20 janvier 2023
Il aura fallu près d’un mois à EDF pour annoncer au public que les eaux souterraines sous la centrale du Bugey (Auvergne Rhône Alpes) sont contaminées par du tritium [1]. Des mesures faites à plusieurs reprises courant décembre 2022 ont signalé des teneurs en tritium (535Bq/L et 618 Bq/L) très largement supérieures au seuil d’alerte (fixé à 100 Bq/L). Des valeurs qui ont été encore plus élevées début février 2023.
EDF a renforcé sa surveillance des eaux : rien n’a été détecté aux alentours et le niveau de contamination baisse régulièrement par effet de dilution annonce l’industriel. Pourtant, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) nous apprend que début février 2023, une radioactivité encore plus élevée a été mesurée dans les eaux souterraines : 814 Bq/L.
L’origine de cette pollution ? " L’écoulement d’une fosse dans une rétention lié à un aléa d’exploitation". Autant dire qu’EDF ne donne aucun détail, aucune explication. On ne sait ni à quand remonte l’incident, ni ce qu’il s’est passé, quelles substances en quelles quantités ont été déversées, ni pourquoi il n’a pas été détecté.
EDF annonce poursuivre ses investigations sur l’origine de la pollution radioactive et sa surveillance des eaux souterraines jusqu’à mi février. L’industriel a déclaré les faits significatifs pour l’environnement aux autorités le 14 janvier 2023.
Dans son avis d’incident publié le 10 février 2023, l’ASN précise que l’origine de la pollution radioactive a été identifiée. Ce serait le " débordement, le 10 novembre 2022, de l’un des puisards recueillant les eaux pluviales et des effluents collectés en rétention, une partie des effluents ayant alors atteint le réseau de tuyauteries en béton". Des tuyauteries qui ne sont pas étanches et n’ont pas confiné les effluents radioactifs, qui se sont donc infiltrés dans les sols jusqu’à atteindre la nappe d’eau souterraines, où du tritium a été détecté mi décembre par EDF.
La date de l’incident et sa détection plus d’un mois après pointe clairement que la surveillance de l’environnement exercée par EDF n’est pas adaptée. Ni assez fréquente ni assez poussée pour éviter les atteintes de l’environnement et en limiter les conséquences si elles se produisent.
Par ailleurs, le manque de surveillance de l’état des installations semble aussi clairement être en cause. Que personne n’ait remarqué, ou pensé à aller vérifier, ce débordement pose très sérieusement question. Qu’il y ait des effluents radioactifs dans une rétention susceptible de recueillir de l’eau de pluie aussi. Que la rétention soit remplie à raz bord sans que rien ne soit fait pour éviter son débordement également.
Enfin, le plus grave peut-être, EDF est incapable d’estimer la quantité de radioactivité qu’il a déversé dans la nature. Sols et eaux sont contaminés en raison de la mauvaise gestion de l’installation nucléaire, mais le responsable ne peut ni dire qu’est-ce qui a été rejeté (excepté le tritium détecté dans l’eau), ni en quelle concentration. Une preuve de plus, si besoin était, que pour EDF la protection de l’environnement n’est pas la priorité.
L.B.
Informations réglementaires
Publié le 19/01/2023
Evénement environnement
Le CNPE du Bugey dispose d’un réseau de plus de 70 puits de contrôle appelés piézomètres, qui surveillent les eaux souterraines situées sous la centrale.
Le 15 décembre 2022, le laboratoire environnement de la centrale identifie une augmentation de l’activité en tritium au niveau de l’un des puits de contrôles.
Les valeurs identifiées au cours des contrôles réalisés les 7 et 12 décembre 2022 sont respectivement de 535Bq/L et de de 618 Bq/L, une valeur supérieure au seuil de 100 Bq/L, pour lequel des investigations doivent être lancées afin d’en déterminer l’origine.
La fréquence de surveillance des prélèvements dans ce piézomètre a été augmentée, et a permis d’afficher une baisse quotidienne et régulière des valeurs pour atteindre 73 Bq/L le 6 janvier 2023. Cette surveillance renforcée restera en vigueur jusqu’en février 2023.
Des analyses complémentaires réalisées sur les prélèvements permettent d’affirmer qu’aucun autre radioélément artificiel n’est présent.
Aucune atteinte du seuil de 100Bq/L de l’activité en tritium n’est observée dans les autres piézomètres, et notamment ceux situés en bordure du site.
Les eaux souterraines présentes aux environs du piézomètre ne font l’objet d’aucun usage direct, ni pour la production d’eau potable, ni pour les besoins agricoles ou d’élevage.
Les premières investigations lancées pour déterminer l’origine de cette élévation ponctuelle indiquent que l’écoulement d’une fosse dans une rétention lié à un aléa d’exploitation en serait à l’origine. Ces investigations se poursuivent.
Cet événement n’a pas eu d’impact sur l’environnement, ni d’impact sanitaire sur les populations, la présence de tritium dans les eaux souterraines étant restée localisée à l’intérieur du site.
Cet événement a toutefois été déclaré le 14 janvier 2023 comme un événement significatif pour l’environnement de niveau 0 sur l’échelle INES, après échange avec l’Autorité de sûreté nucléaire.
Détection d’une augmentation de l’activité en tritium dans les eaux souterraines du site
Publié le 10/02/2023
Centrale nucléaire du Bugey Réacteurs de 900 MWe - EDF
Le 12 janvier 2023, EDF a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif pour l’environnement relatif à la détection de tritium dans certains prélèvements des eaux souterraines de la centrale nucléaire du Bugey.
Préalablement à leur rejet, les effluents radioactifs liquides sont transférés, selon leur nature et leur activité radiologique, vers des réservoirs d’entreposage. Afin d’assurer le confinement des effluents liquides, ces réservoirs sont installés sur des rétentions, dont certaines sont reliées entre elles par un réseau de tuyauteries en béton.
Le 15 décembre 2022, EDF a détecté une augmentation de l’activité en tritium mesurée dans le prélèvement de surveillance au niveau d’un premier piézomètre, puis à partir de mi-janvier dans un second piézomètre situé à proximité. L’ASN a régulièrement été informée des résultats des mesures. La valeur maximale atteinte, mesurée le 1er février 2023, est de 814 Bq/L de tritium au niveau du second piézomètre. Les résultats concernant les autres piézomètres de la zone montrent que cet évènement a des conséquences limitées. Aucune contamination de la nappe phréatique n’a été mise en évidence à l’extérieur du site.
EDF a renforcé le suivi des eaux souterraines et a mené des investigations afin d’identifier l’origine de l’événement. Celui-ci serait dû au débordement, le 10 novembre 2022, de l’un des puisards recueillant les eaux pluviales et des effluents collectés en rétention, une partie des effluents ayant alors atteint le réseau de tuyauteries en béton.
L’exploitant a soumis à l’ASN un plan d’action incluant notamment une vérification de l’état du réseau souterrain reliant certaines des rétentions concernées. L’ASN suit attentivement les actions mises en œuvre par l’exploitant.
En raison de l’émission d’effluents radioactifs dans des conditions ne permettant pas une comptabilisation de l’activité rejetée, cet incident a été classé au niveau 0 de l’échelle INES.
[1] Le tritium est un isotope radioactif de l’hydrogène, le plus fin des éléments. Le tritium a ainsi la capacité de diffuser aisément à travers la matière. Il se lie facilement à l’eau, composée d’hydrogène et d’oxygène (H2O).