16 juillet 2024
Sur le réacteur 3 de la centrale de Cattenom (Grand Est), un des capteurs qui mesure la pression dans les tuyauteries qui véhiculent la vapeur était défaillant depuis mars 2024. Mais ce n’est que 3 mois plus tard qu’EDF s’en est inquiété. Ces données sont pourtant nécessaires pour piloter le réacteur. Un manque de surveillance et une lenteur de réaction qui demeurent inexpliqués.
Crédit photo : André Paris
Dans un réacteur nucléaire, la chaleur produite dans la cuve est convertie en vapeur. Cette vapeur est ensuite envoyée sous très pression vers une turbine, qui, couplée à un alternateur, permet de convertir l’énergie produite en électricité.
Le circuit vapeur (dit circuit secondaire [1], car il intervient à la suite du circuit primaire [2] qui capte la chaleur dégagée par la réaction nucléaire), même s’il n’est pas dans la zone nucléaire du réacteur, est central. La pression dans ses tuyauteries doit être régulée, et sa mesure permet non seulement de piloter le réacteur, mais aussi de déclencher des mécanismes d’arrêt d’urgence en cas de problème. C’est un moyen de surveiller le bon fonctionnement du réacteur et d’éviter les accidents. En cas de dysfonctionnement d’un de ces capteurs, les règles qui régissent le fonctionnement de l’installation imposent une remise en état dans les 3 jours.
Et pourtant, EDF a mis plusieurs mois à détecter le dysfonctionnement d’un de ces capteurs de pression du circuit secondaire sur un réacteur en fonctionnement. Malgré des signaux manifestes depuis mars 2024, ce n’est qu’entre la fin juin et le début du mois de juillet que l’exploitant nucléaire va identifier un défaut sur un de ses composants et procéder à son remplacement. Trois capteurs donnaient des mesures de pression cohérentes, mais pas le 4ème. Il en aura fallu du temps à EDF pour analyser et résoudre le problème, pourtant assez évident.
Ce manque de surveillance, et cette lenteur d’analyse et de réaction, démontrent un manque de rigueur dans le suivi des indices de fonctionnement du réacteur nucléaire. Indices qui, rappelons-le, participent aussi à la protection du réacteur contre les accidents.
Pour sa détection plus que tardive, EDF a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un évènement significatif [3] pour la sûreté [4] le 12 juillet. Le gendarme du nucléaire annonce qu’il sera vigilant à l’analyse des causes de l’incident et aux mesures qui seront mises en place par EDF pour éviter qu’un tel manque de surveillance ne se reproduise.
L.B.
Détection tardive de l’indisponibilité d’un capteur mesurant la pression de la turbine de l’unité de production n°3
Publié le 16/07/2024
Plusieurs capteurs surveillent en permanence les paramètres de fonctionnement de la turbine, située en salle des machines (hors zone nucléaire).
Les informations délivrées par ces capteurs sont utilisées à la fois par le système de régulation permettant le pilotage du réacteur et par le système de protection du réacteur permettant de déclencher des ordres automatiques d’arrêt du réacteur, en cas de défaillance de la turbine.
Entre le 23 juin et le 6 juillet 2024, l’unité de production n°3 est en fonctionnement et plusieurs essais et contrôles sont menés sur les 4 capteurs de mesure de la pression vapeur.
Le 6 juillet, les équipes de la centrale détectent un léger dépassement du critère de fonctionnement par rapport à la valeur maximale attendue sur un des capteurs (écart de 1%). Cet écart a conduit à considérer le capteur indisponible puis à remplacer sa carte électronique. Les autres capteurs redondants ont été vérifiés et sont toujours restés pleinement disponibles.
Nos règles d’exploitation prescrivent un délai maximal de réparation de 3 jours pour ce type de matériel. Or, les investigations menées par les équipes révèlent que le défaut du capteur concerné date du mois de mars 2024.
Cet événement n’a pas eu d’impact réel sur la sûreté des installations, les autres capteurs redondants sont restés disponibles et auraient assuré leur fonction en cas de défaillance de la turbine. Cependant, la détection tardive du défaut sur le capteur a entraîné un non-respect de la conduite à tenir a posteriori, au titre de nos règles d’exploitation. La direction de la centrale de Cattenom a déclaré un événement significatif sûreté au niveau 1 de l’échelle INES, qui en compte 7, le 12 juillet 2024 à l’Autorité de sûreté nucléaire.
Détection tardive de l’indisponibilité d’un capteur mesurant la pression de la turbine du réacteur 3 de la centrale nucléaire de Cattenom
Publié le 19/07/2024
Centrale nucléaire de Cattenom Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Le 12 juillet 2024, l’exploitant de la centrale nucléaire de Cattenom a déclaré à l’ASN un événement significatif pour la sûreté relatif à la détection tardive de l’indisponibilité d’un capteur de mesure de pression de la vapeur alimentant la turbine du réacteur 3.
Plusieurs capteurs surveillent en permanence les paramètres de fonctionnement de la turbine, dont la pression de la vapeur du circuit secondaire qui l’alimente. Les informations délivrées par ces capteurs sont utilisées à la fois par le système de régulation permettant le pilotage du réacteur et par le système de protection du réacteur.
Alors que le réacteur 3 était en fonctionnement, des essais menés entre le 23 juin et le 6 juillet 2024 sur les quatre capteurs de mesure de pression de la vapeur de la turbine ont conclu à un défaut sur une carte électronique d’un capteur générant un léger écart de ce capteur par rapport aux autres et entraînant de ce fait son indisponibilité. Or, ce capteur est requis lorsque le réacteur est en production.
L’analyse menée a posteriori par l’exploitant a permis de déterminer que les premiers signes de décalage de ce capteur remontent au mois de mars, ce qui ne permet pas de respecter le critère de réparation sous 3 jours prévu par les règles générales d’exploitation.
Les trois autres capteurs étant restés disponibles, le système de protection du réacteur aurait assuré sa fonction.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur le personnel ni sur l’environnement de l’installation. Toutefois, en raison du caractère tardif de sa détection au regard des règles générales d’exploitation, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES.
Dès la détection de l’écart, l’exploitant a procédé à la remise en conformité du capteur et a engagé une analyse approfondie de cet événement. L’ASN veillera à la qualité de l’analyse approfondie de l’événement et aux actions prises pour en éviter son renouvellement.
[1] Le circuit secondaire est un circuit fermé dans lequel la vapeur produite dans le générateur de vapeur est conduite à la turbine, qui transforme son énergie en énergie mécanique. Il comprend : la partie secondaire des générateurs de vapeur, la turbine, le condenseur, les systèmes d’extraction et de réchauffage de l’eau condensée jusqu’au retour au générateur de vapeur, ainsi que les tuyauteries associées. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-secondaire
[2] Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entraîner le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. La température du circuit primaire principal est encadrée par des limites afin de garantir le maintien dans un état sûr des installations en cas d’accident. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire
[3] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements
[4] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire