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Pastilles d’iode : une opération de communication plus qu’une mesure de protection des populations

Article publié le 7 octobre 2019



Alors qu’une grande campagne de distribution de pastilles d’iode autour des 19 centrales françaises vient d’être lancée en septembre 2019, le Réseau "Sortir du nucléaire" dénonce le caractère dérisoire de cette protection en cas d’accident.

Distribuées dans un périmètre extrêmement restreint, qui ne correspond en rien à l’étendue du nuage dispersé lors d’un accident, ces pastilles ne protègent que des iodes radioactifs et doivent être prises bien avant l’arrivée du panache.

Pour le Réseau "Sortir du nucléaire", il s’agit plus d’une opération de communication pour faire accepter une menace imposée aux citoyens et laisser penser que la population est effectivement protégée, que d’une véritable mesure de protection.

Alors que le risque d’accident majeur est désormais reconnu par les autorités, la seule solution véritablement efficace pour protéger les populations reste une sortie du nucléaire en urgence.



En septembre 2019 aura lieu en France la première campagne de distribution de pastilles d’iode dans un rayon de 20 km (contre 10 auparavant) autour des 19 sites nucléaires d’EDF. Il y a trois ans, alors que prévalait l’ancien périmètre, cette distribution avait concerné 400 000 foyers et 2000 sites recevant du public sur plus de 500 communes. Cette fois-ci c’est plus de 2 millions de personnes qui vont être concernées par cette distribution.

Si cette campagne de distribution est déjà un aveu certain des autorités sur la possibilité d’un accident nucléaire grave en France, les conseils qu’elles donnent seraient-ils vraiment efficaces en cas de catastrophe réelle ?

"Les 6 réflexes pour bien réagir en cas d’alerte nucléaire"

La distribution d’iode s’accompagne d’une campagne de sensibilisation du public sur les gestes nécessaires en cas d’accident nucléaire dont on peut retrouver toutes les informations sur un site dédié.

Sur ce site Internet on peut retrouver une liste des gestes à prendre en cas d’accident nucléaire :

Dans un mix entre la brochure sur les postures à prendre en cas de crash d’avion et la campagne de santé « 5 fruits et légumes frais par jour », nous apprenons les réflexes à adopter lors d’un rejet massif de radionucléides dans l’environnement.

Une vidéo met en situation ces 6 gestes à effectuer ; des personnages très détendus et plutôt inexpressifs face à une alerte nucléaire, y suivent un par un tous les conseils donnés par la campagne de sensibilisation.

Il faudrait donc, en cas d’accident grave, s’immobiliser, se confiner à l’intérieur, s’informer tout en évitant de s’inquiéter pour sa progéniture, attendre patiemment que le Préfet donne l’ordre d’avaler une dose d’iode stable et préparer sa valise, au cas où l’ordre d’évacuation soit donné...

Pourquoi absorber de l’iode stable en cas d’accident ?

L’iode est un élément indispensable au fonctionnement du corps humain. Une fois assimilé, il se fixe rapidement sur la thyroïde pour produire les hormones qui agissent par exemple dans le métabolisme énergétique ou dans la croissance des cellules et de l’organisme.

Si une centrale rejette les produits de la fission de l’uranium par voie aérienne, de l’iode-131, un des isotopes de cet élément, se répand dans l’atmosphère. Il peut pénétrer dans le corps humain par le biais des voies respiratoires et s’y fixer très rapidement.

Et si l’organisme absorbe trop d’iode-131, la forte radioactivité qui s’en dégage occasionne rapidement des lésions cellulaires qui engendrent des dysfonctionnements de la thyroïde. Les isotopes de l’iode radioactifs sont considérés comme faisant partie des éléments les plus cancérogènes dégagés lors d’un accident nucléaire.

Mais il ne s’agit pas du seul isotope de l’iode qui puisse se retrouver dans les retombées d’un accident nucléaire. Dans un dossier de l’IPSN, publié par le magazine [1] en 1993, des chercheurs reconnaissaient que les enfants proches de Tchernobyl ont développé des cancers thyroïdiens suite à l’inhalation ou ingestion d’iodes radioactifs à période encore plus courte que celle de l’iode-131.

Des détails et conséquences que cette campagne « oublie » de préciser

La campagne omet de préciser que la prise de ces pilules n’est pas sans contre-indications. Les enfants, dont l’assimilation quotidienne d’iode est beaucoup plus importante que chez les adultes, sont les plus vulnérables. Il est donc particulièrement conseillé de protéger leur thyroïde par la prise d’iodure de potassium (de même que pour les femmes enceintes).

Cependant, passé l’âge de 40 ans, la saturation préventive de la thyroïde par de l’iode stable n’est pas systématiquement recommandée. Les effets indésirables de l’iodure de potassium augmentent avec l’âge et peuvent être autant à prendre en compte que son effet protecteur (hyperthyroïdie ou, paradoxalement, une hypothyroïdie, troubles cutanés et cardiaques, œdèmes...)

La prise d’iode en comprimés dans certains cas précis doit s’accompagner de l’avis d’un médecin (allergie à l’iode, dysfonctionnements thyroïdiens, asthme, insuffisance cardiaque, dysfonctionnement rénal, maladie auto-immune…). Cet avis indispensable au préalable d’un médecin peut se révéler incompatible avec le mode de prise de comprimés d’iode le plus protecteur.

En effet, la prise d’iode stable est beaucoup plus efficace pour saturer la thyroïde dans un laps de temps de 2h avant l’émission des rejets (d’après les autorités sanitaires). Si la prise a lieu 6 h après l’exposition, la protection garantie est diminuée de moitié !

Mais d’après le spécialiste en médecine nucléaire Jean Brière, il faut attendre jusqu’à 48h après ingestion pour être certain que la thyroïde soit complètement saturée en iode stable, la rapidité d’assimilation dépendant des métabolismes propres à chaque individu.

Imaginons que le moment de l’émission des rejets ne puisse pas être contrôlé par les techniciens en charge de la centrale accidentée (hypothèse très probable dans un accident nucléaire grave). Dans le meilleur des cas où la déclaration au public de l’accident serait faite dans les plus brefs délais (ce dont on peut douter de la part d’EDF), toute prise de comprimés d’iode perdrait déjà une partie de son efficacité à protéger les populations touchées de lésions parfois irréversibles à la thyroïde.

Les retombées d’un nuage radioactif ne ressemblent pas à des cercles parfaits de 10 ou 20 km de rayon…

Carte des points concernés par la distribution de comprimés d’iode en France (La superficie réellement couverte tient à peine dans la surface de chaque point…)

S’il y a des événements qui sont complètement imprévisibles, c’est bien la dispersion et les retombées de milliards et milliards de molécules d’un nuage de poussières radioactives.

En France le périmètre de distribution de pastilles d’iode est l’un des plus restreints (depuis août 2018, il concerne un rayon de 20 km autour de la chaque centrale, contre 10 km auparavant) alors que nous sommes LE pays le plus nucléarisé du monde au km².

À titre de comparaison, ce périmètre est de 50 km en Suisse. En Belgique il est possible d’en récupérer gratuitement dans un périmètre de 100 km autour des installations. En Norvège, l’autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection recommande à toute la population d’avoir de l’iode à la maison pour protéger la thyroïde en cas d’accident nucléaire alors qu’il n’y a pas de centrale nucléaire dans le pays...

Une étude de l’institut Biosphere de Genève, commandée par Sortir du nucléaire Suisse a justement tenté de simuler quelles seraient les zones touchées par les retombées d’un accident nucléaire majeur sur les centrales helvètes ou celle de Bugey. Le résultat est sans appel : les courants aériens déverseraient des éléments radioactifs sur de très larges étendues, dépassant largement le seuil des 20 km :

Dans un communiqué paru en 2016, le laboratoire indépendant de mesures ACRO affirme que :

« Les calculs ont montré que les limites de dose peuvent être dépassées jusqu’à 200 km autour des centrales allemandes. »

L’obtention des comprimés d’iodure de potassium devrait donc logiquement être possible partout dans les pharmacies de France métropolitaine car quasiment aucune région n’est épargnée par un rayon de 200 km autour des 19 sites de production électronucléaires d’EDF.

Pourtant, en 2011, les pharmaciens implantés en dehors des périmètres de 10 km autour des centrales, avaient eu pour consigne des autorités de ne pas commander ces pilules à leurs grossistes. Des personnes inquiétées par la catastrophe de Fukushima se sont ainsi vues refuser l’obtention de pilules d’iode stable par leurs pharmaciens. Il reste cependant possible d’obtenir ces comprimés sur Internet, légalement, mais ils convient fortement d’en informer votre médecin pour éviter toute contre-indication qui pourrait avoir des conséquences sur votre santé.

L’iode est un élément très volatil, et sa dispersion est possible sur des milliers de kilomètres. Une augmentation significative des cas de dysfonctionnements thyroïdiens en Corse a été mise en corrélation directe avec la catastrophe de Tchernobyl pourtant à près de 2 000 kilomètres de l’accident.

Cette carte de la dispersion réelle des radionucléides sur l’Europe en 1986 fournit pourtant un exemple très clair de l’étendue de la mise en danger des populations face à un accident de type Tchernobyl :

La carte des zones les plus contaminées au Japon par la catastrophe de Fukushima ne ressemble pas du tout, non plus, à un petit cercle parfait de 10 ou 20 km de rayon :

Cette carte indique des retombées notables sur un rayon dépassant les 150 km ! Et l’élément mesuré est un problème encore plus difficile à résoudre que l’iode 131 car il s’agit de césium-137…

Un nuage diffusé par accident nucléaire ne répand pas que de l’iode-131

Si la prise d’iode stable s’avère effectivement efficace pour lutter contre les éventuels cancers de la thyroïde induits par l’iode-131, elle n’est en aucun cas un bouclier contre tous les autres radio-isotopes qui pourraient être dispersés lors d’un tel accident (césium-137, strontium-90, plutonium et tant d’autres...).

L’iode-131 est un isotope dont la durée de vie est particulièrement courte par rapport à tous les autres éléments radioactifs que l’on retrouve dans les rejets d’un accident nucléaire. Il perd la moitié de sa radioactivité au bout de 8 jours et finit par être 1000 fois moins radioactif au bout de 80 jours.

Le césium-137, élément courant dans le combustible nucléaire usagé, est facilement assimilable par l’organisme par son stockage dans le foie et les reins. On le retrouve ensuite par exemple dans les légumes verts et produits laitiers en zone contaminée. Et ce césium-137 a besoin de plus de 30 ans pour perdre la moitié de sa radioactivité. Mais 30 ans, ce n’est rien à côté de la période radioactive d’autres éléments dégagés par les rejets.

Le plutonium présent dans le combustible MOX des centrales françaises a une demi-vie de 24 000 ans et l’inhalation de 50 millièmes de milligramme peuvent constituer une dose mortelle. En dose plus faible, il peut être par exemple être stocké par la moelle osseuse et induire des cas de leucémies aigües…

La liste des autres radioéléments présents dans les rejets radioactifs pourrait être très longue et chacun de ces éléments a tendance à muter en un nouveau radio-isotope avec sa propre période.

Citons au hasard le strontium-90 qui prend la place du calcium dans notre organisme et perd la moitié de sa radioactivité au bout de 28 ans ; les isotopes du potassium à la demi-vie impressionnante de 1,248 milliard d’années ; sans oublier bien sur sûr l’uranium-235 présent en abondance dans les réacteurs, mais qui par sa masse n’est pas très volatil (tout comme les isotopes du plutonium).

La contamination interne n’est pas la seule menace engendrée par ces poussières qui agissent aussi de l’extérieur en envoyant en continu des rayonnements nocifs pour tous les êtres vivants. Le simple fait de vivre à proximité d’un point chaud devient une possibilité de contracter divers types de cancers et autres pathologies sérieuses.

Mais alors, quelle solution efficace contre les dangers d’un accident nucléaire ?

Concrètement, si vous avez reçu un avis vous invitant à aller retirer des comprimés d’iodure de potassium en pharmacie : allez les chercher.
Demandez cependant conseil à votre médecin généraliste lors d’une visite pour être certain que la consommation de ce produit n’est pas contre-indiquée au vu de vos antécédents médicaux. Ce produit n’est en rien une protection totale contre les effets de la radioactivité incidents d’un grave accident nucléaire, il protège seulement un organe du corps humain contre la contamination radioactive par un seul type d’élément, mais c’est mieux que rien...

Pour protéger un peu plus son corps contre la contamination radioactive interne, l’absorption sélective de certains éléments via l’alimentation tendrait à protéger en partie sur le même principe que l’iode contre l’incorporation de certains autres éléments radioactifs d’après plusieurs recherches médicales :

« Le calcium prendrait la place du strontium-90, strontium-58,baryum-140, radium radioactif et protègerait les os. Le potassium protègerait les muscles, les reins, le foie et les organes reproducteurs du césium 137 et 134 et potassium 42. Le fer protègerait du plutonium-238 et -239, fer-238 et -239 au niveau des poumons, foie et gonades. Le Zinc protègerait du zinc-65 au niveau des os et gonades. La Vitamine B12 empêcherait le cobalt-60 de se fixer sur le foie et les organes reproducteurs.
Le Souffre protègerait la peau des effets du souffre-135 radioactif.
_ »

D’autres aliments pourraient protéger en partie des effets des radiations ou aideraient à purger l’organisme des éléments lourds. Mais la probabilité d’avoir à disposition toute cette pharmacopée biodosponible, ingéré et digéré suffisamment tôt tous ces éléments pour se protéger des retombées d’un accident nucléaire est assez difficilement imaginable...

La seule solution réellement efficace pour la prévention de tout accident nucléaire grave en France, c’est l’arrêt définitif de tous les réacteurs et autres installations nucléaires implantés sur le territoire. Il n’y aucune autre solution réellement fiable pour que la probabilité d’accident soit nulle !

Pour en savoir plus : Article de l’ACRO - Extension de la distribution des comprimés d’iode : une mesure nécessaire mais insuffisante

Interview France Bleu Nord - Laura Hameaux - distribution 2016 de pastilles d’iode
Interview de Marie Frachisse du Réseau Sortir du nucléaire par RCF Lyon (25/09/2019)
RCF/08h00 (2019)

Notes

[1La Recherche

En septembre 2019 aura lieu en France la première campagne de distribution de pastilles d’iode dans un rayon de 20 km (contre 10 auparavant) autour des 19 sites nucléaires d’EDF. Il y a trois ans, alors que prévalait l’ancien périmètre, cette distribution avait concerné 400 000 foyers et 2000 sites recevant du public sur plus de 500 communes. Cette fois-ci c’est plus de 2 millions de personnes qui vont être concernées par cette distribution.

Si cette campagne de distribution est déjà un aveu certain des autorités sur la possibilité d’un accident nucléaire grave en France, les conseils qu’elles donnent seraient-ils vraiment efficaces en cas de catastrophe réelle ?

"Les 6 réflexes pour bien réagir en cas d’alerte nucléaire"

La distribution d’iode s’accompagne d’une campagne de sensibilisation du public sur les gestes nécessaires en cas d’accident nucléaire dont on peut retrouver toutes les informations sur un site dédié.

Sur ce site Internet on peut retrouver une liste des gestes à prendre en cas d’accident nucléaire :

Dans un mix entre la brochure sur les postures à prendre en cas de crash d’avion et la campagne de santé « 5 fruits et légumes frais par jour », nous apprenons les réflexes à adopter lors d’un rejet massif de radionucléides dans l’environnement.

Une vidéo met en situation ces 6 gestes à effectuer ; des personnages très détendus et plutôt inexpressifs face à une alerte nucléaire, y suivent un par un tous les conseils donnés par la campagne de sensibilisation.

Il faudrait donc, en cas d’accident grave, s’immobiliser, se confiner à l’intérieur, s’informer tout en évitant de s’inquiéter pour sa progéniture, attendre patiemment que le Préfet donne l’ordre d’avaler une dose d’iode stable et préparer sa valise, au cas où l’ordre d’évacuation soit donné...

Pourquoi absorber de l’iode stable en cas d’accident ?

L’iode est un élément indispensable au fonctionnement du corps humain. Une fois assimilé, il se fixe rapidement sur la thyroïde pour produire les hormones qui agissent par exemple dans le métabolisme énergétique ou dans la croissance des cellules et de l’organisme.

Si une centrale rejette les produits de la fission de l’uranium par voie aérienne, de l’iode-131, un des isotopes de cet élément, se répand dans l’atmosphère. Il peut pénétrer dans le corps humain par le biais des voies respiratoires et s’y fixer très rapidement.

Et si l’organisme absorbe trop d’iode-131, la forte radioactivité qui s’en dégage occasionne rapidement des lésions cellulaires qui engendrent des dysfonctionnements de la thyroïde. Les isotopes de l’iode radioactifs sont considérés comme faisant partie des éléments les plus cancérogènes dégagés lors d’un accident nucléaire.

Mais il ne s’agit pas du seul isotope de l’iode qui puisse se retrouver dans les retombées d’un accident nucléaire. Dans un dossier de l’IPSN, publié par le magazine [1] en 1993, des chercheurs reconnaissaient que les enfants proches de Tchernobyl ont développé des cancers thyroïdiens suite à l’inhalation ou ingestion d’iodes radioactifs à période encore plus courte que celle de l’iode-131.

Des détails et conséquences que cette campagne « oublie » de préciser

La campagne omet de préciser que la prise de ces pilules n’est pas sans contre-indications. Les enfants, dont l’assimilation quotidienne d’iode est beaucoup plus importante que chez les adultes, sont les plus vulnérables. Il est donc particulièrement conseillé de protéger leur thyroïde par la prise d’iodure de potassium (de même que pour les femmes enceintes).

Cependant, passé l’âge de 40 ans, la saturation préventive de la thyroïde par de l’iode stable n’est pas systématiquement recommandée. Les effets indésirables de l’iodure de potassium augmentent avec l’âge et peuvent être autant à prendre en compte que son effet protecteur (hyperthyroïdie ou, paradoxalement, une hypothyroïdie, troubles cutanés et cardiaques, œdèmes...)

La prise d’iode en comprimés dans certains cas précis doit s’accompagner de l’avis d’un médecin (allergie à l’iode, dysfonctionnements thyroïdiens, asthme, insuffisance cardiaque, dysfonctionnement rénal, maladie auto-immune…). Cet avis indispensable au préalable d’un médecin peut se révéler incompatible avec le mode de prise de comprimés d’iode le plus protecteur.

En effet, la prise d’iode stable est beaucoup plus efficace pour saturer la thyroïde dans un laps de temps de 2h avant l’émission des rejets (d’après les autorités sanitaires). Si la prise a lieu 6 h après l’exposition, la protection garantie est diminuée de moitié !

Mais d’après le spécialiste en médecine nucléaire Jean Brière, il faut attendre jusqu’à 48h après ingestion pour être certain que la thyroïde soit complètement saturée en iode stable, la rapidité d’assimilation dépendant des métabolismes propres à chaque individu.

Imaginons que le moment de l’émission des rejets ne puisse pas être contrôlé par les techniciens en charge de la centrale accidentée (hypothèse très probable dans un accident nucléaire grave). Dans le meilleur des cas où la déclaration au public de l’accident serait faite dans les plus brefs délais (ce dont on peut douter de la part d’EDF), toute prise de comprimés d’iode perdrait déjà une partie de son efficacité à protéger les populations touchées de lésions parfois irréversibles à la thyroïde.

Les retombées d’un nuage radioactif ne ressemblent pas à des cercles parfaits de 10 ou 20 km de rayon…

Carte des points concernés par la distribution de comprimés d’iode en France (La superficie réellement couverte tient à peine dans la surface de chaque point…)

S’il y a des événements qui sont complètement imprévisibles, c’est bien la dispersion et les retombées de milliards et milliards de molécules d’un nuage de poussières radioactives.

En France le périmètre de distribution de pastilles d’iode est l’un des plus restreints (depuis août 2018, il concerne un rayon de 20 km autour de la chaque centrale, contre 10 km auparavant) alors que nous sommes LE pays le plus nucléarisé du monde au km².

À titre de comparaison, ce périmètre est de 50 km en Suisse. En Belgique il est possible d’en récupérer gratuitement dans un périmètre de 100 km autour des installations. En Norvège, l’autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection recommande à toute la population d’avoir de l’iode à la maison pour protéger la thyroïde en cas d’accident nucléaire alors qu’il n’y a pas de centrale nucléaire dans le pays...

Une étude de l’institut Biosphere de Genève, commandée par Sortir du nucléaire Suisse a justement tenté de simuler quelles seraient les zones touchées par les retombées d’un accident nucléaire majeur sur les centrales helvètes ou celle de Bugey. Le résultat est sans appel : les courants aériens déverseraient des éléments radioactifs sur de très larges étendues, dépassant largement le seuil des 20 km :

Dans un communiqué paru en 2016, le laboratoire indépendant de mesures ACRO affirme que :

« Les calculs ont montré que les limites de dose peuvent être dépassées jusqu’à 200 km autour des centrales allemandes. »

L’obtention des comprimés d’iodure de potassium devrait donc logiquement être possible partout dans les pharmacies de France métropolitaine car quasiment aucune région n’est épargnée par un rayon de 200 km autour des 19 sites de production électronucléaires d’EDF.

Pourtant, en 2011, les pharmaciens implantés en dehors des périmètres de 10 km autour des centrales, avaient eu pour consigne des autorités de ne pas commander ces pilules à leurs grossistes. Des personnes inquiétées par la catastrophe de Fukushima se sont ainsi vues refuser l’obtention de pilules d’iode stable par leurs pharmaciens. Il reste cependant possible d’obtenir ces comprimés sur Internet, légalement, mais ils convient fortement d’en informer votre médecin pour éviter toute contre-indication qui pourrait avoir des conséquences sur votre santé.

L’iode est un élément très volatil, et sa dispersion est possible sur des milliers de kilomètres. Une augmentation significative des cas de dysfonctionnements thyroïdiens en Corse a été mise en corrélation directe avec la catastrophe de Tchernobyl pourtant à près de 2 000 kilomètres de l’accident.

Cette carte de la dispersion réelle des radionucléides sur l’Europe en 1986 fournit pourtant un exemple très clair de l’étendue de la mise en danger des populations face à un accident de type Tchernobyl :

La carte des zones les plus contaminées au Japon par la catastrophe de Fukushima ne ressemble pas du tout, non plus, à un petit cercle parfait de 10 ou 20 km de rayon :

Cette carte indique des retombées notables sur un rayon dépassant les 150 km ! Et l’élément mesuré est un problème encore plus difficile à résoudre que l’iode 131 car il s’agit de césium-137…

Un nuage diffusé par accident nucléaire ne répand pas que de l’iode-131

Si la prise d’iode stable s’avère effectivement efficace pour lutter contre les éventuels cancers de la thyroïde induits par l’iode-131, elle n’est en aucun cas un bouclier contre tous les autres radio-isotopes qui pourraient être dispersés lors d’un tel accident (césium-137, strontium-90, plutonium et tant d’autres...).

L’iode-131 est un isotope dont la durée de vie est particulièrement courte par rapport à tous les autres éléments radioactifs que l’on retrouve dans les rejets d’un accident nucléaire. Il perd la moitié de sa radioactivité au bout de 8 jours et finit par être 1000 fois moins radioactif au bout de 80 jours.

Le césium-137, élément courant dans le combustible nucléaire usagé, est facilement assimilable par l’organisme par son stockage dans le foie et les reins. On le retrouve ensuite par exemple dans les légumes verts et produits laitiers en zone contaminée. Et ce césium-137 a besoin de plus de 30 ans pour perdre la moitié de sa radioactivité. Mais 30 ans, ce n’est rien à côté de la période radioactive d’autres éléments dégagés par les rejets.

Le plutonium présent dans le combustible MOX des centrales françaises a une demi-vie de 24 000 ans et l’inhalation de 50 millièmes de milligramme peuvent constituer une dose mortelle. En dose plus faible, il peut être par exemple être stocké par la moelle osseuse et induire des cas de leucémies aigües…

La liste des autres radioéléments présents dans les rejets radioactifs pourrait être très longue et chacun de ces éléments a tendance à muter en un nouveau radio-isotope avec sa propre période.

Citons au hasard le strontium-90 qui prend la place du calcium dans notre organisme et perd la moitié de sa radioactivité au bout de 28 ans ; les isotopes du potassium à la demi-vie impressionnante de 1,248 milliard d’années ; sans oublier bien sur sûr l’uranium-235 présent en abondance dans les réacteurs, mais qui par sa masse n’est pas très volatil (tout comme les isotopes du plutonium).

La contamination interne n’est pas la seule menace engendrée par ces poussières qui agissent aussi de l’extérieur en envoyant en continu des rayonnements nocifs pour tous les êtres vivants. Le simple fait de vivre à proximité d’un point chaud devient une possibilité de contracter divers types de cancers et autres pathologies sérieuses.

Mais alors, quelle solution efficace contre les dangers d’un accident nucléaire ?

Concrètement, si vous avez reçu un avis vous invitant à aller retirer des comprimés d’iodure de potassium en pharmacie : allez les chercher.
Demandez cependant conseil à votre médecin généraliste lors d’une visite pour être certain que la consommation de ce produit n’est pas contre-indiquée au vu de vos antécédents médicaux. Ce produit n’est en rien une protection totale contre les effets de la radioactivité incidents d’un grave accident nucléaire, il protège seulement un organe du corps humain contre la contamination radioactive par un seul type d’élément, mais c’est mieux que rien...

Pour protéger un peu plus son corps contre la contamination radioactive interne, l’absorption sélective de certains éléments via l’alimentation tendrait à protéger en partie sur le même principe que l’iode contre l’incorporation de certains autres éléments radioactifs d’après plusieurs recherches médicales :

« Le calcium prendrait la place du strontium-90, strontium-58,baryum-140, radium radioactif et protègerait les os. Le potassium protègerait les muscles, les reins, le foie et les organes reproducteurs du césium 137 et 134 et potassium 42. Le fer protègerait du plutonium-238 et -239, fer-238 et -239 au niveau des poumons, foie et gonades. Le Zinc protègerait du zinc-65 au niveau des os et gonades. La Vitamine B12 empêcherait le cobalt-60 de se fixer sur le foie et les organes reproducteurs.
Le Souffre protègerait la peau des effets du souffre-135 radioactif.
_ »

D’autres aliments pourraient protéger en partie des effets des radiations ou aideraient à purger l’organisme des éléments lourds. Mais la probabilité d’avoir à disposition toute cette pharmacopée biodosponible, ingéré et digéré suffisamment tôt tous ces éléments pour se protéger des retombées d’un accident nucléaire est assez difficilement imaginable...

La seule solution réellement efficace pour la prévention de tout accident nucléaire grave en France, c’est l’arrêt définitif de tous les réacteurs et autres installations nucléaires implantés sur le territoire. Il n’y aucune autre solution réellement fiable pour que la probabilité d’accident soit nulle !

Pour en savoir plus : Article de l’ACRO - Extension de la distribution des comprimés d’iode : une mesure nécessaire mais insuffisante

Interview France Bleu Nord - Laura Hameaux - distribution 2016 de pastilles d’iode
Interview de Marie Frachisse du Réseau Sortir du nucléaire par RCF Lyon (25/09/2019)
RCF/08h00 (2019)

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 Risque nucléaire  Nucléaire et santé