3 novembre 2022
Le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Civaux (Nouvelle Aquitaine) est arrêté depuis plus d’un an [1] pour visite décennale (VD), un grand programme de vérifications des équipements et de modifications des systèmes qui a lieu tous les 10 ans. Mais le 2 novembre 2022, l’épreuve d’étanchéité du circuit primaire [2] , le circuit qui refroidit le combustible nucléaire lorsqu’il est dans la cuve, s’est très mal passée. Au lieu d’être validée, elle a dû être interrompue et pour cause : le circuit primaire n’a pas tenu et une fuite radioactive est survenue.
Tous les 10 ans, EDF doit vérifier ses réacteurs et les modifier pour intégrer les derniers progrès techniques. Ces arrêts pour visites décennales (VD) sont aussi l’occasion de vérifier 3 composants essentiels : la cuve où se produit la réaction nucléaire, le principal circuit de refroidissement (le circuit primaire qui doit être parfaitement étanche) et la l’enceinte en béton qui entoure le réacteur et qui doit résister en cas d’explosion. Ces tests sont réglementaires, ce sont des épreuves à valider : en cas d’échec de l’une ou l’autre, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ne doit pas autoriser le réacteur à redémarrer.
C’est lors de l’épreuve hydraulique du circuit primaire le 2 novembre 2022 que l’incident est arrivé. On ne sait ni où ni pourquoi ni comment ni quand, mais le circuit de refroidissement n’était pas étanche. L’eau qui y circule, chauffée à très haute température par la réaction nucléaire, est sous pression pour éviter son évaporation (à pression atmosphérique normale, l’eau entre en ébullition à 100°C environ et commence à s’évaporer. L’eau du circuit primaire refroidissement s’évaporerait immédiatement si elle n’était pas sous pression tant la chaleur dégagée par le combustible est importante).
Lors de cette épreuve, la pression dans le circuit primaire est poussée un peu plus haut que les valeurs de fonctionnement habituelles. Un organe du circuit a lâché (un joint ? une vanne ? un raccord ?). Le circuit a de fait été dépressurisé par cette prise d’air, et l’eau s’est répandue sous forme de vapeur dans la bâtiment du réacteur. Heureusement, aucun blessé n’est a déplorer. La température du circuit a été abaissée et l’eau liquide a été collectée. Quelle quantité ? Quel niveau de radioactivité ? EDF ne donne aucune précision. Car cette fuite est bien radioactive : même si le test est réalisé cuve à vide (sans combustible), on est au cœur du réacteur nucléaire : la radioactivité est présente dans tous les composants du circuit primaire, ils sont activés à force d’être irradiés. La fuite est donc bien radioactive, mais parfaitement contenue dans le bâtiment, la radioactivité n’a pas atteint l’environnement affirme EDF.
Il n’en reste pas moins que, même après plus d’un an d’arrêt, tout n’est pas au point à la centrale de Civaux. Y compris les composants principaux. Ce qui pose beaucoup de questions. Car comment est-il possible que l’exploitant n’ait pas repéré la fuite alors même qu’il préparait cette épreuve réglementaire de VD ? Comment a été préparée l’épreuve hydraulique ? EDF a-t-il pris le temps de réaliser tous les tests et contrôles préalables ? Et cette fuite, d’où vient-elle ? Un matériel abîmé ? Une vanne mal fermée ? Une intervention de maintenance ratée qui n’a pas été vérifiée ?
Le communiqué de l’industriel ne dit pas à quand sera reporté l’épreuve hydraulique du circuit primaire de Civaux 1, encore moins les travaux à engager ni leurs coûts, tant financiers qu’en terme de dose de rayonnements pour celles et ceux qui devront aller la réparer. En attendant, espérons que l’enceinte de confinement elle tienne bon, et qu’il n’y ait pas d’autres fuites quelques part qui seraient passées sous les radars d’EDF. À vouloir aller trop vite et redémarrer au plus tôt, EDF s’est finalement tiré une balle dans le pieds, car Civaux 1 devra a minima valider toutes ses épreuves de VD avant de pouvoir redémarrer.
Mise à jour du 19 novembre 2022 :
L’épreuve du circuit primaire aura finalement été réalisée 15 jours plus tard, le 17 novembre. Et validée cette fois.
À l’origine de la fuite lors de la première tentative : un équipement défaillant installé pour le test. Comme quoi il n’avait pas été si bien préparé que ça. La fuite a perduré durant des jours dans le bâtiment réacteur, du 2 au 9 novembre. La vapeur a fait bouger une gaine haute radioactive qui empêchait tout accès au local où se trouvait la vanne permettant de couper l’arrivée d’eau dans le circuit primaire. Il a fallu envoyer un robot téléguidé pour déplacer la gaine et couper l’eau. EDF ne dira pas au final quelle quantité d’eau radioactive aura été récoltée ni le coût supplémentaire généré par l’incident. Un incident survenu par manque de préparation. La prochaine épreuve est celle de l’étanchéité et de la résistance à la pression de l’enceinte en béton qui entoure le réacteur nucléaire... Espérons qu’elle sera mieux préparée que l’épreuve hydraulique du circuit primaire.
Mise à jour du 3 janvier 2023 :
Une inspection de l’Autorité de sûreté nucléaire, menée sur place le 17 novembre 2022, donnera un peu plus de précisions. La fuite était importante (3 m3/heure) et le débit de dose très élevé (>100 mSv/heure).
Au total environ 80m3 d’eau se sont répandus dans un local qui a été classé "zone rouge" en raison du très fort débit de dose. Celui-ci était dû à l’éjection complète d’un doigt de gant sous la pression. Après que l’eau et le doigt de gant aient été évacués, des intervenants ont dû pénétrer dans le local (avant qu’il ne soit décontaminé) pour stopper la fuite.
EDF a déclaré un évènement significatif pour la radioprotection. L’origine de l’incident a été identifiée : une non qualité de maintenance, effectuée lors de la préparation de l’épreuve.
L.B.
Publié le 03/11/2022
L’épreuve hydraulique du circuit primaire de l’unité n°1 du CNPE de Civaux (86), engagée mercredi 2 novembre 2022 a été interrompue peu après 14h ce même jour après la détection de la dépressurisation du circuit primaire.
Cette opération, réalisée avec un réacteur complètement déchargé de son combustible, consiste à monter en pression (206 bars) et en température (95°C) le circuit primaire principal afin de tester son étanchéité.
Alors que la pression atteignait 190 bars et la température 95°C, un dégagement de vapeur est survenu dans un local du bâtiment réacteur, la dépressurisation du circuit primaire a été constaté simultanément.
Aucun intervenant ne se trouvait à proximité, il n’y a eu ni blessé, ni personne contaminée.
Les équipes ont procédé à l’arrêt préventif des matériels permettant d’accompagner la baisse de pression et ont lancé le refroidissement du circuit primaire principal.
Une inétanchéité sur le circuit est confirmée. L’eau est collectée dans les dispositifs conçus à cet effet et confinée dans le bâtiment réacteur.
Aucune activité radiologique n’est mesurée à l’extérieur des installations. Actuellement, le circuit primaire est dépressurisé et sa température est de 24°C.
Les équipes de la centrale de Civaux ont mis en place une organisation interne permettant de disposer des compétences nécessaires au suivi de la situation.
L’événement n’a aucun impact sur la sûreté des installations.
Publié le 10/11/2022
Interrompues mercredi 2 novembre 2002 à la suite d’un aléa technique survenu lors d’un test d’étanchéité (« épreuve hydraulique ») du circuit primaire, les opérations de préparation de cette épreuve décennale de l’unité n°1 du CNPE de Civaux (86) ont repris mercredi 9 novembre après le solde de l’aléa.
Mercredi 2 novembre 2022, une dépressurisation du circuit primaire avait été observée lors de son test décennal d’étanchéité sous très forte pression (206 bars, contre 155 bars en fonctionnement normal), provoquée par un écoulement d’eau dans un local situé à l’intérieur du bâtiment réacteur.
L’eau écoulée, faiblement radioactive en l’absence de combustible dans la cuve du réacteur et provenant d’un dispositif temporaire installé spécifiquement pour la réalisation du test décennal, a été intégralement collectée dans les dispositifs conçus à cet effet et stockée avant traitement dans un réservoir. L’événement n’a eu aucune incidence sur l’environnement ou sur la sûreté des installations.
Une gaine de plusieurs mètres de long, associée à un système permettant des mesures de flux neutronique dans le réacteur, avait été poussée dans le local par la forte pression du circuit et empêchait, de par sa radioactivité importante, l’accès à la vanne de fermeture d’eau située à proximité.
Mercredi 9 novembre, un petit robot téléopéré s’est saisi de cette gaine et l’a transférée dans un local à proximité pour l’insérer dans un dispositif de confinement ad hoc. L’arrivée d’eau a été fermée dans la foulée.
L’organisation spécifique mise en place par les équipes du site pour disposer à tout moment des compétences nécessaires au suivi de la situation a été levée mercredi 9 novembre.
Aucun intervenant n’a été blessé ni contaminé et l’événement n’a eu aucune incidence sur l’environnement ou sur la sûreté des installations.
Une analyse est en cours pour déterminer précisément l’origine de la défaillance matérielle du dispositif temporaire à l’origine de l’écoulement d’eau, y remédier et s’assurer de l’absence de dégradations sur des matériels connexes. Une nouvelle épreuve hydraulique du circuit primaire sera rapidement engagée à l’issue.
Publié le 18/11/2022
Le test d’étanchéité, « épreuve hydraulique », du circuit primaire principal de l’unité de production n°1 de Civaux a été réalisé avec succès à une pression de 206 bars, ce jeudi 17 novembre après-midi, en présence d’inspecteurs de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Cette opération, initialement engagée le mardi 2 novembre 2022, avait été interrompue à 190 bars à la suite de la défaillance matérielle d’un dispositif temporaire installé spécifiquement pour ce test décennal. Celle-ci avait entraîné la dépressurisation du circuit et un écoulement d’eau dans un local situé à l’intérieur du bâtiment réacteur.
Une gaine de plusieurs mètres de long, associée à un système permettant des mesures de flux neutronique dans le réacteur, avait également été poussée dans le local par la forte pression du circuit et empêchait, de par sa radioactivité importante, l’accès à la vanne de fermeture d’eau située à proximité.
Le 9 novembre, un robot téléopéré a été utilisé afin de procéder au retrait et au transfert de la gaine dans un espace doté des protections biologiques adaptées.
Cet événement n’a eu aucun impact sur la sûreté des installations, la cuve du réacteur ne contenant aucun élément de combustible ; ni sur l’environnement, la collecte de l’eau faiblement radioactive ayant été effectuée dans les dispositifs prévus à cet effet.
Aucun intervenant n’a été contaminé.
La réussite de l’épreuve hydraulique du circuit primaire de l’unité n°1 ouvre la voie à la poursuite des activités de maintenance programmées dans le cadre de sa visite décennale, avec notamment la réalisation dans les prochaines semaines de l’épreuve d’étanchéité de l’enceinte du réacteur [1] , dernier test réglementaire avant d’engager les opérations de redémarrage.
Elle valide également la qualité et le bon niveau de sûreté des réparations et soudures réalisées sur les circuits auxiliaires du circuit primaire principal, sur lesquels des indications de corrosion sous contrainte avaient été détectées.
Extrait du rapport de l’inspection menée le 17/11/2022 par l’ASN à la centrale nucléaire de Civaux sur le thème : Épreuve hydraulique du CPP de Civaux 1 (INSSN-BDX-2022-0047) :
"Alors que la pression dans le CPP avoisinait les 195 bars, une dépressurisation fortuite et rapide est survenue en même temps que l’apparition d’une alarme incendie dans le local RIC (système d’instrumentation du cœur) et dans les locaux adjacents. Un écoulement dans le local RIC a alors été constaté, il a été estimé à environ 3 m3/h. Des techniciens radioprotections ont effectué des mesures d’activités à l’aide d’une perche dans le local RIC et l’ont classé en zone radiologique « rouge » (débit de dose > 100mSv/h)."
"La mise en place d’une caméra déportée dans le local RIC a permis de localiser précisément l’origine de l’écoulement. Elle provenait de l’éjection complète du doigt de gant (DDG) « RIC flux » de la voie 53. L’exploitant a pris les dispositions nécessaires pour éliminer l’eau déversée dans le local (environ 80 m³) et évacuer à l’aide d’un robot le DDG éjecté à l’origine du très fort débit de dose mesuré. Des intervenants ont pu rentrer dans le local pour isoler l’écoulement par fermeture de la vanne manuelle située en amont de la fuite d’eau. Les locaux impactés ont ensuite été décontaminés."
"L’analyse de l’événement a montré qu’il avait pour origine une non-qualité de maintenance survenue lors de la préparation du chantier qui consistait à retirer les DDG du cœur du réacteur et à les mettre en position de sécurité pour qu’ils ne soient pas impactés par la mise en pression du CPP. L’oubli de la mise en position de deux demi-bagues qui assuraient le maintien mécanique entre le tube RIC dans lequel le DDG coulisse et les demi-coquilles enveloppant le DDG lui-même est à l’origine de l’éjection du DDG sous la pression hydraulique de l’eau contenue dans le CPP. Cet événement a fait l’objet de la déclaration d’un événement significatif pour la radioprotection."
https://www.asn.fr/content/download/186606/download_file/INSSN-BDX-2022-0047.pdf
[1] Le réacteur a été arrêté en août 2021 pour sa VD. L’arrêt a été prolongé par la découvertes de corrosion sous contrainte qui a provoqué des fissures sur certains de ses circuits. https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-civaux/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-civaux/actualite-des-deux-unites-de-production-de-civaux
[2] Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entraîner le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. La température du circuit primaire principal est encadrée par des limites afin de garantir le maintien dans un état sûr des installations en cas d’accident. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire
[3] Pour chaque visite décennale, trois épreuves réglementaires sont réalisées :