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Un potentiel géothermique caché


Victoires / Installation : Bure


Le site de Bure renferme un potentiel géothermique non négligeable. Pour cacher ce potentiel et favoriser la réalisation de CIGEO, l’Andra a fait réaliser un forage en 2008 sans respecter les règles de l’art et a manipulé la présentation des résultats. Le Réseau "Sortir du nucléaire"et cinq associations locales ont assigné l’Andra en responsabilité pour faute.

 

Modélisation de la zone du futur site principal de Cigéo, vue en surface ©ANDRA


L’Andra s’arrange avec ce qui la dérange

Après avoir conclu en 2005 à la faisabilité du stockage profond pour les déchets HA et MA-VL sur le site Meuse/Hte Marne, l’Andra a été chargée par la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006, aujourd’hui codifiée, de choisir le lieu pour l’implantation d’un centre industriel de stockage géologique pour les déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue, dit CIGEO.

Parmi les différents critères à prendre en compte pour le choix du site, figure celui de l’absence de ressource géothermique potentiellement exploitable (voir point A2-­2.2.1 de l’annexe 2 du Guide de sûreté relatif au stockage définitif des déchets en formation géologique profonde du 12 février 2008).

Depuis 1999, l’Andra n’a plus qu’un seul site : celui de Bure dans la Meuse. En décembre 2002, un géophysicien haut-marnais, A. Mourot (aujourd’hui décédé) révèle pour la première fois que ce site choisi est situé juste au-dessus d’une ressource géothermique estimée importante. En effet, lors des grands inventaires de cette ressource qui ont suivi les chocs pétroliers fin 1973 et fin 1979, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) avait décrit cette ressource, localement confirmée par un forage pétrolier en 1989.

Ce n’est qu’en juin 2008, que l’Andra décide de faire prolonger un forage (EST433) jusqu’à cet aquifère géothermique. Elle choisit le groupement d’opérateurs Saunier & Associés - Solexperts – Intera (SIS) pour réaliser les tests. Le rapport définitif des opérateurs SIS est rendu en janvier 2009. Six mois plus tard, l’Andra émet une synthèse du programme de reconnaissance de la zone de transposition 2007-2008. Il est indiqué notamment que « la production mesurée en test dans EST433 (5 m3/h) est nettement inférieure à la gamme de débits des exploitations géothermiques (150 à 400 m3/h) » et que « l’ensemble des résultats indique, en référence à des installations géothermiques existant dans le bassin de Paris dans les mêmes gammes de température, que la ressource géothermique à l’échelle de la zone de transposition est faible ».

Or, la lecture du rapport final des opérateurs SIS révèle qu’ils ont réalisé les tests dans le forage alors que celui-ci était toujours rempli de boue polymère. L’appareillage était donc affecté de multiples obstructions, à l’inverse des bonnes pratiques et des règles de l’art.

D’après les opérateurs SIS, la transmissivité/perméabilité, seule grandeur recherchée, est bonne. Le Trias est donc un bon aquifère géothermique en dépit du débit de 5 m3/h présenté par l’Andra qui s’explique par l’obstruction massive de plusieurs points de l’outil de test par la boue polymère ainsi que par l’utilisation d’une petite pompe de forage de recherche.

L’Andra utilise avec insistance la mesure de 5 m3/h pour avancer la faiblesse de la ressource géothermique du site de Bure. Au regard des préconisations du guide relatif au stockage définitif des déchets radioactifs en formation géologique profonde du 12 février 2008, écarter la potentialité géothermique du site lui permet ainsi de favoriser la réalisation du projet CIGEO.

A partir des analyses du docteur en géologie Antoine Godinot, les associations Réseau "Sortir du nucléaire", Bure Stop 55, le CEDRA, l’ASODEDRA, Les Habitants Vigilants de Gondrecourt et MIRABEL LNE ont adressé, le 17 décembre 2012, un courrier de mise en demeure à l’Andra de s’expliquer sur la dissimulation du potentiel géothermique à Bure. Cette dernière a finalement répondu à cette mise en demeure : selon elle, la ressource géothermique du sous-sol autour de Bure n’est pas exceptionnelle...

 

Explications techniques à propos de la géothermie par Antoine Godinot, docteur en géologie

Les associations ont saisi la justice

Le 3 mai 2013, alors que le débat public sur le projet CIGEO s’apprêtait à commencer, les associations ont assigné l’Andra en responsabilité pour faute en justice, afin qu’elle réponde de ses manipulations.

En octobre 2013, une étude réalisée par le cabinet suisse GEOWATT, expert en géothermie, à la demande du CLIS de Bure, montre clairement qu’il y a de la géothermie économiquement exploitable sous Bure, et vient ainsi confirmer le bien-fondé de l’action en justice des associations.

Cette affaire a été examinée par le Tribunal de grande instance de Nanterre le 5 janvier 2015 [1] (voir toutes les pièces de la procédure, en documents joints). Elle a été mise en délibéré. Le jugement a été rendu le 26 mars 2015 (voir le jugement, en document joint).

Le Tribunal de grande instance de Nanterre a refusé de prendre acte de la faute commise par l’Andra dans sa mission d’information, en déclarant que les associations n’avaient pas d’intérêt à agir [2]...

Quoi qu’il en soit, ce jugement ne remet pas en cause l’existence de la ressource géothermique qui, grâce à la procédure lancée par les associations, est désormais communément admise. Le périmètre d’implantation de Cigéo a donc été déterminé sur des bases erronées. Les associations ont écrit à l’Élysée, au Ministère de l’Écologie et à l’Andra pour leur demander d’invalider ce périmètre et de stopper au plus vite le projet Cigéo (voir les courriers et réponses, en documents joints).

Les associations ont décidé de faire appel (voir nos conclusions d’appel, en documents joints). L’audience a eu lieu à la Cour d’appel de Versailles, le 2 février 2017 [3]. L’affaire a été mise en délibéré et l’arrêt a été rendu le 23 mars 2017.

La cour d’appel de Versailles a refusé de prendre acte de la faute commise par l’Andra (voir l’arrêt, en document joint). Les associations ont décidé de saisir la Cour de cassation, qui a examiné l’affaire le 9 mai 2018 (voir nos mémoires, en documents joints).

Le 24 mai 2018, celle-ci a finalement décidé de rejeter le pourvoi des associations aux motifs qu’ayant relevé que les travaux de l’Andra avaient été validés par tous ses partenaires, que les manquements à son obligation de délivrer une information exacte et les inexactitudes alléguées n’étaient pas établis avec une certitude suffisante et que l’existence d’une divergence d’appréciation sur les éléments techniques et l’éventualité d’une exploitation géothermique dans le futur ne suffisait pas à démontrer qu’elle aurait fait preuve d’incompétence, de négligence ou de partialité, la cour d’appel, qui n’a pas inversé la charge de la preuve et qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu, par ces seuls motifs, en déduire qu’aucune faute de l’Andra n’était caractérisée et a légalement justifié sa décision.

Les associations ont saisi la CEDH le 20 novembre 2018. Le 1er juillet 2021, la CEDH a condamné la France pour avoir restreint de manière « disproportionnée » l’accès à la justice à Mirabel-LNE, ses demandes ayant été rejetée devant les juridictions internes pour défaut d’intérêt à agir. Elle a considéré que la France avait violé l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui garantit "le droit d’accès à un tribunal". Elle devra verser 3 000 euros à Mirabel-LNE pour dommage moral. Elle a, en revanche, estimé que cinq des six associations requérantes avaient pu saisir les juridictions internes d’un recours qui avait permis l’exercice d’un contrôle effectif du respect par l’Andra de son obligation légale de mettre à la disposition du public des informations relatives à la gestion des déchets radioactifs et portant sur le contenu et la qualité de l’information diffusée par l’agence quant au potentiel géothermique du site de Bure.

 

Téléchargez l’arrêt de la CEDH
Potentiel Bure - Arrêt CEDH 01/07/21

 

Téléchargez notre recours CEDH
Potentiel Bure - Recours CEDH 20/11/18

 

Téléchargez l’arrêt de la Cour de cassation
Potentiel Bure - Arrêt Cour de cassation 24/05/18

 

Téléchargez le commentaire par Gilles J. Martin de l’arrêt de la Cour de cassation
Potentiel Bure - Commentaire de l’arrêt Cour de cassation 24/05/18

 


Notes

[1Voir le compte-rendu d’audience ici

[2Quelques explications à propos du jugement du 26/03/15 :

Le jugement commence par revenir sur les conditions de recevabilité de l’action :

"En application de l’article 31 du code de procédure civile, si une association peut, même hors habilitation législative et en l’absence de prévision statutaire quant à l’emprunt des voies judiciaires, agir en défense d’intérêts collectifs, son action n’est cependant recevable qu’autant que ceux-ci entrent dans son objet social.

L’intérêt à agir d’une association en défense des intérêts collectifs qu’il entre dans son objet de protéger doit être direct, en ce qu’il doit tendre à la réalisation d’un droit subjectif, né et actuel."

Il synthétise ensuite très bien l’objet de notre action :

"L’objet de l’action des associations demanderesses est d’obtenir l’indemnisation du préjudice résultant du fait que l’ANDRA aurait dissimulé, dans les documents qu’elle a rendu publics, l’intérêt particulier de la ressource géothermique du site de Bure sur lequel est envisagée l’implantation d’un centre de stockage de déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue et qu’elle continuerait à nier les dangers susceptibles d’en résulter pour la sûreté du centre de stockage lorsque la mémoire de son existence et de son contenu sera susceptible d’avoir disparu."

Il rappelle ensuite les missions de l’Andra, en citant l’article L 542-12 du Code de l’environnement :

"Aux termes de l’article L.542-12 du code de l’environnement,

« L ’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, établissement public industriel et commercial, est chargée des opérations de gestion à long terme des déchets radioactifs, et notamment :

1° D’établir, de mettre à jour tous les trois ans et de publier l’inventaire des matières et déchets radioactifs présents en France ainsi que leur localisation sur le territoire national, les déchets visés à l’article L. 542-2-l étant listés par pays ;

2° De réaliser ou faire réaliser, conformément au plan national prévu à l’article L. 542-l-2, des recherches et études sur l’entreposage et le stockage en couche géologique profonde et d’assurer leur coordination ;

3° De contribuer, dans les conditions définies à l’avant-dernier alinéa du présent article, à l’évaluation des coûts afférents à la mise en oeuvre des solutions de gestion à long terme des déchets radioactifs de haute et de moyenne activité à vie longue, selon leur nature ;

4° De prévoir, dans le respect des règles de sûreté nucléaire, les specifications pour le stockage des déchets radioactifs et de donner aux autorités administratives compétentes un avis sur les specifications pour le conditionnement des déchets ;

5° De concevoir, d’implanter, de réaliser et d’assurer la gestion de centres d’entreposage ou des centres de stockage de déchets radioactifs compte tenu des perspectives à long terme de production et de gestion de ces déchets ainsi que d’effectuer à ces fins toutes les études nécessaires ;

6° D’assurer la collecte, le transport et la prise en charge de déchets radioactifs et la remise en état de sites de pollution radioactive sur demande et aux frais de leurs responsables ou sur réquisition publique lorsque les responsables de ces déchets ou de ces sites sont défaillants ;

7° De mettre à la disposition du public des informations relatives à la gestion des déchets radioactifs et de participer à la diffusion de la culture scientifique et technologique dans ce domaine ;

8° De diffuser à l’étranger son savoir-faire.

(...)

L’agence peut conduire, avec toute personne intéressée, des actions communes d’information du public et de diffusion de la culture scientifique et technologique »."

Il revient ensuite sur l’objet de notre demande en indiquant que celui-ci "ne porte pas directement sur un défaut de mise à disposition du public par l’Andra d’informations relatives à la gestion des déchets radioactifs" et qu’"il n’est pas contesté notamment par les associations demanderesses que le rapport de synthèse du programme de reconnaissance de la ZIRA, à Bure, du 21 juillet 2009, a été mis à la disposition du public".

"L’action ne porte donc pas à titre principal sur une rétention d’information relative à la gestion des déchets radioactifs mais sur le contenu du rapport de synthèse du 21 juillet 2009 qui serait affecté d’inexactitudes. Les critiques des demanderesses portent tant sur les conditions d’exécution technique de l’étude à laquelle a procédé l’ANDRA, plus spécifiquement du forage EST433, que sur les analyses et conclusions auxquelles l’ANDRA est parvenue à la suite de cette étude et de ce forage visant le potentiel géothermique du site."

Il semble ici que le tribunal interprète de façon incroyablement restrictive la mission d’information du public assignée à l’Andra, d’une part, en la résumant à une simple obligation de mise à disposition de l’information, quelque soit finalement la justesse de l’information en question ; d’autre part, en la limitant strictement à la gestion des déchets radioactifs.

Pour le tribunal, dans la mesure où nos critiques ne portent ni sur la mise à disposition de l’information en tant que telle, ni directement sur la question de la gestion des déchets radioactifs, celles-ci ne se rattachent pas à la mission d’information de l’Andra telle que définie au 7° de l’article L 542-12 du Code de l’environnement, mais à celle de concevoir un centre de stockage telle que définie au 5° de cet article. Or, pour le tribunal, ce n’est pas la société civile qui a qualité pour engager la responsabilité de l’Andra pour cause d’exécution fautive de cette mission :

"Or, seules les autorités publiques commanditaires de cette étude ou celles auxquelles elle est destinée afin de leur permettre d’arrêter une décision d’autorisation ou de refus d’implantation du centre de stockage de déchets radioactifs à Bure ont qualité pour engager la responsabilité de l’ANDRA pour cause d’exécution fautive de sa mission de concevoir des centres de stockage de déchets radioactifs et d’effectuer à cette fin toutes les études nécessaires.

Il n’entre pas dans l’objet social des associations requérantes d’engager une telle responsabilité de l’ANDRA."

Seul l’Etat avait donc la possibilité d’engager une telle action à l’encontre de l’Andra... son établissement public ! On peut donc résumer ça à empêcher purement et simplement ce type d’action .

Le tribunal ajoute ensuite que :

"Aucune infraction commise par l’ANDRA au droit de l’environnement et aucune responsabilité pour faute n’a été en l’état judiciairement constatée en lien avec les faits objets de la présente action.

Il s’agit cependant d’un préalable nécessaire pour que les associations demanderesses puissent agir devant les juridictions judiciaires en réparation du préjudice moral pouvant résulter d’une telle responsabilité."

Cette phrase ne doit pas être lue indépendamment de ce qui la précède et de ce qui la suit. Le tribunal déroule ici un raisonnement : comme les autorités publiques n’ont pas engagé d’action pour faire constater judiciairement une faute (pénale ou civile) de l’Andra dans sa mission de conception d’un centre de stockage, les associations ne peuvent pas obtenir réparation de leur préjudice moral pouvant résulter de cette faute.

Le tribunal ne se prononce pas sur la faute en tant que telle. Il dit seulement que les associations ne peuvent pas obtenir réparation de leur préjudice dans la mesure où ceux qui avaient la possibilité de faire établir en justice la faute, à l’origine de leur préjudice, ne l’ont pas fait.

Au vu du raisonnement précédent, il conclut donc logiquement :

"Par suite, les associations demanderesses ne démontrent pas avoir un intérêt né et actuel à agir en dommages et intérêts à l’encontre de l’ANDRA. Elles seront donc déclarées irrecevables en leurs demandes."

[3Compte-rendu de l’audience en appel du 2 février 2017 :

La Présidente a commencé par un rappel des faits et de la procédure.

La Présidente : Les associations ont mis en demeure l’Andra qui n’a pas déféré à la mise en demeure. Assignation de l’Andra par les associations pour réparation du préjudice moral subi. Le TGI de Nanterre a déclaré l’Andra irrecevable en sa demande d’exception d’incompétence et les associations ont été rejetées dans leurs demandes. Ces dernières ont fait appel. Reprise des prétentions. Débat préalable à l’examen au fond : quid de la recevabilité de la demande compte tenu de l’objet des associations. Le Tribunal a considéré que l’étude en cause avait été commandée par une autorité publique et qu’il appartenait à cette seule autorité publique d’agir car il ne s’agissait pas d’un problème de mise à disposition de l’information, mais de contestation de l’exactitude de l’information délivrée.

Me Ambroselli : Jugement surprenant car il répond à une question qui n’était pas posée, celle de la recevabilité de l’action des associations. Il ne s’agit pas de juger de la sûreté d’un centre d’enfouissement dont la demande d’autorisation n’a pas encore été déposée. Il est ici question d’information : la jurisprudence de la Cour de cassation est très claire à ce sujet : les informations mises à disposition doivent être exactes. Sinon la responsabilité de la personne qui met à disposition ces infos peut être mise en cause. Pourtant, le Tribunal de Nanterre avait très bien résumé l’objet de l’action des associations. Il ne s’agit pas de contester le résultat du forage de 2008, mais de contester l’exactitude de l’information délivrée autour de ce résultat. 3 volets dans la désinformation de l’Andra. Cette désinformation s’est modifiée en cours d’instance : au départ, pas de géothermie, puis l’Andra a admis la possibilité d’exploiter la géothermie existante mais considère qu’on pourra l’exploiter à côté du centre d’enfouissement. Si seules les autorités publiques commanditaires de l’étude géothermique ont la possibilité de la contester alors cela revient à dire que seule l’Andra ou le Gouvernement peuvent le faire. Engagement unilatéral de l’Andra sur sa mission d’info = diffusion d’info sincères et transparentes. Exigence de la Cour de cassation doit être d’autant plus appliquée qu’il s’agit d’un organisme d’Etat et étant donné les risques et dangers du projet envisagé. Dire la vérité sur ce site de Bure et sur ce potentiel géothermique : source d’eau chaude sous Bure est exploitable, cette seule présence rend la sûreté de ce site compliquée. RFS qui interdit d’envisager un tel centre à l’aplomb d’une ressource géothermique d’un intérêt particulier. Dès maintenant nous pourrions exploiter la ressource. Application de la RFS : le site ne peut pas être retenu.

Me Clément : Chasser-les par la porte et ils essaient de rentrer par la fenêtre. "Oui le sous-sol présente un potentiel géothermique" = c’est ce que mes adversaires cherchent à démontrer et ils passent donc par le biais de l’information. Stratagème habile, mais un peu trop gros. Risque du rejet des demandes et de l’irrecevabilité. L’irrecevabilité est évidente. Les requérantes viennent, sous le couvert de l’information, dire que le site n’a pas être implanté ici par rapport à la géothermie. Il faudra des autorisations pour que l’atteinte au potentiel géothermique se manifeste. Si l’information délivrée et due par l’Andra est erronée, partielle, il y aura sanction immédiate (pas d’autorisation). "Nous considérons qu’il y a un potentiel géothermique". "Comme toutes les positions de l’Andra ont été validées par les autorités publiques, ça ne nous convient pas donc on les conteste." Le débat achoppe sur la lecture de l’article 5.3 du Guide de sûreté = éviter les zones où ressources souterraines présentent un intérêt exceptionnel. De l’autre côté, on nous parle de la ressource géothermique présentant un intérêt particulier. Site choisi parce que présente un intérêt exceptionnel d’un point de vue argileux donc idéal pour l’implantation du centre d’enfouissement. Raison de la règle du Guide de sûreté : on va éviter de l’implanter dans un site où capacité géothermique. Ce que l’on veut éviter, c’est que l’on puisse aller forer dans le site pour aller rechercher la ressource géothermique. L 542-12 C. env sur les missions de l’Andra : mise à la disposition du public des informations. Les informations sur la ressource géothermique ont bien été mise à disposition. On peut ne pas être d’accord sur les conclusions par rapport à cette ressource, mais l’information a bien été mise à disposition. Le rapport Geowatt n’est pas si critique. Pas de potentiel exceptionnel = validé par la CNE, l’ASN et le Gouvernement. Demande irrecevable : pas de faute, mais aussi pas de préjudice direct. En quoi la géothermie a-t-elle un lien avec l’objet des associations ? Pas de rapport.

L’affaire a été mise en délibéré et l’arrêt a été rendu le 23 mars 2017.

L’Andra s’arrange avec ce qui la dérange

Après avoir conclu en 2005 à la faisabilité du stockage profond pour les déchets HA et MA-VL sur le site Meuse/Hte Marne, l’Andra a été chargée par la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006, aujourd’hui codifiée, de choisir le lieu pour l’implantation d’un centre industriel de stockage géologique pour les déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue, dit CIGEO.

Parmi les différents critères à prendre en compte pour le choix du site, figure celui de l’absence de ressource géothermique potentiellement exploitable (voir point A2-­2.2.1 de l’annexe 2 du Guide de sûreté relatif au stockage définitif des déchets en formation géologique profonde du 12 février 2008).

Depuis 1999, l’Andra n’a plus qu’un seul site : celui de Bure dans la Meuse. En décembre 2002, un géophysicien haut-marnais, A. Mourot (aujourd’hui décédé) révèle pour la première fois que ce site choisi est situé juste au-dessus d’une ressource géothermique estimée importante. En effet, lors des grands inventaires de cette ressource qui ont suivi les chocs pétroliers fin 1973 et fin 1979, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) avait décrit cette ressource, localement confirmée par un forage pétrolier en 1989.

Ce n’est qu’en juin 2008, que l’Andra décide de faire prolonger un forage (EST433) jusqu’à cet aquifère géothermique. Elle choisit le groupement d’opérateurs Saunier & Associés - Solexperts – Intera (SIS) pour réaliser les tests. Le rapport définitif des opérateurs SIS est rendu en janvier 2009. Six mois plus tard, l’Andra émet une synthèse du programme de reconnaissance de la zone de transposition 2007-2008. Il est indiqué notamment que « la production mesurée en test dans EST433 (5 m3/h) est nettement inférieure à la gamme de débits des exploitations géothermiques (150 à 400 m3/h) » et que « l’ensemble des résultats indique, en référence à des installations géothermiques existant dans le bassin de Paris dans les mêmes gammes de température, que la ressource géothermique à l’échelle de la zone de transposition est faible ».

Or, la lecture du rapport final des opérateurs SIS révèle qu’ils ont réalisé les tests dans le forage alors que celui-ci était toujours rempli de boue polymère. L’appareillage était donc affecté de multiples obstructions, à l’inverse des bonnes pratiques et des règles de l’art.

D’après les opérateurs SIS, la transmissivité/perméabilité, seule grandeur recherchée, est bonne. Le Trias est donc un bon aquifère géothermique en dépit du débit de 5 m3/h présenté par l’Andra qui s’explique par l’obstruction massive de plusieurs points de l’outil de test par la boue polymère ainsi que par l’utilisation d’une petite pompe de forage de recherche.

L’Andra utilise avec insistance la mesure de 5 m3/h pour avancer la faiblesse de la ressource géothermique du site de Bure. Au regard des préconisations du guide relatif au stockage définitif des déchets radioactifs en formation géologique profonde du 12 février 2008, écarter la potentialité géothermique du site lui permet ainsi de favoriser la réalisation du projet CIGEO.

A partir des analyses du docteur en géologie Antoine Godinot, les associations Réseau "Sortir du nucléaire", Bure Stop 55, le CEDRA, l’ASODEDRA, Les Habitants Vigilants de Gondrecourt et MIRABEL LNE ont adressé, le 17 décembre 2012, un courrier de mise en demeure à l’Andra de s’expliquer sur la dissimulation du potentiel géothermique à Bure. Cette dernière a finalement répondu à cette mise en demeure : selon elle, la ressource géothermique du sous-sol autour de Bure n’est pas exceptionnelle...

 

Explications techniques à propos de la géothermie par Antoine Godinot, docteur en géologie

Les associations ont saisi la justice

Le 3 mai 2013, alors que le débat public sur le projet CIGEO s’apprêtait à commencer, les associations ont assigné l’Andra en responsabilité pour faute en justice, afin qu’elle réponde de ses manipulations.

En octobre 2013, une étude réalisée par le cabinet suisse GEOWATT, expert en géothermie, à la demande du CLIS de Bure, montre clairement qu’il y a de la géothermie économiquement exploitable sous Bure, et vient ainsi confirmer le bien-fondé de l’action en justice des associations.

Cette affaire a été examinée par le Tribunal de grande instance de Nanterre le 5 janvier 2015 [1] (voir toutes les pièces de la procédure, en documents joints). Elle a été mise en délibéré. Le jugement a été rendu le 26 mars 2015 (voir le jugement, en document joint).

Le Tribunal de grande instance de Nanterre a refusé de prendre acte de la faute commise par l’Andra dans sa mission d’information, en déclarant que les associations n’avaient pas d’intérêt à agir [2]...

Quoi qu’il en soit, ce jugement ne remet pas en cause l’existence de la ressource géothermique qui, grâce à la procédure lancée par les associations, est désormais communément admise. Le périmètre d’implantation de Cigéo a donc été déterminé sur des bases erronées. Les associations ont écrit à l’Élysée, au Ministère de l’Écologie et à l’Andra pour leur demander d’invalider ce périmètre et de stopper au plus vite le projet Cigéo (voir les courriers et réponses, en documents joints).

Les associations ont décidé de faire appel (voir nos conclusions d’appel, en documents joints). L’audience a eu lieu à la Cour d’appel de Versailles, le 2 février 2017 [3]. L’affaire a été mise en délibéré et l’arrêt a été rendu le 23 mars 2017.

La cour d’appel de Versailles a refusé de prendre acte de la faute commise par l’Andra (voir l’arrêt, en document joint). Les associations ont décidé de saisir la Cour de cassation, qui a examiné l’affaire le 9 mai 2018 (voir nos mémoires, en documents joints).

Le 24 mai 2018, celle-ci a finalement décidé de rejeter le pourvoi des associations aux motifs qu’ayant relevé que les travaux de l’Andra avaient été validés par tous ses partenaires, que les manquements à son obligation de délivrer une information exacte et les inexactitudes alléguées n’étaient pas établis avec une certitude suffisante et que l’existence d’une divergence d’appréciation sur les éléments techniques et l’éventualité d’une exploitation géothermique dans le futur ne suffisait pas à démontrer qu’elle aurait fait preuve d’incompétence, de négligence ou de partialité, la cour d’appel, qui n’a pas inversé la charge de la preuve et qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu, par ces seuls motifs, en déduire qu’aucune faute de l’Andra n’était caractérisée et a légalement justifié sa décision.

Les associations ont saisi la CEDH le 20 novembre 2018. Le 1er juillet 2021, la CEDH a condamné la France pour avoir restreint de manière « disproportionnée » l’accès à la justice à Mirabel-LNE, ses demandes ayant été rejetée devant les juridictions internes pour défaut d’intérêt à agir. Elle a considéré que la France avait violé l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui garantit "le droit d’accès à un tribunal". Elle devra verser 3 000 euros à Mirabel-LNE pour dommage moral. Elle a, en revanche, estimé que cinq des six associations requérantes avaient pu saisir les juridictions internes d’un recours qui avait permis l’exercice d’un contrôle effectif du respect par l’Andra de son obligation légale de mettre à la disposition du public des informations relatives à la gestion des déchets radioactifs et portant sur le contenu et la qualité de l’information diffusée par l’agence quant au potentiel géothermique du site de Bure.

 

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