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Le projet Hinkley Point "met en péril" EDF selon ses salariés

Article publié le 29 avril 2016



Les salariés d’EDF, des syndicats jusqu’à de hauts cadres en passant par les ingénieurs responsables de l’EPR, exigent de façon de plus en plus pressante le report pour 3 à 4 ans du projet de construction de deux EPR qu’EDF projette de bâtir à Hinkley Point C (HPC) en Grande-Bretagne.



On les comprend : le coût prévisionnel est de 24 milliards d’euros, dont 16 sont en théorie à la charge d’EDF, le reste à celle du chinois CGN.

La réalité est encore pire : le JDD a pu consulter un document interne faisant état de clauses secrètes qui auront pour effet d’empirer la situation. En cas de retard, qui est une certitude absolue si l’on en croit une note interne des ingénieurs EDF responsables de l’EPR (voir plus bas), EDF sera redevable de plusieurs centaines de millions d’euros à CGN. Un surcoût ? EDF devrait en supporter jusqu’à 80 %, alors que l’électricien ne détiendrait que 66 % du projet. Et si la Commission européenne validait le recours déposé par l’Autriche contre l’aide d’État britannique, alors EDF devrait indemniser CGN à hauteur de 1,6 milliards. Vous avez dit « escroquerie à grande échelle » ?

Bien sûr, déjà endetté à hauteur de 37 milliards et devant en outre sauver Areva NP de la faillite, l’électricien français n’a pas les moyens de réaliser la construction des deux EPR d’Hinkley Point.

Les signaux d’alarme se multiplient

Mi-novembre 2015, on apprenait que Actionnariat Salariés EDF, qui regroupe des salariés actionnaires du groupe, s’inquiétait de l’impact du projet HPC sur l’entreprise. L’association avait demandé à EDF d’abandonner le projet, « dont les risques financiers sont trop importants » et qui « pourrait menacer la survie d’EDF ». Le 11 décembre dernier, les élus du comité d’entreprise d’EDF avaient déclenché pour la première fois un droit d’alerte devant la situation économique et sociale préoccupante de l’entreprise.

Début mars 2016, c’est le directeur financier d’EDF, Thomas Piquemal, qui démissionnait suite à son désaccord persistant avec le PDG Jean-Bernard Lévy sur la faisabilité à court terme de ce projet pharaonique.

Mi-mars, la CGT lançait un référendum interne au sein d’EDF. D’après le JDD, sur les 5000 premiers sondés, 90 % souhaitent un report du projet HPC. Mi-avril, les syndicats CGT, CFDT, CFE-CGC et FO se sont fendus d’une lettre ouverte à François Hollande, qui malgré plusieurs demandes d’audience n’a donné ni suite ni réponse. Ils déclarent qu’ « à ce jour, l’équation financière et l’organisation du travail plus que dégradées d’EDF ne permettent pas d’envisager sereinement la construction de deux EPR en Grande Bretagne ».

Emmanuel Macron, lui, ne cesse de pousser pour que le deal soit confirmé au plus vite avec l’État britannique... Lors des 70 ans d’EDF, le 7 avril dernier, le ministre de l’économie déclarait ainsi : « Si nous croyons à la filière nucléaire française, si nous croyons à l’EPR et aux générations qui vont suivre, peut-on croire une seule seconde que dans le premier marché du monde développé du nucléaire qui va s’ouvrir, nous pourrions faire l’impasse ? C’est une stratégie que je ne comprends pas. » Le 8 mars, il déclarait à l’Assemblée nationale : « Hinkley Point est le grand projet d’Europe occidentale et du monde développé en matière nucléaire. Si l’on croit au nucléaire, il faut faire Hinkley Point. »

Cependant, le même Macron reconnaissait aussi le 22 mars, devant l’Assemblée, à propos d’un éventuel report que « À l’évidence, ce serait la solution intellectuellement et techniquement la plus confortable : attendre que nous ayons ouvert Flamanville, voire OL3 [EPR finlandais], ce serait être sûr de disposer toutes les garanties nécessaires. Le problème, c’est que nous avons un client... Il nous faut donc discuter avec le gouvernement britannique. Demander un report, ce serait prendre le risque - fort - de perdre le contrat. »

© Stéphane Mahé

Des ingénieurs d’EDF demandent un report... et taclent Flamanville 3 !

Médiapart s’est procuré une note interne que des ingénieurs d’EDF, responsables de l’EPR et de la modernisation du parc nucléaire français, ont fait circuler en interne à partir de mi-avril, notamment à destination des administrateurs d’EDF. Cette longue note, qui réclame un report du projet Hinkley Point de 3 à 4 ans, est édifiante :

« Le financement d’HPC (Hinkley Point C) est compliqué et met en péril la trajectoire du Groupe, car HPC est beaucoup trop cher » ;

« le financement n’est pas bouclé parce que le projet est à la fois trop cher et trop risqué. Les bons projets n’ont jamais de problème de financement. » ;

« la compétence d’AREVA en matière de forgeage et de fabrication de gros composants est tombée à un point très bas. » ;

« il est apparu, au fil de construction de l’EPR de Flamanville 3, que la conception initiale du modèle EPR initial était entachée de nombreux défauts » ;

« l’EPR dans son état actuel n’est pas un produit industriellement mature, l’ingénierie EDF-AREVA doit se réorganiser, les usines de fabrication d’AREVA ne sont pas à niveau » ;

c’est « peu dire que ce modèle UK EPR sera une nouvelle tête de série hybride et complexe, portant de ce fait un niveau de risque très élevé » ;

Hinkley Point C sera « une nouvelle tête de série EPR (la 4 ième) avec 50 % de locaux modifiés et 50 % de nouveaux fournisseurs » ; etc.

© EDF Energy

Au détour de leur note, ces ingénieurs confient ingénument ce que les antinucléaires et les experts critiques expliquent depuis le début des années 2000 : la France n’a jamais eu besoin de l’EPR de Flamanville pour ses besoins en électricité, mais uniquement pour ré-activer, avant son décès définitif, les compétences et le tissu industriel d’une filière qui était déjà moribonde dans les années 1990 :

« Même si la construction du démonstrateur [l’EPR de Flamanville 3] s’est avérée nettement plus laborieuse que prévue, il est bien en train de jouer son rôle, à savoir :
 mettre au point le modèle EPR
 reconstituer le tissu des compétences industrielles »

Les ingénieurs ne parlent nullement de répondre à des besoins non couverts en électricité. Et pour cause, la France est le pays d’Europe qui exporte le plus d’électricité, à prix généralement bradé. Il est également assez savoureux de lire que construire l’EPR sert... à « mettre au point le modèle EPR » !

Les EPR d’Hinkley Point : l’électricité la plus chère d’Europe ?

Le contrat passé par EDF avec la Grande-Bretagne pour la construction de deux réacteurs EPR à Hinkley Point est absolument léonin, et est critiqué de toutes parts au Royaume-Uni. Tout en bénéficiant d’une garantie financière de 10 milliards de £ accordée par l’État britannique, EDF a exigé un prix de vente garanti et indexé sur l’inflation pendant 35 ans.

Fixé à 92,5 £ par MWh (environ 111 € / MWh) à signature du contrat, soit presque deux fois plus que le prix de marché actuel du MWh, avec l’inflation le prix garanti atteindra environ 120 £ / MWh (environ 144 € / MWh) en 2023, à la date – très hypothétique ! - de démarrage des réacteurs prévue par EDF.

Les ingénieurs d’EDF notent pour leur part que « c’est de l’électricité à 120 € / MWh dans un marché qui prévoit des prix tout au plus de 60-70 € / MWh en 2025 ». En novembre 2013, l’ADEME estimait déjà qu’en France « le prix d’achat moyen de l’électricité sur la durée de vie d’une éolienne est de l’ordre de 70 €/MWh ».

Même les pro-nucléaire britanniques n’en veulent pas

Pour George Monbiot et Mark Lynas, journalistes fanatiques du nucléaire outre-Manche, « Hinkley C présente toutes les caractéristiques distinctives d’un "éléphant blanc" : hors de prix, ultra-compliqué et en retard. […] Le gouvernement devrait mettre fin au projet. […] C’est vrai, l’EPR est un modèle éprouvé – pour un échec total […] Oui, nous sommes toujours pro-nucléaire. Mais pas à n’importe quel prix. »

Le 4 août 2015, l’ancien secrétaire à l’Énergie, beau-père du chancelier Gordon Brown (!) et favorable à l’utilisation du nucléaire, Lord Howell n’hésitait pas à déclarer devant le Parlement britannique que les EPR d’Hinkley Point sont « l’une des plus mauvaises affaires de tous les temps pour les ménages et l’industrie britanniques ».

Pourquoi le Royaume-Uni veut-il acheter ces réacteurs ruineux ?

Pourquoi le gouvernement britannique s’entête-t-il dans ce projet dont le coût surréaliste est dénoncé de toutes parts ? Et pourquoi le pays s’est-il ré-engagé tête baissée dans un ambitieux programme nucléaire civil, alors qu’en 2003 le gouvernement publiait un livre blanc sur l’énergie qui concluait sans ambiguïté que le nucléaire était sans intérêt, comparé aux renouvelables et à l’efficacité énergétique ?

Selon deux universitaires britanniques, Phil Johnstone et Andy Stirling, il s’agirait en fait, en coulisse, de « ré-activer » le nucléaire civil... pour préserver les capacités industrielles britanniques de conception et de fabrication des sous-marins nucléaires lanceurs de missiles atomiques, et ainsi préserver sa capacité de « dissuasion nucléaire », sans dépendre d’autres pays européens comme c’est désormais le cas pour construire des réacteurs.

Ainsi, dès 2004, un groupement d’industriels du nucléaire, de syndicats et d’autorités locales sous perfusion économique du nucléaire ont lancé une campagne financée rubis sur l’ongle, intitulée KOFAC (Keep Our Future Afloat Campaign, c’est-à-dire Campagne Gardons Notre Futur à Flot). Son objectif ? Préserver une industrie britannique de fabrication de sous-marins. KOFAC ne s’est pas limité aux questions militaires, mais s’est également activé dans les consultations publiques sur l’énergie. Dans leur long article pour le Guardian, Johnstone et Stirling fournissent d’autres indices très convaincants à l’appui de leur thèse.

Le mot de la fin ?

Laissons-le à Sir David King, ancien conseiller scientifique en chef du gouvernement britannique et longtemps un des principaux zélateurs du nucléaire au Royaume-Uni, qui déclarait en novembre 2014 à un journaliste de l’Independent que la Grande-Bretagne « pourrait bien » être capable de se passer totalement de nucléaire, et que la vraie priorité devrait être de développer des façons de stocker l’électricité pour pouvoir se reposer sur le soleil et le vent, qui sont variables.

On les comprend : le coût prévisionnel est de 24 milliards d’euros, dont 16 sont en théorie à la charge d’EDF, le reste à celle du chinois CGN.

La réalité est encore pire : le JDD a pu consulter un document interne faisant état de clauses secrètes qui auront pour effet d’empirer la situation. En cas de retard, qui est une certitude absolue si l’on en croit une note interne des ingénieurs EDF responsables de l’EPR (voir plus bas), EDF sera redevable de plusieurs centaines de millions d’euros à CGN. Un surcoût ? EDF devrait en supporter jusqu’à 80 %, alors que l’électricien ne détiendrait que 66 % du projet. Et si la Commission européenne validait le recours déposé par l’Autriche contre l’aide d’État britannique, alors EDF devrait indemniser CGN à hauteur de 1,6 milliards. Vous avez dit « escroquerie à grande échelle » ?

Bien sûr, déjà endetté à hauteur de 37 milliards et devant en outre sauver Areva NP de la faillite, l’électricien français n’a pas les moyens de réaliser la construction des deux EPR d’Hinkley Point.

Les signaux d’alarme se multiplient

Mi-novembre 2015, on apprenait que Actionnariat Salariés EDF, qui regroupe des salariés actionnaires du groupe, s’inquiétait de l’impact du projet HPC sur l’entreprise. L’association avait demandé à EDF d’abandonner le projet, « dont les risques financiers sont trop importants » et qui « pourrait menacer la survie d’EDF ». Le 11 décembre dernier, les élus du comité d’entreprise d’EDF avaient déclenché pour la première fois un droit d’alerte devant la situation économique et sociale préoccupante de l’entreprise.

Début mars 2016, c’est le directeur financier d’EDF, Thomas Piquemal, qui démissionnait suite à son désaccord persistant avec le PDG Jean-Bernard Lévy sur la faisabilité à court terme de ce projet pharaonique.

Mi-mars, la CGT lançait un référendum interne au sein d’EDF. D’après le JDD, sur les 5000 premiers sondés, 90 % souhaitent un report du projet HPC. Mi-avril, les syndicats CGT, CFDT, CFE-CGC et FO se sont fendus d’une lettre ouverte à François Hollande, qui malgré plusieurs demandes d’audience n’a donné ni suite ni réponse. Ils déclarent qu’ « à ce jour, l’équation financière et l’organisation du travail plus que dégradées d’EDF ne permettent pas d’envisager sereinement la construction de deux EPR en Grande Bretagne ».

Emmanuel Macron, lui, ne cesse de pousser pour que le deal soit confirmé au plus vite avec l’État britannique... Lors des 70 ans d’EDF, le 7 avril dernier, le ministre de l’économie déclarait ainsi : « Si nous croyons à la filière nucléaire française, si nous croyons à l’EPR et aux générations qui vont suivre, peut-on croire une seule seconde que dans le premier marché du monde développé du nucléaire qui va s’ouvrir, nous pourrions faire l’impasse ? C’est une stratégie que je ne comprends pas. » Le 8 mars, il déclarait à l’Assemblée nationale : « Hinkley Point est le grand projet d’Europe occidentale et du monde développé en matière nucléaire. Si l’on croit au nucléaire, il faut faire Hinkley Point. »

Cependant, le même Macron reconnaissait aussi le 22 mars, devant l’Assemblée, à propos d’un éventuel report que « À l’évidence, ce serait la solution intellectuellement et techniquement la plus confortable : attendre que nous ayons ouvert Flamanville, voire OL3 [EPR finlandais], ce serait être sûr de disposer toutes les garanties nécessaires. Le problème, c’est que nous avons un client... Il nous faut donc discuter avec le gouvernement britannique. Demander un report, ce serait prendre le risque - fort - de perdre le contrat. »

© Stéphane Mahé

Des ingénieurs d’EDF demandent un report... et taclent Flamanville 3 !

Médiapart s’est procuré une note interne que des ingénieurs d’EDF, responsables de l’EPR et de la modernisation du parc nucléaire français, ont fait circuler en interne à partir de mi-avril, notamment à destination des administrateurs d’EDF. Cette longue note, qui réclame un report du projet Hinkley Point de 3 à 4 ans, est édifiante :

« Le financement d’HPC (Hinkley Point C) est compliqué et met en péril la trajectoire du Groupe, car HPC est beaucoup trop cher » ;

« le financement n’est pas bouclé parce que le projet est à la fois trop cher et trop risqué. Les bons projets n’ont jamais de problème de financement. » ;

« la compétence d’AREVA en matière de forgeage et de fabrication de gros composants est tombée à un point très bas. » ;

« il est apparu, au fil de construction de l’EPR de Flamanville 3, que la conception initiale du modèle EPR initial était entachée de nombreux défauts » ;

« l’EPR dans son état actuel n’est pas un produit industriellement mature, l’ingénierie EDF-AREVA doit se réorganiser, les usines de fabrication d’AREVA ne sont pas à niveau » ;

c’est « peu dire que ce modèle UK EPR sera une nouvelle tête de série hybride et complexe, portant de ce fait un niveau de risque très élevé » ;

Hinkley Point C sera « une nouvelle tête de série EPR (la 4 ième) avec 50 % de locaux modifiés et 50 % de nouveaux fournisseurs » ; etc.

© EDF Energy

Au détour de leur note, ces ingénieurs confient ingénument ce que les antinucléaires et les experts critiques expliquent depuis le début des années 2000 : la France n’a jamais eu besoin de l’EPR de Flamanville pour ses besoins en électricité, mais uniquement pour ré-activer, avant son décès définitif, les compétences et le tissu industriel d’une filière qui était déjà moribonde dans les années 1990 :

« Même si la construction du démonstrateur [l’EPR de Flamanville 3] s’est avérée nettement plus laborieuse que prévue, il est bien en train de jouer son rôle, à savoir :
 mettre au point le modèle EPR
 reconstituer le tissu des compétences industrielles »

Les ingénieurs ne parlent nullement de répondre à des besoins non couverts en électricité. Et pour cause, la France est le pays d’Europe qui exporte le plus d’électricité, à prix généralement bradé. Il est également assez savoureux de lire que construire l’EPR sert... à « mettre au point le modèle EPR » !

Les EPR d’Hinkley Point : l’électricité la plus chère d’Europe ?

Le contrat passé par EDF avec la Grande-Bretagne pour la construction de deux réacteurs EPR à Hinkley Point est absolument léonin, et est critiqué de toutes parts au Royaume-Uni. Tout en bénéficiant d’une garantie financière de 10 milliards de £ accordée par l’État britannique, EDF a exigé un prix de vente garanti et indexé sur l’inflation pendant 35 ans.

Fixé à 92,5 £ par MWh (environ 111 € / MWh) à signature du contrat, soit presque deux fois plus que le prix de marché actuel du MWh, avec l’inflation le prix garanti atteindra environ 120 £ / MWh (environ 144 € / MWh) en 2023, à la date – très hypothétique ! - de démarrage des réacteurs prévue par EDF.

Les ingénieurs d’EDF notent pour leur part que « c’est de l’électricité à 120 € / MWh dans un marché qui prévoit des prix tout au plus de 60-70 € / MWh en 2025 ». En novembre 2013, l’ADEME estimait déjà qu’en France « le prix d’achat moyen de l’électricité sur la durée de vie d’une éolienne est de l’ordre de 70 €/MWh ».

Même les pro-nucléaire britanniques n’en veulent pas

Pour George Monbiot et Mark Lynas, journalistes fanatiques du nucléaire outre-Manche, « Hinkley C présente toutes les caractéristiques distinctives d’un "éléphant blanc" : hors de prix, ultra-compliqué et en retard. […] Le gouvernement devrait mettre fin au projet. […] C’est vrai, l’EPR est un modèle éprouvé – pour un échec total […] Oui, nous sommes toujours pro-nucléaire. Mais pas à n’importe quel prix. »

Le 4 août 2015, l’ancien secrétaire à l’Énergie, beau-père du chancelier Gordon Brown (!) et favorable à l’utilisation du nucléaire, Lord Howell n’hésitait pas à déclarer devant le Parlement britannique que les EPR d’Hinkley Point sont « l’une des plus mauvaises affaires de tous les temps pour les ménages et l’industrie britanniques ».

Pourquoi le Royaume-Uni veut-il acheter ces réacteurs ruineux ?

Pourquoi le gouvernement britannique s’entête-t-il dans ce projet dont le coût surréaliste est dénoncé de toutes parts ? Et pourquoi le pays s’est-il ré-engagé tête baissée dans un ambitieux programme nucléaire civil, alors qu’en 2003 le gouvernement publiait un livre blanc sur l’énergie qui concluait sans ambiguïté que le nucléaire était sans intérêt, comparé aux renouvelables et à l’efficacité énergétique ?

Selon deux universitaires britanniques, Phil Johnstone et Andy Stirling, il s’agirait en fait, en coulisse, de « ré-activer » le nucléaire civil... pour préserver les capacités industrielles britanniques de conception et de fabrication des sous-marins nucléaires lanceurs de missiles atomiques, et ainsi préserver sa capacité de « dissuasion nucléaire », sans dépendre d’autres pays européens comme c’est désormais le cas pour construire des réacteurs.

Ainsi, dès 2004, un groupement d’industriels du nucléaire, de syndicats et d’autorités locales sous perfusion économique du nucléaire ont lancé une campagne financée rubis sur l’ongle, intitulée KOFAC (Keep Our Future Afloat Campaign, c’est-à-dire Campagne Gardons Notre Futur à Flot). Son objectif ? Préserver une industrie britannique de fabrication de sous-marins. KOFAC ne s’est pas limité aux questions militaires, mais s’est également activé dans les consultations publiques sur l’énergie. Dans leur long article pour le Guardian, Johnstone et Stirling fournissent d’autres indices très convaincants à l’appui de leur thèse.

Le mot de la fin ?

Laissons-le à Sir David King, ancien conseiller scientifique en chef du gouvernement britannique et longtemps un des principaux zélateurs du nucléaire au Royaume-Uni, qui déclarait en novembre 2014 à un journaliste de l’Independent que la Grande-Bretagne « pourrait bien » être capable de se passer totalement de nucléaire, et que la vraie priorité devrait être de développer des façons de stocker l’électricité pour pouvoir se reposer sur le soleil et le vent, qui sont variables.


Thèmes
 Nucléaire et économie  EPR