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Rapport Roussely : déroute de l’EPR et perspectives dangereuses

Rapport Roussely : sauver le nucléaire français à coup de mesures scandaleuses

Article publié le 21 mai 2012



Les grandes lignes du rapport Roussely, remis au Président de la République en mai dernier et classé secret défense, ont été rendues publiques par l’Elysée, le mardi 27 juillet 2010.



Nucléaire français : un bilan économique et industriel désastreux

Le rapport Roussely reconnaît l’ampleur des déboires que rencontrent Areva et EDF sur les chantiers des réacteurs EPR en construction, en France et en Finlande : "la crédibilité du modèle EPR et de la capacité de l’industrie nucléaire française à réussir de nouvelles constructions de centrales ont été sérieusement ébranlées par les difficultés rencontrées sur le chantier finlandais d’Olkiluoto et sur celui de la troisième tranche de Flamanville". En cause, "la complexité de l’EPR" qui "est certainement un handicap pour sa réalisation et donc ses coûts".

Estimant que "la filière nucléaire doit atteindre une compétitivité attractive pour l’investissement privé", Roussely reconnaît que le nucléaire n’a jusqu’ici jamais été compétitif ni économiquement efficace, contrairement à ce que clame le marchand de centrales Areva. Roussely pointe la contre-performance du parc nucléaire français : "alors que la disponibilité moyenne mondiale des centrales nucléaires a significativement augmenté au cours des 15 dernières années, la disponibilité des centrales nucléaires françaises diminue fortement depuis quelques années".

La déroute de l’EPR est telle que, selon Roussely, "c’est la crédibilité, et donc l’existence même" de l’industrie nucléaire française qui est en jeu. Pour faire face, Roussely fait feu de tout bois, en préconisant des "mesures d’urgence" toutes plus scandaleuses les unes que les autres.

Faire payer le consommateur et détourner des financements publics

Roussely préconise "une hausse modérée mais régulière des tarifs de l’électricité afin de permettre la préparation du financement du renouvellement du parc". Le nucléaire coûte trop cher ? Qu’à cela ne tienne, il suffit de faire payer le consommateur. A force d’être « régulière », la hausse des tarifs risque de ne pas rester « modérée » très longtemps…

Roussely propose de détourner une partie des financements destinés aux énergies renouvelables, au profit de l’industrie nucléaire. L’uranium qui permet aux centrales de fonctionner est un minerai épuisable, non renouvelable : le nucléaire est une énergie fossile, au même titre que le pétrole et le charbon. Pourtant, Roussely propose de "poursuivre une action politique résolue pour obtenir que tous les financements multilatéraux destinés aux énergies renouvelables soient aussi ouverts au nucléaire".

Faire des économies au détriment de la sûreté

Le rapport Roussely confirme une dangereuse tendance de fond : réduire les exigences de sûreté et de sécurité sous la pression des contraintes économiques : "La seule logique raisonnable ne peut pas être une croissance continue des exigences de sûreté". Roussely appelle à "associer au mieux exigences de sûreté et contraintes économiques". Ce jargon politiquement correct signifie que les exigences de sûreté doivent être soumises aux critères de rentabilité et de profitabilité de l’industrie. « De la sûreté, d’accord, mais uniquement si ça ne nous coûte pas trop cher ! »

Le nucléaire n’est pas assez "attractif pour l’investissement privé", il est donc difficile de compter sur la construction de nouveaux réacteurs. Roussely préconise de porter à 60 ans la durée de vie des centrales nucléaires françaises, pourtant conçues pour fonctionner 30 ans ! Les réacteurs français les plus vieux connaissent déjà un nombre d’incidents largement supérieur à la moyenne de l’ensemble du parc nucléaire. Prétendre les faire fonctionner encore 30 ans est donc un pari à haut risque, totalement irresponsable. Il faudrait plusieurs centaines de millions d’euros pour réparer chaque réacteur, ce qui reste certes moins cher que les 5 milliards à débourser pour (peut-être) construire un EPR. Et combien un accident majeur de type Tchernobyl coûterait-il, en euros et en vies humaines ?

Contraintes économiques obligent, Roussely est peu préoccupé par les conditions de travail déplorables des "20 000 intervenants extérieurs regroupés au sein de 600 entreprises" sous-traitantes. En mai dernier, 8 intérimaires ont été acculés à la grève sur le site du CEA à Cadarache : ils n’étaient pas rémunérés et devaient payer eux-mêmes leur équipement de protection contre la radioactivité ! Mais Roussely se contente de proposer une « charte » des conditions de travail, c’est-à-dire une liste non contraignante d’engagements laissés au bon vouloir des entreprises…

Museler la timide Autorité de Sûreté Nucléaire

Roussely appelle à réduire la compétence de l’Autorité de Sûreté Nucléaire au profit de l’Etat : "il convient que l’Etat définisse un modus vivendi équilibré avec l’ASN, c’est-à-dire réaffirme le rôle régalien qu’il ne devrait pas abandonner à une autorité indépendante." Il s’agit clairement de réduire la faible marge d’autonomie de l’organisme officiel de contrôle de l’industrie nucléaire.

Bien que très timides, les critiques de l’ASN sont encore trop gênantes pour Areva et EDF : "il convient d’éviter que des événements de portée très limitée [c’est-à-dire les incidents et les erreurs de conceptions dont l’ASN rend compte] conduisent à jeter une suspicion injustifiée sur l’ensemble [de la] technologie [nucléaire]."

Le rapport Roussely confirme que l’Etat considère l’ASN comme un alibi utile, un outil pour « rassurer » la population. L’Autorité de Sûreté Nucléaire n’aurait-elle d’ « autorité » que le nom ?

Faire accepter les déchets nucléaires à l’opinion publique

Roussely admet que "l’acceptation par le public […] est une condition majeure pour le développement du nucléaire civil". Roussely rappelle que "pour 60 à 70 % des Français, [les déchets nucléaires] sont l’argument le plus convaincant contre le nucléaire".

Or, aucune solution n’existe pour résoudre le grave problème que posent ces déchets, dont certains restent dangereux pendant des centaines de milliers d’années. Roussely laisse échapper un aveu éloquent : "la définition d’un cahier des charges réaliste" reste à faire concernant l’enfouissement des déchets nucléaires prévu à Bure pour 2015. Roussely admet ainsi à demi-mot que tous les beaux discours tenus depuis des années par l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) ne sont pas « réalistes ».

On comprend alors que Roussely s’affole au point d’exhorter l’ensemble des acteurs de la filière : "Il est désormais indispensable que l’ANDRA définisse de façon urgente la planification opérationnelle fine de la préparation de l’échéance de 2015 concernant le centre de stockage profond (CSP). Pour pouvoir atteindre cet objectif, il est proposé que l’ANDRA associe d’urgence EDF, AREVA et le CEA à la définition optimisée du CSP et à sa réalisation."

 Lire la synthèse sur le site de l’Elysée

 Consulter synthèse en anglais en ligne (traduite par Nuclear Engineering International Magazine)

Nucléaire français : un bilan économique et industriel désastreux

Le rapport Roussely reconnaît l’ampleur des déboires que rencontrent Areva et EDF sur les chantiers des réacteurs EPR en construction, en France et en Finlande : "la crédibilité du modèle EPR et de la capacité de l’industrie nucléaire française à réussir de nouvelles constructions de centrales ont été sérieusement ébranlées par les difficultés rencontrées sur le chantier finlandais d’Olkiluoto et sur celui de la troisième tranche de Flamanville". En cause, "la complexité de l’EPR" qui "est certainement un handicap pour sa réalisation et donc ses coûts".

Estimant que "la filière nucléaire doit atteindre une compétitivité attractive pour l’investissement privé", Roussely reconnaît que le nucléaire n’a jusqu’ici jamais été compétitif ni économiquement efficace, contrairement à ce que clame le marchand de centrales Areva. Roussely pointe la contre-performance du parc nucléaire français : "alors que la disponibilité moyenne mondiale des centrales nucléaires a significativement augmenté au cours des 15 dernières années, la disponibilité des centrales nucléaires françaises diminue fortement depuis quelques années".

La déroute de l’EPR est telle que, selon Roussely, "c’est la crédibilité, et donc l’existence même" de l’industrie nucléaire française qui est en jeu. Pour faire face, Roussely fait feu de tout bois, en préconisant des "mesures d’urgence" toutes plus scandaleuses les unes que les autres.

Faire payer le consommateur et détourner des financements publics

Roussely préconise "une hausse modérée mais régulière des tarifs de l’électricité afin de permettre la préparation du financement du renouvellement du parc". Le nucléaire coûte trop cher ? Qu’à cela ne tienne, il suffit de faire payer le consommateur. A force d’être « régulière », la hausse des tarifs risque de ne pas rester « modérée » très longtemps…

Roussely propose de détourner une partie des financements destinés aux énergies renouvelables, au profit de l’industrie nucléaire. L’uranium qui permet aux centrales de fonctionner est un minerai épuisable, non renouvelable : le nucléaire est une énergie fossile, au même titre que le pétrole et le charbon. Pourtant, Roussely propose de "poursuivre une action politique résolue pour obtenir que tous les financements multilatéraux destinés aux énergies renouvelables soient aussi ouverts au nucléaire".

Faire des économies au détriment de la sûreté

Le rapport Roussely confirme une dangereuse tendance de fond : réduire les exigences de sûreté et de sécurité sous la pression des contraintes économiques : "La seule logique raisonnable ne peut pas être une croissance continue des exigences de sûreté". Roussely appelle à "associer au mieux exigences de sûreté et contraintes économiques". Ce jargon politiquement correct signifie que les exigences de sûreté doivent être soumises aux critères de rentabilité et de profitabilité de l’industrie. « De la sûreté, d’accord, mais uniquement si ça ne nous coûte pas trop cher ! »

Le nucléaire n’est pas assez "attractif pour l’investissement privé", il est donc difficile de compter sur la construction de nouveaux réacteurs. Roussely préconise de porter à 60 ans la durée de vie des centrales nucléaires françaises, pourtant conçues pour fonctionner 30 ans ! Les réacteurs français les plus vieux connaissent déjà un nombre d’incidents largement supérieur à la moyenne de l’ensemble du parc nucléaire. Prétendre les faire fonctionner encore 30 ans est donc un pari à haut risque, totalement irresponsable. Il faudrait plusieurs centaines de millions d’euros pour réparer chaque réacteur, ce qui reste certes moins cher que les 5 milliards à débourser pour (peut-être) construire un EPR. Et combien un accident majeur de type Tchernobyl coûterait-il, en euros et en vies humaines ?

Contraintes économiques obligent, Roussely est peu préoccupé par les conditions de travail déplorables des "20 000 intervenants extérieurs regroupés au sein de 600 entreprises" sous-traitantes. En mai dernier, 8 intérimaires ont été acculés à la grève sur le site du CEA à Cadarache : ils n’étaient pas rémunérés et devaient payer eux-mêmes leur équipement de protection contre la radioactivité ! Mais Roussely se contente de proposer une « charte » des conditions de travail, c’est-à-dire une liste non contraignante d’engagements laissés au bon vouloir des entreprises…

Museler la timide Autorité de Sûreté Nucléaire

Roussely appelle à réduire la compétence de l’Autorité de Sûreté Nucléaire au profit de l’Etat : "il convient que l’Etat définisse un modus vivendi équilibré avec l’ASN, c’est-à-dire réaffirme le rôle régalien qu’il ne devrait pas abandonner à une autorité indépendante." Il s’agit clairement de réduire la faible marge d’autonomie de l’organisme officiel de contrôle de l’industrie nucléaire.

Bien que très timides, les critiques de l’ASN sont encore trop gênantes pour Areva et EDF : "il convient d’éviter que des événements de portée très limitée [c’est-à-dire les incidents et les erreurs de conceptions dont l’ASN rend compte] conduisent à jeter une suspicion injustifiée sur l’ensemble [de la] technologie [nucléaire]."

Le rapport Roussely confirme que l’Etat considère l’ASN comme un alibi utile, un outil pour « rassurer » la population. L’Autorité de Sûreté Nucléaire n’aurait-elle d’ « autorité » que le nom ?

Faire accepter les déchets nucléaires à l’opinion publique

Roussely admet que "l’acceptation par le public […] est une condition majeure pour le développement du nucléaire civil". Roussely rappelle que "pour 60 à 70 % des Français, [les déchets nucléaires] sont l’argument le plus convaincant contre le nucléaire".

Or, aucune solution n’existe pour résoudre le grave problème que posent ces déchets, dont certains restent dangereux pendant des centaines de milliers d’années. Roussely laisse échapper un aveu éloquent : "la définition d’un cahier des charges réaliste" reste à faire concernant l’enfouissement des déchets nucléaires prévu à Bure pour 2015. Roussely admet ainsi à demi-mot que tous les beaux discours tenus depuis des années par l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) ne sont pas « réalistes ».

On comprend alors que Roussely s’affole au point d’exhorter l’ensemble des acteurs de la filière : "Il est désormais indispensable que l’ANDRA définisse de façon urgente la planification opérationnelle fine de la préparation de l’échéance de 2015 concernant le centre de stockage profond (CSP). Pour pouvoir atteindre cet objectif, il est proposé que l’ANDRA associe d’urgence EDF, AREVA et le CEA à la définition optimisée du CSP et à sa réalisation."

 Lire la synthèse sur le site de l’Elysée

 Consulter synthèse en anglais en ligne (traduite par Nuclear Engineering International Magazine)



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