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Des accidents nucléaires partout

France : Chinon : Quand EDF oublie de brancher le système de secours

Intervention bâclée et redémarrage précipité




10 mai 2024


Le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Chinon (Centre-Val de Loire) est à l’arrêt depuis février 2023* pour sa visite décennale, un grand programme de contrôles, d’entretien et de modifications pour rendre l’installation moins risquée. Lors de cet arrêt, un groupe électrogène servant de source électrique de secours a été débranché pour une intervention. Mais personne n’a pensé à le rebrancher après. Ni à vérifier qu’il l’était au moment de redémarrer le réacteur nucléaire.


Crédit photo : André Paris

Les groupes électrogène à moteur diesel sont des dispositifs de secours qui équipent chaque réacteur nucléaire. Ils sont là pour pallier une coupure d’électricité, car un réacteur nucléaire ne doit jamais être totalement privé d’électricité. Pour être refroidis (le combustible nucléaire dégage une telle chaleur que son refroidissement doit être permanent) mais aussi pour que d’autres systèmes, permettant la surveillance de la puissance et le contrôle du réacteur, puissent fonctionner (et notamment pour pouvoir arrêter la réaction nucléaire en cas de problème). Ces sources électriques de secours sont obligatoires et doivent être en état de prendre le relai du courant électrique fourni par le réseau national dès que le réacteur est en fonctionnement.

C’était le cas début mai 2024, lorsque le réacteur 1 de Chinon est en cours de redémarrage après sa visite décennale : la réaction nucléaire est lancée, la puissance augmente progressivement. Un test de bon fonctionnement est réalisé sur le groupe électrogène d’ultime secours (DUS), celui conçu pour résister aux aléas climatiques les plus extrêmes. C’est alors que EDF découvre que le tableau électrique qui permet l’alimentation du groupe électrogène est déconnecté. Depuis une intervention qui a eu lieu le 11 avril. Le contrôle technique après cette intervention n’est manifestement pas allé jusqu’à la vérification de la reconnexion du tableau d’alimentation. Et personne n’a songé à le vérifier avant de relancer la réaction nucléaire.

Intervention un peu trop bâclée, redémarrage un peu trop précipité, le réacteur était privé de sa source électrique de secours la plus résistante, et son exploitant nucléaire n’en avait même pas connaissance. Le communiqué d’EDF ne dit pas combien de temps le réacteur a fonctionné sans le tableau électrique, il précise juste que le délai maximal autorisé (7 jours pour rebrancher, 24 heures pour baisser la puissance du réacteur) a été dépassé. Mais le communiqué de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) apportera la précision : 19 jours. Il précise également que le tableau en question permet d’alimenter le système de contrôle-commande  [1]. Pour son manque de vérification et la détection tardive de l’indisponibilité du système d’alimentation électrique de secours, EDF a déclaré un évènement significatif [2] pour la sûreté [3] le 7 mai.

L.B.

Ce que dit EDF :

Détection tardive d’un non-respect de la conduite à tenir prévue par les Spécifications Techniques d’Exploitation sur l’unité de production n°1

Publié le 10/05/2024

L’unité de production n°1 est en arrêt pour maintenance dans le cadre de sa Visite Décennale. Le 11 avril 2024, dans le cadre d’une activité programmée de maintenance, le tableau d’alimentation électrique d’un groupe électrogène de secours est déconnecté.

Le 4 mai 2024, lors d’un essai de fonctionnement réalisé sur le Diesel d’ultime secours (DUS) de l’unité de production n°1, en phase de redémarrage, le tableau d’alimentation électrique du groupe électrogène de secours doit être connecté. Constaté déconnecté, les équipes d’intervention procèdent à sa reconnexion immédiate.

Dans la configuration dans laquelle se trouvait le réacteur, les spécifications techniques d’exploitation imposent, en cas d’indisponibilité de ce tableau électrique, le repli de l’unité de production sous 24 heures, ce qui n’a pas été respecté.

Cet événement n’a eu aucune conséquence réelle sur la sûreté des installations, car d’autres sources électriques de secours étaient disponibles. Toutefois, la détection tardive de l’indisponibilité du groupe électrogène de secours entraînant le non-respect des spécifications techniques d’exploitation associées a conduit la direction de la centrale nucléaire de Chinon à déclarer à l’Autorité de Sûreté Nucléaire, le 07 mai 2024, un événement significatif pour la sûreté au niveau 1 de l’échelle INES, graduée de 0 à 7.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-chinon/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-chinon/detection-tardive-dun-non-respect-de-la-conduite-a-tenir-prevue-par-les-specifications-techniques-dexploitation-sur-lunite-de-production-ndeg1


Ce que dit l’ASN :

Non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation

Publié le 27/05/2024

Centrale nucléaire de Chinon B Réacteurs de 900 MWe - EDF

Le 5 mai 2024, EDF a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un évènement significatif pour la sûreté relatif au non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation (RGE) du réacteur 1 concernant l’indisponibilité du système d’alimentation électrique de secours.

Les règles générales d’exploitation (RGE) sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite des réacteurs associées. Elles prescrivent notamment les délais maximums de réparation et la conduite à tenir en cas d’indisponibilité des systèmes requis pour assurer la sûreté des réacteurs.

Par conception, chaque réacteur comporte deux sources électriques externes (un transformateur de soutirage et un transformateur auxiliaire) reliées au réseau électrique national, ainsi que deux sources électriques internes (groupes électrogènes de secours à moteur diesel). Un groupe électrogène d’ultime secours vient compléter ce dispositif. Il alimente le circuit électrique de secours (LUU).

Le 11 avril 2024, alors que le réacteur 1 était à l’arrêt pour rechargement en combustible, une intervention de maintenance a nécessité de débrancher l’alimentation d’un tableau électrique LUU.

Le 4 mai 2024, lors d’un essai périodique réalisé sur une pompe du circuit d’injection de sécurité alors que le réacteur 1 était en phase de redémarrage, les intervenants ont relevé que l’alimentation du tableau LUU n’avait pas été reconnectée. Les investigations menées par l’exploitant ont montré que le tableau électrique LUU était resté indisponible pendant 19 jours. Dans ces conditions, les RGE, qui imposent selon l’état du réacteur de retrouver la disponibilité du tableau sous 7 jours ou de replier du réacteur sous 24 heures, n’ont donc pas été respectées.

Dès la détection de l’écart, les intervenants ont reconnecté l’alimentation électrique du tableau LUU.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Néanmoins, en raison de la détection tardive par l’exploitant et du non-respect des RGE, cet événement, qui a affecté la fonction de sûreté support liée à l’alimentation électrique du contrôle-commande, a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/non-respect-de-la-conduite-a-tenir-prevue-par-les-regles-generales-d-exploitation15

* Source : https://www.francebleu.fr/infos/societe/au-coeur-de-l-un-des-reacteurs-de-la-centrale-nucleaire-de-chinon-2414013


[1Le controle-commande est constitué de l’ensemble des systèmes qui, dans une installation nucléaire, effectuent automatiquement des mesures et assurent des fonctions de régulation ou de protection. La complexité de ces systèmes s’est considérablement développée au cours des dernières décennies. Ils répondent aux besoins croissants des industriels d’un pilotage plus aisé et plus sûr de leur installation ; ils doivent également permettre d’assurer une surveillance accrue des installations, et par là même favoriser le retour d’expérience issu de l’exploitation. La poursuite de ces objectifs a conduit au recours de plus en plus fréquent à des logiciels dans les systèmes de contrôle-commande. du réacteur en cas de coupure de courant général.

[2Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements

[3La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire


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Installation(s) concernée(s)

Chinon

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105