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La série noire des installations nucléaires aux États-Unis

Fort Calhoun

Article publié le 6 juillet 2011



Fort Calhoun a été la première installation à donner l’alarme. Équipée d’un réacteur à eau pressurisée (c’est-à-dire du même modèle que les centrales françaises), elle a été mise en service en 1973 et atteindra donc 40 ans de service en 2013. Même à l’arrêt, comme c’est le cas depuis le 9 avril, le réacteur exige une alimentation permanente en eau sous pression afin de refroidir son cœur. Un défaut d’alimentation électrique des pompes du système de refroidissement produirait rapidement une surchauffe, puis une ébullition et de la vapeur et enfin la fusion du cœur du réacteur, tout comme à Fukushima. En 2006, l’installation est également devenu un site de stockage définitif des déchets radioactifs, et contient désormais l’équivalent de 25 années de consommation d’uranium.

Depuis le début du mois de juin 2011, une crue exceptionnelle inonde la centrale de Fort Calhoun, qui se trouve encerclée par les eaux du Missouri. "C’est vraiment une crue historique", a déclaré Jody Farhat, le directeur de l’organisme de gestion de l’eau basée à Omaha. "C’est sans précédent dans notre histoire des enregistrements hydrologiques du bassin de la rivière Missouri."

Photos : © Kent Sievers/The World-Herald

Le réacteur était à l’arrêt depuis le mois d’avril pour renouveler son combustible nucléaire, mais cela n’a pas empêché un incendie de se déclarer le 7 juin : le système de refroidissement des 670 tonnes de combustibles usés entreposées dans une piscine du site a été interrompu et relayé par le générateur de secours. Des employés ont été évacués pendant plus de 3 heures.

Le 8 juin, l’accident est classé au plus faible niveau (niveau 4) de l’échelle américaine des accidents nucléaires (et non pas de l’échelle INES). Selon les critères de cette échelle, il est question d’une « dégradation potentielle » du niveau de sécurité de la centrale, sans « rejet de radioactivité nécessitant une activité particulière ».

Le 13 juin, la centrale rejette de l’eau (contaminée au tritium ?) dans le Missouri pendant une durée indéterminée, à un débit d’environ 400 litres par minute.

Le dimanche 26 juin, une digue de protection de la centrale, en caoutchouc, cède et provoque l’encerclement par les eaux des bâtiments de confinement et des principaux équipements électriques de la centrale ; les autorités, rassurantes, affirment qu’elles suivent de près la situation et qu’il n’y a aucun danger. Elles en veulent pour preuve qu’elles « ont en place des systèmes robustes pour protéger la santé et la sécurité publiques » : des sacs de sables ! En effet, des sacs de sable et des monticules de terre ont été disposés autour des installations "sensibles" de Fort Calhoun. L’expert nucléaire indépendant Arnie Gundersen (cabinet Fairewinds Associates) a ironisé sur ce dispositif, en déclarant que « "sacs de sables et "centrale nucléaire" n’auraient jamais dû se retrouver dans la même phrase ».

Bien que toutes les installations soient au niveau du sol, les officiels des villes voisines ne semblent pas préoccupés par la situation de Fort Calhoun : « la crue nous cause beaucoup de soucis, et la centrale en est le cadet  », déclarait le maire de la ville voisine de Blair. L’élu évoque ainsi la station de retraitement des eaux usées, menacée par le Missouri, censée pomper chaque jour des milliers de litres chez les implantations industrielles locales.

Crue à Fort Calhoun

L’Omaha Public Power District, l’exploitant de la centrale, a indiqué que la centrale ne serait pas remise en fonction avant le recul des eaux. Son porte-parole a affirmé que la digue de caoutchouc longue de 600 mètres n’était pas essentielle à la protection de l’installation. Une affirmation difficile à croire : comment expliquer sinon sa mise en place initiale ? Il a toutefois ajouté qu’une équipe examinerait la paroi pour déterminer si cette dernière pouvait être colmatée.

Le 29 juin, un rayon d’évacuation de 16 km (10 miles) est décrété autour de la centrale et la population vivant dans ce périmètre est évacuée.

Le 30 juin, une pompe destinée à évacuer l’eau de la centrale s’enflamme, alors qu’un employé remplit un réservoir d’essence. Il réussit à maitriser l’incendie à l’aide d’un extincteur mais est brûlé aux bras et au visage. En fin de matinée, le niveau de l’eau atteint 8,83 m, en hausse de 0,5 m depuis la veille.

Le 11 juillet, une nouvelle digue en caoutchouc prend place et remplace celle précédemment mise en œuvre par la société OPPD.

Les opérations de démarrage s’amorcent depuis le 13 juillet mais les autorités ont annoncé le 27 juillet qu’un possible démarrage pour la mise en service de la centrale pourrait se faire aussi bien cet automne, qu’au printemps 2012. Ils précisent que la décision de redémarrage sera fonction « des réparations, des inspections et de la météo. »


Pour que l’exploitant puisse redémarrer la centrale, la NRC demande à ce que OPPD lève les réserves suivantes :
 Le niveau du Missouri devra être redescendu à une valeur inférieure de 10 pieds (environ 3 mètres) à la valeur de dimensionnement et rester de manière pérenne en dessous de cette valeur. Ce niveau ne pourra pas être atteint avant plusieurs semaines. 


 La société OPPD devra avoir nettoyé et réparé les équipements détériorés ; 


 L’exploitant devra avoir effectué les opérations prévues lors de l’arrêt pour rechargement du combustible interrompues par l’inondation ; 


 La NRC devra avoir autorisé le redémarrage, après inspection.

Photos : © Kent Sievers/The World-Herald

La crise était pourtant prévisible, puisque l’autorité de sûreté nucléaire américaine, la Nuclear Regulatory Commission (NRC), avait en 2010 mis en garde l’exploitant contre l’absence de « procédures adéquates pour protéger l’ensemble de la structure des inondations ». Le document indiquait également que la centrale n’était pas du tout préparée à un « scénario du pire » en matière d’inondation.

Des infiltrations d’eau avaient été découvertes à travers les murs de la station de pompage, qui pouvaient entraîner une altération de l’approvisionnement en eau claire pour les systèmes de refroidissement. En outre, l’Army Corps of Engineers avait émis un avis de forte inondation imminente en mai 2011.

Centrale nucléaire de Fort Calhoun

L’une des principales inquiétudes actuelles concerne l’état de la piscine où est stocké le combustible usagé. En effet, en cas de submersion, ses eaux pourraient se mélanger à celles du Missouri. Le niveau de remplissage de la piscine de stockage a atteint son maximum, si bien que l’exploitant a dû se résoudre à placer 2 000 tonnes de combustibles dans des « Dry-Casks », blocs de béton « étanches », sur un terrain légèrement surélevé.

D’autre part, les alluvions charriées par la crue sont susceptibles d’embourber la piscine, noyant alors les crayons de combustible usagé dans des tonnes de boue, en cas d’élévation du niveau des eaux. Ces limons pourraient également être responsables de l’obstruction des grilles et tubulures du condensateur qui pompe d’ordinaire les eaux claires du Missouri et assure l’approvisionnement du système de refroidissement.

Enfin, le fioul et le gazole qui assurent l’alimentation des générateurs de secours sont stockés dans des cuves qui, même pleines et étanches, sont susceptibles d’être arrachées de leur socle par l’intensité du courant. Sans compter les défauts d’isolation qui pourraient être à l’origine de courts-circuits, le système de refroidissement de secours pourrait ainsi se retrouver privé d’alimentation électrique. D’après la Nuclear Regulatory Commission, l’eau contenue dans la piscine de stockage atteindrait l’ébullition après un délai de 83 heures sans refroidissement.

Les associations environnementalistes américaines se mobilisent pour obtenir plus de transparence de la part du gouvernement Obama, qui jusqu’ici a joué la carte de l’omerta complète, en décrétant notamment une interdiction de survol de la zone. L’ONG Renewable Energy Accountability Project (REAP) a demandé la mise en place d’un pôle d’information permanent qui diffuserait l’information de façon régulière. Visiblement, les concepteurs de la centrale n’avaient pas envisagé que le Missouri puisse sortir de son lit. Le Missouri est un affluent du Mississipi qui se jette lui-même dans le Golfe du Mexique. Si des effluents radioactifs sont rejetés dans le Missouri, ils pourraient donc être dispersés bien au-delà des frontières du Nebraska.

Fort Calhoun a été la première installation à donner l’alarme. Équipée d’un réacteur à eau pressurisée (c’est-à-dire du même modèle que les centrales françaises), elle a été mise en service en 1973 et atteindra donc 40 ans de service en 2013. Même à l’arrêt, comme c’est le cas depuis le 9 avril, le réacteur exige une alimentation permanente en eau sous pression afin de refroidir son cœur. Un défaut d’alimentation électrique des pompes du système de refroidissement produirait rapidement une surchauffe, puis une ébullition et de la vapeur et enfin la fusion du cœur du réacteur, tout comme à Fukushima. En 2006, l’installation est également devenu un site de stockage définitif des déchets radioactifs, et contient désormais l’équivalent de 25 années de consommation d’uranium.

Depuis le début du mois de juin 2011, une crue exceptionnelle inonde la centrale de Fort Calhoun, qui se trouve encerclée par les eaux du Missouri. "C’est vraiment une crue historique", a déclaré Jody Farhat, le directeur de l’organisme de gestion de l’eau basée à Omaha. "C’est sans précédent dans notre histoire des enregistrements hydrologiques du bassin de la rivière Missouri."

Photos : © Kent Sievers/The World-Herald

Le réacteur était à l’arrêt depuis le mois d’avril pour renouveler son combustible nucléaire, mais cela n’a pas empêché un incendie de se déclarer le 7 juin : le système de refroidissement des 670 tonnes de combustibles usés entreposées dans une piscine du site a été interrompu et relayé par le générateur de secours. Des employés ont été évacués pendant plus de 3 heures.

Le 8 juin, l’accident est classé au plus faible niveau (niveau 4) de l’échelle américaine des accidents nucléaires (et non pas de l’échelle INES). Selon les critères de cette échelle, il est question d’une « dégradation potentielle » du niveau de sécurité de la centrale, sans « rejet de radioactivité nécessitant une activité particulière ».

Le 13 juin, la centrale rejette de l’eau (contaminée au tritium ?) dans le Missouri pendant une durée indéterminée, à un débit d’environ 400 litres par minute.

Le dimanche 26 juin, une digue de protection de la centrale, en caoutchouc, cède et provoque l’encerclement par les eaux des bâtiments de confinement et des principaux équipements électriques de la centrale ; les autorités, rassurantes, affirment qu’elles suivent de près la situation et qu’il n’y a aucun danger. Elles en veulent pour preuve qu’elles « ont en place des systèmes robustes pour protéger la santé et la sécurité publiques » : des sacs de sables ! En effet, des sacs de sable et des monticules de terre ont été disposés autour des installations "sensibles" de Fort Calhoun. L’expert nucléaire indépendant Arnie Gundersen (cabinet Fairewinds Associates) a ironisé sur ce dispositif, en déclarant que « "sacs de sables et "centrale nucléaire" n’auraient jamais dû se retrouver dans la même phrase ».

Bien que toutes les installations soient au niveau du sol, les officiels des villes voisines ne semblent pas préoccupés par la situation de Fort Calhoun : « la crue nous cause beaucoup de soucis, et la centrale en est le cadet  », déclarait le maire de la ville voisine de Blair. L’élu évoque ainsi la station de retraitement des eaux usées, menacée par le Missouri, censée pomper chaque jour des milliers de litres chez les implantations industrielles locales.

Crue à Fort Calhoun

L’Omaha Public Power District, l’exploitant de la centrale, a indiqué que la centrale ne serait pas remise en fonction avant le recul des eaux. Son porte-parole a affirmé que la digue de caoutchouc longue de 600 mètres n’était pas essentielle à la protection de l’installation. Une affirmation difficile à croire : comment expliquer sinon sa mise en place initiale ? Il a toutefois ajouté qu’une équipe examinerait la paroi pour déterminer si cette dernière pouvait être colmatée.

Le 29 juin, un rayon d’évacuation de 16 km (10 miles) est décrété autour de la centrale et la population vivant dans ce périmètre est évacuée.

Le 30 juin, une pompe destinée à évacuer l’eau de la centrale s’enflamme, alors qu’un employé remplit un réservoir d’essence. Il réussit à maitriser l’incendie à l’aide d’un extincteur mais est brûlé aux bras et au visage. En fin de matinée, le niveau de l’eau atteint 8,83 m, en hausse de 0,5 m depuis la veille.

Le 11 juillet, une nouvelle digue en caoutchouc prend place et remplace celle précédemment mise en œuvre par la société OPPD.

Les opérations de démarrage s’amorcent depuis le 13 juillet mais les autorités ont annoncé le 27 juillet qu’un possible démarrage pour la mise en service de la centrale pourrait se faire aussi bien cet automne, qu’au printemps 2012. Ils précisent que la décision de redémarrage sera fonction « des réparations, des inspections et de la météo. »


Pour que l’exploitant puisse redémarrer la centrale, la NRC demande à ce que OPPD lève les réserves suivantes :
 Le niveau du Missouri devra être redescendu à une valeur inférieure de 10 pieds (environ 3 mètres) à la valeur de dimensionnement et rester de manière pérenne en dessous de cette valeur. Ce niveau ne pourra pas être atteint avant plusieurs semaines. 


 La société OPPD devra avoir nettoyé et réparé les équipements détériorés ; 


 L’exploitant devra avoir effectué les opérations prévues lors de l’arrêt pour rechargement du combustible interrompues par l’inondation ; 


 La NRC devra avoir autorisé le redémarrage, après inspection.

Photos : © Kent Sievers/The World-Herald

La crise était pourtant prévisible, puisque l’autorité de sûreté nucléaire américaine, la Nuclear Regulatory Commission (NRC), avait en 2010 mis en garde l’exploitant contre l’absence de « procédures adéquates pour protéger l’ensemble de la structure des inondations ». Le document indiquait également que la centrale n’était pas du tout préparée à un « scénario du pire » en matière d’inondation.

Des infiltrations d’eau avaient été découvertes à travers les murs de la station de pompage, qui pouvaient entraîner une altération de l’approvisionnement en eau claire pour les systèmes de refroidissement. En outre, l’Army Corps of Engineers avait émis un avis de forte inondation imminente en mai 2011.

Centrale nucléaire de Fort Calhoun

L’une des principales inquiétudes actuelles concerne l’état de la piscine où est stocké le combustible usagé. En effet, en cas de submersion, ses eaux pourraient se mélanger à celles du Missouri. Le niveau de remplissage de la piscine de stockage a atteint son maximum, si bien que l’exploitant a dû se résoudre à placer 2 000 tonnes de combustibles dans des « Dry-Casks », blocs de béton « étanches », sur un terrain légèrement surélevé.

D’autre part, les alluvions charriées par la crue sont susceptibles d’embourber la piscine, noyant alors les crayons de combustible usagé dans des tonnes de boue, en cas d’élévation du niveau des eaux. Ces limons pourraient également être responsables de l’obstruction des grilles et tubulures du condensateur qui pompe d’ordinaire les eaux claires du Missouri et assure l’approvisionnement du système de refroidissement.

Enfin, le fioul et le gazole qui assurent l’alimentation des générateurs de secours sont stockés dans des cuves qui, même pleines et étanches, sont susceptibles d’être arrachées de leur socle par l’intensité du courant. Sans compter les défauts d’isolation qui pourraient être à l’origine de courts-circuits, le système de refroidissement de secours pourrait ainsi se retrouver privé d’alimentation électrique. D’après la Nuclear Regulatory Commission, l’eau contenue dans la piscine de stockage atteindrait l’ébullition après un délai de 83 heures sans refroidissement.

Les associations environnementalistes américaines se mobilisent pour obtenir plus de transparence de la part du gouvernement Obama, qui jusqu’ici a joué la carte de l’omerta complète, en décrétant notamment une interdiction de survol de la zone. L’ONG Renewable Energy Accountability Project (REAP) a demandé la mise en place d’un pôle d’information permanent qui diffuserait l’information de façon régulière. Visiblement, les concepteurs de la centrale n’avaient pas envisagé que le Missouri puisse sortir de son lit. Le Missouri est un affluent du Mississipi qui se jette lui-même dans le Golfe du Mexique. Si des effluents radioactifs sont rejetés dans le Missouri, ils pourraient donc être dispersés bien au-delà des frontières du Nebraska.



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