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Des accidents nucléaires partout

Brésil : Goiânia : Dispersion d’une source médicale de chlorure de césium 137




10 septembre 1987


Le 10-13 septembre 1987 à Goiânia (Brésil), la dispersion d’une source médicale de chlorure de césium 137, abandonnée en 1985 dans une clinique désaffectée, a eu des conséquences très graves. Documenté à partir de deux sources différentes.


Le barillet de l’appareil d’irradiation, contenant la source radioactive, a été récupéré par deux ferrailleurs pères de famille qui l’ont rapporté chez eux. Les premiers signes d’irradiation globale et localisée, vomissements et diarrhées, sont apparus dès le lendemain chez ces deux ferrailleurs, suivis rapidement d’érythème des mains, d’autres membres des deux familles ont aussi souffert de troubles identiques. Ces ennuis de santé n’ont pas empêché les “bricoleurs” de cisailler le barillet, ce qui a entraîné la libération de la poudre de césium. Les troubles présentés par les deux chefs de famille ne faisant qu’empirer, ces derniers ont consulté un médecin qui a diagnostiqué une pathologie tropicale.

Cinq jours après la “récupération” de la source, les premiers fragments ont été vendus à des ferrailleurs. La dispersion de la source de césium 137 dans l’environnement immédiat des habitations a entraîné des troubles digestifs chez les membres de nombreuses familles. Les enfants ont été particulièrement atteints, car, après avoir constaté la luminescence du produit, ils l’ont utilisé pour leurs jeux et pour baliser les allées.

Le 23 septembre, une personne a été hospitalisée pour brûlures. L’origine radiologique de l’accident a alors été évoquée, mais réfutée par le médecin, qui a maintenu son diagnostic d’origine. Ce n’est que quinze jours après l’arrivée de la source au foyer familial que des mesures de débit de dose ont été pratiquées, par un prospecteur de pétrole qui possédait le matériel nécessaire. Le technicien a d’abord cru à une défaillance de son matériel quand l’aiguille de son appareil s’est immédiatement bloquée en butée, dès qu’il a été à proximité des maisons ou des personnes... un deuxième appareil a confirmé la fiabilité de la première mesure.

L’alerte a finalement été donnée dans la nuit du 29 au 30 septembre, deux semaines après la “récupération” de la source. Le stade de football de la ville (un million d’habitants) a été réquisitionné afin de procéder au tri des personnes.

Six personnes ont été immédiatement évacués sur Rio de Janeiro, suivis par quatre autres le 3 octobre. A la mi-octobre, vingt personnes étaient hospitalisées, dont quatorze à Rio de Janeiro et six à Goiânia. Parmi ces vingt personnes, dix avaient reçu des doses comprises entre 300 et 700 rad et huit présentaient des signes graves d’un syndrome aigu d’irradiation (ce sont des doses “du genre” Hiroshima !). Les traitements n’ont pas pu empêcher le décès de quatre personnes, pour lesquelles les doses reçues ont été évaluées entre 450 et 600 rad. En outre, vingt-huit personnes ont souffert de brûlures, avec des lésions graves pour une dizaine d’entre eux, nécessitant des greffes et des amputations.

ACCIDENT RADIOLOGIQUE DE GOIANIA

Extrait de "TOXIQUES NUCLÉAIRES" P. Galle. Masson -

En 1987 deux ferrailleurs découvrirent, dans les locaux abandonnés d’un Institut de Radiothérapie désaffecté, une source scellée de 137Cs (1 375 Ci). Au cours de la récupération des structures métalliques, l’enveloppe de la source a été endommagée tant et si bien qu’une partie de la poudre de chlorure de césium a été dispersée dans la ville pendant le transport de la source jusqu’au domicile des démanteleurs »sauvages ». Là cette poudre, qui émettait spontanément dans l’obscurité une lumière bleue, a suscité la fascination des familles et des voisins dont certains s’emparèrent pour profiter de cette manne céleste. Cinq jours plus tard, apparurent chez ces personnes des symptômes gastro-intestinaux qui ne furent pas immédiatement rapportés à leur cause. Il faudra attendre que l’une d’elle prenne l’initiative d’apporter un échantillon de poudre de césium aux autorités sanitaires pour que les irradiés soient pris en charge et que l’environnement soit protégé.

Conséquences sur l’environnement [9]

L’environnement a été sévèrement contaminé sur une zone d’environ 1 km² nécessitant l’interdiction des lieux publics et l’évacuation des 200 personnes vivant dans les 40 habitations les plus contaminées. En certains endroits de cette zone l’exposition atteignait les valeurs de 2 Sv par heure à 1 m et d’importantes mesures ont du être prises. Quelques 5 000 m3 de matériaux ont du être transportés dans un centre de stockage temporaire situé à 20 km de la ville. Compte tenu de la très grande diffusibilité du 137Cs, la contamination s’est étendue sur une très grande surface, nécessitant des mesures sur plus de 100 km², zone dans laquelle certains points chauds ont pu être mis en évidence, délivrant des débits de dose de l’ordre de 20 mSv/heure.

Conséquences sanitaires [24]

L’origine de l’irradiation a été double : externe et interne. Au total, 112 800 personnes ont été examinées et suivies. Du césium a été retrouvé sur 249 d’entre elles. Dans 120 cas, il ne s’agissait que d’une contamination superficielle des vêtements et des chaussures alors que pour les 139 autres la contamination était double, interne et externe, et à un niveau non négligeable pour 87 d’entre elles. Les activités incorporées s’échelonnaient entre 1 KBq et 1 GBq. Le niveau de contamination, les symptômes d’irradiation globale aiguë et les brûlures radiologiques ont conduit à l’hospitalisation de 20 personnes. Parmi celles-ci, 4 sont décédées le premier mois dans un syndrome d’irradiation aiguë. Les doses absorbées ont été estimées entre quelques Gy et 7 Gy (4,5 à 7 Gy chez 6 sujets, dont les 4 décédés). En dehors des cas d’irradiation aiguë, une trentaine de personnes ont reçu des doses engagées sur la vie entre 0,1 et 1 Gy.

L’étude épidémiologique portant sur la détection des complications tardives susceptibles d’apparaître parmi cette population est en cours.

Sur le plan médical, l’accident de Goïania a permis de confirmer l’efficacité des traitements antibiotiques et des transfusions de cellules sanguines pour prévenir les accidents du syndrome d’irradiation total aiguë. Il a montré, en outre, l’intérêt de l’étude des caryotypes pour l’estimation des doses, ainsi que l’efficacité remarquable du bleu de Prusse chez les sujet contaminés pour favoriser l’élimination du césium. A fortes doses (jusqu’à 10 g par jour chez l’adulte et 3 g chez les enfants de moins de 10 ans), le bleu de Prusse a permis de réduire les périodes biologiques d’un facteur allant jusqu’à 2. Les études récentes d’élimination du césium par hémodialyse méritent d’être poursuivies [35].

[9] Galle P., Paulin R. Biophysique I. Radiobiologie radiopathologie. Masson, Paris 1977.

[24] Oliveira A.R., Valverde N.J., Brandao-Mello C.E., Farina R., Amaral C.M ., Curado M.P., Santos Q.C. The Goïania radiological accident. EDF, Comité de radioprotection, 1984, 8, 49-61.

[35] Verzijl J.M., Wierckx F.C.J., Van Dijk A., SavelkoulT.J.F., Glerum J.H. Hemodialysis as a potential method for the decontamination of persons exposed tu radiocesium. Health Phisics, 1995, 69, 4, 543-548.

La dispersion considérable de la poudre de césium a causé des contaminations internes (voies d’entrée cutanée et digestive) dont certaines correspondent à des doses très élevées. Pour effectuer les mesures des quantités de césium incorporées par chaque personne, il a fallu construire un appareillage spécial, à cause de la saturation des appareils classiques destinés à la mesure de faibles quantités de radionucléides. Cette construction a pris un mois entier. En avril 1988, six cents personnes avaient été mesurées, parmi lesquelles quatre-vingt-sept avaient des charges corporelles de césium 137 correspondant chez trente adultes à des doses comprises entre 1 et 100 rad, et chez les enfants à des doses souvent supérieures (un enfant de six ans avait une dose engagée de 400 rad).

Une première décontamination de l’environnement, qui a nécessité la destruction de maisons, n’a été achevée qu’après trois semaines de travaux, elle a nécessité le contrôle des maisons à un kilomètre à la ronde des lieux de l’accident et de 2 000 km de routes. D’octobre à décembre 1987, le bilan global a montré que quatre-vingt-cinq maisons étaient aussi contaminées, nécessitant l’évacuation de deux cents personnes. La ville et ses environs n’ont été considérés assainis "de façon acceptable" qu’en mars 1988. Les travaux d’assainissement ont généré d’énormes quantités de déchets, plus ou moins radioactifs, en raison d’un tri insuffisant. Un site d’entreposage a été créé à une trentaine de kilomètres de la ville, dans lequel 3 500 m3 de déchets ont été déposés, constitués de 12 500 fûts et 1 500 conteneurs. L’activité totale récupérée a été estimée à environ 85 % de la source.

Plus de dix ans ont été nécessaires pour que les autorités puissent trouver une solution de stockage définitif acceptable par les populations locales et régionales. L’impact de l’accident fut très lourd, et l’économie de toute la région a été affectée.

Aux 4 décès rapides combien doit-on rajouter au bout de 20 ans de morts par leucémies ou par cancers chez ces plus de 1000 victimes contaminées ?

Source : https://www.dissident-media.org/infonucleaire


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