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Sortir du nucléaire n°41



Février 2009

Santé

Radon : un gaz radioactif dangereux

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°41 - Février 2009

 Nucléaire et santé  Pollution radioactive
Article publié le : 1er février 2009


Le radon est un corps radioactif qui a fait des ravages parmi les ouvriers dans les mines. Il pose aujourd’hui un problème de santé publique pour la population. Oui, c’est un élément “naturel” mais cela ne le rend pas moins dangereux. L’évaluation des risques radiologiques se doit d’être objective et poser la question de la radioactivité naturelle ne signifie pas détourner l’attention des risques ajoutés par l’homme avec la radioactivité “artificielle”. Bien au contraire, car souligner ces dangers c’est aussi répondre à tous ceux qui souhaitent présenter l’exposition naturelle comme un “seuil d’innocuité” pour mieux banaliser ces risques.



En juillet 2008, le premier baromètre “santé-environnement” centré sur le cadre de vie et l’habitat a été publié. Si les Français se sentent globalement bien informés, de fortes variations existent selon la nature du risque évoqué. Ainsi, le radon se distingue très nettement : 61,9 % des personnes interrogées n’en ont jamais entendu parler.

Petit rappel historique

Les dangers du radon en milieu professionnel étaient connus bien avant que celui-ci soit identifié. Dès le 16ème siècle des médecins ont décrit les pathologies qui frappaient les mineurs. Ainsi, Paracelse (médecin suisse) faisait état d’une mortalité élevée due à une maladie pulmonaire chez les mineurs d’argent dans la région de Schneeberg (en Saxe). En 1556, l’allemand Georgius Agricola rapportait dans son traité De Re Metallica le taux très élevé de mortalité parmi les mineurs des Carpates et, déjà, il suggérait de ventiler les mines afin de lutter contre ce qui s’appelait “la maladie de la montagne”. Haerting et Hesse (fin du 19ème siècle) rapportaient qu’à cette époque près de 75% des mineurs de la région de Schneeberg mouraient de cancer du poumon.
Ce n’est qu’en 1924, que des mesures effectuées dans les mines de Saxe et de Bohème ont permis d’établir une corrélation étroite entre la présence du radon et la fréquence du cancer chez les mineurs.
A partir de la fin des années 60, le cancer du poumon est reproduit expérimentalement chez l’animal (rat, hamster, chien) par inhalation de radon.
En 1988, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) classe le radon comme cancérogène avéré.

Origine du radon et mode d’action

Le radon est un gaz rare naturel radioactif (inodore et incolore) qui se dégage du sol à partir de l’uranium et du thorium, contenus dans la croûte terrestre. L’émission du radon dans l’atmosphère varie beaucoup selon la nature géologique du sol et les conditions météorologiques. La concentration dans l’air extérieur est faible, il pénètre dans les habitations par diffusion (différence de concentration) ou par convexion (différence de température ou de pression entre l’air extérieur et intérieur). Des concentrations élevées en radon sont retrouvées dans des milieux fermés : habitations, surtout si elles sont isolées, sous-sol (caves), ou plus généralement tout milieu confiné (mines de fond par exemple).
Il existe en fait trois isotopes naturels du radon : le radon 219 (période : 3,96 s), descendant de l’uranium 235 ; le radon 220 ou thoron (période : 55,6 s), descendant du thorium 232 ; le radon 222 (période : 3,82 j), descendant de l’uranium 238 et descendant direct du radium 226.
Le radon 222, du fait de son abondance et de sa période plus longue (3,8 jours, ce qui lui laisse le temps de migrer dans le sol), est celui qui apporte la plus grande part à l’exposition naturelle de l’homme. C’est un émetteur alpha et à ce titre fortement radiotoxique.

Il donne à son tour naissance à des descendants, certains émetteurs alpha, qui ont des périodes beaucoup plus courtes que lui, et qui contribueront fortement à la dose délivrée :
- le polonium 218 (période : 3,05 mn), émetteur alpha
- le plomb 214 (période : 26,8 mn), émetteur bêta
- le bismuth 214 (période : 19,9 mn), émetteur bêta
- le polonium 214 (période : 1,65.10-4 s), émetteur alpha
La voie d’exposition la plus importante est l’inhalation. Cependant, en tant que gaz inerte, le radon n’interagit pratiquement pas avec les tissus biologiques. Dans l’air ambiant, en revanche, les produits de désintégration du radon se fixent sur les particules en suspension (aérosols atmosphériques) et les descendants (liés ou non aux particules) sont en partie retenus au niveau de l’appareil broncho-pulmonaire. Ce sont donc surtout ces émetteurs alpha qui, en se déposant sur les bronches, sont responsables de l’irradiation des cellules des parois des voies respiratoires (les cellules cibles étant les cellules de l’épithélium bronchique).

Les risques liés au radon domestique

De nombreuses études épidémiologiques menées auprès des travailleurs exposés dans les mines (fortes concentrations en radon) ont depuis longtemps établi la relation avec le cancer du poumon. Mais les risques liés au “radon domestique” (celui de nos habitations) faisaient l’objet de polémiques depuis plus de 15 ans.
La démonstration directe d’une relation causale entre radon domestique et cancer du poumon sera apportée en 2005 avec la publication de deux grandes études épidémiologiques, l’une en Amérique du Nord et l’autre en Europe. Leurs résultats sont cohérents et leurs conclusions très proches. Il en ressort que :
- l’augmentation du risque est proportionnelle aux niveaux d’exposition au radon ;
- la relation dose-effet est linéaire, elle ne présente pas de seuil minimal et elle demeure significative même pour des concentrations en radon inférieures à 200 Bq/m3 ;
- le risque de cancer du poumon augmente de +16% par accroissement de 100 Bq/m3 de teneur calculée en radon ;
- en Europe, le radon domestique serait responsable de 9% des cas de cancer du poumon ;
- il y a un effet synergétique entre le tabac et le radon qui conduit à un risque absolu (vis-à-vis du radon) 25 fois plus élevé pour le fumeur par rapport au non-fumeur.

L’heure est à l’action

Aux Etats-Unis, janvier 2008 avait été déclaré “Mois national d’action contre le radon”. Une campagne nationale menée avec grand renfort de publicité visait à informer et mobiliser les citoyens. Cette campagne de sensibilisation lancée par l’US-EPA (Environmental Protection Agency) s’est voulue percutante. L’Agence affiche en gros titres :
- “le radon = deuxième cause de mortalité par cancer du poumon” (après le tabac) ;
- “le radon est responsable de 21000 décès par cancer chaque année aux USA” ;
- “le radon cause tous les ans 100 fois plus de décès que l’empoisonnement au monoxyde de carbone (CO)”…
Dans d’autres pays, les autorités compétentes ont également chiffré le nombre de décès par an attribuables au radon domestique. Il est estimé de l’ordre de 2000 au Canada et en Grande-Bretagne. En France, c’est une fourchette de 2500 à 3350 décès annuels qui est avancée par différentes Agences. Pour l’OMS, “6 à 15 % des cancers pulmonaires seraient imputables au radon. Toutes les études concordent sur l’estimation de l’ampleur du risque”.
Nous sommes clairement face à un problème de santé publique. L’heure est donc à l’action. Le seuil d’action “bas” fixé en France à 400 Bq/m3 devrait être revu à la baisse. La plupart des pays tendent aujourd’hui vers un seuil fixé à 200 Bq/m3 (voire plus faible). Des actions de sensibilisation plus efficaces doivent être engagées à l’attention du public.

Pierre BARBEY

Conseiller scientifique de l’ACRO
Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’ouest
138, rue de l’Eglise
14200 Hérouville St Clair
Mail : acro-laboratoire@wanadoo.fr

En savoir plus : Cet article est tiré d’un dossier paru dans l’ACROnique du Nucléaire (n° 80 - mars 2008), revue trimestrielle de l’ACRO (www.acro.eu.org/).

En juillet 2008, le premier baromètre “santé-environnement” centré sur le cadre de vie et l’habitat a été publié. Si les Français se sentent globalement bien informés, de fortes variations existent selon la nature du risque évoqué. Ainsi, le radon se distingue très nettement : 61,9 % des personnes interrogées n’en ont jamais entendu parler.

Petit rappel historique

Les dangers du radon en milieu professionnel étaient connus bien avant que celui-ci soit identifié. Dès le 16ème siècle des médecins ont décrit les pathologies qui frappaient les mineurs. Ainsi, Paracelse (médecin suisse) faisait état d’une mortalité élevée due à une maladie pulmonaire chez les mineurs d’argent dans la région de Schneeberg (en Saxe). En 1556, l’allemand Georgius Agricola rapportait dans son traité De Re Metallica le taux très élevé de mortalité parmi les mineurs des Carpates et, déjà, il suggérait de ventiler les mines afin de lutter contre ce qui s’appelait “la maladie de la montagne”. Haerting et Hesse (fin du 19ème siècle) rapportaient qu’à cette époque près de 75% des mineurs de la région de Schneeberg mouraient de cancer du poumon.
Ce n’est qu’en 1924, que des mesures effectuées dans les mines de Saxe et de Bohème ont permis d’établir une corrélation étroite entre la présence du radon et la fréquence du cancer chez les mineurs.
A partir de la fin des années 60, le cancer du poumon est reproduit expérimentalement chez l’animal (rat, hamster, chien) par inhalation de radon.
En 1988, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) classe le radon comme cancérogène avéré.

Origine du radon et mode d’action

Le radon est un gaz rare naturel radioactif (inodore et incolore) qui se dégage du sol à partir de l’uranium et du thorium, contenus dans la croûte terrestre. L’émission du radon dans l’atmosphère varie beaucoup selon la nature géologique du sol et les conditions météorologiques. La concentration dans l’air extérieur est faible, il pénètre dans les habitations par diffusion (différence de concentration) ou par convexion (différence de température ou de pression entre l’air extérieur et intérieur). Des concentrations élevées en radon sont retrouvées dans des milieux fermés : habitations, surtout si elles sont isolées, sous-sol (caves), ou plus généralement tout milieu confiné (mines de fond par exemple).
Il existe en fait trois isotopes naturels du radon : le radon 219 (période : 3,96 s), descendant de l’uranium 235 ; le radon 220 ou thoron (période : 55,6 s), descendant du thorium 232 ; le radon 222 (période : 3,82 j), descendant de l’uranium 238 et descendant direct du radium 226.
Le radon 222, du fait de son abondance et de sa période plus longue (3,8 jours, ce qui lui laisse le temps de migrer dans le sol), est celui qui apporte la plus grande part à l’exposition naturelle de l’homme. C’est un émetteur alpha et à ce titre fortement radiotoxique.

Il donne à son tour naissance à des descendants, certains émetteurs alpha, qui ont des périodes beaucoup plus courtes que lui, et qui contribueront fortement à la dose délivrée :
- le polonium 218 (période : 3,05 mn), émetteur alpha
- le plomb 214 (période : 26,8 mn), émetteur bêta
- le bismuth 214 (période : 19,9 mn), émetteur bêta
- le polonium 214 (période : 1,65.10-4 s), émetteur alpha
La voie d’exposition la plus importante est l’inhalation. Cependant, en tant que gaz inerte, le radon n’interagit pratiquement pas avec les tissus biologiques. Dans l’air ambiant, en revanche, les produits de désintégration du radon se fixent sur les particules en suspension (aérosols atmosphériques) et les descendants (liés ou non aux particules) sont en partie retenus au niveau de l’appareil broncho-pulmonaire. Ce sont donc surtout ces émetteurs alpha qui, en se déposant sur les bronches, sont responsables de l’irradiation des cellules des parois des voies respiratoires (les cellules cibles étant les cellules de l’épithélium bronchique).

Les risques liés au radon domestique

De nombreuses études épidémiologiques menées auprès des travailleurs exposés dans les mines (fortes concentrations en radon) ont depuis longtemps établi la relation avec le cancer du poumon. Mais les risques liés au “radon domestique” (celui de nos habitations) faisaient l’objet de polémiques depuis plus de 15 ans.
La démonstration directe d’une relation causale entre radon domestique et cancer du poumon sera apportée en 2005 avec la publication de deux grandes études épidémiologiques, l’une en Amérique du Nord et l’autre en Europe. Leurs résultats sont cohérents et leurs conclusions très proches. Il en ressort que :
- l’augmentation du risque est proportionnelle aux niveaux d’exposition au radon ;
- la relation dose-effet est linéaire, elle ne présente pas de seuil minimal et elle demeure significative même pour des concentrations en radon inférieures à 200 Bq/m3 ;
- le risque de cancer du poumon augmente de +16% par accroissement de 100 Bq/m3 de teneur calculée en radon ;
- en Europe, le radon domestique serait responsable de 9% des cas de cancer du poumon ;
- il y a un effet synergétique entre le tabac et le radon qui conduit à un risque absolu (vis-à-vis du radon) 25 fois plus élevé pour le fumeur par rapport au non-fumeur.

L’heure est à l’action

Aux Etats-Unis, janvier 2008 avait été déclaré “Mois national d’action contre le radon”. Une campagne nationale menée avec grand renfort de publicité visait à informer et mobiliser les citoyens. Cette campagne de sensibilisation lancée par l’US-EPA (Environmental Protection Agency) s’est voulue percutante. L’Agence affiche en gros titres :
- “le radon = deuxième cause de mortalité par cancer du poumon” (après le tabac) ;
- “le radon est responsable de 21000 décès par cancer chaque année aux USA” ;
- “le radon cause tous les ans 100 fois plus de décès que l’empoisonnement au monoxyde de carbone (CO)”…
Dans d’autres pays, les autorités compétentes ont également chiffré le nombre de décès par an attribuables au radon domestique. Il est estimé de l’ordre de 2000 au Canada et en Grande-Bretagne. En France, c’est une fourchette de 2500 à 3350 décès annuels qui est avancée par différentes Agences. Pour l’OMS, “6 à 15 % des cancers pulmonaires seraient imputables au radon. Toutes les études concordent sur l’estimation de l’ampleur du risque”.
Nous sommes clairement face à un problème de santé publique. L’heure est donc à l’action. Le seuil d’action “bas” fixé en France à 400 Bq/m3 devrait être revu à la baisse. La plupart des pays tendent aujourd’hui vers un seuil fixé à 200 Bq/m3 (voire plus faible). Des actions de sensibilisation plus efficaces doivent être engagées à l’attention du public.

Pierre BARBEY

Conseiller scientifique de l’ACRO
Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’ouest
138, rue de l’Eglise
14200 Hérouville St Clair
Mail : acro-laboratoire@wanadoo.fr

En savoir plus : Cet article est tiré d’un dossier paru dans l’ACROnique du Nucléaire (n° 80 - mars 2008), revue trimestrielle de l’ACRO (www.acro.eu.org/).



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