8 août 2024
Lors d’un essai réalisé le 3 août 2024 sur le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Chinon (Centre - Val de Loire), un problème survient. Un élément bloque, affectant une pompe qui permet entre autres d’éviter les fuites sur le principal circuit de refroidissement. Après investigations, EDF découvrira que le problème est dû à une intervention de maintenance, qui devait être faite sur le réacteur 2, alors à l’arrêt, mais qui a été faite sur le réacteur 1, qui lui est en fonctionnement. Sans que personne ne se rende compte de l’erreur.
Crédit photo : André Paris
Lorsqu’un réacteur nucléaire est en fonctionnement, les règles imposent que toutes les pompes du circuit RCV [1] soient opérationnelles. Ce circuit RCV permet de contrôler le volume et la composition chimique de l’eau qui circule dans le circuit primaire, principal circuit de refroidissement du cœur d’un réacteur [2]. Mais le circuit RCV a aussi d’autres fonctions, comme éviter les fuites sur les pompes qui font circuler l’eau dans le circuit primaire en y injectant de l’eau sous pression. Ou encore faire office de barrière thermique pour les joints de ces pompes, c’est-à-dire les protéger de la chaleur en les refroidissant. C’est là qu’intervient le système de ventilation des locaux des pompes du circuit RCV.
Le 3 août 2024, un essai est fait sur le réacteur 1 et la ventilation du circuit RCV doit être mise en route. Mais ça bloque : dans les tuyaux, un clapet destiné à stopper la propagation de flammes et de fumées se ferme, coupant ainsi toute circulation d’air dans ces tuyauteries. Impossible de refroidir les locaux de la pompe RCV. Impossible donc de remplir le rôle de barrière thermique pour les joints des pompes du circuit primaire. La pompe RCV est alors considérée comme indisponible, puisqu’elle n’est pas à même de remplir toutes ses fonctions.
EDF mène des recherches et découvrira que c’est une intervention de maintenance, faite 2 jours plus tôt, qui a mis le clapet dans une configuration qui n’avait pas lieu d’être. En réalité, l’intervention devait être faite sur le réacteur 2, qui lui est arrêté pour entretien et vérifications. On ne sait pas comment ni pourquoi, l’intervenant s’est trompé de réacteur. Et personne n’a rien vu, ni avant, ni après.
Outre la détection tardive du problème de configuration du réacteur 1 - qui a laissé des pompes du circuit primaire sans barrière thermique durant 2 jours et demi alors que ce n’est pas permis - c’est bien l’erreur de réacteur qui interroge.
Toute intervention de maintenance ou de changement de configuration des circuits est censée être préparée en avance, codifiée, consignée et vérifiée une fois réalisée par un contrôle technique. L’incident démontre non seulement que les systèmes requis ne sont pas toujours contrôlés à temps, mais aussi que l’organisation et l’exécution de la maintenance sur le site nucléaire manque cruellement de rigueur. Se tromper de réacteur, et ne pas s’en rendre compte, si ce n’est "par hasard" 2 jours plus tard, au gré d’un essai, n’est pas un signe de qualité d’exploitation, loin de là. Et certainement pas un gage de confiance dans le système de vérifications mis en place à la centrale nucléaire de Chinon.
Mais ces aspects ne semblent pas être questionnés dans les déclarations officielles d’EDF ou de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), qui voient dans ces faits le non-respect des règles censées régir l’exploitation de l’installation. Sans interroger le système sous-jacent qui a conduit à la survenue de l’incident.
L.B.
Détection tardive d’un non-respect de la conduite à tenir prévue par les Spécifications Techniques d’Exploitation sur l’unité de production n°1
Publié le 08/08/2024
Samedi 3 août 2024, l’unité de production n°1 de la centrale nucléaire de Chinon est en fonctionnement et l’unité de production n°2 est en arrêt programmé pour « visite partielle ». Un essai testant périodiquement les protections du réacteur de l’unité n°1 nécessite la mise en route du système de ventilation des pompes d’injection de sécurité haute pression. Lors de cette mise en route, un clapet de ventilation se ferme de manière anormale.
Après investigation, cette fermeture est la conséquence d’une action de maintenance inappropriée réalisée le 1er août 2024, sur un matériel de l’unité de production n°1 en lieu et place de l’unité de production n°2.
Après analyse, une partie de la ventilation et la pompe d’injection de sécurité associée du réacteur n°1 ont été rendues indisponibles pendant 2 jours et demi. Pendant cette période, les conditions requises dans le cadre de cette indisponibilité, qui n’avait pas été identifiée, n’ont pas été exhaustivement mises en place, ce qui constitue un non-respect des Spécifications Techniques d’Exploitation (STE).
Cet évènement n’a pas eu d’impact réel sur la sûreté des installations. Toutefois, en raison de sa détection tardive et du non-respect des STE, il a été déclaré par la Direction de la centrale nucléaire de Chinon le 6 août 2024 à l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), comme Evénement Significatif pour la Sûreté, classé au niveau 1 de l’échelle INES, qui en compte 7.
Non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation du réacteur 1
Publié le 09/08/2024
Centrale nucléaire de Chinon B Réacteurs de 900 MWe - EDF
Le 6 août 2024, EDF a déclaré à l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) un événement significatif pour la sûreté relatif au non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation du réacteur 1 concernant l’indisponibilité d’une pompe du système de contrôle chimique et volumétrique du circuit primaire.
Les règles générales d’exploitation (RGE) sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite des réacteurs associées. Elles prescrivent notamment la conduite à tenir en cas d’indisponibilité des systèmes requis pour assurer la sûreté des réacteurs.
Le système de contrôle chimique et volumétrique (RCV) a notamment pour fonction de maintenir dans le circuit primaire la quantité d’eau nécessaire au refroidissement du cœur et dispose pour cela de trois pompes installées sur deux voies redondantes. Le système RCV assure également l’injection d’eau sous haute pression au niveau des joints des pompes primaires pour en assurer l’étanchéité, évitant toute remontée d’eau du circuit primaire. Ces joints sont conçus pour fonctionner dans des conditions de température plus basses que celles de l’eau du circuit primaire, lorsque le réacteur est en fonctionnement. La protection thermique de ces joints est assurée par un dispositif de refroidissement, appelé barrière thermique, refroidi par le système de refroidissement intermédiaire, qui dispose de deux voies redondantes (voies A et B). Le 3 août 2024, alors que le réacteur 1 était en fonctionnement, l’exploitant a constaté la fermeture d’un clapet coupe-feu lors de la mise en service de la ventilation du local d’une pompe RCV. Cette fermeture a entraîné l’indisponibilité de la pompe car la ventilation de son local n’était plus assurée.
Les investigations menées a posteriori par l’exploitant ont révélé qu’une manipulation inappropriée du clapet coupe-feu survenue 2 jours plus tôt était à l’origine de l’indisponibilité de la pompe RCV. Pendant cette période, les RGE, qui imposent de maintenir le refroidissement de la barrière thermique des pompes primaires par la voie B du système de refroidissement intermédiaire, n’ont pas été respectées.
Dès la détection de l’événement, une intervention a été réalisée par l’exploitant pour retrouver la disponibilité de la pompe RCV.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois, l’événement a affecté la fonction de sûreté liée au refroidissement du réacteur. En raison de la détection tardive de l’événement et du non-respect de la conduite à tenir imposée par les règles générales d’exploitation, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).
[1] RCV : Système de contrôle Chimique et Volumétrique du circuit primaire principal . Le système de contrôle volumétrique et chimique a notamment pour fonction de maintenir dans le circuit primaire la quantité d’eau nécessaire au refroidissement du cœur. https://www.asn.fr/Lexique/R/RCV
[2] Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entraîner le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. La température du circuit primaire principal est encadrée par des limites afin de garantir le maintien dans un état sûr des installations en cas d’accident. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire