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Sortir du nucléaire n°74



Été 2017

Vive les Négawatt créatifs, ludiques et festifs !

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°74 - Été 2017

 Energies renouvelables


Dans certains coins d’Auvergne, sur de petits festivals alternatifs rassemblant quelques centaines de personnes (because "small is beautiful"), apparaît parfois une installation "Négawatt", équipée de diverses machines à propulsion humaine pour alimenter l’événement en énergie électrique. L’idée étant de se passer complètement d’EDF (à qui on ne pardonnera jamais d’avoir vendu son âme au nucléaire) tout en se faisant plaisir. Car la plupart des festivaliers contribuent à tour de rôle de très bon cœur à la production collective d’électricité sur le site. Et en outre, cette formule permet aussi de s’installer sur des sites ruraux isolés… Rencontre avec Sylvain Lemoine, un des initiateurs et artisan de cette aventure :



Peux-tu nous décrire quel type d’installations vous utilisez ?

Une installation Négawatt peut être composée de nombreux éléments : un chapiteau, une roulotte-bar (appelée la "bête à bière" car c’est une ancienne "bétaillère"), une scène équipée d’une sono efficace et de lumières basse consommation en 12V, diverses machines à propulsion humaine convertissant la force mécanique en électricité avec des dynamos ou alternateurs (vélos assis, vélos couchés, roue "à écureuil" dans laquelle on marche, etc.), des batteries et un tas de LED à installer un peu partout. Et pour compléter le tout, une petite caravane dont les batteries sont alimentées en renouvelables par mini-éolienne et panneau photovoltaïque, ainsi qu’une cantine pour tous avec produits bio et locaux (incluant cuiseur solaire, poêle-rocket, chaudière à cochon et bien sûr, stockage d’eau).

Lors de précédentes éditions des Négawatt festifs, nous avons aussi pu voir une manivelle au-dessus du bar que l’on tourne en attendant d’être servi, pour produire l’éclairage dudit bar. Et quand il y a un ruisseau proche du chemin d’accès au festival, nous installons également des systèmes lumineux fonctionnant par la force de l’eau pour baliser les bords de ce chemin (système de turbine vortex sur le modèle autrichien de Zotloterer).

Un bref historique de votre démarche ?

Le festival Big Green sur les renouvelables en Angleterre qui existe depuis 30 ans nous a entre autres inspirés. Et aux États-Unis, un mouvement comparable de festivals "off-grid" (littéralement "hors réseau", c’est-à-dire non raccordé au réseau électrique) se répand fortement. Par ici, cela fait 7 ans que nous créons des prototypes et réalisons des machines à propulsion humaine pour production d’électricité, que nous utilisions d’abord sur le Festival "Lagristock en Négawatt" et que nous proposons maintenant sur divers petits festivals. Ainsi, la Fête des beaux jours (dans l’ouest de la Haute-Loire), tout récemment, a modifié son intitulé en "Les Beaux jours en Négawatt" pour nous accueillir.

Comment se nomme votre structure ? Est-elle associative ?

"Négawatt Party" est le nom des événements que nous proposons. Les structures à l’origine de ce projet étaient les associations Talent Rural de Malvières 43 et 2 Bien Fêteur, qui a plusieurs projets à son actif (dont Vélovergne et L’Ensourceleuse [1].

C’est de facto souvent associatif… Et cette année-ci, cela se faisait en partenariat avec le Café-lecture La Clef de Brioude. Le prochain événement se fera avec l’asso ANVANSA. Mais nous serons le seul organisateur pour la soirée intitulée "L’Appel de la forêt", qui aura lieu dans un jardin de permaculture le 27 juillet.

Comment avez-vous financé le projet au départ ?

Les premières LED et les premiers systèmes, ainsi que la cage à écureuil, ont été financés par Talent Rural, tout le reste venant d’associations comme 2 Bien Fêteur. Et aussi via des animations. Ou actuellement en vendant de la bière biodynamique....

Quel type d’ententes faites-vous avec ceux qui vous reçoivent ?

Nous nous rencontrons et constituons des équipes pour monter et démonter toutes les structures ; ainsi qu’une équipe-cuisine. Et quelques techniciens. Bien sûr, nous demandons aussi au groupe d’accueil de nous aider avec leurs propres bénévoles. Nos revenus proviennent uniquement des boissons et aliments bio / locaux vendus sur place. Concernant les groupes de musiciens : n’ayant pas de subventions, nous ne défrayons que les transports pour le moment. Car sur certains événements, nous nous occupons aussi de la programmation, en plus des installations et de la technique.

Combien de personnes participent activement à votre structure (les bénévoles qui viennent installer par exemple, et l’équipe-cuisine) ?

Lors du dernier événement, on était une petite dizaine au montage et pareil en cuisine. Trop peu !

Auparavant, les vélos alimentaient directement la scène pour sono et lumière. Et donc, quand les "cyclistes" fléchissaient, on entendait crier "Pédalez ! Pédalez !". Maintenant, ça passe par alternateur et batterie qui fournissent un débit plus régulier. Pourquoi ?

Un vélo assis, appelé "light jocker" a encore des commandes lumineuses directes pour la scène.

Mais pour le confort de la soirée et celui du groupe que nous avons choisi de soutenir, nous complétons la propulsion humaine avec un stockage d’électricité renouvelable (en 2017, sur une batterie 12v 200ah, soit 2400 Wh pris en deux jours de soleil avec un panneau photovoltaïque de 210 Wc [2]). On peut comparer cela à 24 h de pédalage… De plus, nous avons cette année fait fonctionner un groupe froid pour la tireuse à bière (600W). À partir de 22 heures, l’effort des pédaleurs sert à rafraîchir leur breuvage, alors que la roue à écureuil alimente la scène et l’éclairage.

Et en milieu de nuit, quand les festivaliers commencent à fatiguer, ça s’éteint tout seul ?

Non, l’effervescence de la fête tient généralement jusqu’au petit jour. Même les plus gros fêtards recèlent de sources d’énergie insoupçonnées !

Quelle est votre intention avec tout cela ?

Au départ, on faisait surtout dans le ludique original. Depuis, nous sommes passés à une logique de partage pédagogique sans militantisme déclaré ; et donc, sans étiquette et non-partisan. Les gens viennent nous rejoindre sur un festival ou fête a priori pour s’amuser et pour déguster musique, ambiance et bons produits locaux. Et à la fois, découvrent – avec amusement et plaisir visible - la production d’électricité par la force humaine. En moyenne, un humain produit plus ou moins 100 watt. Et les sportifs, bien sûr un peu plus. Bref, tout ça n’est pas énorme. Incitation à la sobriété ? En tous les cas, même les gens d’alentour qui ne sont pas spécialement branchés sur les alternatives et l’écologie peuvent s’y retrouver. Dans nos fêtes, les écologistes et les chasseurs discutent déjà ensemble comment soigner la planète...

Qu’est-ce qu’il vous faut encore améliorer ?

1) Une meilleure intégration générale de tous les systèmes en terme de "kit" prêt à installer en une seule fois. Car pour le moment, il nous faut faire divers allers-retours pour tout rassembler ; ce qui rend notre bilan-carbone pas très bon.

2) Une dimension pédagogique un peu plus explicite avec par exemple l’installation d’un Watt-mètre montrant sur écran ce que les gens produisent précisément selon l’effort fourni, ce que les renouvelables ont déjà produit, ce que les lumières, la sono et la tireuse à bière consomment, ainsi que des panneaux explicatifs sur l’usage, les fonctions et les choix technologiques des divers systèmes de production

Des projets ?

Trois événements prévus dans l’été 2017, dont un "Concert au jardin" à Arlanc (sud Puy-de-Dôme) le 27 juillet.

Des rêves ?

Oui, créer une guinguette d’été renouvelable installée en permanence pour deux mois sur le même site. Avec générateurs d’énergie et stockage sur place qui permettraient des événements réguliers en week-end ; et donc une meilleure visibilité par le public des possibilités. Et surtout, une pertinence entre la consommation de nos énergies à l’installation par rapport à l’utilisation.

Ah oui ! Et trouver un peu plus de sous pour nos mille géniales idées à concrétiser !

Si votre démarche en inspire d’autres, que peut-on vous demander ?

Nous avons mis en place un outil pédagogique festif sur les mille manières de produire de l’énergie (électrique). Nous sommes prêts à partager ce savoir-faire avec les personnes intéressées.

Coordonnées : Info@velovergne.fr c/o Sylvain 06 01 77 72 98 www.orni.fr (orni pour "objets roulants non-identifiés")

Propos recueillis par André Larivière,

Groupe brivadois Sortir du nucléaire (Haute-Loire)


Notes

[2Wc = Watt-crête, puissance principalement utilisée en technologie photovoltaïque.

Peux-tu nous décrire quel type d’installations vous utilisez ?

Une installation Négawatt peut être composée de nombreux éléments : un chapiteau, une roulotte-bar (appelée la "bête à bière" car c’est une ancienne "bétaillère"), une scène équipée d’une sono efficace et de lumières basse consommation en 12V, diverses machines à propulsion humaine convertissant la force mécanique en électricité avec des dynamos ou alternateurs (vélos assis, vélos couchés, roue "à écureuil" dans laquelle on marche, etc.), des batteries et un tas de LED à installer un peu partout. Et pour compléter le tout, une petite caravane dont les batteries sont alimentées en renouvelables par mini-éolienne et panneau photovoltaïque, ainsi qu’une cantine pour tous avec produits bio et locaux (incluant cuiseur solaire, poêle-rocket, chaudière à cochon et bien sûr, stockage d’eau).

Lors de précédentes éditions des Négawatt festifs, nous avons aussi pu voir une manivelle au-dessus du bar que l’on tourne en attendant d’être servi, pour produire l’éclairage dudit bar. Et quand il y a un ruisseau proche du chemin d’accès au festival, nous installons également des systèmes lumineux fonctionnant par la force de l’eau pour baliser les bords de ce chemin (système de turbine vortex sur le modèle autrichien de Zotloterer).

Un bref historique de votre démarche ?

Le festival Big Green sur les renouvelables en Angleterre qui existe depuis 30 ans nous a entre autres inspirés. Et aux États-Unis, un mouvement comparable de festivals "off-grid" (littéralement "hors réseau", c’est-à-dire non raccordé au réseau électrique) se répand fortement. Par ici, cela fait 7 ans que nous créons des prototypes et réalisons des machines à propulsion humaine pour production d’électricité, que nous utilisions d’abord sur le Festival "Lagristock en Négawatt" et que nous proposons maintenant sur divers petits festivals. Ainsi, la Fête des beaux jours (dans l’ouest de la Haute-Loire), tout récemment, a modifié son intitulé en "Les Beaux jours en Négawatt" pour nous accueillir.

Comment se nomme votre structure ? Est-elle associative ?

"Négawatt Party" est le nom des événements que nous proposons. Les structures à l’origine de ce projet étaient les associations Talent Rural de Malvières 43 et 2 Bien Fêteur, qui a plusieurs projets à son actif (dont Vélovergne et L’Ensourceleuse [1].

C’est de facto souvent associatif… Et cette année-ci, cela se faisait en partenariat avec le Café-lecture La Clef de Brioude. Le prochain événement se fera avec l’asso ANVANSA. Mais nous serons le seul organisateur pour la soirée intitulée "L’Appel de la forêt", qui aura lieu dans un jardin de permaculture le 27 juillet.

Comment avez-vous financé le projet au départ ?

Les premières LED et les premiers systèmes, ainsi que la cage à écureuil, ont été financés par Talent Rural, tout le reste venant d’associations comme 2 Bien Fêteur. Et aussi via des animations. Ou actuellement en vendant de la bière biodynamique....

Quel type d’ententes faites-vous avec ceux qui vous reçoivent ?

Nous nous rencontrons et constituons des équipes pour monter et démonter toutes les structures ; ainsi qu’une équipe-cuisine. Et quelques techniciens. Bien sûr, nous demandons aussi au groupe d’accueil de nous aider avec leurs propres bénévoles. Nos revenus proviennent uniquement des boissons et aliments bio / locaux vendus sur place. Concernant les groupes de musiciens : n’ayant pas de subventions, nous ne défrayons que les transports pour le moment. Car sur certains événements, nous nous occupons aussi de la programmation, en plus des installations et de la technique.

Combien de personnes participent activement à votre structure (les bénévoles qui viennent installer par exemple, et l’équipe-cuisine) ?

Lors du dernier événement, on était une petite dizaine au montage et pareil en cuisine. Trop peu !

Auparavant, les vélos alimentaient directement la scène pour sono et lumière. Et donc, quand les "cyclistes" fléchissaient, on entendait crier "Pédalez ! Pédalez !". Maintenant, ça passe par alternateur et batterie qui fournissent un débit plus régulier. Pourquoi ?

Un vélo assis, appelé "light jocker" a encore des commandes lumineuses directes pour la scène.

Mais pour le confort de la soirée et celui du groupe que nous avons choisi de soutenir, nous complétons la propulsion humaine avec un stockage d’électricité renouvelable (en 2017, sur une batterie 12v 200ah, soit 2400 Wh pris en deux jours de soleil avec un panneau photovoltaïque de 210 Wc [2]). On peut comparer cela à 24 h de pédalage… De plus, nous avons cette année fait fonctionner un groupe froid pour la tireuse à bière (600W). À partir de 22 heures, l’effort des pédaleurs sert à rafraîchir leur breuvage, alors que la roue à écureuil alimente la scène et l’éclairage.

Et en milieu de nuit, quand les festivaliers commencent à fatiguer, ça s’éteint tout seul ?

Non, l’effervescence de la fête tient généralement jusqu’au petit jour. Même les plus gros fêtards recèlent de sources d’énergie insoupçonnées !

Quelle est votre intention avec tout cela ?

Au départ, on faisait surtout dans le ludique original. Depuis, nous sommes passés à une logique de partage pédagogique sans militantisme déclaré ; et donc, sans étiquette et non-partisan. Les gens viennent nous rejoindre sur un festival ou fête a priori pour s’amuser et pour déguster musique, ambiance et bons produits locaux. Et à la fois, découvrent – avec amusement et plaisir visible - la production d’électricité par la force humaine. En moyenne, un humain produit plus ou moins 100 watt. Et les sportifs, bien sûr un peu plus. Bref, tout ça n’est pas énorme. Incitation à la sobriété ? En tous les cas, même les gens d’alentour qui ne sont pas spécialement branchés sur les alternatives et l’écologie peuvent s’y retrouver. Dans nos fêtes, les écologistes et les chasseurs discutent déjà ensemble comment soigner la planète...

Qu’est-ce qu’il vous faut encore améliorer ?

1) Une meilleure intégration générale de tous les systèmes en terme de "kit" prêt à installer en une seule fois. Car pour le moment, il nous faut faire divers allers-retours pour tout rassembler ; ce qui rend notre bilan-carbone pas très bon.

2) Une dimension pédagogique un peu plus explicite avec par exemple l’installation d’un Watt-mètre montrant sur écran ce que les gens produisent précisément selon l’effort fourni, ce que les renouvelables ont déjà produit, ce que les lumières, la sono et la tireuse à bière consomment, ainsi que des panneaux explicatifs sur l’usage, les fonctions et les choix technologiques des divers systèmes de production

Des projets ?

Trois événements prévus dans l’été 2017, dont un "Concert au jardin" à Arlanc (sud Puy-de-Dôme) le 27 juillet.

Des rêves ?

Oui, créer une guinguette d’été renouvelable installée en permanence pour deux mois sur le même site. Avec générateurs d’énergie et stockage sur place qui permettraient des événements réguliers en week-end ; et donc une meilleure visibilité par le public des possibilités. Et surtout, une pertinence entre la consommation de nos énergies à l’installation par rapport à l’utilisation.

Ah oui ! Et trouver un peu plus de sous pour nos mille géniales idées à concrétiser !

Si votre démarche en inspire d’autres, que peut-on vous demander ?

Nous avons mis en place un outil pédagogique festif sur les mille manières de produire de l’énergie (électrique). Nous sommes prêts à partager ce savoir-faire avec les personnes intéressées.

Coordonnées : Info@velovergne.fr c/o Sylvain 06 01 77 72 98 www.orni.fr (orni pour "objets roulants non-identifiés")

Propos recueillis par André Larivière,

Groupe brivadois Sortir du nucléaire (Haute-Loire)



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