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Réduire la part du nucléaire, concrètement ça veut dire quoi ?

Article publié le 25 octobre 2012



S’agit-il, ou pas, de fermer des réacteurs ? Et quelle trajectoire énergétique la France semble-t-elle prendre au vu des orientations actuelles ? Pour répondre à ces questions, nous avons sollicité le point de vue de Bernard Laponche, expert en politiques de l’énergie et de maîtrise de l’énergie et membre de l’association Global Chance.



1. Réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique, ça veut dire quoi exactement ?

L’expression "mix énergétique" (certains disent aussi quelquefois le "bouquet énergétique") est utilisée pour décrire l’ensemble des sources ou des produits énergétiques qui contribuent à une certaine production ou consommation d’énergie, avec la part de chacun.

On peut parler du mix énergétique de la consommation d’énergie primaire d’un pays (sources naturelles à l’origine des produits énergétiques que nous consommons : charbon, gaz fossile dit gaz naturel, pétrole, uranium, biomasse, hydraulique, éolien, solaire photovoltaïque ou thermique, géothermie), ou de sa consommation énergétique finale de gaz, essence, fuel, électricité, bois...(consommation par les utilisateurs finals : industrie hors industries de l’énergie ; transports ; résidentiel, tertiaire, agriculture). Votre question porte en fait sur le mix énergétique de la production d’électricité et elle se réfère à l’engagement du Président de la République de "réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75% aujourd’hui à 50% en 2025".

Pour l’année 2010, le mix énergétique de la production brute d’électricité en France est le suivant : 75% nucléaire (électricité produite à partir de la chaleur produite dans le réacteur nucléaire à combustible uranium), 10% fossile (combustion de gaz, charbon, produits pétroliers), 12% hydraulique (barrages), 3% autres énergies renouvelables (éolien, biomasse, photovoltaïque). Ces valeurs sont pour la France métropolitaine, y compris la Corse.

La production brute d’électricité était en 2010 de 572 milliards de kWh (ou TWh : teraWattheure) et la consommation finale d’électricité était de 446 TWh [1], se répartissant en 29% dans l’industrie, 3% dans les transports (trains, métros, trams), 38% dans le résidentiel (logements), 29% dans le tertiaire (bureaux, établissements de santé, éducation, tourisme, etc.) et 1% ans l’agriculture.

2. Que signifie alors la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité ?

Lorsque l’on parle de réduire la part d’une source d’énergie dans la production d’électricité à l’horizon 2025, il faut savoir à quelle production totale on se réfère. Il faut donc savoir quelle production totale d’électricité pour la France en 2025 on se donne pour objectif, afin de déterminer la quantité d’électricité d’origine nucléaire à cet horizon :

  • Pour les plus productivistes, avec un rythme de croissance des besoins d’électricité d’au moins 2% par an considéré comme le minimum indispensable, la production d’électricité française nécessaire passerait de 572 TWh en 2010 à 770 TWh en 2025. Réduire la part du nucléaire de 75% à 50% reviendrait à faire passer la production d’électricité d’origine nucléaire de 428 TWh à 385 TWh en 2025. Cela représente une réduction de 43 TWh, ce qui représente à peu près la production de 7 unités nucléaires de type Fessenheim (centrale équipée de deux unités de 900 MW de puissance). On peut même prétendre que l’on exportera cette production : la production d’origine nucléaire reste constante en valeur absolue. C’est le vœu des pro-nucléaires qui déploient une offensive "publicitaire" impressionnante.
  • Mais l’augmentation de la consommation d’électricité n’est pas une fatalité et on peut aussi, comme le montrent le scénario négaWatt et les travaux de Global Chance, engager une politique d’économies d’électricité dans l’ensemble des secteurs d’activité. Ces deux associations ont réalisé et publié ensemble le n° 27 des Cahiers de Global Chance "Du gâchis à l’intelligence, le bon usage de l’électricité" qui montre qu’il existe des potentiels d’économies d’électricité considérables, en particulier dans les bâtiments qui, on l’a vu plus haut, consomment les deux tiers de la consommation finale totale d’électricité (chauffage électrique bien sûr, mais aussi et surtout usages spécifiques : électroménager, audiovisuel, informatique).
    Un tel scénario de baisse de la consommation et donc de la production d’électricité est en cohérence avec les engagements de la France au niveau européen qui consistent en une baisse de la consommation d’énergie finale de 20% en 2020 par rapport au scénario tendanciel, soit une baisse de l’ordre de 15% par rapport à 2010.
    D’autre part, toujours pour respecter ses engagements européens, la France doit assurer 23% de sa consommation finale d’énergie avec grâce aux énergies renouvelables. Pour atteindre cet objectif, la part des énergies renouvelables dans le mix de production électrique proprement dit devrait être de l’ordre de 30%.
    La situation change alors du tout au tout : si on réduit la consommation finale d’électricité d’environ 15% sur une dizaine d’années, le besoin de production d’électricité serait alors au maximum de 450 TWh. Si dans ces conditions la part du nucléaire dans la production d’électricité est ramenée à 50%, celle-ci serait de 225 TWh. La production d’électricité d’origine nucléaire aurait baissé de 205 TWh, ce qui correspond à fermer une trentaine d’unités de 1000 MW sur la même période.

On voit que la phrase "réduire de 75% aujourd’hui à 50% en 2025 la part du nucléaire dans la production d’électricité" signifie des baisses de la production d’origine nucléaire très différentes selon l’évolution de la consommation totale d’électricité, voire pas de baisse du tout.

3. Comment se situe sur ce sujet l’engagement de l’accord entre le PS et EELV signé en prélude à la campagne présidentielle ?

Dans le document "2012-2017 : socialistes et écologistes, ensemble pour combattre la crise et bâtir un autre modèle de vivre ensemble" signé entre les deux partis le 15 novembre 2011, on lit en effet :

"Nous réduirons la part du nucléaire dans la production électrique de 75% aujourd’hui à 50% en 2025 et engagerons :
 Un plan d’évolution du parc nucléaire existant prévoyant la réduction d’un tiers de la puissance nucléaire installée par la fermeture progressive de 24 réacteurs, en commençant par l’arrêt immédiat de Fessenheim et ensuite des installations les plus vulnérables, par leur situation en zone sismique ou d’inondation, leur ancienneté et le coût des travaux nécessaires pour assurer la sécurité maximale. Cette évolution intégrera les évaluations de l’ASN et de l’IRSN ainsi que le nécessaire équilibre offre-demande".

On voit que l’engagement de cet accord n’est pas compatible avec la vision "productiviste" et s’inscrit dans un scénario de transition énergétique avec une politique forte d’économies d’électricité et de développement des énergies renouvelables.

On sait que l’ex-candidat PS et Président actuel ne se considère pas comme lié par cet accord et a jusqu’à présent limité ses engagements à la réduction de la part du nucléaire et non de la puissance totale du parc nucléaire ainsi qu’à la fermeture définitive de la centrale de Fessenheim fin 2016.
On reste donc en pleine ambiguïté sur l’interprétation du 50%. Cette situation est exploitée au maximum par les promoteurs du nucléaire et les décisions récentes du Conseil de politique nucléaire ne sont pas rassurantes.
On continue à produire du plutonium et utiliser le combustible MOX, le chantier EPR de Flamanville ne cesse de prendre du retard, mais on persiste, la vision "officielle" de l’avenir semble bien pencher vers l’allongement de la vie technique des réacteurs en fonctionnement.

On a tout à fait le sentiment d’un Gouvernement "sous influence" qui commet à mon avis deux erreurs majeures et dangereuses à plusieurs égards.
La première est le déni du risque nucléaire de la part des responsables politiques qui ne prennent même pas la peine d’étudier eux-mêmes sérieusement le dossier et se laissent "mener en bateau" par les grands féodaux du nucléaire, haute administration comprise. Une telle attitude d’irresponsabilité peut conduire aux pires « non décisions », notamment sur le vieillissement des centrales que l’on va laisser filer, alors qu’il ne devrait en aucun cas dépasser les quarante ans de fonctionnement après leur couplage au réseau, voire les trente cinq ans et encore moins pour certaines d’entre elles. Cela implique un programme d’arrêt progressif des centrales existantes à partir de maintenant.

La seconde est la non compréhension de la transition énergétique qui s’impose au monde entier, basée sur la sobriété, l’efficacité énergétiques et le développement des énergies renouvelables mais aussi la décentralisation et la territorialisation des systèmes énergétiques, ce qu’a très bien compris l’Allemagne qui, en parallèle, a décidé de "sortir du nucléaire" pour les trois raisons fondamentales qui sont les déchets radioactifs, le risque d’accident grave et la prolifération nucléaire. A ne pas jouer franchement la carte de la transition énergétique, à s’enfermer dans la poursuite du nucléaire, la France est en train de perdre une occasion historique de modifier son mode de développement, ce qui est néfaste sur le plan environnemental (risque climatique, risque d’accident, pollutions et déchets) mais aussi sur celui du développement de nouvelles activités et de l’emploi, sur l’ensemble du territoire.
De la part d’un Président qui sait se montrer intelligent et courageux sur un certain nombre de sujets, cela est affligeant. Il est temps de redresser la barre car les risques sont trop grands.

4. Que préconisez-vous pour une vraie transition énergétique permettant la sortie du nucléaire ?

Sur cette question, je pense que la réponse la plus complète est apportée par le scénario énergétique négaWatt pour la France d’ici à 2050. Il faut lire absolument le "Manifeste négaWatt" publié par l’association éponyme en 2012 [2].

Pour faire bref, je vais citer quelques éléments de la conclusion du livre "En finir avec le nucléaire" de Benjamin Dessus et moi-même, publié au Seuil en septembre 2011 :

"La sortie du nucléaire sans à-coups est possible sur une vingtaine d’années...
Il faut s’en donner les moyens, en particulier sur trois points majeurs :

  • La mise en route dans l’urgence d’un programme enfin sérieux de réduction de la consommation électrique et des consommations énergétiques en général, tout en éradiquant la précarité énergétique des plus démunis.
  • L’élaboration d’un programme crédible, aussi bien du point de vue industriel qu’économique, de développement des filières électriques renouvelables et d’un réseau électrique adapté à la décentralisation de cette production pour éviter à notre pays de se trouver hors jeu au plan européen et mondial.
  • L’organisation d’une retraite réussie du nucléaire français, en développant parallèlement un savoir-faire sur le démantèlement des installations et le stockage des déchets."

Bernard LAPONCHE est polytechnicien et docteur ès Sciences en physique des réacteurs nucléaires


Notes

[1La consommation finale est égale à la production brute moins l’autoconsommation des centrales (24 TWh), moins les pertes dans le transport et la distribution (34 TWh), moins la consommation du secteur de l’énergie (37 TWh), moins les exportations d’électricité (51 TWh), plus les importations d’électricité (20 TWh).

[2Retrouvez ce scénario, ainsi que d’autres menant à une sortie plus rapide du nucléaire en France, sur notre site : https://www.sortirdunucleaire.org/index.php?menu=sinformer&sousmenu=themas&soussousmenu=plus&page=alternatives

1. Réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique, ça veut dire quoi exactement ?

L’expression "mix énergétique" (certains disent aussi quelquefois le "bouquet énergétique") est utilisée pour décrire l’ensemble des sources ou des produits énergétiques qui contribuent à une certaine production ou consommation d’énergie, avec la part de chacun.

On peut parler du mix énergétique de la consommation d’énergie primaire d’un pays (sources naturelles à l’origine des produits énergétiques que nous consommons : charbon, gaz fossile dit gaz naturel, pétrole, uranium, biomasse, hydraulique, éolien, solaire photovoltaïque ou thermique, géothermie), ou de sa consommation énergétique finale de gaz, essence, fuel, électricité, bois...(consommation par les utilisateurs finals : industrie hors industries de l’énergie ; transports ; résidentiel, tertiaire, agriculture). Votre question porte en fait sur le mix énergétique de la production d’électricité et elle se réfère à l’engagement du Président de la République de "réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75% aujourd’hui à 50% en 2025".

Pour l’année 2010, le mix énergétique de la production brute d’électricité en France est le suivant : 75% nucléaire (électricité produite à partir de la chaleur produite dans le réacteur nucléaire à combustible uranium), 10% fossile (combustion de gaz, charbon, produits pétroliers), 12% hydraulique (barrages), 3% autres énergies renouvelables (éolien, biomasse, photovoltaïque). Ces valeurs sont pour la France métropolitaine, y compris la Corse.

La production brute d’électricité était en 2010 de 572 milliards de kWh (ou TWh : teraWattheure) et la consommation finale d’électricité était de 446 TWh [1], se répartissant en 29% dans l’industrie, 3% dans les transports (trains, métros, trams), 38% dans le résidentiel (logements), 29% dans le tertiaire (bureaux, établissements de santé, éducation, tourisme, etc.) et 1% ans l’agriculture.

2. Que signifie alors la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité ?

Lorsque l’on parle de réduire la part d’une source d’énergie dans la production d’électricité à l’horizon 2025, il faut savoir à quelle production totale on se réfère. Il faut donc savoir quelle production totale d’électricité pour la France en 2025 on se donne pour objectif, afin de déterminer la quantité d’électricité d’origine nucléaire à cet horizon :

  • Pour les plus productivistes, avec un rythme de croissance des besoins d’électricité d’au moins 2% par an considéré comme le minimum indispensable, la production d’électricité française nécessaire passerait de 572 TWh en 2010 à 770 TWh en 2025. Réduire la part du nucléaire de 75% à 50% reviendrait à faire passer la production d’électricité d’origine nucléaire de 428 TWh à 385 TWh en 2025. Cela représente une réduction de 43 TWh, ce qui représente à peu près la production de 7 unités nucléaires de type Fessenheim (centrale équipée de deux unités de 900 MW de puissance). On peut même prétendre que l’on exportera cette production : la production d’origine nucléaire reste constante en valeur absolue. C’est le vœu des pro-nucléaires qui déploient une offensive "publicitaire" impressionnante.
  • Mais l’augmentation de la consommation d’électricité n’est pas une fatalité et on peut aussi, comme le montrent le scénario négaWatt et les travaux de Global Chance, engager une politique d’économies d’électricité dans l’ensemble des secteurs d’activité. Ces deux associations ont réalisé et publié ensemble le n° 27 des Cahiers de Global Chance "Du gâchis à l’intelligence, le bon usage de l’électricité" qui montre qu’il existe des potentiels d’économies d’électricité considérables, en particulier dans les bâtiments qui, on l’a vu plus haut, consomment les deux tiers de la consommation finale totale d’électricité (chauffage électrique bien sûr, mais aussi et surtout usages spécifiques : électroménager, audiovisuel, informatique).
    Un tel scénario de baisse de la consommation et donc de la production d’électricité est en cohérence avec les engagements de la France au niveau européen qui consistent en une baisse de la consommation d’énergie finale de 20% en 2020 par rapport au scénario tendanciel, soit une baisse de l’ordre de 15% par rapport à 2010.
    D’autre part, toujours pour respecter ses engagements européens, la France doit assurer 23% de sa consommation finale d’énergie avec grâce aux énergies renouvelables. Pour atteindre cet objectif, la part des énergies renouvelables dans le mix de production électrique proprement dit devrait être de l’ordre de 30%.
    La situation change alors du tout au tout : si on réduit la consommation finale d’électricité d’environ 15% sur une dizaine d’années, le besoin de production d’électricité serait alors au maximum de 450 TWh. Si dans ces conditions la part du nucléaire dans la production d’électricité est ramenée à 50%, celle-ci serait de 225 TWh. La production d’électricité d’origine nucléaire aurait baissé de 205 TWh, ce qui correspond à fermer une trentaine d’unités de 1000 MW sur la même période.

On voit que la phrase "réduire de 75% aujourd’hui à 50% en 2025 la part du nucléaire dans la production d’électricité" signifie des baisses de la production d’origine nucléaire très différentes selon l’évolution de la consommation totale d’électricité, voire pas de baisse du tout.

3. Comment se situe sur ce sujet l’engagement de l’accord entre le PS et EELV signé en prélude à la campagne présidentielle ?

Dans le document "2012-2017 : socialistes et écologistes, ensemble pour combattre la crise et bâtir un autre modèle de vivre ensemble" signé entre les deux partis le 15 novembre 2011, on lit en effet :

"Nous réduirons la part du nucléaire dans la production électrique de 75% aujourd’hui à 50% en 2025 et engagerons :
 Un plan d’évolution du parc nucléaire existant prévoyant la réduction d’un tiers de la puissance nucléaire installée par la fermeture progressive de 24 réacteurs, en commençant par l’arrêt immédiat de Fessenheim et ensuite des installations les plus vulnérables, par leur situation en zone sismique ou d’inondation, leur ancienneté et le coût des travaux nécessaires pour assurer la sécurité maximale. Cette évolution intégrera les évaluations de l’ASN et de l’IRSN ainsi que le nécessaire équilibre offre-demande".

On voit que l’engagement de cet accord n’est pas compatible avec la vision "productiviste" et s’inscrit dans un scénario de transition énergétique avec une politique forte d’économies d’électricité et de développement des énergies renouvelables.

On sait que l’ex-candidat PS et Président actuel ne se considère pas comme lié par cet accord et a jusqu’à présent limité ses engagements à la réduction de la part du nucléaire et non de la puissance totale du parc nucléaire ainsi qu’à la fermeture définitive de la centrale de Fessenheim fin 2016.
On reste donc en pleine ambiguïté sur l’interprétation du 50%. Cette situation est exploitée au maximum par les promoteurs du nucléaire et les décisions récentes du Conseil de politique nucléaire ne sont pas rassurantes.
On continue à produire du plutonium et utiliser le combustible MOX, le chantier EPR de Flamanville ne cesse de prendre du retard, mais on persiste, la vision "officielle" de l’avenir semble bien pencher vers l’allongement de la vie technique des réacteurs en fonctionnement.

On a tout à fait le sentiment d’un Gouvernement "sous influence" qui commet à mon avis deux erreurs majeures et dangereuses à plusieurs égards.
La première est le déni du risque nucléaire de la part des responsables politiques qui ne prennent même pas la peine d’étudier eux-mêmes sérieusement le dossier et se laissent "mener en bateau" par les grands féodaux du nucléaire, haute administration comprise. Une telle attitude d’irresponsabilité peut conduire aux pires « non décisions », notamment sur le vieillissement des centrales que l’on va laisser filer, alors qu’il ne devrait en aucun cas dépasser les quarante ans de fonctionnement après leur couplage au réseau, voire les trente cinq ans et encore moins pour certaines d’entre elles. Cela implique un programme d’arrêt progressif des centrales existantes à partir de maintenant.

La seconde est la non compréhension de la transition énergétique qui s’impose au monde entier, basée sur la sobriété, l’efficacité énergétiques et le développement des énergies renouvelables mais aussi la décentralisation et la territorialisation des systèmes énergétiques, ce qu’a très bien compris l’Allemagne qui, en parallèle, a décidé de "sortir du nucléaire" pour les trois raisons fondamentales qui sont les déchets radioactifs, le risque d’accident grave et la prolifération nucléaire. A ne pas jouer franchement la carte de la transition énergétique, à s’enfermer dans la poursuite du nucléaire, la France est en train de perdre une occasion historique de modifier son mode de développement, ce qui est néfaste sur le plan environnemental (risque climatique, risque d’accident, pollutions et déchets) mais aussi sur celui du développement de nouvelles activités et de l’emploi, sur l’ensemble du territoire.
De la part d’un Président qui sait se montrer intelligent et courageux sur un certain nombre de sujets, cela est affligeant. Il est temps de redresser la barre car les risques sont trop grands.

4. Que préconisez-vous pour une vraie transition énergétique permettant la sortie du nucléaire ?

Sur cette question, je pense que la réponse la plus complète est apportée par le scénario énergétique négaWatt pour la France d’ici à 2050. Il faut lire absolument le "Manifeste négaWatt" publié par l’association éponyme en 2012 [2].

Pour faire bref, je vais citer quelques éléments de la conclusion du livre "En finir avec le nucléaire" de Benjamin Dessus et moi-même, publié au Seuil en septembre 2011 :

"La sortie du nucléaire sans à-coups est possible sur une vingtaine d’années...
Il faut s’en donner les moyens, en particulier sur trois points majeurs :

  • La mise en route dans l’urgence d’un programme enfin sérieux de réduction de la consommation électrique et des consommations énergétiques en général, tout en éradiquant la précarité énergétique des plus démunis.
  • L’élaboration d’un programme crédible, aussi bien du point de vue industriel qu’économique, de développement des filières électriques renouvelables et d’un réseau électrique adapté à la décentralisation de cette production pour éviter à notre pays de se trouver hors jeu au plan européen et mondial.
  • L’organisation d’une retraite réussie du nucléaire français, en développant parallèlement un savoir-faire sur le démantèlement des installations et le stockage des déchets."

Bernard LAPONCHE est polytechnicien et docteur ès Sciences en physique des réacteurs nucléaires


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 Politique énergétique