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Débat sur le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR)

Politique énergétique et déchets nucléaires : les lacunes des pronostics de l’Andra

Article publié le 2 mai 2019



L’Andra a évalué la production de déchets nucléaires, en fonction de quatre scénarios de prolongation des réacteurs français. Mais l’exercice est incomplet : la radioactivité est la grande absente.



Ce jeudi 12 juillet, l’Andra a présenté son inventaire national des déchets et matières radioactifs. Le document présente tous les trois ans l’état des stocks, la provenance et la localisation des matières et déchets nucléaires. Cette année, il présente surtout des estimations des quantités de déchets qui seront produites selon différents scénarios d’arrêt, de prolongement ou de renouvellement du parc nucléaire. Il s’agit notamment d’informer les décideurs dans le cadre du débat public sur le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) qui démarrera en décembre.

Les trois oublis de l’Andra

L’Andra a évalué quatre scénarios de politique énergétiques. Deux (SR1 et SR2) prennent en compte une prolongation à 50 ou 60 ans des réacteurs actuels et le déploiement d’EPR et de réacteurs de quatrième génération. Un scénario (SR3) prend en compte le prolongement du parc et son renouvellement par des EPR et un dernier (SNR) envisage la fermeture des réacteurs à 40 ans, sans renouvellement. Mais les responsables politiques chargés de prévoir la gestion des déchets nucléaires risquent de rester sur leur faim, car ces scénarios présentent trois lacunes.

Tout d’abord, l’Andra n’évalue pas la radioactivité totale des déchets associés à ces scénarios. Pour l’Agence, les volumes de déchets nucléaires se mesurent en “piscines“ (pour le total produit), en “briques de lait“ (pour la production annuelle par Français) ou en “cuillères à soupe“ (pour la production annuelle des déchets les plus radioactifs), mais pas en becquerels (Bq). A-t-elle réalisé une évaluation de la dangerosité des déchets ? Apparemment non, expliquent ses représentants quelque peu gênés. En attendant, les décideurs devront donc se passer du volume de radioactivité global auquel la société devra faire face, selon les choix de politique énergétique. Et pourtant, un mètre-cube de déchets à haute activité (plusieurs milliards de Bq par gramme) n’a rien de comparable avec un mètre-cube de déchets à faible activité (moins de 100 Bq par gramme).

Deuxième problème : les échéances des scénarios ne sont pas connues. L’Andra évalue des volumes de déchets “à terminaison“, c’est-à-dire “à la fin du démantèlement des installations nucléaires autorisées à fin 2016“. Les scénarios se basant sur des durées de vie différentes, les échéances diffèrent d’un scénario à l’autre. Mais l’Andra ne les précise pas. Enfin, la dernière lacune est économique : l’Agence n’évalue pas les coûts de gestion de ces déchets.

Mine d’uranium à Kakadu Park en Australi
Mine d’uraniumà Kakadu Park en Australie

La production de déchets de haute activité varie sensiblement

L’absence de référence à la radioactivité est d’autant plus problématique que la production de déchets de haute activité est l’enjeu central des scénarios. En effet, la comparaison ne fait pas apparaître de différence majeure en termes de production de déchets de moyenne activité (de 61.000 à 72.000 m3), de faible activité à vie longue (190.000 m3 pour les quatre scénarios), de faible et moyenne activité à vie courte (de 1,8 à 2 millions de m3) ou de très faible activité (de 2,1 à 2,3 millions de m3). À chaque fois, les scénarios de prolongement et de renouvellement du parc (SR1, SR2 et SR3) correspondent aux plus gros volumes de déchets.

La différence se fait sur les volumes “à terminaison“ de déchets de haute activité (HA) qui aujourd’hui concentrent 95% de la radioactivité dans 0,2% du volume total des déchets entreposés en France. Les scénarios misant sur la quatrième génération de réacteur en produisent à terme entre 10.000 et 12.000 m3, contre 4.200 m3 pour le scénario d’arrêt à 40 ans (SNR) et 9.400 m3 pour le scénario sans quatrième génération (SR3). Pour ces deux derniers scénarios, il faut ajouter aux déchets vitrifiés entre 9.100 et 28.300 tonnes de métal lourd de combustibles usés requalifiés en déchets, ce qui impose d’adapter le centre de stockage géologique de Cigéo.

Enfin, les volumes présentés par l’Andra passent sous silence une partie du problème : “les matières et déchets générés par le fonctionnement de nouveaux réacteurs venant en remplacement des réacteurs du parc électronucléaire actuel ne sont pas comptabilisés“, précise l’Andra. Or, le renouvellement des réacteurs est au cœur de ses scénarios…

Philippe Collet

Article initialement publié sur actu-environnement.com le 12 juillet 2018

Ce jeudi 12 juillet, l’Andra a présenté son inventaire national des déchets et matières radioactifs. Le document présente tous les trois ans l’état des stocks, la provenance et la localisation des matières et déchets nucléaires. Cette année, il présente surtout des estimations des quantités de déchets qui seront produites selon différents scénarios d’arrêt, de prolongement ou de renouvellement du parc nucléaire. Il s’agit notamment d’informer les décideurs dans le cadre du débat public sur le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) qui démarrera en décembre.

Les trois oublis de l’Andra

L’Andra a évalué quatre scénarios de politique énergétiques. Deux (SR1 et SR2) prennent en compte une prolongation à 50 ou 60 ans des réacteurs actuels et le déploiement d’EPR et de réacteurs de quatrième génération. Un scénario (SR3) prend en compte le prolongement du parc et son renouvellement par des EPR et un dernier (SNR) envisage la fermeture des réacteurs à 40 ans, sans renouvellement. Mais les responsables politiques chargés de prévoir la gestion des déchets nucléaires risquent de rester sur leur faim, car ces scénarios présentent trois lacunes.

Tout d’abord, l’Andra n’évalue pas la radioactivité totale des déchets associés à ces scénarios. Pour l’Agence, les volumes de déchets nucléaires se mesurent en “piscines“ (pour le total produit), en “briques de lait“ (pour la production annuelle par Français) ou en “cuillères à soupe“ (pour la production annuelle des déchets les plus radioactifs), mais pas en becquerels (Bq). A-t-elle réalisé une évaluation de la dangerosité des déchets ? Apparemment non, expliquent ses représentants quelque peu gênés. En attendant, les décideurs devront donc se passer du volume de radioactivité global auquel la société devra faire face, selon les choix de politique énergétique. Et pourtant, un mètre-cube de déchets à haute activité (plusieurs milliards de Bq par gramme) n’a rien de comparable avec un mètre-cube de déchets à faible activité (moins de 100 Bq par gramme).

Deuxième problème : les échéances des scénarios ne sont pas connues. L’Andra évalue des volumes de déchets “à terminaison“, c’est-à-dire “à la fin du démantèlement des installations nucléaires autorisées à fin 2016“. Les scénarios se basant sur des durées de vie différentes, les échéances diffèrent d’un scénario à l’autre. Mais l’Andra ne les précise pas. Enfin, la dernière lacune est économique : l’Agence n’évalue pas les coûts de gestion de ces déchets.

Mine d’uranium à Kakadu Park en Australi
Mine d’uraniumà Kakadu Park en Australie

La production de déchets de haute activité varie sensiblement

L’absence de référence à la radioactivité est d’autant plus problématique que la production de déchets de haute activité est l’enjeu central des scénarios. En effet, la comparaison ne fait pas apparaître de différence majeure en termes de production de déchets de moyenne activité (de 61.000 à 72.000 m3), de faible activité à vie longue (190.000 m3 pour les quatre scénarios), de faible et moyenne activité à vie courte (de 1,8 à 2 millions de m3) ou de très faible activité (de 2,1 à 2,3 millions de m3). À chaque fois, les scénarios de prolongement et de renouvellement du parc (SR1, SR2 et SR3) correspondent aux plus gros volumes de déchets.

La différence se fait sur les volumes “à terminaison“ de déchets de haute activité (HA) qui aujourd’hui concentrent 95% de la radioactivité dans 0,2% du volume total des déchets entreposés en France. Les scénarios misant sur la quatrième génération de réacteur en produisent à terme entre 10.000 et 12.000 m3, contre 4.200 m3 pour le scénario d’arrêt à 40 ans (SNR) et 9.400 m3 pour le scénario sans quatrième génération (SR3). Pour ces deux derniers scénarios, il faut ajouter aux déchets vitrifiés entre 9.100 et 28.300 tonnes de métal lourd de combustibles usés requalifiés en déchets, ce qui impose d’adapter le centre de stockage géologique de Cigéo.

Enfin, les volumes présentés par l’Andra passent sous silence une partie du problème : “les matières et déchets générés par le fonctionnement de nouveaux réacteurs venant en remplacement des réacteurs du parc électronucléaire actuel ne sont pas comptabilisés“, précise l’Andra. Or, le renouvellement des réacteurs est au cœur de ses scénarios…

Philippe Collet

Article initialement publié sur actu-environnement.com le 12 juillet 2018



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