionnement.

Le dernier contrôle de cette vanne, réalisé en 2020, n’avait pas relevé de non-conformité.

A l’issue de ce diagnostic, le remplacement de la portion dégradée du câble de commande a été réalisé.

A la suite de la détection de cet écart, EDF a réalisé un contrôle sur d’autres organes de robinetterie du circuit GCT du réacteur 3, sans détecter d’autres dégradations.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois, en raison de sa détection tardive, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES.

https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/endommagement-du-cable-de-commande-d-une-vanne


[1Le bore, présent dans l’eau du circuit primaire sous forme d’acide borique dissous, permet de modérer, par sa capacité à absorber les neutrons, la réaction en chaîne. La concentration en bore est ajustée pendant le cycle en fonction de l’épuisement progressif du combustible en matériau fissile. https://www.asn.fr/lexique/b/Bore

[2Un générateur de vapeur (GV) est un échangeur thermique entre l’eau du circuit primaire, portée à haute température (320 °C) et à pression élevée (155 bars) dans le cœur du réacteur, et l’eau du circuit secondaire qui se transforme en vapeur et alimente la turbine. Chaque générateur de vapeur comporte plusieurs milliers de tubes en forme de U, qui permettent les échanges de chaleur entre l’eau du circuit primaire et l’eau des circuits secondaires pour la production de la vapeur alimentant la turbine https://www.asn.fr/Lexique/G/Generateur-de-vapeur

[3Le circuit secondaire est un circuit fermé dans lequel la vapeur produite dans le générateur de vapeur est conduite à la turbine, qui transforme son énergie en énergie mécanique. Il comprend : la partie secondaire des générateurs de vapeur, la turbine, le condenseur, les systèmes d’extraction et de réchauffage de l’eau condensée jusqu’au retour au générateur de vapeur, ainsi que les tuyauteries associées. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-secondaire

[4Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entraîner le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. La température du circuit primaire principal est encadrée par des limites afin de garantir le maintien dans un état sûr des installations en cas d’accident. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire

[5Le combustible nucléaire, même lorsque le réacteur est arrêté, doit en permanence être refroidit. La chaleur qu’il dégage est telle que si elle n’est pas évacuée, le combustible fondra

[6Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif

[7La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire


La surveillance des installations nucléaires au quotidien ? C’est grâce à vos dons que nous pouvons la mener !
Pour surveiller au jour le jour les incidents dans les installations nucléaires, les décrypter et dénoncer les risques permanents qui sont trop souvent minimisés - voire cachés par les exploitants, nous mobilisons tout au long de l’année des moyens humains et techniques.
Pour continuer ce travail de lanceur d’alerte et donner, au plus proche de leur survenue, des informations sur les inquiétants dysfonctionnements d’un parc nucléaire vieillissant, nous avons besoin de votre soutien financier !

Faire un don



Installation(s) concernée(s)

Cruas

Nombre d'événements enregistrés dans notre base de données sur cette installation
140