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En direct de New York : Conférence de l’ONU pour un traité d’interdiction des armes nucléaires

15 juin 2017 | Lettre à la Présidente de la Conférence




Ce 15 juin 2017, la Conférence de l’ONU, ouverte à tous les Etats membres dotés ou non d’armes nucléaires et aux représentants de la "société civile", et chargée de rédiger un "instrument juridique" (traité ou convention) d’interdiction des armes nucléaires avec pour objectif leur élimination totale, se réunit à New York pour sa seconde et dernière session, du 15 juin au 7 juillet. Le texte issu de cette conférence devra ensuite être soumis à l’Assemblée générale annuelle de l’ONU qui se réunira à New York à l’automne prochain.

La première session avait rassemblé 132 délégations gouvernementales du 27 au 31 mars. Nous y étions représentés et y sommes intervenus (voir ci-dessous). Depuis, la présidente de la Conférence, après consultations diplomatiques, a élaboré et adressé à l’ensemble des participants un premier jet ("draft") de convention, qui va faire l’objet de discussions pendant la présente session.

Plusieurs organisations internationales, dont ICAN (International Campaign to Abolish Nuclear weapons) et, aujourd’hui même, Reaching Critical Will (l’organisme de la Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté qui suit régulièrement les réunions internationales relatives au désarmement en général, notamment nucléaire) ont adressé à la présidente leurs remarques détaillées sur ce projet. Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours de la session. Nous avons pour notre part écrit hier à la présidente pour attirer son attention sur deux points particuliers. C’est cette lettre qu’on trouvera ci-après.



A l’ONU : Bas les armes !

Lettre à la Présidente de la Conférence

S.E. Elayne White-Gomez

Ambassadeur du Costa-Rica

Présidente de la Conférence de l’ONU

Pour un traité d’interdiction des armes nucléaires

Copies : S.E. M. l’Ambassadeur d’Autriche

S.E. M. l’Ambassadeur du Chili

Excellence,

Madame la Présidente,

Alors que la Conférence que vous présidez va ouvrir demain sa deuxième et dernière session à New York, permettez-moi de vous remercier chaleureusement à la fois pour la façon dont vous l‘avez conduite jusqu’à présent et pour y donner sans discrimination la parole à tous ses participants, y compris aux représentants de la société civile, en particulier en nous ayant offert le 30 mars dernier une journée de libres débats, sans tabou ni censure.

Je souhaite également remercier M. l’ambassadeur d’Autriche, qui présidait la séance, de m’avoir accordé la parole à cette occasion, et M. l’ambassadeur du Chili de m’avoir aimablement laissé son siège et son micro pour la durée de mon intervention, faite en partie en anglais, en partie en français. (...)

Je souhaite enfin vous remercier pour le projet de Convention que vous avez diffusé et qui constitue une base de travail solide et quasi exhaustive. Je me réjouis en outre de constater que ce projet ne comporte pas de référence au « droit imprescriptible à l’énergie nucléaire ». Mais j’aimerais connaître vos réponses à certaines questions que des collègues français et moi-même nous posons à propos de deux points :

1°) L’Article 2 .1 stipule :

« Chaque Etat partie soumettra au Secrétaire Général des Nations Unies, au plus tard 30 jours après que cette Convention entrera en force pour lui une déclaration dans laquelle il dira s’il a fabriqué, possédé ou acquis de quelque manière que ce soit des armes nucléaires ou autres engins explosifs nucléaires après le 5 décembre 2001 » A quoi cette date du 5 décembre 2001 se réfère-t-elle et pourquoi les autres Etats parties ayant acquis des armes nucléaires avant cette date ne devraient-ils pas, eux aussi, procéder à une telle déclaration ? Est-ce à dire, par exemple, que la France, si elle décidait d’adhérer au traité, n’aurait pas besoin de déclarer les armes qu’elle possède ? Ni aucun autre Etat connu comme étant doté d’armes nucléaires, à l’exception de la Corée du Nord ?

2°) A propos du droit de retrait, l’article 18.2 dispose que :

« Chaque Etat Partie aura, dans l’exercice de sa souveraineté nationale, le droit de se retirer de la Convention s’il estime que des événements extraordinaires relatifs au sujet de cette convention ont mis en péril les intérêts suprêmes de son pays. Il notifiera un tel retrait à toutes les autres Parties à la Convention et au Conseil de sécurité des Nations Unies trois mois à l’avance. Cette notification comprendra un relevé des événements extraordinaires qu’il considère comme ayant mis en péril ses intérêts suprêmes. »

En invoquant la défense d’ « intérêts suprêmes » - que la doctrine française appelle « intérêts vitaux » - dans des « circonstances exceptionnelles », ce « droit de retrait » fait-il autre chose qu’admettre le motif invoqué par la France pour amener la Cour Internationale de Justice à conclure son avis consultatif du 8 juillet 1996 : « Au vu de l’état actuel du droit international, ainsi que des éléments de fait dont elle dispose, la Cour ne peut cependant conclure de façon définitive que la menace ou l’emploi d’armes nucléaires serait licite ou illicite dans une circonstance extrême de légitime défense dans laquelle la survie même d’un Etat serait en cause » ? N’est-ce pas justement cette concession faite à la France et du même coup aux autres EDAN qui leur a permis, sous couvert de « dissuasion », de ne jamais appliquer l’article 6 du TNP, et qui a gelé toute interdiction des armes nucléaires depuis cet avis consultatif de la CIJ ? Et n’est-ce pas précisément cette « exception » que le traité en cours de discussion est destiné à dépasser en énonçant une interdiction universelle, inconditionnelle et définitive, valable en tout lieu et toute circonstance pour tous les Etats Parties et même pour les Etats qui ne seront pas parties à la Convention ? L’adhésion à une telle interdiction n’est pas affaire de circonstances. Elle repose sur la reconnaissance que les armes nucléaires sont des instruments de crime contre l’humanité. Elle revient à exiger l’abolition de cette peine de mort collective et indiscriminée que constituent ces armes. Aucune circonstance ne saurait les légitimer.

Certes, l’article 18.3 semble restreindre la portée de ce « droit de retrait » lorsqu’il dispose que :

« Un tel retrait ne prendra effet que trois mois après réception de l’instrument du retrait par le Dépositaire. Cependant, si, à l’expiration de cette période de trois mois, l’Etat Partie qui se retire est engagé dans les situations auxquelles se réfère l’article 2 commun aux conventions de Genève du 2 août 1949 pour la protection des victimes de guerre, y compris toute situation décrite au paragraphe 4 de l’article 1 du Protocole additionnel I à ces conventions, l’Etat Partie continuera à être lié par les obligations de cette Convention et de tout protocole annexe jusqu’à la fin du conflit armé ou de l’occupation. »

Ainsi, étant donné que les armes nucléaires contreviennent évidemment aux Conventions de Genève, la ou les Etats Parties qui se retireraient du traité d’interdiction en arguant des circonstances exceptionnelles auxquelles ils sont confrontés n’en obtiendraient pas pour autant de nouvelles libertés, notamment pas celle d’utiliser leurs armes nucléaires ni même d’en menacer un ennemi. Dès lors, à quoi peut bien leur servir ce droit de retrait, sinon à conserver par devers eux l’idée, enracinée chez les EDAN, que l’interdiction de posséder des armes nucléaires et d’en user n’est ni inconditionnelle ni absolue, qu’en cas d’urgence ils pourraient en user ou menacer d’en user s’ils en possèdent encore, ou que des Etats en guerre pourraient au moins s’affranchir des interdictions du traité après « la fin du conflit ou de l’occupation ». Mais alors, pourquoi pas aussi pendant la guerre ?

Il nous semble donc que ces dispositions contradictoires entre elles sont aussi contraires à la finalité même du traité d’interdiction et que, pour ces raisons, elles devraient être reconsidérées au cours de la présente session de la Conférence.

Veuillez agréer, Madame la Présidente, l’expression de ma profonde considération.

Jean-Marie Matagne

Docteur en Philosophie

Président d’ACDN

Administrateur du Réseau « Sortir du nucléaire »

A l’ONU : Bas les armes !

Lettre à la Présidente de la Conférence

S.E. Elayne White-Gomez

Ambassadeur du Costa-Rica

Présidente de la Conférence de l’ONU

Pour un traité d’interdiction des armes nucléaires

Copies : S.E. M. l’Ambassadeur d’Autriche

S.E. M. l’Ambassadeur du Chili

Excellence,

Madame la Présidente,

Alors que la Conférence que vous présidez va ouvrir demain sa deuxième et dernière session à New York, permettez-moi de vous remercier chaleureusement à la fois pour la façon dont vous l‘avez conduite jusqu’à présent et pour y donner sans discrimination la parole à tous ses participants, y compris aux représentants de la société civile, en particulier en nous ayant offert le 30 mars dernier une journée de libres débats, sans tabou ni censure.

Je souhaite également remercier M. l’ambassadeur d’Autriche, qui présidait la séance, de m’avoir accordé la parole à cette occasion, et M. l’ambassadeur du Chili de m’avoir aimablement laissé son siège et son micro pour la durée de mon intervention, faite en partie en anglais, en partie en français. (...)

Je souhaite enfin vous remercier pour le projet de Convention que vous avez diffusé et qui constitue une base de travail solide et quasi exhaustive. Je me réjouis en outre de constater que ce projet ne comporte pas de référence au « droit imprescriptible à l’énergie nucléaire ». Mais j’aimerais connaître vos réponses à certaines questions que des collègues français et moi-même nous posons à propos de deux points :

1°) L’Article 2 .1 stipule :

« Chaque Etat partie soumettra au Secrétaire Général des Nations Unies, au plus tard 30 jours après que cette Convention entrera en force pour lui une déclaration dans laquelle il dira s’il a fabriqué, possédé ou acquis de quelque manière que ce soit des armes nucléaires ou autres engins explosifs nucléaires après le 5 décembre 2001 » A quoi cette date du 5 décembre 2001 se réfère-t-elle et pourquoi les autres Etats parties ayant acquis des armes nucléaires avant cette date ne devraient-ils pas, eux aussi, procéder à une telle déclaration ? Est-ce à dire, par exemple, que la France, si elle décidait d’adhérer au traité, n’aurait pas besoin de déclarer les armes qu’elle possède ? Ni aucun autre Etat connu comme étant doté d’armes nucléaires, à l’exception de la Corée du Nord ?

2°) A propos du droit de retrait, l’article 18.2 dispose que :

« Chaque Etat Partie aura, dans l’exercice de sa souveraineté nationale, le droit de se retirer de la Convention s’il estime que des événements extraordinaires relatifs au sujet de cette convention ont mis en péril les intérêts suprêmes de son pays. Il notifiera un tel retrait à toutes les autres Parties à la Convention et au Conseil de sécurité des Nations Unies trois mois à l’avance. Cette notification comprendra un relevé des événements extraordinaires qu’il considère comme ayant mis en péril ses intérêts suprêmes. »

En invoquant la défense d’ « intérêts suprêmes » - que la doctrine française appelle « intérêts vitaux » - dans des « circonstances exceptionnelles », ce « droit de retrait » fait-il autre chose qu’admettre le motif invoqué par la France pour amener la Cour Internationale de Justice à conclure son avis consultatif du 8 juillet 1996 : « Au vu de l’état actuel du droit international, ainsi que des éléments de fait dont elle dispose, la Cour ne peut cependant conclure de façon définitive que la menace ou l’emploi d’armes nucléaires serait licite ou illicite dans une circonstance extrême de légitime défense dans laquelle la survie même d’un Etat serait en cause » ? N’est-ce pas justement cette concession faite à la France et du même coup aux autres EDAN qui leur a permis, sous couvert de « dissuasion », de ne jamais appliquer l’article 6 du TNP, et qui a gelé toute interdiction des armes nucléaires depuis cet avis consultatif de la CIJ ? Et n’est-ce pas précisément cette « exception » que le traité en cours de discussion est destiné à dépasser en énonçant une interdiction universelle, inconditionnelle et définitive, valable en tout lieu et toute circonstance pour tous les Etats Parties et même pour les Etats qui ne seront pas parties à la Convention ? L’adhésion à une telle interdiction n’est pas affaire de circonstances. Elle repose sur la reconnaissance que les armes nucléaires sont des instruments de crime contre l’humanité. Elle revient à exiger l’abolition de cette peine de mort collective et indiscriminée que constituent ces armes. Aucune circonstance ne saurait les légitimer.

Certes, l’article 18.3 semble restreindre la portée de ce « droit de retrait » lorsqu’il dispose que :

« Un tel retrait ne prendra effet que trois mois après réception de l’instrument du retrait par le Dépositaire. Cependant, si, à l’expiration de cette période de trois mois, l’Etat Partie qui se retire est engagé dans les situations auxquelles se réfère l’article 2 commun aux conventions de Genève du 2 août 1949 pour la protection des victimes de guerre, y compris toute situation décrite au paragraphe 4 de l’article 1 du Protocole additionnel I à ces conventions, l’Etat Partie continuera à être lié par les obligations de cette Convention et de tout protocole annexe jusqu’à la fin du conflit armé ou de l’occupation. »

Ainsi, étant donné que les armes nucléaires contreviennent évidemment aux Conventions de Genève, la ou les Etats Parties qui se retireraient du traité d’interdiction en arguant des circonstances exceptionnelles auxquelles ils sont confrontés n’en obtiendraient pas pour autant de nouvelles libertés, notamment pas celle d’utiliser leurs armes nucléaires ni même d’en menacer un ennemi. Dès lors, à quoi peut bien leur servir ce droit de retrait, sinon à conserver par devers eux l’idée, enracinée chez les EDAN, que l’interdiction de posséder des armes nucléaires et d’en user n’est ni inconditionnelle ni absolue, qu’en cas d’urgence ils pourraient en user ou menacer d’en user s’ils en possèdent encore, ou que des Etats en guerre pourraient au moins s’affranchir des interdictions du traité après « la fin du conflit ou de l’occupation ». Mais alors, pourquoi pas aussi pendant la guerre ?

Il nous semble donc que ces dispositions contradictoires entre elles sont aussi contraires à la finalité même du traité d’interdiction et que, pour ces raisons, elles devraient être reconsidérées au cours de la présente session de la Conférence.

Veuillez agréer, Madame la Présidente, l’expression de ma profonde considération.

Jean-Marie Matagne

Docteur en Philosophie

Président d’ACDN

Administrateur du Réseau « Sortir du nucléaire »



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