23 mai 2023
On en sait très peu sur ce qu’il s’est passé à la centrale du Blayais (Nouvelle Aquitaine) fin mars 2023. Le communiqué d’EDF, publié 2 mois plus tard, s’en tient au minimum. Une citerne remplie avec de l’eau contenant de l’ammoniac, des dizaines de litres qui débordent et à la clé, un incident significatif pour l’environnement qui en dit long sur la manière dont sont gérées les opérations sur le site nucléaire.
On n’en saura pas plus. Les intervenants ont utilisé de l’eau contenant des produits chimiques (des amines, des composés azotés dérivés de l’ammoniac). Normalement destinée au circuit secondaire [1] , elle ne devait pas être utilisée pour cette intervention. Mais les robinets étaient accessibles et, sans autres consignes, ils s’en sont servis pour remplir leur citerne.
La citerne a débordée, ce qui signifie que le remplissage n’était pas surveillé. Entre 40 et 50 litres se sont déversés sur la chaussée du site nucléaire. Une chaussée qui, comme toutes les routes du site, est équipée de caniveaux pour évacuer les eaux de pluies. Ces dizaines de litres d’eau chimiquement marquée ont donc rejoint le réseau d’eaux pluviales, qui est directement relié à la nature. Un détail que l’industriel omet de préciser, son communiqué d’information s’arrête au déversement.
Normalement, les réseaux de collecte des eaux pluviales peuvent être isolés de l’environnement, justement en cas de pollution liquide s’y répandant. L’idée est de la retenir dans ce réseau, de l’y confiner pour la récupérer et éviter qu’elle ne se déverse dans la nature. Mais encore faut-il détecter la pollution à temps. D’où l’intérêt de surveiller les transferts de liquides et plus globalement, toutes les activités qui présentent un risque potentiel d’atteinte de l’environnement.
Quelle était la teneur en amines de l’eau utilisée ? Cette eau contenait-elle d’autres substances ? Où sont allées ces dizaines de litres ? Pourquoi les intervenants n’ont pas surveillé les opérations ? Pourquoi ont-ils utilisé les mauvais robinets ? En d’autres termes, comment se fait-il que EDF ne leur ait pas donné les moyens de préparer et de réaliser correctement leur activité ?
Toute intervention doit être au préalable étudiée pour en identifier les risques (pour les intervenants, pour l’installation, pour l’environnement) et mettre en place des parades. Clairement, si une analyse de risques elle a été faite pour cette activité, elle a été incomplète. Préparation de l’activité bâclée, intervention mal faite et réalisée sans surveillance... Les faits ont été déclarés par l’exploitant comme étant significatifs pour l’environnement, mais ils en disent aussi beaucoup sur la manière dont EDF gère les activités sur son site nucléaire.
L’industriel précise que les robinets d’accès à l’eau a été condamné. Mieux vaut tard que jamais pour sécuriser les circuits. Utiliser le mauvais robinet sur une centrale nucléaire peut être très risqué et ne devrait même pas pouvoir arriver. Trop tard en revanche pour les produits chimiques déversés dans la nature. Même en petite quantité, même diluée, toute substance chimique déversée dans la nature est de trop.
À l’heure où le monde entier appelle à plus de sobriété et à prendre soin des ressources naturelles déjà bien trop malmenées par les activités humaines, EDF démontre son irresponsabilité et le bien peu d’attention qu’il accorde, dans les faits, à la préservation de l’environnement.
L.B.
Événements significatifs - avril 2023
Publié le 23/05/2023
ENVIRONNEMENT
Un événement significatif environnement, sans conséquence réelle sur l’environnement, a été déclaré par la direction de la centrale du Blayais à l’Autorité de sûreté nucléaire entre le 1er et le 30 avril 2023.
• Déclaration du 6 avril 2023
Le 29 mars 2023, au cours du remplissage d’une citerne en eau, l’atteinte du trop plein a entraîné le déversement d’un volume de 40 à 50 litres d’eau de conditionnement du circuit secondaire de l’unité de production n°4 sur la voirie. Après analyse, cette e au n’aurait pas dû être utilisée par les intervenants pour leur activité (conditionnée en amines). Les robinets d’accès à ce circuit ont été condamnés.
[1] Le circuit secondaire est un circuit fermé dans lequel la vapeur produite dans le générateur de vapeur est conduite à la turbine, qui transforme son énergie en énergie mécanique. Il comprend : la partie secondaire des générateurs de vapeur, la turbine, le condenseur, les systèmes d’extraction et de réchauffage de l’eau condensée jusqu’au retour au générateur de vapeur, ainsi que les tuyauteries associées. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-secondaire