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Des accidents nucléaires partout

France : Anomalie générique : des crayons de combustible MOX mal conçus et des pastilles non conformes

Trop de plutonium et une réaction nucléaire pas homogène, 22 réacteurs concernés




21 novembre 2019


Blayais, Chinon, Dampierre, Gravelines, Saint-Laurent et Tricastin : ces 22 réacteurs sont concernés par les mêmes problèmes. Les pastilles de MOX, ce combustible mélange d’uranium et de plutonium fabriqué par Orano, contiennent trop de plutonium. Mais qui plus est, dans les crayons où sont mises ces pastilles, la réaction nucléaire est plus forte à certains endroits qu’à d’autres : il y a un défaut dans leur conception, dont Framatome est responsable. Ce qui crée de sérieux risques de déformation des matériaux mais aussi de fusion du combustible.


Encore une fois les anomalies se cumulent, et encore une fois c’est après-coup que le public est informé de ce qui se passe au cœur des réacteurs nucléaires qui jalonnent l’hexagone. Ce cumul d’anomalies remet en cause la démonstration de l’intégrité du combustible lors de certaines situations incidentelles. La survenue en 2019 de nouvelles difficultés lors de la fabrication du combustible MOX montre que les actions correctives mises en œuvre n’ont pas été suffisantes. Par ailleurs, EDF a identifié en 2019 que la remontée de flux neutronique plus importante qu’anticipée concerne non seulement le bas de l’assemblage, comme cela a été mis en évidence en 2017, mais également le haut. Compte tenu du délai de mise en œuvre de l’ensemble des mesures compensatoires et de premières mesures qui se sont révélées inefficaces, l’évènement a été reclassé en novembre 2019 au niveau 1 de l’échelle INES pour l’ensemble des réacteurs de 900 MWe utilisant du combustible MOX.

Toutes les pastilles de combustible MOX [1] fabriquées par Orano dans son usine de Marcoule entre 2014 et 2016 contenaient trop de plutonium [2]. Et un certain nombre de ces pastilles produites entre 2013 et 2017 contenaient des "îlots plutonifères de grande taille" - autrement dit, des paquets de plutonium pur se trouvaient dans les pastilles, paquets dont le diamètre dépassait le maximum autorisé. Le risque avec ces amas de matière fissile et plus largement avec une teneur trop importante en plutonium est que le combustible entre en fusion. Multiples défauts de fabrication du MOX donc, qui ne datent pas d’hier. Ces pastilles de combustible non conformes ont pourtant été mises dans les cœurs de plusieurs réacteurs. Areva (exploitant à l’époque de l’usine Melox) a présenté plus tard, en 2017, des justifications à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui les a considérées comme acceptables.

En parallèle, fin 2016, EDF informe l’ASN d’un phénomène anormal concernant le flux de neutrons dans les crayons de combustible (des tubes où sont empilées les pastilles) : au lieu de se répartir de manière homogène dans l’ensemble du combustible, le flux de neutrons augmente à certains endroits, et plus précisément en bas du crayon. Ce qui crée un surcroit de puissance localisé. La réaction nucléaire est donc plus forte à cet endroit, dans le bas des crayons de combustible. Pourquoi ? Parce que le crayon en lui-même a été mal conçu par Framatome : une petite cale, située tout en bas, qui est en contact avec la 1ère pastille de combustible de la pile, est faite dans une matière qui n’absorbe pas les neutrons mais au contraire les réfléchit. Il y a donc plus de neutrons là qu’ailleurs. En conséquence, la réaction nucléaire est plus forte localement. La gaîne du crayon, le métal constituant son enveloppe, reçoit donc à cet endroit des sollicitations plus importantes. Le risque est alors que, sous l’effet des irradiations, de la chaleur et du vieillissement accéléré ainsi provoqué, la gaîne se déforme et casse, créant ainsi de multiples risques pouvant aller jusqu’à la fusion nucléaire. Ces crayons dont la conception induit un risque supplémentaire, ont eux aussi été installés dans les cœurs des réacteurs du palier CPY (c’est à dire 22 réacteurs nucléaire de 900 MWe situés au Blayais, à Chinon, Dampierre, Saint-Laurent-des-Eaux et Tricastin). Or plus ils sont irradiés, plus les risques de déformation des gaines sont accrus. Une fois le combustible usé (et donc très irradié), ils devront refroidir des années en piscine. Le risque d’éclatement dû à leur fragilisation n’est donc pas uniquement à prendre en compte lors de leur utilisation en cuve, mais aussi après lorsqu’il faudra les décharger, les entreposer et enfin les traiter pour les transformer en déchets.

Fabrication de pastilles de combustible pas conformes mais utilisées quand même, conception des crayons défectueuse mais utilisés quand même... Devant ce cumul et après avoir informé l’ASN, EDF n’a pas pu éviter de déclarer un évènement significatif pour la sûreté, fin mars 2017. Mais très limité. D’abord dans son périmètre : seul certains réacteurs du palier CPY sont considérés comme concernés, 5 au total sur les 22 (Chinon 1 et 4, Gravelines 6, Saint-Laurent 1, Tricastin 3), en raison du nombre de pastilles ayant des gros amas de plutonium. Ensuite question gravité : l’évènement a été déclaré au niveau zéro, ses conséquences sur la sûreté étant considérées comme inexistantes par EDF.

Pourtant, un avis de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), publié en avril 2018, mentionne clairement des engagements insuffisants d’EDF et le besoin d’études complémentaires, celles menées par l’exploitant n’étant pas exhaustives ni suffisamment approfondies. Et en attendant les résultats, il était selon l’Institut, urgent qu’EDF mette en place des mesures compensatoires pour limiter les risques induits par ces crayons créant des flux neutroniques non homogènes et qui plus est remplis de pastilles trop chargées en plutonium, comme limiter les pics de puissance par exemple. Ces mesures touchent à la conduite même des réacteurs nucléaires et devaient être déployées au plus tôt pour réduire les risques de fusion du combustible MOX et d’endommagement de la cale en bas de crayon en cas d’incident et d’accident. Mais il faudra aussi évidemment revoir la conception des crayons, sérieusement et sans perdre de temps. [3].

À lecture de cet avis, devant le sérieux de cette anomalie de conception et de fabrication de combustible MOX en cours d’utilisation dans les réacteurs EDF, et eu égard aux conséquences qu’induiront ces défauts sur l’entreposage du MOX usé (combustible qu’EDF prévoit de centraliser dans une grande piscine pour 100 ans, piscine elle-même conçue sur la base d’une hypothèse de crayons conformes et non défectueux, sans déformations), notre association avait interpellé l’ASN (retrouvez notre courrier en bas de page). Quand l’ASN a-t-elle été informée de ces divers problèmes ? Pourquoi l’évènement significatif déclaré ne concerne-t-il que 5 réacteurs ? Quelle est la probabilité du risque de fusion ? À partir de quand un risque est-il considéré comme "résiduel" ? Quelles échéances fixées pour les engagements pris par EDF ? Quelles mesures compensatoires seront mises en place, où et quand ? Quelle surveillance de la nouvelle conception des crayons ? Toutes nos questions n’ont pas obtenu de réponse (voir plus bas). Mais il semble toutefois que l’affaire concernant ces anomalies de MOX ait évolué.

Ce 21 novembre 2019, plusieurs années après le début de cette affaire, EDF revient enfin sur sa déclaration initiale de mars 2017. L’évènement significatif pour la sûreté est étendu à tous les réacteurs du palier CPY (non plus 5 réacteurs mais 22) et reclassé au niveau 1 de l’échelle INES [4]. Les études complémentaires demandées à EDF qui vient juste de les terminer montrent que le flux des neutrons dans le MOX est encore moins homogène que ce que l’on croyait : des concentrations ne se font pas seulement en bas mais aussi en haut des crayons. Pour ce qui est de leur conception, à l’origine des problèmes de répartition du flux de neutrons, ce n’est qu’à compter de 2021 que de nouveaux modèles vont être installés dans les réacteurs. Mais cette nouvelle conception ne prend en compte que la concentration dans le bas du crayon. Il va de nouveau falloir re-concevoir ces tubes à pastilles, en prenant en compte cette fois l’augmentation du flux en haut. Et même si l’IRSN avait demandé "au plus tôt", ces modifications sont encore à l’étude et ne seront définies que début 2020. Pendant ce temps, 22 réacteurs continuent à fonctionner avec des pastilles de MOX surdosées en plutonium et des crayons mal conçus générant des flux de neutrons non homogènes et donc encore plus risqués.

Comme quoi les enjeux et conséquences au plan de la sûreté tout comme l’étendue du problème n’étaient pas si limités qu’EDF l’aurait voulu. La preuve en est dans la contradiction de son communiqué : l’exploitant dit d’une part qu’il n’y a pas d’enjeux de sûreté, mais d’autre part que des mesures compensatoires sont mises en œuvre... Et comme quoi concepteur, fabriquant et exploitants nucléaires ne sont pas toujours capables de réagir dans des temporalités adaptées à la gravité des risques pour les personnes et l’environnement générés par leur activité puisque des problèmes liés au combustible nucléaire qui ont commencé en 2013 et 2016 ne sont toujours pas réglés en 2019, et ne le seront pas avant plusieurs années.

Ce que dit l’ASN :

Reclassement au niveau 1 de l’échelle INES d’un événement significatif affectant le combustible MOX de certains réacteurs nucléaires de 900 MWe

Publié le 24/12/2019

Centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux - Réacteurs de 900 MWe - EDF

Centrale nucléaire du Tricastin - Réacteurs de 900 MWe - EDF

Centrale nucléaire de Gravelines - Réacteurs de 900 MWe - EDF

Centrale nucléaire de Chinon B - Réacteurs de 900 MWe - EDF

Centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly - Réacteurs de 900 MWe - EDF

Centrale nucléaire du Blayais - Réacteurs de 900 MWe - EDF

EDF a reclassé au niveau 1 de l’échelle INES un événement significatif pour la sûreté nucléaire portant sur le cumul de deux anomalies affectant le combustible à base d’oxyde mixte d’uranium et de plutonium (MOX) de certains réacteurs nucléaires de 900 MWe :

- la présence potentielle, dans les pastilles de combustible MOX, de particules plutonifères de tailles supérieures aux spécifications usuelles ;

- un phénomène de remontée de flux neutronique aux extrémités basse et haute des assemblages de combustible MOX plus important qu’anticipé.

Le cumul de ces deux anomalies remet en cause la démonstration de l’intégrité du combustible lors de certaines situations incidentelles peu fréquentes. Cet évènement significatif concerne l’ensemble des 22 réacteurs de 900 MWe utilisant du combustible MOX [5].

Cet événement significatif, qui avait initialement été classé au niveau 0 de l’échelle INES en 2017, a conduit EDF à mettre en œuvre des mesures compensatoires d’exploitation sur les réacteurs concernés ainsi que des modifications dans la chaine de fabrication du combustible MOX.

La survenue en 2019 de nouvelles difficultés lors de la fabrication du combustible MOX montre que les actions correctives mises en œuvre ne permettent toujours pas d’exclure la présence occasionnelle de particules plutonifères de tailles supérieures aux spécifications usuelles. Des actions correctives complémentaires ont donc été mises en œuvre dans le but de réduire leur occurrence.

Par ailleurs, EDF a identifié en 2019 que la remontée de flux neutronique plus importante qu’anticipée concerne non seulement le bas de l’assemblage, comme cela a été mis en évidence en 2017, mais également le haut. EDF a donc défini des mesures compensatoires d’exploitation complémentaires.

Compte tenu du délai de mise en œuvre de l’ensemble des mesures compensatoires et de premières mesures qui se sont révélées inefficaces, l’évènement a été reclassé en novembre 2019 au niveau 1 de l’échelle INES pour l’ensemble des réacteurs de 900 MWe utilisant du combustible MOX.

https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Reclassement-au-niveau-1-de-l-echelle-INES-d-un-evenement-significatif-affectant-le-combustible-MOX


Ce que dit EDF :

Déclaration d’un événement significatif générique de niveau 1 sur l’échelle INES pour les réacteurs du palier CPY

Publié le 21/11/2019

En 2017, EDF a mis en évidence un phénomène d’augmentation excessive du flux de neutrons à l’extrémité basse de crayons combustibles MOX [6], dans certaines situations de fonctionnement pour les réacteurs concernés du palier CPY [7]. Ce phénomène est dû aux propriétés physico-chimiques d’une cale sous la 1ère pastille de combustible provoquant une remontée de puissance et de flux thermique dans le bas des crayons.

Par ailleurs, et sans lien avec ce phénomène, un événement anormal de fabrication de certaines pastilles MOX fabriquées depuis mi 2015 et présentes dans les crayons combustibles a été mis en évidence. Il se traduit par la présence d’amas plutonifères de tailles supérieures aux spécifications usuelles sur une pastille MOX.

Un événement significatif sûreté de niveau 0 sur l’échelle INES qui en compte 7 a été déclaré le 31/03/2017, au titre du cumul de l’anomalie d’étude liée à la remontée de flux en partie basse des crayons MOX et de l’événement anormal de fabrication relatif aux amas plutonifères.

Les analyses complémentaires menées par EDF et finalisées en 2019 ont conduit à étendre le périmètre de l’analyse du phénomène d’augmentation excessive du flux de neutrons à l’extrémité haute des crayons combustibles MOX.

À l’issue de son analyse concernant le cumul du phénomène de remontée de flux aux extrémités de crayons et de l’évènement de fabrication des pastilles MOX, EDF conclut à l’absence d’enjeu de sûreté.

Dans l’attente de la mise en œuvre des modifications du combustible MOX permettant de traiter l’événement, EDF a décidé de mettre en œuvre les mesures compensatoires suivantes :

 adaptation du système de protection vis-à-vis de l’augmentation de puissance en situations incidentelles et accidentelles,

 positionnement des grappes quelques centimètres plus bas qu’aujourd’hui, ce qui permet de réduire l’amplitude de la remontée de flux en haut de colonne fissile.

Pour l’événement anormal de fabrication des pastilles MOX, des mesures correctives ont d’ores et déjà été déployées sur la chaîne de fabrication.

Pour la remontée de flux en extrémité basse, l’introduction d’une nouvelle cale à bouchon directement en contact avec la 1ère pastille de combustible MOX permettra de supprimer le phénomène de remontée de flux en bas de colonne fissile. Cette modification sera mise en œuvre pour les combustibles MOX chargés en 2021. Pour la remontée de flux en extrémité haute, les modifications des combustibles MOX seront définies début 2020.

En raison du cumul du phénomène de remontée de flux en extrémité haute et basse de la colonne fissile des crayons MOX et de l’événement anormal de fabrication des pastilles MOX, EDF a révisé le 08/11/2019 la déclaration de cet événement à l’Autorité de sûreté nucléaire, et l’a classé comme un évènement significatif sûreté générique de niveau 1 sur l’échelle INES pour tous les réacteurs du palier CPY.

https://www.edf.fr/groupe-edf/nos-energies/carte-de-nos-implantations-industrielles-en-france/centrale-nucleaire-de-dampierre/actualites/declaration-d-un-evenement-significatif-generique-de-niveau-1-sur-l-echelle-ines-pour-les-reacteurs-du-palier-cpy


Ce que l’ASN a répondu à notre demande d’information concernant les suites données à l’avis IRSN 2018-00120 :

Le 25 octobre 2018

Objet : Anomalies de fabrication du combustible MOX et phénomène de remontée de flux neutronique en bas de colonne fissile

Références :

[1] Courrier d’EDF référencé D455017008685 du 31 mars 2017 [2] Courrier de l’ASN référencé CODEP-DCN-2017-035132 du 31 août 2017 [3] Avis de l’IRSN référencé 2018-00120 du 27 avril 2018 [4] Courrier de l’ASN référencé CODEP-DCN-2018-025483 du 12 juillet 2018 [5] Courrier d’EDF référencé D455018007465 du 5 octobre 2018

Par courrier du 6 août 2018, vous interrogez l’ASN sur les suites données à l’avis de l’IRSN en référence [3] concernant les anomalies de fabrication du combustible MOX et le phénomène de remontée de flux neutronique en bas de colonne fissile.

L’ASN a pris connaissance de la problématique du phénomène de remontée de flux neutronique en bas de colonne fissile en novembre 2016, lorsqu’EDF lui a indiqué envisager une modification du combustible MOX portant sur l’introduction d’un opercule en hafnium en bas de la colonne fissile des crayons de combustible. Cet opercule constitué d’un matériau absorbant les neutrons a pour objectif de limiter la remontée de flux neutronique. Cette modification envisagée par EDF fait suite au retour d’expérience de la conception du combustible du réacteur EPR et aux progrès des outils de calcul, qui ont montré une insuffisance de la modélisation de cette zone sur le combustible MOX des réacteurs de 900 MWe.

En parallèle, EDF a informé l’ASN d’évènements de fabrication intervenus dans l’usine Melox située à Marcoule. L’ASN a alors décidé de mener une inspection de cette usine pour contrôler la mise en oeuvre des actions correctives mises en place à la suite des évènements de fabrication survenus en 2013, 2016 et 2017 relatifs à la présence d’îlots plutonifères dans les pastilles de MOX et relatifs à l’évolution de la teneur en plutonium au sein des différents lots de pastilles.

Cette inspection, réalisée les 28 et 29 mars 2017, a fait l’objet de la lettre de suite en référence [2], qui est disponible sur le site Internet de l’ASN. À cette occasion les inspecteurs ont examiné le caractère suffisant des actions correctives introduites dans le procédé de fabrication pour livrer des produits conformes ainsi que les justifications de sûreté produites par Areva pour justifier lacceptabilité de l’utilisation des produits fabriqués.

Dans le cadre des échanges techniques liés à ces évènements de fabrication, EDF à vérifié l’innocuité de leur cumul avec la problématique de remontée de flux en bas de colonne fissile calculée sur la base d’outils de calcul récents et a déclaré, par lettre en référence [1], un évènement significatif pour la sûreté, classé au niveau 0 de l’échelle INES. Dans cette déclaration, EDF conclut que les problématiques liées à la fabrication de combustible MOX cumulées à l’insuffisance de modélisation de la remontée de flux en bas de colonne fissile ne présentent pas de nocivité. Elle identifie que les assemblages potentiellement les plus sensibles sont les assemblages MOX de premier cycle et que l’enjeu porte sur la valeur de la température maximale atteinte dans certaines situations incidentelles. Selon EDF les valeurs atteintes ne remettent pas en cause le respect des critères de sûreté.

Au cours de l’année 2017, EDF a produit des justifications complémentaires visant à conforter la démonstration d’absence de nocivité du cumul des deux évènements. L’ASN à saisi lIRSN sur l’analyse du dossier produit par EDF, qui a répondu par son avis en référence [3].

Pour ce qui concerne la remontée de flux en bas de colonne fissile, l’IRSN indique que la démonstration d’EDF doit faire l’objet de compléments. L’ASN note qu’une part importante des questionnements sur le conservatisme de la démonstration de sûreté porte sur la validité d’une hypothèse d’étude relative au désalignement des crayons de combustible au sein des assemblages. Les désalignements potentiellement nocifs sont supérieurs aux critères d’acceptation des assemblages neufs. L’ASN a considéré qu’il devait également être vérifié que ces désalignements restaient conformes après un premier cycle de fonctionnement en réacteur. A cette fin, EDF a réalisé une campagne de mesure, dont les résultats ont été transmis par le courtier en référence [5], qui a permis de vérifier absence de désalignement non conforme sur des assemblages MOX de premier cycle. EDF réalisera une deuxième campagne de mesure pour conforter la validité de cette hypothèse d’ici la fin de l’année 2018.

D’une manière générale, EDF a apporté la plupart des éléments qu’elle s’est engagée à transmettre, les derniers étant attendus en octobre et décembre 2018.

Dans son avis en référence [3], lIRSN conclut que le risque de fusion du combustible lié aux anomalies de fabrication de pastilles MOX est résiduel. Dans ce cas, le caractère résiduel du risque n’est pas lié à une appréciation probabiliste du risque mais à la faible nocivité des îlots de plutonium sur l’intégrité de la gaine de combustible. Il est à noter que le risque prépondérant, qui porte sur la perte d’intégrité du combustible, est porté par des situations de catégorie 2 [8] Le contrôle de cette intégrité fait l’objet d’une surveillance constante en exploitation par l’intermédiaire du suivi des spécifications chimiques de l’eau du circuit primaire principal, qui font partie des règles générales d’exploitation. Le dépassement de ces critères impose à lexploitant une conduite à tenir pour son réacteur et la déclaration à l’ASN d’un événement significatif pour la sûreté.

À la suite de l’avis de l’IRSN [3], l’ASN a demandé à EDF, par le courrier en référence [4], de compléter sa démonstration ou de modifier la conception des crayons MOX, et, en attendant, de mettre en œuvre au plus tôt des mesures compensatoires, notamment d’exploitation, visant à réduire les risques de fusion à cœur des pastilles de combustible MOX en haut et en bas de colonne fissile, et d’endommagement de la cale située en bas des crayons, en cas de transitoires accidentels.

EDF prévoit de mettre en place une modification des assemblages MOX par l’introduction d’une cale en hafnium en bas de colonne fissile qui supprimera la remontée de flux en bas de colonne fissile. Cette modification devrait être déployée sur l’ensemble des assemblages neufs de combustible d’ici 2022.

EDF s’est engagée, en attendant, par le courrier en référence [5], à réduire le domaine de fonctionnement des réacteurs concernés afin de limiter le flux neutronique en bas des cœurs. Ces dispositions seront mises en œuvre avant fin octobre 2018 par l’utilisation d’alarmes en salle de commande, puis dans un second temps par une modification du contrôle-commande des réacteurs.

L’ASN note que, dans le même temps, EDF cherche à améliorer ses modélisations afin d’identifier l’existence d’éventuelles marges supplémentaires.

Consultez notre courrier de demande d’informations du 6 août 2018 :


[1Le combustible MOX est un combustible nucléaire à base d’oxyde mixte d’uranium et de plutonium. Son utilisation dans des réacteurs nucléaires de production d’électricité a débuté à l’étranger dans les années 1970. Il est utilisé en France depuis 1987. En 2017, sur les 58 réacteurs français, 22 réacteurs nucléaires d’EDF utilisent ce combustible. 24 réacteurs sont autorisés à l’utiliser. En France, le combustible MOX utilise exclusivement du plutonium civil, extrait du combustible irradié. https://www.asn.fr/Lexique/M/MOX

[2Plutonium : Symbole Pu ; élément de numéro atomique 94 dont aucun isotope n’existe dans la nature. Le plutonium 239 (239Pu), isotope fissile, est produit dans les réacteurs nucléaires à partir de l’uranium 238 (238U) par absorption d’un neutron. Sa manipulation exige de strictes précautions en raison de sa toxicité chimique et des dangers présentés par ses rayonnements alpha. https://www.asn.fr/Lexique/P/Plutonium

[3L’IRSN dans cet avis recommande " qu’EDF mette en place au plus tôt des mesures compensatoires visant à réduire les risques de fusion à cœur du combustible MOX en haut et bas de la colonne fissile et d’endommagement de la cale située en bas des crayons en cas de transitoires incidentels et accidentels" et en conclusion "considère qu’EDF doit poursuive sa démarche, avec le concepteur FRAMATOME et le fournisseur ORANO, afin d’aboutir au chargement, dans tous les réacteurs utilisant du MOX, de crayons à conception modifiée permettant de limiter les remontées de flux neutronique aux extrémités haute et basse des colonnes fissiles. Comme toute évolution de conception du combustible, cette démarche doit être menée de manière prudente mais, compte tenu de l’enjeu de sûreté, sans perte de temps"

[4INES : International nuclear and radiological event scale (Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) - Description et niveaux ici - https://www.asn.fr/Lexique/I/INES

[5Il s’agit des réacteurs des centrales nucléaires de Saint-Laurent-des-Eaux, Tricastin, Gravelines, Chinon B, Dampierre et les réacteurs 1 et 2 de la centrale nucléaire du Blayais.

[6Le combustible nucléaire dit MOX (pour Mélange d’OXyde de plutonium et d’OXyde d’uranium) permet de recycler une partie des matières nucléaires issues du traitement des combustibles à Uranium naturel enrichi (UNE) à l’issue de leur utilisation dans les réacteurs électronucléaires. Les crayons MOX possèdent une cale en extrémité basse du crayon.

[7Vingt-deux réacteurs de 900 MWe au Blayais (tranches 1 et 2), à Chinon, à Dampierre-en-Burly, à Gravelines, à Saint-Laurent-des-Eaux et au Tricastin

[8Situations dont la probabilité d’occurrence est comprise entre 1 et 10-2/année.réacteur, pour lesquels l’objectif principal est le maintien de l’intégrité de la première barrière de confinement (la gaine du combustible).


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