Faire un don

Des accidents nucléaires partout

France : CEA Cadarache : Une zone contrôlée qui ne l’est pas, un travailleur contaminé

Quand le Service de Prévention des Risques d’une installation nucléaire n’est pas formé à la radioprotection




8 novembre 2022


Dans un laboratoire en démantèlement du CEA (Commissariat à l’énergie atomique) sur le site de Cadarache (Provence-Alpes-Côte d’Azur), un travailleur a été contaminé par des poussières radioactives le 18 octobre 2022. Il est entré dans une zone contrôlée (dont l’accès est normalement réglementé à cause du risque d’irradiation) sans porter des équipements de protection nécessaires (masque respiratoire, gants, sur-chaussures etc.). Il n’a pas non plus signé le registre d’identification que doit obligatoirement remplir toute personne qui rentre en zone contrôlée. Ce travailleur aurait pourtant dû plus que tout autre être particulièrement conscient des risques et connaître sur le bout des doigts les dispositifs et protocoles pour les limiter : il fait partie du service de prévention des risques sur l’installation.


L’incident démontre plusieurs choses. D’une part que les conditions d’accès aux locaux présentant un risque de contamination radioactive ne sont pas assez surveillées - sinon le travailleur n’aurait pas pu pénétrer dans en zone contrôlée sans protection et sans être enregistré sur le registre d’accès. La zone contrôlée n’est donc pas si bien contrôlée que ça. Pas autant qu’elle le devrait en tout cas. Mais les faits survenus sur le site de Cadarache démontrent aussi que les personnes chargées de prévenir et de veiller à ce que les risques de l’installation soient limités au maximum ne sont pas correctement formées, à la radioprotection tout du moins. Le risque majeur pour les intervenant.es des installations nucléaires.

Accès trop facile à une zone à risque car contaminée par de la radioactivité et problème de connaissances des risques existants dans l’installation, l’incident déclaré le 20 octobre par le CEA en dit long sur les problèmes de fond dans l’installation. D’autant qu’il s’agit d’un membre du service chargé de la prévention des risques, le service censé justement donner les consignes et vérifier que tou.tes les travailleur.ses connaissent les risques inhérents à leur activités et puissent s’en protéger - autant que c’est possible.
"Défaut de culture de sûreté" dira l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Pour qu’un membre du service de prévention des risques d’une installation nucléaire ne connaisse pas le B-A-BA de la radioprotection, il y a en effet un manque de connaissances quelque part. Les modalités de contrôle des accès aux zones à risque radiologique seront aussi examinées nous dit l’ASN. Il serait temps en effet que les zones contrôlées du CEA le soient effectivement. Tout comme il serait temps que les personnes chargées de la prévention des risques sur un des plus grands sites nucléaire d’Europe sachent les identifier et faire ce qu’il faut pour les limiter. La vraie question est : le CEA y met-il les moyens adéquats ?

Ce que dit l’ASN :

Non-respect des conditions d’accès dans une zone contrôlée du Laboratoire de purification chimique (LPC – INB 54)

Publié le 08/11/2022

Laboratoire de purification chimique (LPC) Transformation de substances radioactives - CEA

Le 20 octobre 2022, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a été informée par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) d’un non-respect, par un de ses salariés, des conditions techniques d’accès et de séjour dans la cellule 9 de l’INB 54 (LPC), qui est une zone contrôlée orange [1].

Le Laboratoire de purification chimique (LPC) est une installation en cours de démantèlement, qui assurait des opérations de contrôle et de traitement d’effluents, au profit de l’Atelier de technologie du plutonium (ATPu). Sa cellule 9, actuellement utilisée pour entreposer des substances radioactives, est classée en zone contrôlée orange, du fait du débit de dose significatif auquel peuvent être exposées les personnes qui y accèdent. Les conditions d’accès dans ce type de zone sont, outre une autorisation de l’employeur, d’une part le port de protections respiratoires, d’autre part l’inscription sur un registre nominatif, selon les procédures prévues par le CEA.

Le 18 octobre 2022, un salarié du CEA, membre du Service de prévention des risques (SPR), devait effectuer des vérifications de bon fonctionnement du système de surveillance atmosphérique. Il a pénétré dans la cellule 9 de l’installation et réalisé les vérifications prévues, sans équipement de protection respiratoire et sans avoir renseigné le registre nominatif. À la sortie de la cellule, lors des contrôles radiologiques prévus, une contamination a été détectée sur ses chaussures et ses mains.

La contamination au niveau des mains de l’opérateur a pu être supprimée après lavage des mains. Les examens réalisés permettent par ailleurs d’écarter l’éventualité d’une contamination interne du salarié par inhalation. Des analyses complémentaires sont en cours afin de préciser le niveau de dose engagée. Les conséquences de cet événement pour le salarié restent limitées, les doses reçues étant a priori très inférieures aux valeurs maximales fixées par la réglementation. Par ailleurs, aucune contamination n’a été détectée dans les locaux en dehors de la cellule 9.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur l’installation ni sur l’environnement. L’analyse du déroulé de l’événement a révélé un défaut de culture de sûreté d’un agent du SPR, lié au non-respect des conditions d’accès en zone contrôlée. L’ASN classe ainsi cet événement au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

L’ASN examinera, lors de la réception du compte-rendu d’événement significatif, l’analyse réalisée et les actions correctives proposées, et contrôlera sur le terrain, lors de la prochaine inspection, la mise en œuvre effective de ces actions afin d’éviter le renouvellement d’un tel événement. Les modalités de contrôle des accès en zone au CEA seront notamment examinées.

https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/non-respect-des-conditions-d-acces-dans-une-zone-controlee-du-laboratoire-de-purification-chimique


[1Les zones réglementées au titre de la radioprotection, conformément à l’article R. 4451-23 du code du travail, sont classées en cinq niveaux selon le débit de dose qu’elles présentent : bleue, verte, jaune, orange, et rouge, par ordre de risque croissant. Une zone orange est une zone dans laquelle un travailleur est susceptible de recevoir une dose efficace intégrée sur une heure comprise entre 2 et 100 millisieverts


La surveillance des installations nucléaires au quotidien ? C’est grâce à vos dons que nous pouvons la mener !
Pour surveiller au jour le jour les incidents dans les installations nucléaires, les décrypter et dénoncer les risques permanents qui sont trop souvent minimisés - voire cachés par les exploitants, nous mobilisons tout au long de l’année des moyens humains et techniques.
Pour continuer ce travail de lanceur d’alerte et donner, au plus proche de leur survenue, des informations sur les inquiétants dysfonctionnements d’un parc nucléaire vieillissant, nous avons besoin de votre soutien financier !

Faire un don



Installation(s) concernée(s)

CEA Cadarache

Nombre d'événements enregistrés dans notre base de données sur cette installation
39