25 mai 2022
Les visites en profondeur effectuées tous les 10 ans dans ses centrales nucléaires sont l’occasion pour EDF d’apporter des modifications aux équipements censées améliorer leur fonctionnement. Ces arrêts appelés visites décennales représentent de gros investissements pour l’industriel, tant en termes de temps qu’au plan humain et financière. Mais le résultat attendu n’est pas toujours au rendez-vous car pour que ces modifications soient effectivement porteuses d’améliorations, encore faut-il que les interventions, les réglages et les tests soient faits correctement.
Il aura fallu près de 2 années à EDF pour résoudre un problème généré lors de la visite décennale du réacteur 1 de la centrale de Belleville-sur-Loire (Centre - Val de Loire). Depuis 2020, année de l’arrêt du réacteur, des dysfonctionnements surviennent sur le système de ventilation qui assurent la circulation et la filtration de l’air entre les 2 enceintes de béton qui entourent le réacteur nucléaire. Cet espace permet, grâce à un système de dépression, de retenir à l’intérieur du bâtiment les radionucléides qui seraient émises en cas d’accident nucléaire et ainsi de limiter la contamination de l’environnement. En 2021, plusieurs fois EDF a constaté un mauvais fonctionnement de ce système de mise en dépression. Un des composants sera remplacé, et pour l’industriel les tests réalisés prouvaient que le problème était réglé.
Mais il n’en était rien puisque de nouveaux dysfonctionnements sont survenus début 2022. Cette fois EDF met le doigt sur le fond du problème : lors de la modification du système effectuée en 2020, un mauvais réglage a été fait sur un des éléments. À cause de cette modification mal menée, et parce que les tests réalisés n’ont jamais permis de réaliser un diagnostique fiable et exhaustif du fonctionnement, EDF a ignoré, durant 2 ans, que le système de dépression de l’espace inter-enceinte ne fonctionnait qu’à moitié. En voulant améliorer les équipements, mais en ne mettant pas les moyens nécessaires à le faire correctement, EDF a entravé le fonctionnement de systèmes censés limiter les conséquences en cas d’accident nucléaire. Qui plus est, il a donné une ampleur temporelle à l’incident puisqu’il a mis plusieurs années à s’en rendre compte et à résoudre le problème.
Les faits, significatifs pour la sûreté [1] [2], interrogent sur le niveau de compétence industrielle d’EDF. Car ce sont ses capacités, en tant qu’exploitant nucléaire, à gérer les modifications qu’il effectue sur ses installations et à connaître l’état réel de ses équipements que l’incident met en question.
L.B.
Détection tardive de l’indisponibilité d’une voie de mise en dépression de l’espace entre-enceinte de l’unité de production n°1
Publié le 25/05/2022
Sur la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire, le système de mise en dépression de l’espace entre les deux enceintes (EDE) du bâtiment réacteur permet, en situation accidentelle, de filtrer et limiter les rejets d’aérosols radioactifs. Ce système est conçu en redondance (deux voies séparées, A et B). Lorsqu’un circuit est indisponible, un autre permet d’assurer des fonctions similaires.
Durant la visite décennale de l’unité de production n°1 en 2020, une modification matérielle a été apportée sur le dispositif de chauffage de ce système.
En 2021, des dysfonctionnements ont été constatés à deux reprises sur la voie A du système de mise en dépression de l’espace entre-enceinte, lorsque le dispositif de chauffage a été mis à l’arrêt automatiquement de manière intempestive par un thermostat.
Le remplacement d’un régulateur a permis, lors des deux constats, de supprimer l’anomalie et d’obtenir des requalifications satisfaisantes.
En avril 2022, un nouveau défaut est constaté sur la voie A du même système.
Les investigations ont mis en évidence que le réglage du thermostat associé réalisé durant la modification matérielle en 2020, conduisait, dans certaines configurations, à des déclenchements intempestifs du circuit. Le seuil de protection du thermostat, en cas de température élevée, a été à nouveau paramétré. Les essais réalisés à la suite ont confirmé la disponibilité du système.
L’analyse, a posteriori, n’a pas permis de garantir, que depuis la modification réalisée en 2020, en situation accidentelle, la voie A du système EDE, ainsi réglée, aurait été disponible. Ceci constitue un non-respect des règles générales d’exploitation.
Cet événement n’a eu aucune conséquence réelle sur la sûreté des installations ni sur l’environnement.
Toutefois, en raison de sa détection tardive, la direction de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire a déclaré le 19 mai 2022 à l’Autorité de sûreté nucléaire un événement significatif de sûreté de niveau 1 sur l’échelle INES, graduée de 0 à 7.
Non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation du réacteur 1
Publié le 21/06/2022
Centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Le 19 mai 2022, l’exploitant de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un évènement significatif pour la sûreté relatif au non-respect de la conduite à tenir prévue par les règles générales d’exploitation concernant l’indisponibilité partielle de la fonction de filtration de l’iode de l’enceinte de confinement du réacteur 1.
Les règles générales d’exploitation sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite des réacteurs associées. Elles prescrivent notamment les délais maximums de réparation et les conduites à tenir en cas d’indisponibilité des systèmes requis pour assurer la sûreté des réacteurs.
Le circuit EDE assure la mise en dépression de l’espace entre les deux parois de l’enceinte de confinement des réacteurs de Belleville et la filtration de l’air extrait avant son rejet dans l’atmosphère. Il participe au confinement des substances radioactives qui pourraient être libérées dans l’enceinte du réacteur en cas d’accident. Le circuit EDE comprend deux voies redondantes (voies A et B). Chacune de ces deux voies comporte notamment un système de filtration d’iode et des dispositifs de régulation de la température.
A l’occasion de la troisième visite décennale du réacteur 1 de la centrale de Belleville-sur-Loire en 2020, le circuit EDE a été modifié afin de renforcer son rôle dans le confinement des substances radioactives. A la suite de ces modifications, des arrêts du circuit EDE voie A ont été constatés pendant la visite décennale du réacteur en 2020, durant le cycle de fonctionnement qui a suivi et lors de l’arrêt pour rechargement en 2022. Chaque arrêt du circuit EDE a fait l’objet d’une intervention de l’exploitant et d’une requalification satisfaisante du système.
Toutefois, les investigations menées par l’exploitant en mai 2022 ont montré que ces aléas étaient liés à un défaut de réglage de la plage de température tolérée pour le fonctionnement du circuit EDE. Ces évènements multiples ainsi que les dernières investigations ont ainsi conduit l’exploitant à considérer le circuit EDE voie A comme indisponible depuis sa modification en 2020.
Les actions entreprises en 2022 par EDF ont permis de rendre disponible la voie A du circuit EDE. Les règles générales d’exploitation, qui prévoient une réparation sous 3 jours, n’ont donc, a posteriori, pas été respectées.
La voie B du circuit EDE est restée disponible pendant toute cette période. Elle aurait été suffisante pour assurer le confinement des substances radioactives en cas de sollicitation.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois, il a affecté la fonction de sûreté liée au confinement des substances radioactives. En raison de l’indisponibilité partielle de l’équipement concerné et compte tenu de sa détection tardive, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).
[1] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif
[2] La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. https://www.asn.fr/Lexique/S/Surete-nucleaire