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Sortir du nucléaire n°99

Crédit photo : Schoella - Wikimedia Commons - CC BY 3.0

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L’EPR de Flamanville bientôt en service ? Le public invité à participer malgré un dossier vérolé

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°99 -

 Nucléaire et démocratie  EPR  Flamanville
Article publié le : 1er octobre 2023


Du 5 juin au 15 septembre 2023, l’Autorité de sûreté nucléaire a proposé au public de participer au projet de mise en service de l’EPR de Flamanville (Normandie). Le dossier d’EDF et d’autres « liens utiles » ont été mis à disposition. Modalités de consultation, formes et contenus des documents, quelles bases ont été offertes au public pour qu’il se forge une opinion ?



Depuis la publication de cet article début octobre 2023 dans la Revue n°99 Sortir du nucléaire, nous avons appris la mise en place d’une nouvelle consultation du public sur le dossier de demande de mise en service de l’EPR de Flamanville. L’Autorité de sûreté nucléaire lance aujourd’hui (15 janvier 2024) et jusqu’au 15 février 2024, une nouvelle consultation de ce dossier car, lors de la première, le dossier soumis au public n’était pas complet. Certaines pièces manquaient, et pas des moindres ! L’avis de l’Autorité environnementale et de plusieurs collectivités territoriales n’y étaient pas, seuls documents du dossier qui n’émanent pas d’EDF mais d’entités extérieures. Cette cinquième consultation - qui devra être suivie d’une sixième sur l’autorisation de mettre le réacteur en service - ne change rien à notre détermination : nous sommes diamétralement opposé·es à la mise en service de l’EPR et le dossier, même complété, reste indigeste, creux et inappropriable.

Le chantier de l’EPR de Flamanville a commencé en 2007. Il devait être achevé en cinq ans pour 3,3 milliards d’euros. Près de 17 années plus tard et un coût multiplié par six [1], le projet arrive à terme. EDF a rendu son dossier de demande de mise en service à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui l’a mis à disposition du public pour l’informer et recueillir son avis.

Une consultation peu aisée

Pendant plus de trois mois - mais aussi en plein été - la version papier du dossier pouvait être consultée en région, à condition d’en faire la demande et d’avoir pris rendez-vous avec la préfecture de la Manche. Une version numérique était disponible sur le site de l’ASN. Malgré son volume (32 pièces, 13 000 pages), rien ne permettait de la télécharger d’un coup. Il fallait ouvrir chaque document et soit le lire en ligne, soit les enregistrer un à un.

La recherche d’informations n’était pas non plus facilitée. Vous cherchez des éléments sur les risques d’accident ? L’étude en question (113 pages) n’a pas de sommaire général. L’étude d’impact (1 105 pages), où vous pouvez aussi imaginer trouver ce genre d’éléments, a bien un sommaire d’entrée mais il ne permet pas d’accéder directement aux chapitres que vous voudriez consulter. Ses 14 parties sont paginées indépendamment les unes des autres, comme si elles ne constituaient pas un seul et même ensemble. Et ne comptez pas sur l’aide d’un index thématique qui vous pointerait vers les informations que vous cherchez dans l’ensemble du dossier.

Un fond bancal et troué

Pour qui surmonterait ces difficultés de navigation, le contenu des pièces serait aussi source de déception. À force d’accumuler retards et délais d’instruction, les documents associés au projet commencent à dater. L’étude d’impact (2006) a bien été mise à jour, mais elle ne tient pas compte des trois dernières années. Comme tous les documents d’EDF les plus récents. Pourtant il s’en est passé des choses durant ce laps de temps.

Les vibrations qui ont mis à l’arrêt l’EPR chinois [2] ? Les difficultés de l’EPR finlandais ? Les fissures par corrosion sous contrainte et fatigue thermique découvertes sur les réacteurs français ? Rien sur ces sujets dans le dossier. Aucune synthèse des contrôles et attentes de l’ASN ou des experts techniques. Aucune information sur les incertitudes et les problèmes encore non résolus. Les aspects financiers ? Absents. Tout comme bon nombre d’autres données (tableaux, chiffres et figures), occultés au titre de la sécurité nationale.

À Lire aussi :
Olkiluoto 3 : L’EPR finlandais en marche ! Petite histoire d’un gros raté

L’Autorité de sûreté nucléaire a proposé au public de participer au projet de mise en service de l’EPR de Flamanville. Mais les informations, produites essentiellement par EDF, étaient incomplètes et plus que difficiles à appréhender. Des conditions de participation qui ont incité au survol du dossier et empêché tout véritable examen de fond. Sur cette base, quel type d’avis peut-il se forger ?

Laure Barthélemy


Notes

[1La filière EPR - Cour des Comptes, 2020

[2Les incidents de l’EPR Taishan 1 et leurs conséquences sur Flamanville 3 – Criirad, 2022

Depuis la publication de cet article début octobre 2023 dans la Revue n°99 Sortir du nucléaire, nous avons appris la mise en place d’une nouvelle consultation du public sur le dossier de demande de mise en service de l’EPR de Flamanville. L’Autorité de sûreté nucléaire lance aujourd’hui (15 janvier 2024) et jusqu’au 15 février 2024, une nouvelle consultation de ce dossier car, lors de la première, le dossier soumis au public n’était pas complet. Certaines pièces manquaient, et pas des moindres ! L’avis de l’Autorité environnementale et de plusieurs collectivités territoriales n’y étaient pas, seuls documents du dossier qui n’émanent pas d’EDF mais d’entités extérieures. Cette cinquième consultation - qui devra être suivie d’une sixième sur l’autorisation de mettre le réacteur en service - ne change rien à notre détermination : nous sommes diamétralement opposé·es à la mise en service de l’EPR et le dossier, même complété, reste indigeste, creux et inappropriable.

Le chantier de l’EPR de Flamanville a commencé en 2007. Il devait être achevé en cinq ans pour 3,3 milliards d’euros. Près de 17 années plus tard et un coût multiplié par six [1], le projet arrive à terme. EDF a rendu son dossier de demande de mise en service à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui l’a mis à disposition du public pour l’informer et recueillir son avis.

Une consultation peu aisée

Pendant plus de trois mois - mais aussi en plein été - la version papier du dossier pouvait être consultée en région, à condition d’en faire la demande et d’avoir pris rendez-vous avec la préfecture de la Manche. Une version numérique était disponible sur le site de l’ASN. Malgré son volume (32 pièces, 13 000 pages), rien ne permettait de la télécharger d’un coup. Il fallait ouvrir chaque document et soit le lire en ligne, soit les enregistrer un à un.

La recherche d’informations n’était pas non plus facilitée. Vous cherchez des éléments sur les risques d’accident ? L’étude en question (113 pages) n’a pas de sommaire général. L’étude d’impact (1 105 pages), où vous pouvez aussi imaginer trouver ce genre d’éléments, a bien un sommaire d’entrée mais il ne permet pas d’accéder directement aux chapitres que vous voudriez consulter. Ses 14 parties sont paginées indépendamment les unes des autres, comme si elles ne constituaient pas un seul et même ensemble. Et ne comptez pas sur l’aide d’un index thématique qui vous pointerait vers les informations que vous cherchez dans l’ensemble du dossier.

Un fond bancal et troué

Pour qui surmonterait ces difficultés de navigation, le contenu des pièces serait aussi source de déception. À force d’accumuler retards et délais d’instruction, les documents associés au projet commencent à dater. L’étude d’impact (2006) a bien été mise à jour, mais elle ne tient pas compte des trois dernières années. Comme tous les documents d’EDF les plus récents. Pourtant il s’en est passé des choses durant ce laps de temps.

Les vibrations qui ont mis à l’arrêt l’EPR chinois [2] ? Les difficultés de l’EPR finlandais ? Les fissures par corrosion sous contrainte et fatigue thermique découvertes sur les réacteurs français ? Rien sur ces sujets dans le dossier. Aucune synthèse des contrôles et attentes de l’ASN ou des experts techniques. Aucune information sur les incertitudes et les problèmes encore non résolus. Les aspects financiers ? Absents. Tout comme bon nombre d’autres données (tableaux, chiffres et figures), occultés au titre de la sécurité nationale.

L’Autorité de sûreté nucléaire a proposé au public de participer au projet de mise en service de l’EPR de Flamanville. Mais les informations, produites essentiellement par EDF, étaient incomplètes et plus que difficiles à appréhender. Des conditions de participation qui ont incité au survol du dossier et empêché tout véritable examen de fond. Sur cette base, quel type d’avis peut-il se forger ?

Laure Barthélemy



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