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Des accidents nucléaires partout

France : Flamanville : Fuites et rejets de gaz à effet de serre

7ème centrale nucléaire à dépasser son quota pour 2023




3 octobre 2023


Le centrale nucléaire de Flamanville (Normandie) a annoncé qu’en raison de plusieurs fuites, survenues sur une douzaine de matériels différents, les "pertes" de liquides de refroidissement ont dépassé d’un tiers le seuil réglementaire des 100 kilos pour l’année 2023.


L’annonce au public est faite début octobre mais la déclaration officielle date du 22 septembre. Pour avoir dépassé les 100 kilos de fuites de liquides de refroidissement, la centrale nucléaire de Flamanville a déclaré un évènement significatif pour l’environnement [1].

Les liquides de refroidissement sont très prisés dans les centrales nucléaires. Ils permettent de refroidir l’air (par la climatisation) et les équipements (par des groupes froids) qui chauffent en fonctionnant. Sans ce refroidissement, les températures deviendraient insupportables, tant pour le personnel que pour les matériels. Mais ces fluides frigorigènes sont aussi des produits qui, par leur composition chimique, participent activement au réchauffement climatique.
De la famille des hydrofluorocarbures (HFC), sous forme liquide lorsqu’ils sont sous pression, ils passent à l’état gazeux dès qu’ils sont à l’air libre (du fait de n’être plus sous pression). Lorsqu’il y a une fuite de liquide de refroidissement il y a des rejets gazeux. Et ces gaz ont un pouvoir de réchauffement global (PRG) des milliers de fois plus puissant que le CO2 ou que le méthane (CH4).

Par exemple, 1 kilo de liquide de refroidissement de type R134A a le même effet en terme de réchauffement sur 20 ans que 3700 kilos de CO2  [2] . Quand EDF constate une fuite d’un kilo de liquide de refroidissement de type R125, c’est l’équivalent d’un rejet de plus de 6 000 kilos de CO2 dans l’atmosphère. Qui plus est, une fois dans l’air, ces substances ont une durée de vie qui se comptent en dizaines d’années. Elles vont donc s’accumuler au fil des ans, sans que leur effet de réchauffement ne diminue rapidement. Par exemple, il faut plus de 28 ans pour que le pouvoir de réchauffement global du R125 diminue de moitié (demi-vie de 28.2 ans  [3]) ; et encore 28 années de plus pour que son activité diminuée de moitié soit de nouveau divisée par 2, etc. De part leur décroissance lente, leur fort pouvoir de réchauffement et leur accumulation au fil du temps, ces fuites ont donc un réel impact environnemental.

Manque d’entretien des équipements, manque de surveillance régulière et suffisamment fréquente, manque d’investissements ? Le problème est bien connu mais pourtant récurrent. La centrale de Flamanville est la 7ème à dépasser le quota des 100 kg annuel  [4] de fuites de liquides de refroidissement en 2023. Dampierre (Centre - Val de Loire) dès la mi février, constatait une fuite de plus de 60 kilos qui lui faisait dépasser la barre des 100. L’EPR de Flamanville (Normandie), encore non autorisé à démarrer, annonçait en avril une "perte" de 250 kilos. Puis Paluel (Normandie), Golfech (Occitanie), Bugey et le Tricastin (Rhône-Alpes). Et Flamanville donc, avec 133 kilos de fuites cumulées sur ses 2 réacteurs en fonctionnement. Et l’année n’est pas terminée.
En 2022, c’était pas moins de 9 centrales nucléaires qui avaient dépassé les 100 kilos de fuite de HFC (Blayais, Paluel, Golfech, Belleville, Bugey, Tricastin, Civaux, Chooz et Flamanville). Bon nombre d’entre-elles dépassaient déjà le seuil réglementaire en 2021.

Alors quoi ? Connues, répandues, répétées d’années en années, mais pourtant toujours là. Qu’est-ce qui fait que ces fuites perdurent, malgré leurs impacts avérés ? Qu’est-ce qui fait que ces fuites perdurent malgré la nécessité de réduire drastiquement et immédiatement toutes les émissions de gaz à effet de serre dans l’environnement ?
EDF ne livre jamais de détails sur les raisons de ces fuites ni sur leurs répétitions. Pas plus d’ailleurs qu’il ne précise quels types de fluides - et donc quel pouvoir de réchauffement global - ses centrales ont rejeté. L’industriel veut-il éviter une caractérisation précise du réel impact de ses activités sur le climat ? Une chose est sûre : le nucléaire est loin d’être propre. Et ce n’est pas ça qui sauvera le climat.

Ce que dit EDF :

Déclaration d’un événement significatif environnement

Publié le 03/10/2023

Depuis le début de l’année 2023, la centrale nucléaire de Flamanville 1&2 a comptabilisé 132,63 kg d’émission de fluide frigorigènes. Ces émissions ont été relevées sur 12 équipements de réfrigération ou de climatisation répartis sur le site et sont comprises entre quelques kilos et 63 kg. Ces pertes cumulées représentent 1,3 % de la masse de fluide frigorigène exploitée sur le site.

Le dépassement du seuil de 100 kg/an a conduit la direction de Flamanville 1&2 à déclarer, à l’Autorité de sûreté nucléaire, un événement significatif environnement, le 22 septembre 2023.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-flamanville-1-2/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-flamanville-1-2/declaration-dun-evenement-significatif-environnement-0


[1Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif
En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements

[2Source : "Certains gaz à effet de serre des centrales nucléaires", Bernard Laponche, octobre 2020, Global Chance.
* : La courbe de décroissance du CO2, pour une émission de 1 l’année 0 : 0,217+ exponentielles de demi-vies : 173 ans (26%), 18,5 ans (34%), 1,2 ans (2%).

[3Une demi-vie correspond à la période de temps nécessaire pour que l’activité de la substance se réduise de moitié.

[4Comme toutes les industries, les centrales nucléaires ont acquis le droit de polluer l’environnement : elles ont obtenues des autorités des autorisations de rejets. Mais avec des limites à ne pas dépasser fixer pour chaque substance chimique et radioactive. Pour les fuites de liquides de refroidissement, le quota annuel est fixé à 100 kilos par an. Lors que ce seuil réglementaire est dépassé, l’exploitant simplement doit le déclarer aux autorités. Il n’y a aucune sanction pour ce dépassement.


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Installation(s) concernée(s)

Flamanville

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