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Sortir du nucléaire n°97



Printemps 2023
Crédit photo : CRIIRAD

Agir

Devenir préleveur·euse volontaire : un contre-pouvoir citoyen pour agir au quotidien

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°97 - Printemps 2023

 Luttes et actions
Article publié le : 16 mars 2023


La Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité (CRIIRAD) et l’Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest (ACRO) sont deux laboratoires indépendants qui ont été créés après la catastrophe de Tchernobyl. Grâce à leurs préleveur·euses volontaires, des citoyen·nes engagé·es, elles effectuent régulièrement des prélèvements dans l’environnement, qui sont ensuite analysés en laboratoire. Voici les témoignages de Marylise et Guy de l’ACRO et de D.Cour et N.Faure de la CRIIRAD, préleveurs et préleveuses volontaires.



  • Comment as-tu connu l’ACRO / la CRIIRAD ?

Marylise [ACRO] : L’ACRO pour moi c’était un acronyme qui circulait à bas bruit parmi mes ami·es, mais je ne savais pas exactement ce que cela recouvrait. Mon intérêt pour cette association a été réactivé par le nouveau projet d’entreposage de matières nucléaires à La Hague. Face au discours convenu qui nous a été délivré, j’ai eu l’impression de retrouver auprès de cette association une information digne de confiance et un contre-pouvoir citoyen face à ce qui s’imposait à nous.

D.Cour [CRIIRAD] : Avant Tchernobyl, je ne me posais pas beaucoup de questions, les centrales nucléaires étaient dans le « paysage ». Je partais de loin, il n’y avait pas de militants dans mon entourage. Sans informations précises, je n’avais pas vraiment d’opinion tout en ayant conscience que si des gens étaient opposés au nucléaire, alors il devait y avoir de bonnes raisons à cela. Les dossiers de la CRIIRAD m’ont apporté les éléments factuels nécessaires pour avoir un avis éclairé sur le nucléaire.

  • Pourquoi es-tu devenu·e préleveur/préleveuse ? Qu’est-ce que ça t’apporte ?

D.Cour  : J’habite non loin de la centrale de Fessenheim, devenir préleveuse à la CRIIRAD était l’occasion de m’investir davantage dans l’association. Les personnes volontaires pour faire partie du réseau Citoyen de Vigilance sur la RADioactivité (CiViRAD), sont formées par les scientifiques du laboratoire. Cela participe à l’envie d’en savoir plus sur les rejets des centrales et d’agir concrètement.

Guy [ACRO] : Être préleveur, c’est une manière de militer, d’être sur le terrain et de bien le connaître, puisqu’on fait des prélèvements autour des installations nucléaires. De plus, on s’aperçoit vite que les industriels et l’IRSN font des analyses, mais pas forcément aux endroits où l’on va trouver des pollutions, l’avantage d’être préleveur c’est qu’on peut prélever à n’importe quel endroit : le lieu de prélèvement est très important. Et puis, je suis fils d’agriculteur, j’observe ce qui m’entoure depuis toujours : ça me fait plaisir le côté observateur des prélèvements, et de vraiment comprendre la radioactivité. Et avec le labo on peut poser des questions.

N.Faure [CRIIRAD] : C’est agréable de constater que d’autres partagent mes doutes et mes questionnements, et c’est surtout très rassurant de savoir que des professionnels très pointus ont des réponses pertinentes et fiables. Avec les autres membres du réseau CiViRAD et la CRIIRAD on se rencontre tous les ans et c’est toujours très sympa. Cette connexion me rassure dans un monde qui m’inquiète de plus en plus.

Marylise : Avec l’ACRO, j’ai rencontré une association ouverte qui travaille avec intelligence dans sa volonté d’informer et de débattre, et dont j’apprécie la recherche d’autonomie financière et l’ouverture sur de multiples chantiers. J’ai été séduite par le sentiment de me sentir mieux informée et de pouvoir agir, car c’est ce que l’action restaure en nous face à l’impuissance dans laquelle nous sommes parfois acculés ; l’idée d’une autre citoyenneté où nous pourrions participer et agir en connaissance de cause. Et participer aux prélèvements, c’est agir dans le concret au quotidien.

Prélèvements en cours. ©ACRO
  • Justement, comment se forme-t-on aux prélèvements ?

D.Cour : Conformément aux recommandations et protocoles des scientifiques de la CRIIRAD, des lieux sont choisis pour des prélèvements d’herbe, de sol, de sédiments, d’eau, de végétaux terrestres ou aquatiques. La formation des membres du réseau CiViRAD est théorique et pratique pour être en mesure de réaliser des prélèvements dans l’environnement. Nous nous rencontrons une fois par an lors d’un week-end de formation.

Marylise : Je suis adhérente de l’ACRO depuis un peu plus d’un an seulement. N’ayant aucune représentation préalable d’un prélèvement, j’appréhendais un peu lors du premier RDV. Mais tout a été très simple. Il s’agissait de décoller quelques patelles de leur rocher, de prélever des laminaires, de l’eau de mer et du sable, toujours au même endroit, et nous étions bien encadré·es.

  • Quel était ton opinion sur le nucléaire quand tu as rejoint cette association ? Est-ce qu’elle a évolué depuis ?

N.Faure : Le nucléaire a été le premier éveil politique de l’adolescent que j’étais dans les années 80. J’ai toujours été méfiant sur le nucléaire, notamment à cause de la manière dont il a été imposé sans la moindre concertation et à cause des déchets. Tchernobyl a été un choc pour moi quand les mensonges du gouvernement, qui ne voulait pas jeter le discrédit sur son choix du tout nucléaire, sont devenus évidents. Je n’aurais pas imaginé qu’on puisse mentir ainsi à tout le monde en mettant la santé de millions de personnes en jeu pour des intérêts économiques.

Marylise : Rejoindre l’ACRO n’a pas modifié mon opinion sur le nucléaire en ce sens que je n’ai jamais accepté tout ce qui menace le génome du vivant, mais cela a approfondi ma connaissance des dangers, des processus et des enjeux derrière la question nucléaire. Tout ceci n’a pas non plus fondamentalement changé mon rapport à ce territoire que j’aime, mais ça m’a surtout permis de prendre part à sa défense. Même si c’est peu de chose, c’est toujours quelque chose, et par cette simple action en accord avec mon éthique profonde, je retrouve une certaine dignité.

  • Un dernier mot pour la fin ?

D.Cour : Le savoir citoyen, la vigilance et l’alerte citoyenne sont des garde-fous face à la destruction de l’environnement et des éco-systèmes. Ce travail est indispensable !

Guy : N’hésitez pas, venez nous rejoindre ! Plus on sera nombreux·euses, mieux on pourra se donner une autre info sur le nucléaire.

Propos recueillis par Mathilde Damecour

Vous aussi, devenez préleveur·euse !
Rejoindre la CRIIRAD : https://www.criirad.org/le-reseau-civirad/
Rejoindre l’ACRO : https://www.acro.eu.org/lassociation/o-c-r/

  • Comment as-tu connu l’ACRO / la CRIIRAD ?

Marylise [ACRO] : L’ACRO pour moi c’était un acronyme qui circulait à bas bruit parmi mes ami·es, mais je ne savais pas exactement ce que cela recouvrait. Mon intérêt pour cette association a été réactivé par le nouveau projet d’entreposage de matières nucléaires à La Hague. Face au discours convenu qui nous a été délivré, j’ai eu l’impression de retrouver auprès de cette association une information digne de confiance et un contre-pouvoir citoyen face à ce qui s’imposait à nous.

D.Cour [CRIIRAD] : Avant Tchernobyl, je ne me posais pas beaucoup de questions, les centrales nucléaires étaient dans le « paysage ». Je partais de loin, il n’y avait pas de militants dans mon entourage. Sans informations précises, je n’avais pas vraiment d’opinion tout en ayant conscience que si des gens étaient opposés au nucléaire, alors il devait y avoir de bonnes raisons à cela. Les dossiers de la CRIIRAD m’ont apporté les éléments factuels nécessaires pour avoir un avis éclairé sur le nucléaire.

  • Pourquoi es-tu devenu·e préleveur/préleveuse ? Qu’est-ce que ça t’apporte ?

D.Cour  : J’habite non loin de la centrale de Fessenheim, devenir préleveuse à la CRIIRAD était l’occasion de m’investir davantage dans l’association. Les personnes volontaires pour faire partie du réseau Citoyen de Vigilance sur la RADioactivité (CiViRAD), sont formées par les scientifiques du laboratoire. Cela participe à l’envie d’en savoir plus sur les rejets des centrales et d’agir concrètement.

Guy [ACRO] : Être préleveur, c’est une manière de militer, d’être sur le terrain et de bien le connaître, puisqu’on fait des prélèvements autour des installations nucléaires. De plus, on s’aperçoit vite que les industriels et l’IRSN font des analyses, mais pas forcément aux endroits où l’on va trouver des pollutions, l’avantage d’être préleveur c’est qu’on peut prélever à n’importe quel endroit : le lieu de prélèvement est très important. Et puis, je suis fils d’agriculteur, j’observe ce qui m’entoure depuis toujours : ça me fait plaisir le côté observateur des prélèvements, et de vraiment comprendre la radioactivité. Et avec le labo on peut poser des questions.

N.Faure [CRIIRAD] : C’est agréable de constater que d’autres partagent mes doutes et mes questionnements, et c’est surtout très rassurant de savoir que des professionnels très pointus ont des réponses pertinentes et fiables. Avec les autres membres du réseau CiViRAD et la CRIIRAD on se rencontre tous les ans et c’est toujours très sympa. Cette connexion me rassure dans un monde qui m’inquiète de plus en plus.

Marylise : Avec l’ACRO, j’ai rencontré une association ouverte qui travaille avec intelligence dans sa volonté d’informer et de débattre, et dont j’apprécie la recherche d’autonomie financière et l’ouverture sur de multiples chantiers. J’ai été séduite par le sentiment de me sentir mieux informée et de pouvoir agir, car c’est ce que l’action restaure en nous face à l’impuissance dans laquelle nous sommes parfois acculés ; l’idée d’une autre citoyenneté où nous pourrions participer et agir en connaissance de cause. Et participer aux prélèvements, c’est agir dans le concret au quotidien.

Prélèvements en cours. ©ACRO
  • Justement, comment se forme-t-on aux prélèvements ?

D.Cour : Conformément aux recommandations et protocoles des scientifiques de la CRIIRAD, des lieux sont choisis pour des prélèvements d’herbe, de sol, de sédiments, d’eau, de végétaux terrestres ou aquatiques. La formation des membres du réseau CiViRAD est théorique et pratique pour être en mesure de réaliser des prélèvements dans l’environnement. Nous nous rencontrons une fois par an lors d’un week-end de formation.

Marylise : Je suis adhérente de l’ACRO depuis un peu plus d’un an seulement. N’ayant aucune représentation préalable d’un prélèvement, j’appréhendais un peu lors du premier RDV. Mais tout a été très simple. Il s’agissait de décoller quelques patelles de leur rocher, de prélever des laminaires, de l’eau de mer et du sable, toujours au même endroit, et nous étions bien encadré·es.

  • Quel était ton opinion sur le nucléaire quand tu as rejoint cette association ? Est-ce qu’elle a évolué depuis ?

N.Faure : Le nucléaire a été le premier éveil politique de l’adolescent que j’étais dans les années 80. J’ai toujours été méfiant sur le nucléaire, notamment à cause de la manière dont il a été imposé sans la moindre concertation et à cause des déchets. Tchernobyl a été un choc pour moi quand les mensonges du gouvernement, qui ne voulait pas jeter le discrédit sur son choix du tout nucléaire, sont devenus évidents. Je n’aurais pas imaginé qu’on puisse mentir ainsi à tout le monde en mettant la santé de millions de personnes en jeu pour des intérêts économiques.

Marylise : Rejoindre l’ACRO n’a pas modifié mon opinion sur le nucléaire en ce sens que je n’ai jamais accepté tout ce qui menace le génome du vivant, mais cela a approfondi ma connaissance des dangers, des processus et des enjeux derrière la question nucléaire. Tout ceci n’a pas non plus fondamentalement changé mon rapport à ce territoire que j’aime, mais ça m’a surtout permis de prendre part à sa défense. Même si c’est peu de chose, c’est toujours quelque chose, et par cette simple action en accord avec mon éthique profonde, je retrouve une certaine dignité.

  • Un dernier mot pour la fin ?

D.Cour : Le savoir citoyen, la vigilance et l’alerte citoyenne sont des garde-fous face à la destruction de l’environnement et des éco-systèmes. Ce travail est indispensable !

Guy : N’hésitez pas, venez nous rejoindre ! Plus on sera nombreux·euses, mieux on pourra se donner une autre info sur le nucléaire.

Propos recueillis par Mathilde Damecour

Vous aussi, devenez préleveur·euse !
Rejoindre la CRIIRAD : https://www.criirad.org/le-reseau-civirad/
Rejoindre l’ACRO : https://www.acro.eu.org/lassociation/o-c-r/



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