29 octobre 2021
Parce qu’EDF n’a pas fait les essais qu’il fallait dans les temps, le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Chooz (Ardennes) a fonctionné plusieurs jours avec de mauvais réglages sur le système qui mesure sa puissance. Non seulement EDF n’a pas respecté les règles d’exploitation qu’il doit appliquer à la lettre, mais il n’aurait pas été en mesure de détecter des anomalies de répartition du flux neutronique dans la cuve. Les faits sont significatifs pour la sûreté, ils revêtent une importance particulière et ils ont mis en jeu un risque d’accident. Mais le communiqué de l’industriel passe sous silence la majeur partie des éléments nécessaires à leur compréhension.
Pour surveiller la puissance d’un réacteur nucléaire, ce sont les flux de neutrons et leur répartition qui sont scrutés. La réaction en chaîne doit être homogène dans toute la matière fissile, si elle se concentre à des endroits, la puissance du réacteur n’est plus uniformément répartie et de fait, la contrôler devient bien plus difficile. C’est le système « RPN » qui assure la surveillance permanente de la puissance du réacteur, par la mesure du flux de neutrons. Ce système intervient dans l’élaboration d’alarmes et d’actions automatiques de protection (les arrêts d’urgence du réacteur nucléaire), en cas d’élévation anormale du flux neutronique. Les paramètres de ce système sont régulièrement recalibrés, en fonction des résultats d’essais périodiques.
Ces précisions apportées par le communiqué de l’Autorité de sûreté nucléaire donne un tout autre éclairage que celui d’EDF sur les faits survenus à Chooz dans le courant du mois d’octobre 2021. Dans son communiqué de déclaration d’un évènement significatif [1] pour la sûreté [2] , l’industriel parle uniquement d’un "dépassement d’un délai de réalisation d’un essai périodique du réacteur 1". Aucune mention du système RPN ni des mauvais réglages générés par ce dépassement. Pas une seule fois le mot "puissance" n’est évoqué par EDF. De fait, impossible de se faire une idée de ce qui était réellement en jeux en s’en tenant uniquement aux éléments livrés par l’exploitant.
Or ce qui était en jeu, au delà de respecter les délais des essais - délais qui ne sortent pas de nulle part et qui ont une justification - c’est bien de recalibrer correctement le système qui mesure le flux de neutrons dans la cuve. Donc, de surveiller avec précision et de manière fiable la puissance du réacteur. Sous couvert des mots d’EDF qui voudrait résumer les faits à une détection tardive d’un dépassement d’essais, c’est bien la mesure de la réaction nucléaire qui était en cours dans la cuve de son réacteur que l’industriel n’a pas assuré. Sans cette mesure, ou avec une mesure faussée, comment EDF peut-il avoir connaissance de la puissance de la réaction nucléaire ? Comment peut-il détecter un problème s’il survenait ? Comment dès lors déclencher quand il faut les alarmes et les arrêts d’urgence ?
Aucun impact réel sur la sûreté de l’installation dira l’industriel. Il n’en reste pas moins qu’EDF s’est laissé dépasser. Pris par le temps, il n’a pas su gérer correctement les implications de l’arrêt de son réacteur et notamment les conséquences sur les essais à réaliser. Par manque de vision globale et d’anticipation, l’exploitant nucléaire s’est mis lui-même dans une situation où il n’avait plus les moyens de mesurer correctement ce qu’il se passait dans la cuve de son réacteur nucléaire. Encore moins d’agir en toute connaissance de cause. Que l’exploitant ne dise pas tout, qu’il cherche à minimiser les faits et leur gravité dans son communiqué n’est peut être finalement pas pas si surprenant. Mais selon le terme consacré par l’échelle INES [3] , l’outil utilisé par EDF et les autorités pour catégoriser les évènements dits significatifs et faciliter ainsi la perception du grand public, tout ceci n’est qu’une "anomalie".
L.B.
Détection tardive du dépassement d’un délai de réalisation d’un essai périodique
Evénement sûreté
Publié le 29/10/2021
Le 27 octobre 2021, la centrale nucléaire de Chooz a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire un événement significatif pour la sûreté relatif à la détection tardive du dépassement d’un délai de réalisation d’un essai périodique du réacteur 1.
Conformément aux règles générales d’exploitation, un essai périodique du système de mesure de la puissance nucléaire dans le réacteur doit être réalisé tous les 30 jours de production de l’unité, avec une tolérance de 3 jours, et dans le respect de la limite de 60 jours calendaires.
Le 10 août 2021, les équipes d’exploitation réalisent un essai périodique de ce système. L’essai suivant aurait donc dû être réalisé avant le 9 octobre pour respecter l’échéance calendaire prescrite.
L’unité de production n°1 a été arrêtée du 4 septembre au 6 octobre 2021 pour optimiser la gestion du combustible contenu dans le réacteur. Du fait de cet arrêt, les équipes d’exploitation de la centrale ont réalisé l’essai périodique dès le redémarrage du réacteur, le 13 octobre 2021, dans le respect des 33 jours de production, mais au-delà du délai des 60 jours calendaires, sans que ce dépassement ne soit détecté.
Or, l’atteinte de l’échéance des 60 jours calendaires aurait dû amener les équipes à appliquer, dès le 9 octobre 2021, la conduite à tenir demandée par les spécifications techniques d’exploitation.
Cet événement n’a pas eu d’impact réel sur la sûreté de l’installation. Néanmoins, en raison de la détection tardive de ce non-respect des spécifications techniques d’exploitation [4], la centrale a déclaré le 27 octobre 2021 à l’Autorité de sûreté nucléaire un événement significatif de sûreté de niveau 1 (anomalie) sur l’échelle INES, qui en compte 7.
Défaut de réglage du système de mesure de la puissance du réacteur 1 de la centrale nucléaire de Chooz
Publié le 03/11/2021
Centrale nucléaire de Chooz B Réacteurs de 1450 MWe - EDF
Le 27 octobre 2021, l’exploitant de la centrale nucléaire de Chooz a déclaré à l’ASN un événement significatif pour la sûreté relatif à un mauvais réglage du système de mesure de la puissance neutronique du réacteur 1.
Le système « RPN » assure la surveillance permanente de la puissance du réacteur, par la mesure du flux de neutrons. Il intervient dans l’élaboration d’alarmes et d’actions automatiques de protection du réacteur, en cas d’élévation anormale du flux neutronique. Les paramètres de ce système sont régulièrement recalibrés, en fonction des résultats d’essais périodiques.
Le 13 octobre 2021, l’exploitant a réalisé un essai périodique sur le système RPN. Le 21 octobre 2021, il a détecté que cet essai périodique avait été réalisé avec quatre jours de retard par rapport à la périodicité de 60 jours fixée par les règles générales d’exploitation du réacteur.
Le non-respect de la périodicité de réalisation de l’essai périodique, conjugué à sa détection tardive, a induit, d’une part l’indisponibilité de certains systèmes, et d’autre part le non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation du réacteur dans une telle situation. En particulier, le réacteur a fonctionné pendant plusieurs jours avec certains paramètres du système RPN non correctement réglés, ce qui aurait pu engendrer une mauvaise détection d’une anomalie dans la distribution de la puissance du réacteur.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois, il a affecté la fonction de sûreté liée à la maîtrise de la réactivité du réacteur. Au regard de sa détection tardive, qui a entraîné un non-respect des spécifications techniques d’exploitation du réacteur, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).
[1] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif
[2] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire
[3] INES : International nuclear and radiological event scale (Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) - Description et niveaux ici - https://www.asn.fr/Lexique/I/INES
[4] Le pilotage d’un réacteur s’inscrit dans un cadre de prescriptions, parmi lesquelles les spécifications techniques d’exploitation (STE), qui recueillent l’ensemble des règles à respecter pour la conduite des installations.