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Des accidents nucléaires partout

France : Paluel : Des mystérieuses dégradations (ré)apparaissent au cœur d’un réacteur

Histoire au long court et communication minimale malgré de forts enjeux de sûreté




30 avril 2024


Des mystérieuses dégradations ont été (re)trouvées au cœur du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Paluel (Normandie), sur des dispositifs essentiels pour éviter un accident. Elles avaient déjà été constatées - et réparées - sur les 4 réacteurs de la centrale entre juin 2022 et fin 2023. Tout comme alors, le communiqué d’EDF ne donne que très peu d’éléments sur l’ampleur de ces dégradations et aucune explication sur leur apparition.


Crédit photo : André Paris

Mystère à Paluel. Les soupapes de sécurité du réacteur 2, qui servent à évacuer la pression dans le circuit primaire [1], le principal circuit de refroidissement situé au cœur des réacteurs, n’auraient pas pu s’ouvrir en cas d’accident pour cause de dégradations.
Dans le circuit primaire circule de l’eau qui capte la chaleur dégagée par la réaction nucléaire. Pour éviter que cette eau ne s’évapore en raison des très fortes températures qui sévissent au cœur du réacteur, le circuit primaire est mis sous pression. Ces soupapes sont donc essentielles : elles doivent pouvoir s’ouvrir automatiquement en cas de pression trop importante dans les tuyaux pour éviter une dislocation et une explosion du circuit.

Si EDF n’informe le public que fin avril, ces dégradations des soupapes de sécurité du réacteur 2 ont été découvertes lors de son arrêt en février 2024. Re-découvertes devrait-on dire, car des dégradations similaires avaient déjà été constatées en juin 2022 sur ce même réacteur. Puis sur le réacteur 1, au printemps 2023. Des contrôles effectués sur les deux autres réacteurs du site nucléaire ont mis à jour le même problème fin 2023. Les 4 réacteurs de la centrale étaient donc impactés.

Dans ses communiqués sibyllins faits au compte-goutte ces 2 dernières années, EDF n’a jamais donné d’explication sur l’origine ou l’ancienneté de ces dégradations. Comment ont-elles été commises ? Quand ? Dans sa première déclaration, EDF a fait état de "rayure", mais de quelle ampleur ? Car pour remettre en cause le bon fonctionnement, on imagine bien qu’il ne s’agit pas seulement de petites éraflures.
L’industriel n’a jamais non plus donné de raison au fait que ces dégradations n’aient pas été découvertes plus tôt, alors que l’ouverture automatique de toutes les soupapes de sécurité était remise en cause par ces "anomalies de conformité". Ce qui est sûr, c’est que les vérifications de ces équipements ne sont pas assez fréquentes, et leur maintenance pas assez surveillée. Car il est possible que l’origine des anomalies se trouve dans les opérations d’entretien des soupapes. Ou bien s’agit-il d’un défaut de conception ?

Quoiqu’il en soit, malgré son importance, cette histoire au long court n’est toujours pas résolue. EDF avait remis en état ses soupapes de sécurité entre 2022 et 2023. Le fait que les mêmes dégradations réapparaissent en moins de 2 ans montre que l’industriel n’a pas résolu le fond du problème. Soignez le symptôme sans en traiter la cause, et il reviendra à coup sûr. En attendant que l’industriel soit à la hauteur de ses devoirs d’exploitant nucléaire, les réacteurs tournent avec des soupapes de sécurité dont il n’est pas sûr qu’elles puissent fonctionner.

Ce que dit EDF :

Déclaration d’un événement significatif de sûreté de niveau 1 relatif à une anomalie matérielle sur des soupapes du circuit primaire ne permettant pas leur qualification en cas de situation accidentelle

Publié le 30/04/2024

Publication du 30 août 2022 :

Le pressuriseur est un réservoir cylindrique permettant de contrôler la pression du circuit primaire lors de son fonctionnement. Le circuit primaire est protégé des surpressions par 3 lignes indépendantes, reliées au pressuriseur et chacune composée d’un tandem de soupapes dites SEBIM. Les soupapes sont commandées automatiquement grâce à des têtes de détection qui permettent leur ouverture en cas de situations accidentelles.
Le 17 juin 2022, l’unité de production n°2 est à l’arrêt pour visite partielle. Lors d’une intervention de maintenance, une rayure est constatée sur une portée d’étanchéité située entre l’armoire de pilotage d’un tandem de soupapes et le coffret de commande. D’autres activités de maintenance réalisées en juillet et en août ont mis en évidence que les deux autres tandems de soupapes étaient également concernés par cette anomalie.
L’ensemble des portées d’étanchéité a été remplacé.

Cet évènement n’a eu aucun impact réel sur la sûreté des installations car les soupapes sont toujours restées disponibles. Toutefois, cette anomalie ne permettait pas de garantir l’ouverture des soupapes dans des conditions accidentelles. La direction de la centrale nucléaire de Paluel a ainsi déclaré, le 26 août 2022, à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), un événement significatif relatif à la sûreté au niveau 1 de l’échelle INES qui en compte 7.

Mise à jour du 24 avril 2023 :

En mars 2023, l’unité de production n°1 de la centrale nucléaire de Paluel est en arrêt pour simple rechargement de son combustible*. Des contrôles réalisés sur les tandems de soupapes de cette unité ont permis de détecter la présence d’anomalies antérieures similaires à celles identifiées en juin 2022 sur l’unité n°2.
L’installation est alors immédiatement remise en conformité.

Cet évènement n’a eu aucun impact réel sur la sûreté des installations car les soupapes sont toujours restées disponibles. Toutefois, cette anomalie ne permettait pas de garantir l’ouverture systématique des soupapes dans des conditions accidentelles. Cette situation a conduit la direction de la centrale nucléaire de Paluel à indicer l’événement significatif relatif à la sûreté, déclaré le 26 août 2022, à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Mise à jour du 30 novembre 2023 :

À la suite d’anomalies découvertes sur les tandems de soupapes de l’unité de production n°2 (en juin 2022) et de l’unité de production n°1 (en mars 2023), des opérations de contrôle ont été réalisées sur les unités de production n°3 et n°4 de la centrale nucléaire de Paluel.
Les investigations menées sur ces deux unités de production ont permis de confirmer la présence d’anomalies similaires à celles découvertes sur les unités n°1 et 2.
L’installation a immédiatement été remise en conformité.

Cet évènement n’a eu aucun impact réel sur la sûreté des installations car les soupapes sont toujours restées disponibles. Toutefois, cette anomalie ne permettait pas de garantir l’ouverture systématique des soupapes dans des conditions accidentelles. Cette situation a conduit la direction de la centrale nucléaire de Paluel à indicer l’événement significatif relatif à la sûreté, déclaré le 26 août 2022, à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Mise à jour du 30 avril 2024 :

Dans le cadre de la visite partielle de l’unité de production n°2, débutée le 2 février 2024, les équipes de la centrale ont procédé à des examens complémentaires qui ont mis en évidence de nouvelles anomalies de conformité, dans la continuité de celles précédemment détectées, qui ont été immédiatement corrigées.

Cet évènement n’a eu aucun impact réel sur la sûreté des installations car des systèmes alternatifs permettaient de garantir les fonctions de sûreté. Toutefois, cette anomalie ne permettait pas de garantir l’ouverture systématique des soupapes dans des conditions accidentelles. Cette situation a conduit la direction de la centrale nucléaire de Paluel à indicer l’événement significatif relatif à la sûreté, déclaré le 26 août 2022, à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

* Il existe trois types d’arrêts programmés en centrale nucléaire au cours desquels des opérations de maintenance sont organisées et planifiées. L’arrêt pour simple rechargement consiste à remplacer un tiers du combustible du réacteur.


[1Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entraîner le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. La température du circuit primaire principal est encadrée par des limites afin de garantir le maintien dans un état sûr des installations en cas d’accident. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-primaire


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