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Centrales nucléaires : des fuites et rejets en pagaille

Article publié le 16 juillet 2015



À entendre EDF, une centrale nucléaire ne rejetterait que de la vapeur d’eau. Mais la blancheur trompeuse des nuages sortant des tours de refroidissement ne doit pas faire illusion. Cette propreté apparente occulte de nombreuses fuites et rejets, accidentels ou autorisés, de produits chimiques corrosifs ou irritants et d’éléments radioactifs dans l’environnement. Un cocktail « sans danger pour l’environnement », vraiment ?



La centrale nucléaire de Chooz - image Sudinfo.be

Une victoire contre EDF pour une pollution à l’acide sulfurique

La centrale nucléaire de Chooz (Ardennes) a beau être l’une des plus récentes de France, elle n’est pas épargnée par les fuites. Fin décembre 2011, EDF a détecté une hausse importante de l’acidité au point de rejet des eaux pluviales dans la Meuse. En cause : une fuite d’acide sulfurique, due à des tuyauteries rouillées et mal entretenues et un système d’alerte défectueux. Le liquide corrosif, utilisé pour le traitement antitartre des tours de refroidissement, s’écoulait depuis plus de trois semaines dans la Meuse, à un rythme de 200 à 600 L par jour !

Le 28 août 2012, le Réseau “Sortir du nucléaire“ a porté plainte pour que cette pollution ne reste pas impunie. Pour des raisons inconnues, cette plainte a été rejetée. Refusant d’en rester là, le 18 novembre 2013, nous avons cité EDF directement devant les tribunaux. Entre-temps, un nouveau rejet d’acide sulfurique avait eu lieu ! Enfin, le 2 juillet 2014, le Tribunal de police de Charleville-Mézières a pu examiner l’affaire… et, le 30 juillet, condamner EDF à 10 000 euros d’amende et 6000 euros de dommages et intérêts. Voir le détail de l’affaire.

© Dessin : Christophe d’Amiens d’Hébécourt - France 3 Champagne-Ardenne

Des fuites chimiques et radioactives en pagaille

Si révoltante soit-elle, cette pollution n’est pourtant qu’un cas parmi tant d’autres. La certification « ISO 14001 » [1] des centrales nucléaires n’a en effet pas empêché la multiplication des fuites ces dernières années. Outre les deux fuites d’acide sulfurique, la centrale de Chooz a également pollué la Meuse par une large nappe d’hydrocarbures en avril 2013. La centrale de Cattenom (Moselle) a laissé échapper dans la Moselle 58 m3 d’acide chlorhydrique (substance corrosive et irritante, qui peut provoquer des lésions sévères aux organes internes) en juillet 2013, suivis en juillet 2014 de 10 m3 d’une autre substance irritante, la monochloramine. Des fuites de fluides frigorigènes ont concerné plusieurs centrales ces dernières années, dont celles de Penly (Seine-Maritime) et Gravelines (Nord) en octobre 2013 et janvier 2014 [2]

Et que dire des fuites de tritium, cet élément radioactif responsable de dommages à l’ADN qui se mélange facilement à l’eau ? Ces quatre dernières années, celles-ci ont concerné les centrales du Bugey (Ain), de Civaux (Vienne), Golfech (Tarn-et-Garonne), Penly et Tricastin (Drôme).

Au-delà des nuisances pour l’environnement, ces fuites constituent des symptômes. Elles ne résultent pas seulement de tuyauteries corrodées, percées ou mal entretenues, mais aussi de problèmes organisationnels ne permettant pas toujours de se rendre compte à temps des pollutions : mesures trop peu fréquentes, système d’alerte défaillant, absences de vérification… Ainsi, à Cattenom, de l’acide chlorhydrique s’était déversé dans le sol car il manquait le tronçon final d’une tuyauterie qui, ne figurant pas sur le plan de l’installation, n’était jamais vérifiée [3] !

Des rejets « inférieurs aux quantités autorisées » et « sans impact sur l’environnement » ?

La centrale nucléaire de Cattenom - image Wikipedia

Les installations sont légalement tenues de déclarer ces événements, même si cela leur en coûte - lors d’une audience récente, un avocat d’EDF a même menacé à demi-mot de ne plus jouer le jeu de la transparence si les plaintes en justice continuaient à se multiplier [4] ! Les fuites, leurs conséquences et les infractions dont elles découlent sont systématiquement minimisées, les exploitants allant même jusqu’à comparer la nocivité du tritium… à celle du Perrier !

Et EDF de faire valoir que les quantités rejetées dans l’environnement restent inférieures à la limite maximale des rejets autorisés. Ainsi, attaqué au sujet de la fuite d’acide sulfurique à Chooz, le directeur de la centrale s’est défendu… en révélant qu’elle était déjà autorisée à en déverser tous les deux jours dans la Meuse l’équivalent d’un camion-citerne [5] ! Effectivement, les centrales sont autorisées à rejeter dans l’environnement des quantités considérables de substances chimiques de toutes sortes : acide borique, hydrazine, phosphates, détergents, nitrates et nitrites, sulfates [6]… C’est également le cas de l’usine de « retraitement » de combustible de La Hague, dans des proportions considérablement supérieures [7].

Des rejets autorisés, donc sans danger ? Les substances en question sont pourtant réputées pour leurs propriétés dangereuses et/ou leurs impacts nocifs sur les milieux aquatiques. Elles sont diluées dans des cours d’eau à fort débit, rétorque EDF. Certes, mais la dilution ne fait pas disparaître les polluants, surtout si les rejets sont réguliers… Et ceux-ci viennent s’ajouter aux pollutions émanant d’autres sources, industrielles ou agricoles, pour composer un cocktail qui ne renforce pas la santé des milieux naturels ! Rejet autorisé ou pas, une grande partie de ces substances ne seraient pas présentes dans l’environnement si les centrales n’avaient pas été construites.

Surtout, les limites autorisées ne doivent pas être confondues avec des seuils sanitaires en deçà desquels les rejets seraient inoffensifs. En effet, c’est souvent l’exploitant qui propose lui-même les quantités maximales de substances qu’il s’engage à rejeter. En fixant ces dernières à un niveau élevé, il est certain de ne jamais les dépasser !

Dans tous les cas, au-delà de leurs impacts environnementaux, et même inférieures aux niveaux autorisés, ces fuites témoignent d’une incapacité d’EDF à gérer correctement les risques. Si les précautions ne sont pas prises avec des produits chimiques, peut-on espérer que les substances radioactives soient manipulées avec plus de rigueur ? Il faut craindre que non, et c’est aussi pour cela que le Réseau “Sortir du nucléaire“ multiplie les plaintes en justice.


Notes

[1Norme internationale de management environnemental

[2NB : certaines centrales ont également connu des fuites de "gaz rares" susceptibles d’endommager la couche d’ozone et d’accroître l’effet de serre. Plus d’informations.

[3Plus de détails dans notre plainte

[7Le niveau des rejets autorisés pour l’usine Areva de La Hague est mille fois supérieur à celui d’un réacteur nucléaire. Selon le cabinet d’experts indépendant WISE Paris, les rejets de La Hague représentent l’équivalent d’un accident nucléaire par an

La centrale nucléaire de Chooz - image Sudinfo.be

Une victoire contre EDF pour une pollution à l’acide sulfurique

La centrale nucléaire de Chooz (Ardennes) a beau être l’une des plus récentes de France, elle n’est pas épargnée par les fuites. Fin décembre 2011, EDF a détecté une hausse importante de l’acidité au point de rejet des eaux pluviales dans la Meuse. En cause : une fuite d’acide sulfurique, due à des tuyauteries rouillées et mal entretenues et un système d’alerte défectueux. Le liquide corrosif, utilisé pour le traitement antitartre des tours de refroidissement, s’écoulait depuis plus de trois semaines dans la Meuse, à un rythme de 200 à 600 L par jour !

Le 28 août 2012, le Réseau “Sortir du nucléaire“ a porté plainte pour que cette pollution ne reste pas impunie. Pour des raisons inconnues, cette plainte a été rejetée. Refusant d’en rester là, le 18 novembre 2013, nous avons cité EDF directement devant les tribunaux. Entre-temps, un nouveau rejet d’acide sulfurique avait eu lieu ! Enfin, le 2 juillet 2014, le Tribunal de police de Charleville-Mézières a pu examiner l’affaire… et, le 30 juillet, condamner EDF à 10 000 euros d’amende et 6000 euros de dommages et intérêts. Voir le détail de l’affaire.

© Dessin : Christophe d’Amiens d’Hébécourt - France 3 Champagne-Ardenne

Des fuites chimiques et radioactives en pagaille

Si révoltante soit-elle, cette pollution n’est pourtant qu’un cas parmi tant d’autres. La certification « ISO 14001 » [1] des centrales nucléaires n’a en effet pas empêché la multiplication des fuites ces dernières années. Outre les deux fuites d’acide sulfurique, la centrale de Chooz a également pollué la Meuse par une large nappe d’hydrocarbures en avril 2013. La centrale de Cattenom (Moselle) a laissé échapper dans la Moselle 58 m3 d’acide chlorhydrique (substance corrosive et irritante, qui peut provoquer des lésions sévères aux organes internes) en juillet 2013, suivis en juillet 2014 de 10 m3 d’une autre substance irritante, la monochloramine. Des fuites de fluides frigorigènes ont concerné plusieurs centrales ces dernières années, dont celles de Penly (Seine-Maritime) et Gravelines (Nord) en octobre 2013 et janvier 2014 [2]

Et que dire des fuites de tritium, cet élément radioactif responsable de dommages à l’ADN qui se mélange facilement à l’eau ? Ces quatre dernières années, celles-ci ont concerné les centrales du Bugey (Ain), de Civaux (Vienne), Golfech (Tarn-et-Garonne), Penly et Tricastin (Drôme).

Au-delà des nuisances pour l’environnement, ces fuites constituent des symptômes. Elles ne résultent pas seulement de tuyauteries corrodées, percées ou mal entretenues, mais aussi de problèmes organisationnels ne permettant pas toujours de se rendre compte à temps des pollutions : mesures trop peu fréquentes, système d’alerte défaillant, absences de vérification… Ainsi, à Cattenom, de l’acide chlorhydrique s’était déversé dans le sol car il manquait le tronçon final d’une tuyauterie qui, ne figurant pas sur le plan de l’installation, n’était jamais vérifiée [3] !

Des rejets « inférieurs aux quantités autorisées » et « sans impact sur l’environnement » ?

La centrale nucléaire de Cattenom - image Wikipedia

Les installations sont légalement tenues de déclarer ces événements, même si cela leur en coûte - lors d’une audience récente, un avocat d’EDF a même menacé à demi-mot de ne plus jouer le jeu de la transparence si les plaintes en justice continuaient à se multiplier [4] ! Les fuites, leurs conséquences et les infractions dont elles découlent sont systématiquement minimisées, les exploitants allant même jusqu’à comparer la nocivité du tritium… à celle du Perrier !

Et EDF de faire valoir que les quantités rejetées dans l’environnement restent inférieures à la limite maximale des rejets autorisés. Ainsi, attaqué au sujet de la fuite d’acide sulfurique à Chooz, le directeur de la centrale s’est défendu… en révélant qu’elle était déjà autorisée à en déverser tous les deux jours dans la Meuse l’équivalent d’un camion-citerne [5] ! Effectivement, les centrales sont autorisées à rejeter dans l’environnement des quantités considérables de substances chimiques de toutes sortes : acide borique, hydrazine, phosphates, détergents, nitrates et nitrites, sulfates [6]… C’est également le cas de l’usine de « retraitement » de combustible de La Hague, dans des proportions considérablement supérieures [7].

Des rejets autorisés, donc sans danger ? Les substances en question sont pourtant réputées pour leurs propriétés dangereuses et/ou leurs impacts nocifs sur les milieux aquatiques. Elles sont diluées dans des cours d’eau à fort débit, rétorque EDF. Certes, mais la dilution ne fait pas disparaître les polluants, surtout si les rejets sont réguliers… Et ceux-ci viennent s’ajouter aux pollutions émanant d’autres sources, industrielles ou agricoles, pour composer un cocktail qui ne renforce pas la santé des milieux naturels ! Rejet autorisé ou pas, une grande partie de ces substances ne seraient pas présentes dans l’environnement si les centrales n’avaient pas été construites.

Surtout, les limites autorisées ne doivent pas être confondues avec des seuils sanitaires en deçà desquels les rejets seraient inoffensifs. En effet, c’est souvent l’exploitant qui propose lui-même les quantités maximales de substances qu’il s’engage à rejeter. En fixant ces dernières à un niveau élevé, il est certain de ne jamais les dépasser !

Dans tous les cas, au-delà de leurs impacts environnementaux, et même inférieures aux niveaux autorisés, ces fuites témoignent d’une incapacité d’EDF à gérer correctement les risques. Si les précautions ne sont pas prises avec des produits chimiques, peut-on espérer que les substances radioactives soient manipulées avec plus de rigueur ? Il faut craindre que non, et c’est aussi pour cela que le Réseau “Sortir du nucléaire“ multiplie les plaintes en justice.



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