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Stockage des déchets : l’Europe passe la vitesse supérieure

Notre analyse du texte de la directive

Article publié le 3 août 2011



Commentaire du texte de la directive 2011/70/EURATOM du Conseil du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs

Nous avons tenté ici de relever et de commenter les passages qui nous semblaient les plus lourds de conséquences, qu’ils introduisent de nouveaux éléments ou qu’ils confortent des conceptions plus anciennes.

Le préambule évoque le corpus juridique dans le prolongement duquel se place cette directive et tente de poser quelques éléments de contexte.

Les points suivants ont attiré notre attention :

(20) « ...Chaque Etat-membre reste libre de définir sa propre politique en matière de cycle du combustible. Le combustible usé peut soit être considéré comme une ressource valorisable qui peut être retraitée, soit comme un déchet radioactif destiné au stockage direct. Quelle que soit l’option retenue, le stockage des déchets de haute activité issus du retraitement ou celui du combustible usé considéré comme un déchet devrait être envisagé ».

Cette distinction entre le combustible usé en tant que « ressource valorisable » et le combustible usé en tant que « déchet radioactif » renvoie à l’approche française, qui ne considère comme déchet radioactif que les substances radioactives pour lesquelles aucune utilisation ultérieure n’est prévue ou envisagée, et en vertu de laquelle l’uranium de retraitement, l’uranium appauvri et le plutonium ne sont pas considérés comme des déchets, puisqu’une valorisation ultérieure est envisagée. Peu importe que cette réutilisation (par ré-enrichissement de l’uranium, fabrication du combustible MOX…) soit non seulement partielle, mais également extrêmement coûteuse et polluante !

(21) « … L’entreposage de déchets radioactifs, y compris à long terme, n’est qu’une solution provisoire qui ne saurait constituer une alternative au stockage ».

Les choses sont claires : « Il n’y a pas d’alternative ! ». Nous sommes condamnés au stockage…

(23) « ...Il est communément admis que sur le plan technique, le stockage en couche géologique profonde constitue, actuellement, la solution la plus sûre et la plus durable en tant qu’étape finale de la gestion des déchets de haute activité et du combustible usé considéré comme déchet. Tout en conservant la responsabilité de leurs politiques respectives en matière de gestion du combustible usé et des déchets radioactifs de faible, moyenne ou haute activité, les Etats membres devraient prévoir la planification et la mise en oeuvre de solutions de stockage dans leurs politiques nationales... »

Confirmation : le stockage est incontournable ! Cependant, rien ne permet d’affirmer que le stockage en couche géologique profonde représente vraiment l’option la plus sûre et la plus durable. Comment peut-on être aussi catégorique concernant ce choix, qui engage un territoire pour des siècles voire des millénaires, alors même que nous ne disposons que de quelques décennies de recul pour la gestion des déchets nucléaires ? Par ailleurs, les affirmations sur la « durabilité » du stockage en couche géologique profonde sont contredites à la fois par les recherches et les faits. Concernant le site de Bure, où l’on « étudie » (avec quelques arrière-pensées) l’enfouissement en profondeur dans l’argile meusien, les travaux de l’Institute for Energy and Environmental Research ont mis en évidence des lacunes importantes dans les dossiers, qui ne permettaient pas de présager de l’absence de risques. Dans le Nord de l’Allemagne, l’ancienne mine d’Asse, où ont été entreposés pendant des décennies 89 000 tonnes de déchets radioactifs, constitue un démenti flagrant de la durabilité d’un stockage en profondeur. Suite à des infiltrations d’eau, les fûts se sont corrodés, et la saumure dans laquelle ils baignent menace de contaminer les nappes phréatiques, sans qu’il soit possible d’y remédier.

(24) « Chaque Etat membre devrait avoir l’obligation morale d’éviter d’imposer aux générations futures des contraintes excessives liées au combustible usé et aux déchets radioactifs, en ce compris des déchets radioactifs résultant du démantèlement d’installations nucléaires existantes... ».

Pourquoi ne pas en tirer la conclusion qui s’impose, qui serait la réduction des déchets « à la source » ?

(31) « La transparence est un aspect important de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs. Elle devrait être assurée en garantissant que le public soit informé de manière effective et que toutes les parties concernées, y compris les autorités locales et le public, se voient offrir la possibilité de participer au processus de décision, conformément aux obligations nationales et internationales ».

Quelle forme prendra la « participation » des citoyens ? Qu’ils « participent » à des réunions d’information où on leur apprendra à quelle sauce ils vont être mangés ?

(33) « Certains Etats membres estiment que le partage d’installations de gestion du combustible usé et des déchets radioactifs, y compris des installations de stockage, peut constituer une option avantageuse, sûre et économique lorsqu’il repose sur un accord entre les Etats membres concernés ».

Comprendre : si nous n’avons pas les moyens de gérer nos déchets nous-mêmes, nous serions enchantés de pouvoir les mettre chez nos voisins !  

(34) « ...Le processus décisionnel devrait être fondé sur un ensemble d’arguments et de preuves visant à démontrer que la norme de sûreté requise est respectée pour une installation ou une activité liée à la gestion de combustible usé et de déchets radioactifs... ».

Une telle méthodologie ne manque pas de culot : on ne cherche pas à « étudier si », mais à « démontrer que ». Par ailleurs, nulle mention n’est faite ici à l’obligation de recourir à une expertise contradictoire.

Article 2 (Périmètre) « 1. La présente directive s’applique à toutes les étapes : a) de la gestion du combustible usé, lorsque ce dernier résulte d’activités civiles ; b) de la gestion des déchets radioactifs, de la production au stockage, lorsque ces déchets résultent d’activités civiles. 2. La présente directive ne s’applique pas : a) aux déchets des industries extractives qui sont susceptibles d’être radioactifs et qui entrent dans le champ d’application de la directive 2006/21/CE ; b) aux rejets autorisés... »

Une question reste en suspens : qu’advient-il des déchets provenant des déchets radioactifs d’origine militaire ?

Article 3 (définitions) : « Aux fins de la présente directive, on entend par : (…) 7. « déchet radioactif », une substance radioactive sous forme gazeuse, liquide ou solide pour laquelle aucune utilisation ultérieure n’est prévue ou envisagée par l’Etat membre ou par une personne morale ou physique dont la décision est acceptée par l’Etat membre, et qui est considérée comme un déchet radioactif par une autorité de réglementation compétente dans le cadre législatif et règlementaire de l’Etat membre... »

On retrouve ici la conception française du déchet radioactif, qui se base uniquement sur le critère de l’utilisation ultérieure.

Article 4 (principes généraux) : « 3. Les politiques nationales reposent sur tous les principes suivants : a) la production de déchets radioactifs est maintenue au niveau le plus bas qu’il est raisonnablement possible d’atteindre, en terme d’activité et de volume, au moyen de mesures de conception appropriées et de pratiques d’exploitation et de démantèlement, y compris le recyclage et la réutilisation des substances... »

La meilleure manière de conserver la production de déchets au minimum n’est-elle pas d’arrêter d’en produire ? Par ailleurs, il est assez hypocrite que cette demande de garder la production de déchets au niveau le plus bas possible ne s’accompagne pas d’une condamnation du « retraitement », tel qu’il est effectué à l’usine de La Hague. Loin de réduire le volume des déchets, cette pratique en génère de nouveaux, d’une dangerosité accrue. L’encouragement à recycler et réutiliser les déchets radioactifs n’est-il pas un appel du pied à l’inclusion de matériaux radioactifs dans les matériaux de construction et les biens de consommations, tel qu’autorisé en France par le décret du 5 mai 2009 ? On peut ainsi imaginer que, lors du démantèlement d’un réacteur, la DDE ne soit invitée à réutiliser les gravats comme remblai pour les routes, comme cela a déjà été le cas avec les stériles miniers (Cf reportage « Uranium, le scandale de la France contaminée »).

4. « Les déchets radioactifs sont stockés dans l’Etat membre où ils ont été produits, à moins qu’au moment de leur transfert, un accord prenant en compte les critères établis par la Commission conformément à l’article 16, paragraphe 2, de la directive 2006/117/Euratom, ne soit entré en vigueur entre l’Etat membre concerné et un autre Etat membre ou un pays tiers pour utiliser une installation de stockage dans l’un de ces Etats... »

Voilà qui ouvre la porte à la création de quelques poubelles atomiques internationales, en Union Européenne ou dans des Etats voisins, qui recueilleront les déchets de plusieurs pays. Les sites de Bure (Meuse), Onkalo (Finlande), Gorleben (Allemagne) et Osthammar (Suède) sont ainsi pressentis. Une manière commode, pour certains petits pays, d’éviter la gestion de leurs déchets les plus dangereux. Les pays qui accueilleront les déchets de leurs voisins se réjouissent à l’avance d’une manne financière hypothétique, mais à quel prix ? De nouveaux transports aussi coûteux que dangereux… et un risque très réel de contamination des sols et eaux souterraines à terme.

Commentaire du texte de la directive 2011/70/EURATOM du Conseil du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs

Nous avons tenté ici de relever et de commenter les passages qui nous semblaient les plus lourds de conséquences, qu’ils introduisent de nouveaux éléments ou qu’ils confortent des conceptions plus anciennes.

Le préambule évoque le corpus juridique dans le prolongement duquel se place cette directive et tente de poser quelques éléments de contexte.

Les points suivants ont attiré notre attention :

(20) « ...Chaque Etat-membre reste libre de définir sa propre politique en matière de cycle du combustible. Le combustible usé peut soit être considéré comme une ressource valorisable qui peut être retraitée, soit comme un déchet radioactif destiné au stockage direct. Quelle que soit l’option retenue, le stockage des déchets de haute activité issus du retraitement ou celui du combustible usé considéré comme un déchet devrait être envisagé ».

Cette distinction entre le combustible usé en tant que « ressource valorisable » et le combustible usé en tant que « déchet radioactif » renvoie à l’approche française, qui ne considère comme déchet radioactif que les substances radioactives pour lesquelles aucune utilisation ultérieure n’est prévue ou envisagée, et en vertu de laquelle l’uranium de retraitement, l’uranium appauvri et le plutonium ne sont pas considérés comme des déchets, puisqu’une valorisation ultérieure est envisagée. Peu importe que cette réutilisation (par ré-enrichissement de l’uranium, fabrication du combustible MOX…) soit non seulement partielle, mais également extrêmement coûteuse et polluante !

(21) « … L’entreposage de déchets radioactifs, y compris à long terme, n’est qu’une solution provisoire qui ne saurait constituer une alternative au stockage ».

Les choses sont claires : « Il n’y a pas d’alternative ! ». Nous sommes condamnés au stockage…

(23) « ...Il est communément admis que sur le plan technique, le stockage en couche géologique profonde constitue, actuellement, la solution la plus sûre et la plus durable en tant qu’étape finale de la gestion des déchets de haute activité et du combustible usé considéré comme déchet. Tout en conservant la responsabilité de leurs politiques respectives en matière de gestion du combustible usé et des déchets radioactifs de faible, moyenne ou haute activité, les Etats membres devraient prévoir la planification et la mise en oeuvre de solutions de stockage dans leurs politiques nationales... »

Confirmation : le stockage est incontournable ! Cependant, rien ne permet d’affirmer que le stockage en couche géologique profonde représente vraiment l’option la plus sûre et la plus durable. Comment peut-on être aussi catégorique concernant ce choix, qui engage un territoire pour des siècles voire des millénaires, alors même que nous ne disposons que de quelques décennies de recul pour la gestion des déchets nucléaires ? Par ailleurs, les affirmations sur la « durabilité » du stockage en couche géologique profonde sont contredites à la fois par les recherches et les faits. Concernant le site de Bure, où l’on « étudie » (avec quelques arrière-pensées) l’enfouissement en profondeur dans l’argile meusien, les travaux de l’Institute for Energy and Environmental Research ont mis en évidence des lacunes importantes dans les dossiers, qui ne permettaient pas de présager de l’absence de risques. Dans le Nord de l’Allemagne, l’ancienne mine d’Asse, où ont été entreposés pendant des décennies 89 000 tonnes de déchets radioactifs, constitue un démenti flagrant de la durabilité d’un stockage en profondeur. Suite à des infiltrations d’eau, les fûts se sont corrodés, et la saumure dans laquelle ils baignent menace de contaminer les nappes phréatiques, sans qu’il soit possible d’y remédier.

(24) « Chaque Etat membre devrait avoir l’obligation morale d’éviter d’imposer aux générations futures des contraintes excessives liées au combustible usé et aux déchets radioactifs, en ce compris des déchets radioactifs résultant du démantèlement d’installations nucléaires existantes... ».

Pourquoi ne pas en tirer la conclusion qui s’impose, qui serait la réduction des déchets « à la source » ?

(31) « La transparence est un aspect important de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs. Elle devrait être assurée en garantissant que le public soit informé de manière effective et que toutes les parties concernées, y compris les autorités locales et le public, se voient offrir la possibilité de participer au processus de décision, conformément aux obligations nationales et internationales ».

Quelle forme prendra la « participation » des citoyens ? Qu’ils « participent » à des réunions d’information où on leur apprendra à quelle sauce ils vont être mangés ?

(33) « Certains Etats membres estiment que le partage d’installations de gestion du combustible usé et des déchets radioactifs, y compris des installations de stockage, peut constituer une option avantageuse, sûre et économique lorsqu’il repose sur un accord entre les Etats membres concernés ».

Comprendre : si nous n’avons pas les moyens de gérer nos déchets nous-mêmes, nous serions enchantés de pouvoir les mettre chez nos voisins !  

(34) « ...Le processus décisionnel devrait être fondé sur un ensemble d’arguments et de preuves visant à démontrer que la norme de sûreté requise est respectée pour une installation ou une activité liée à la gestion de combustible usé et de déchets radioactifs... ».

Une telle méthodologie ne manque pas de culot : on ne cherche pas à « étudier si », mais à « démontrer que ». Par ailleurs, nulle mention n’est faite ici à l’obligation de recourir à une expertise contradictoire.

Article 2 (Périmètre) « 1. La présente directive s’applique à toutes les étapes : a) de la gestion du combustible usé, lorsque ce dernier résulte d’activités civiles ; b) de la gestion des déchets radioactifs, de la production au stockage, lorsque ces déchets résultent d’activités civiles. 2. La présente directive ne s’applique pas : a) aux déchets des industries extractives qui sont susceptibles d’être radioactifs et qui entrent dans le champ d’application de la directive 2006/21/CE ; b) aux rejets autorisés... »

Une question reste en suspens : qu’advient-il des déchets provenant des déchets radioactifs d’origine militaire ?

Article 3 (définitions) : « Aux fins de la présente directive, on entend par : (…) 7. « déchet radioactif », une substance radioactive sous forme gazeuse, liquide ou solide pour laquelle aucune utilisation ultérieure n’est prévue ou envisagée par l’Etat membre ou par une personne morale ou physique dont la décision est acceptée par l’Etat membre, et qui est considérée comme un déchet radioactif par une autorité de réglementation compétente dans le cadre législatif et règlementaire de l’Etat membre... »

On retrouve ici la conception française du déchet radioactif, qui se base uniquement sur le critère de l’utilisation ultérieure.

Article 4 (principes généraux) : « 3. Les politiques nationales reposent sur tous les principes suivants : a) la production de déchets radioactifs est maintenue au niveau le plus bas qu’il est raisonnablement possible d’atteindre, en terme d’activité et de volume, au moyen de mesures de conception appropriées et de pratiques d’exploitation et de démantèlement, y compris le recyclage et la réutilisation des substances... »

La meilleure manière de conserver la production de déchets au minimum n’est-elle pas d’arrêter d’en produire ? Par ailleurs, il est assez hypocrite que cette demande de garder la production de déchets au niveau le plus bas possible ne s’accompagne pas d’une condamnation du « retraitement », tel qu’il est effectué à l’usine de La Hague. Loin de réduire le volume des déchets, cette pratique en génère de nouveaux, d’une dangerosité accrue. L’encouragement à recycler et réutiliser les déchets radioactifs n’est-il pas un appel du pied à l’inclusion de matériaux radioactifs dans les matériaux de construction et les biens de consommations, tel qu’autorisé en France par le décret du 5 mai 2009 ? On peut ainsi imaginer que, lors du démantèlement d’un réacteur, la DDE ne soit invitée à réutiliser les gravats comme remblai pour les routes, comme cela a déjà été le cas avec les stériles miniers (Cf reportage « Uranium, le scandale de la France contaminée »).

4. « Les déchets radioactifs sont stockés dans l’Etat membre où ils ont été produits, à moins qu’au moment de leur transfert, un accord prenant en compte les critères établis par la Commission conformément à l’article 16, paragraphe 2, de la directive 2006/117/Euratom, ne soit entré en vigueur entre l’Etat membre concerné et un autre Etat membre ou un pays tiers pour utiliser une installation de stockage dans l’un de ces Etats... »

Voilà qui ouvre la porte à la création de quelques poubelles atomiques internationales, en Union Européenne ou dans des Etats voisins, qui recueilleront les déchets de plusieurs pays. Les sites de Bure (Meuse), Onkalo (Finlande), Gorleben (Allemagne) et Osthammar (Suède) sont ainsi pressentis. Une manière commode, pour certains petits pays, d’éviter la gestion de leurs déchets les plus dangereux. Les pays qui accueilleront les déchets de leurs voisins se réjouissent à l’avance d’une manne financière hypothétique, mais à quel prix ? De nouveaux transports aussi coûteux que dangereux… et un risque très réel de contamination des sols et eaux souterraines à terme.


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