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Sortir du nucléaire n°49



Printemps 2011

Focus

SNCF : Société Nucléaire des Chemins de fer Français ?

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°49 - Printemps 2011

 Transports radioactifs
Article publié le : 1er mai 2010


La France, plaque tournante du transport ferroviaire de déchets nucléaires… Voilà qui se confirme une nouvelle fois, avec deux récents convois radioactifs. Nous étions mobilisés !



Dans la nuit du 2 au 3 février, à 1h40, un transport de déchets nucléaires a quitté le terminal ferroviaire de Valognes dans la Manche, à destination de la Belgique. Si le Réseau "Sortir du nucléaire" en France, Nucléaire-STOP et Greenpeace en Belgique ne s’étaient pas mobilisés, ni les élus, ni les populations n’en auraient été informés.

Ces déchets radioactifs ont été produits par deux centrales nucléaires belges (Tihange et Doel) et ont été compactés, en France, à l’usine AREVA de La Hague. Selon nos informations, neuf transports seront encore nécessaires pour rapatrier en Belgique la totalité des 432 fûts de déchets belges d’ici à 2013.

Le convoi a traversé la Manche, le Calvados, l’Eure, la Seine Maritime, la Picardie, le Pas-de-Calais et le Nord ; il est resté stationné 10h au triage de Lomme-Délivrance, près de Lille, sans que la municipalité n’en ait été informée par les pouvoirs publics.

Les médias se sont largement faits l’écho de ce convoi et des mobilisations. Un rassemblement a été organisé à Lomme-Délivrance, près de Lille. Pendant la manifestation, des militants attendaient le train, à la sortie du triage, pour le stopper à l’aide de pétards de voies (qui signalent un danger et obligent les conducteurs à s’arrêter). Le train aura été arrêté deux fois un quart d’heure entre Lille et la frontière belge malgré la présence d’un hélicoptère.

Dans le même temps, un autre groupe s’était rassemblé à Tourcoing, juste avant la frontière belge. Ce soir là, hasard du calendrier, se tenait à la mairie le premier conseil municipal transfrontalier Tourcoing-Mouscron où tous les élus des deux communes avaient été conviés. La séance était publique et toute la presse locale était au rendez-vous.

Le Réseau "Sortir du nucléaire" et Nucléaire-STOP ont profité de cette soirée pour interpeller les élus et informer la population du passage du convoi. Nous avons tout d’abord distribué des tracts devant la mairie et discuté avec les élus arrivant par petits groupes, avant d’assister au conseil. Les élus écologistes belges et français ont lu une prise de position contre ce transport, nous avons déployé une banderole "STOP au trafic de déchets nucléaires". Le bourgmestre mouscronnais a précisé qu’il avait été tenu informé par les pouvoirs publics belges du passage du convoi sur le territoire de sa commune ; le maire de Tourcoing a déploré que les élus français ne soient pas logés à la même enseigne. Il s’est engagé publiquement à en référer aux autorités de l’État.

De son côté, le maire de Lomme a pris position dans la presse, regrettant l’opacité et le secret entourant les transports de matières radioactives et affirmant qu’il était inconcevable que le maire d’une commune dans laquelle un train de matières radioactives allait stationner pendant dix heures soit tenu dans l’ignorance la plus totale.

Le train a finalement passé la frontière à 20h dans la soirée du 3 février pour continuer sa route jusqu’à Mol. Là-bas un "comité d’accueil" l’attendait, à l’appel de Greenpeace Belgique. Les déchets ont ensuite été transférés par la route, tard dans la nuit, jusqu’au site de Belgoprocess à Dessel, leur destination finale.

Un convoi nucléaire sous haute tension en Italie

Du 7 au 8 février, c’est cette fois un train de combustibles usés (déchets hautement radioactifs) – en provenance du réacteur italien de Garigliano, pourtant arrêté depuis… 1982 ! – qui a traversé la France. Passant à proximité de plusieurs grandes villes, il a emprunté les voies du RER C avant d’arriver au terminal ferroviaire de Valognes (Normandie). Les déchets ont ensuite été acheminés en camion jusque l’usine de La Hague.

Le Rete Nazionale Antinucleare, le Réseau "Sortir du nucléaire" et SUD-Rail ont dénoncé conjointement ce transport et ont mobilisé sur le passage du train, parti le lundi matin vers deux heures de Vercelli, pour se rendre à Turin. Il était précédé de 10 mn par un train qui lui ouvrait la voie. Afin d’éviter un tunnel dans Turin, le train a été détourné sur Alessandria à la demande des pompiers pour cause de danger !

À 3h50, à Chiusa San Michele, trente personnes attendaient le passage du train, quand la police est intervenue et a chargé de manière extrêmement violente. Des militants ont été arrêtés et les manifestants ont subi des fouilles au corps et des insultes. Après avoir été plaqués au sol, ils ont été séparés en deux groupes et tenus à bonne distance des voies, jusqu’au passage du train. Aux dernières nouvelles, deux personnes étaient toujours détenues à la prison de Turin, près d’un mois après le passage du convoi.

En Italie, jamais un transport n’aura autant été tenu secret, et pour cause ! Ses déchets sont devenus bien gênants pour le gouvernement italien et l’industrie, qui souhaitent relancer le nucléaire…

Cachez ce train que je ne saurais voir... raté !

Le train devait passer la frontière peu avant 5h, en repartir aux alentours de 8h pour traverser Chambéry à 9h20, où il était attendu par un petit groupe d’antinucléaires. Au dernier moment – cela devient décidément une habitude – nous avons appris qu’il n’y serait que vers 13h20. Il se dit que la SNCF aurait diffusé dans ses propres services de faux horaires, afin que l’information réelle ne filtre pas, trompant même les forces de l’ordre qui attendirent, en vain, un train qui n’arrivait pas, jusqu’à recevoir l’ordre de revenir 4h plus tard ! Autre région, autre fait parlant : en Côte d’Or, la préfecture et les services de la SNCF affirmaient, eux, ne pas du tout être au courant du passage de ce convoi !

"Notre" train aura finalement passé Chambéry à 13h09, pour atteindre Ambérieu-en-Bugey à 14h20. Il y est resté stationné plusieurs heures et en est reparti, à 20h10, avec d’autres wagons vides transportant habituellement du nitrate d’uranyle, raccrochés entre-temps. Il est arrivé en région parisienne au petit matin, traversant l’Ile de France à l’heure de pointe sur les voies du RER C et stationnant à proximité des quais et des trains de voyageurs, occupés par les usagers, ainsi exposés à leur insu aux radiations émanant du convoi !

De nombreux rassemblements ont été organisés sur le trajet (Chambéry, Ambérieu, Bourg-en-Bresse, Louhans, Dijon, Villeneuve-Saint-Georges, Versailles, Mantes-La-Ville, Rouen, Caen et Carentan). Quasiment à chaque fois, des élus se sont joints aux rassemblements pour exiger le respect de la loi relative à l’information du public en matière environnementale. Des représentants nationaux de plusieurs partis politiques en Ile-de-France (Europe Écologie - Les Verts, Alliance Écologiste Indépendante, Parti de Gauche) étaient présents.

L’inspection du travail prend position

Il faut noter une avancée de taille pour les cheminots amenés à intervenir sur ces trains, encaissant alors des doses radioactives. En effet, l’inspection du travail de la SNCF de Paris a exigé d’être informée de la fréquence et de la composition de ces convois. Elle demande également à ce qu’une évaluation des risques pour les agents soit réalisée et qu’une campagne de mesures soit menée. Elle s’est en outre engagée à soutenir les cheminots qui exerceraient leur droit de retrait.

Conjointement à SUD-Rail, le Réseau "Sortir du nucléaire" a écrit au HCTISN (Haut Comité pour la Transparence et l’Information sur la Sûreté Nucléaire) pour lui demander qu’il se saisisse de la question et qu’il exige un moratoire sur ces convois tant que les mesures et les clarifications demandées par l’inspection du travail de la SNCF n’auront pas été effectuées et tant que l’industrie nucléaire ne se sera pas engagée à publier, préalablement à ces transports, leurs horaires et leurs inventaires radioactifs.

La mobilisation autour de ces deux transports aura permis de mettre un terme au secret qui entourait le trafic de déchets nucléaires entre la France et ses voisins européens. Elle aura aussi permis de mettre en lumière, une fois de plus, l’absence de solution pour "gérer" les déchets radioactifs et l’absurdité de leur "retraitement". La France n’a pas vocation à être la poubelle nucléaire de l’Europe et le retraitement des déchets, qu’il soit français ou étrangers, doit tout simplement être arrêté !

Laura Hameaux

Dans la nuit du 2 au 3 février, à 1h40, un transport de déchets nucléaires a quitté le terminal ferroviaire de Valognes dans la Manche, à destination de la Belgique. Si le Réseau "Sortir du nucléaire" en France, Nucléaire-STOP et Greenpeace en Belgique ne s’étaient pas mobilisés, ni les élus, ni les populations n’en auraient été informés.

Ces déchets radioactifs ont été produits par deux centrales nucléaires belges (Tihange et Doel) et ont été compactés, en France, à l’usine AREVA de La Hague. Selon nos informations, neuf transports seront encore nécessaires pour rapatrier en Belgique la totalité des 432 fûts de déchets belges d’ici à 2013.

Le convoi a traversé la Manche, le Calvados, l’Eure, la Seine Maritime, la Picardie, le Pas-de-Calais et le Nord ; il est resté stationné 10h au triage de Lomme-Délivrance, près de Lille, sans que la municipalité n’en ait été informée par les pouvoirs publics.

Les médias se sont largement faits l’écho de ce convoi et des mobilisations. Un rassemblement a été organisé à Lomme-Délivrance, près de Lille. Pendant la manifestation, des militants attendaient le train, à la sortie du triage, pour le stopper à l’aide de pétards de voies (qui signalent un danger et obligent les conducteurs à s’arrêter). Le train aura été arrêté deux fois un quart d’heure entre Lille et la frontière belge malgré la présence d’un hélicoptère.

Dans le même temps, un autre groupe s’était rassemblé à Tourcoing, juste avant la frontière belge. Ce soir là, hasard du calendrier, se tenait à la mairie le premier conseil municipal transfrontalier Tourcoing-Mouscron où tous les élus des deux communes avaient été conviés. La séance était publique et toute la presse locale était au rendez-vous.

Le Réseau "Sortir du nucléaire" et Nucléaire-STOP ont profité de cette soirée pour interpeller les élus et informer la population du passage du convoi. Nous avons tout d’abord distribué des tracts devant la mairie et discuté avec les élus arrivant par petits groupes, avant d’assister au conseil. Les élus écologistes belges et français ont lu une prise de position contre ce transport, nous avons déployé une banderole "STOP au trafic de déchets nucléaires". Le bourgmestre mouscronnais a précisé qu’il avait été tenu informé par les pouvoirs publics belges du passage du convoi sur le territoire de sa commune ; le maire de Tourcoing a déploré que les élus français ne soient pas logés à la même enseigne. Il s’est engagé publiquement à en référer aux autorités de l’État.

De son côté, le maire de Lomme a pris position dans la presse, regrettant l’opacité et le secret entourant les transports de matières radioactives et affirmant qu’il était inconcevable que le maire d’une commune dans laquelle un train de matières radioactives allait stationner pendant dix heures soit tenu dans l’ignorance la plus totale.

Le train a finalement passé la frontière à 20h dans la soirée du 3 février pour continuer sa route jusqu’à Mol. Là-bas un "comité d’accueil" l’attendait, à l’appel de Greenpeace Belgique. Les déchets ont ensuite été transférés par la route, tard dans la nuit, jusqu’au site de Belgoprocess à Dessel, leur destination finale.

Un convoi nucléaire sous haute tension en Italie

Du 7 au 8 février, c’est cette fois un train de combustibles usés (déchets hautement radioactifs) – en provenance du réacteur italien de Garigliano, pourtant arrêté depuis… 1982 ! – qui a traversé la France. Passant à proximité de plusieurs grandes villes, il a emprunté les voies du RER C avant d’arriver au terminal ferroviaire de Valognes (Normandie). Les déchets ont ensuite été acheminés en camion jusque l’usine de La Hague.

Le Rete Nazionale Antinucleare, le Réseau "Sortir du nucléaire" et SUD-Rail ont dénoncé conjointement ce transport et ont mobilisé sur le passage du train, parti le lundi matin vers deux heures de Vercelli, pour se rendre à Turin. Il était précédé de 10 mn par un train qui lui ouvrait la voie. Afin d’éviter un tunnel dans Turin, le train a été détourné sur Alessandria à la demande des pompiers pour cause de danger !

À 3h50, à Chiusa San Michele, trente personnes attendaient le passage du train, quand la police est intervenue et a chargé de manière extrêmement violente. Des militants ont été arrêtés et les manifestants ont subi des fouilles au corps et des insultes. Après avoir été plaqués au sol, ils ont été séparés en deux groupes et tenus à bonne distance des voies, jusqu’au passage du train. Aux dernières nouvelles, deux personnes étaient toujours détenues à la prison de Turin, près d’un mois après le passage du convoi.

En Italie, jamais un transport n’aura autant été tenu secret, et pour cause ! Ses déchets sont devenus bien gênants pour le gouvernement italien et l’industrie, qui souhaitent relancer le nucléaire…

Cachez ce train que je ne saurais voir... raté !

Le train devait passer la frontière peu avant 5h, en repartir aux alentours de 8h pour traverser Chambéry à 9h20, où il était attendu par un petit groupe d’antinucléaires. Au dernier moment – cela devient décidément une habitude – nous avons appris qu’il n’y serait que vers 13h20. Il se dit que la SNCF aurait diffusé dans ses propres services de faux horaires, afin que l’information réelle ne filtre pas, trompant même les forces de l’ordre qui attendirent, en vain, un train qui n’arrivait pas, jusqu’à recevoir l’ordre de revenir 4h plus tard ! Autre région, autre fait parlant : en Côte d’Or, la préfecture et les services de la SNCF affirmaient, eux, ne pas du tout être au courant du passage de ce convoi !

"Notre" train aura finalement passé Chambéry à 13h09, pour atteindre Ambérieu-en-Bugey à 14h20. Il y est resté stationné plusieurs heures et en est reparti, à 20h10, avec d’autres wagons vides transportant habituellement du nitrate d’uranyle, raccrochés entre-temps. Il est arrivé en région parisienne au petit matin, traversant l’Ile de France à l’heure de pointe sur les voies du RER C et stationnant à proximité des quais et des trains de voyageurs, occupés par les usagers, ainsi exposés à leur insu aux radiations émanant du convoi !

De nombreux rassemblements ont été organisés sur le trajet (Chambéry, Ambérieu, Bourg-en-Bresse, Louhans, Dijon, Villeneuve-Saint-Georges, Versailles, Mantes-La-Ville, Rouen, Caen et Carentan). Quasiment à chaque fois, des élus se sont joints aux rassemblements pour exiger le respect de la loi relative à l’information du public en matière environnementale. Des représentants nationaux de plusieurs partis politiques en Ile-de-France (Europe Écologie - Les Verts, Alliance Écologiste Indépendante, Parti de Gauche) étaient présents.

L’inspection du travail prend position

Il faut noter une avancée de taille pour les cheminots amenés à intervenir sur ces trains, encaissant alors des doses radioactives. En effet, l’inspection du travail de la SNCF de Paris a exigé d’être informée de la fréquence et de la composition de ces convois. Elle demande également à ce qu’une évaluation des risques pour les agents soit réalisée et qu’une campagne de mesures soit menée. Elle s’est en outre engagée à soutenir les cheminots qui exerceraient leur droit de retrait.

Conjointement à SUD-Rail, le Réseau "Sortir du nucléaire" a écrit au HCTISN (Haut Comité pour la Transparence et l’Information sur la Sûreté Nucléaire) pour lui demander qu’il se saisisse de la question et qu’il exige un moratoire sur ces convois tant que les mesures et les clarifications demandées par l’inspection du travail de la SNCF n’auront pas été effectuées et tant que l’industrie nucléaire ne se sera pas engagée à publier, préalablement à ces transports, leurs horaires et leurs inventaires radioactifs.

La mobilisation autour de ces deux transports aura permis de mettre un terme au secret qui entourait le trafic de déchets nucléaires entre la France et ses voisins européens. Elle aura aussi permis de mettre en lumière, une fois de plus, l’absence de solution pour "gérer" les déchets radioactifs et l’absurdité de leur "retraitement". La France n’a pas vocation à être la poubelle nucléaire de l’Europe et le retraitement des déchets, qu’il soit français ou étrangers, doit tout simplement être arrêté !

Laura Hameaux



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