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Sortir du nucléaire n°46



Eté 2010

Analyse

Rapport Ollier sur l’éolien : de l’air pour le nucléaire…

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°46 - Eté 2010

 Politique énergétique
Article publié le : 1er août 2010


Le rapport d’information sur l’énergie éolienne, déposé au Parlement le 31 mars 2010 par la commission que préside Patrick Ollier (député UMP des Hauts-de-Seine), n’est rien d’autre qu’une tentative assez triste de gêner encore un peu plus le développement de l’énergie éolienne.



Patrick Ollier n’en est pas à son coup d’essai : lors du débat de loi d’orientation sur les énergies en 2005, un amendement portant son nom visait à relever à plus de 30 MW (contre 12) le plancher d’achat obligatoire par EDF du courant produit pour chaque parc éolien. Cet amendement fut heureusement retiré par le Sénat.

Par ailleurs, Patrick Ollier est président du groupe d’amitiés France-Libye de l’Assemblée, et l’on sait la passion qu’a le dictateur libyen pour le nucléaire sous toutes ses formes… Sur plus d’une centaine de pages, ce rapport accumule les banalités anti-éoliennes, les contre-vérités, n’hésitant pas à appeler à la rescousse Valéry Giscard d’Estaing pour stigmatiser une région "dévastée par une ceinture d’éolienne, et… devenue inhabitable". Heureusement pour nous, il s’agit de la Pologne…

Après avoir assommé le lecteur par une série de généralités sur le développement mondial de l’énergie éolienne (que tout internaute pouvait déjà aisément trouver) près de la moitié de ce rapport concerne le coût de l’éolien, qui ne devrait son succès qu’à l’obligation de rachat (à un coût trop intéressant, à en croire les auteurs). Le rapport déplore également la trop faible présence des industriels français dans ce secteur. Mais c’est oublier un peu vite que si cette politique de rachat a été mise en place, c’était précisément pour permettre l’émergence d’une industrie éolienne… Mais bien trop tard, et bien mal, lorsque l’on se compare à nos voisins allemands : de l’autre côté du Rhin, c’est après la décision politique d’abandonner le nucléaire que les industriels allemands, pragmatiques comme ils savent l’être, ont réussi à se placer en leaders mondiaux de l’éolien.

Alors qu’en France, il s’agissait d’abord de continuer à privilégier l’industrie nucléaire, tout en donnant quelques miettes aux énergies renouvelables… Quoi d’étonnant à ce que l’industrie française ait "raté le développement de l’éolien terrestre", comme le souligne le rapport Ollier ?

Concernant le volet financier, dans sa trop évidente volonté de discréditer l’éolien, ce rapport n’hésite pas à avancer un coût de production de 3 centimes d’euro par kWh nucléaire, oubliant les gigantesques investissements consentis par l’État pour chaque tranche nucléaire, se souciant peu de l’enrichissement du combustible, négligeant les coûts – encore à définir – de la gestion des déchets nucléaires. Même EDF n’ose plus évoquer un chiffre aussi ridiculement irréaliste.

D’autant que le vent, à l’inverse du combustible nucléaire, ne coûte plus rien, une fois l’éolienne en fonction (ce qui est également vrai pour l’énergie photovoltaïque…).

Suivent quelques banalités sur l’intermittence de l’éolien (mais qui a dit qu’il fallait ne compter que sur le vent pour notre électricité ?), la nécessité du recours à d’autres énergies pour pallier l’absence de vent… Rien de bien nouveau. Un conseil à Monsieur Ollier et ses pairs : qu’ils regardent la disponibilité de nos centrales nucléaires (60% pour la centrale de Fessenheim depuis 3 ans) avant de parler d’intermittence. Suit un fort déplaisant développement sur "l’acceptabilité conditionnée au respect des paysages, des sites et des activités préexistantes" : véritable fourre-tout de tous les arguments des anti-éoliens sur le plan du respect des paysages.

On invoque les "140 à 150 mètres" de hauteur des éoliennes mais sans mentionner – ne serait-ce qu’à titre de comparaison - les 150 mètres de hauteur des tours de refroidissement des centrales nucléaires. On parle de “mitage du territoire”, en appelant à la rescousse l’Académie des Beaux-Arts, ardent défenseur de la tradition française mais qui ne s’est jamais trop préoccupée des quelques 200000 pylônes à Haute Tension qui parsèment la France. Le rapport Ollier va même jusqu’à évoquer, à propos du littoral, une "distance de sauvegarde de 10 km côté terrestre et de 20 km sur mer". Mais que faire alors des centrales nucléaires de Gravelines, Penly, Paluel, Flamanville, le Blayais, qui sont au bord des côtes (en violation de la loi littoral, ceci dit en passant) ?

Et que dire des quelques très aléatoires propositions qui clôturent ce rapport, qui ne sont pas toujours en adéquation avec son contenu ?

- Mise en place de schémas régionaux de l’éolien ? Une garantie que rien de neuf ne pourra se construire avant plusieurs années, compte-tenu du temps mis à élaborer de tels schémas.
- Mise en place d’un seuil de puissance ? Ce n’est rien d’autre qu’un appel du pied aux opposants à "l’éolien industriel", et qui prétend empêcher de fait toute création de faible puissance, mieux adaptée à une commune moyenne, à un territoire.
- Distance minimale de 500 mètres entre éolienne et "locaux d’activités préexistants" ? Mais le rapport Ollier aurait mieux fait d’évaluer l’opinion des (rares) riverains situés à 300 mètres des installations existantes, au lieu de se contenter d’annoncer une nouvelle distance sortie d’on ne sait où…
- Classement des éoliennes ? Mais de fait, lorsque l’on mesure les chicaneries de toutes sortes qui entravent tout nouveau projet, ce classement existe déjà…
- Obligation de constituer des provisions pour "démantèlement des installations en fin de vie" : Cela serait effectivement une bonne idée, si elle devait s’appliquer à toute structure de production d’énergie… et commençons donc par la dizaine de réacteurs nucléaires arrêtés depuis une vingtaine d’années…

Quant aux recommandations finales, ce qu’il faut bien appeler des vœux pieux montre le peu de sérieux de ce rapport. Soyons charitables et n’en disons pas plus… À la lecture de ce rapport, on s’aperçoit que bien évidemment, les conclusions préexistaient à la rédaction du texte, puisque ces conclusions ne reprennent que très partiellement le problème des "nuisances" et pas du tout le long développement financier. La réponse est simple, trop simple peut-être pour quelques députés : à la suite du Grenelle de l’environnement, la France a prétendu choisir de s’engager résolument sur la voie de la réduction des gaz à effet de serre, et sur celle des énergies renouvelables. Pour ce dernier cas, il est clair qu’à l’heure actuelle, seul l’éolien dispose d’une technologie suffisamment maîtrisée pour faire face aux nécessités du Grenelle. L’incitation financière – que l’on pourrait discuter, à condition que l’État prenne en charge la réalisation d’un "plan éolien", comme il l’a fait pour le nucléaire – vient en renfort pour rendre cette énergie particulièrement attractive pour les investisseurs privés.

Mais la France s’est imposé la poursuite du nucléaire. Et là, rien ne va plus. En dehors de notre pays, quel pays industrialisé envisage encore sérieusement d’investir lourdement dans le nucléaire ? Même la sacro-sainte AIEA (Agence Internationale pour l’Énergie Atomique) n’envisage qu’une lente décroissance de la part de l’atome dans l’énergie mondiale. Notre pays ne peut pas à la fois poursuivre cette aventure nucléaire qui nous entraînera fatalement à l’impasse technologique, financière autant que sociale, et prendre le risque de voir les énergies renouvelables se développer à un point où le nucléaire deviendra inutile, voire néfaste.

Il ne reste donc au pouvoir nucléaire, et à son allié objectif, le pouvoir politique actuel, qu’à tenter, à force de rapports et de recommandations alambiquées, de freiner autant qu’il est possible le
développement des énergies renouvelables qu’il promeut pourtant officiellement. De ce combat d’arrière-garde, les seuls perdants seront en définitive nos industriels, empêchés de construire une industrie de l’énergie renouvelable, et les Français, appelés à compenser les pertes d’AREVA, à soutenir financièrement la recherche sur le nucléaire (entre 8 et 12% du budget de la recherche civile), et à subir une stratégie énergétique vieille de plus de trente ans, empêtrée dans ses contradictions, et qui risque bien de finir dans un Tchernobyl à la française.

Jean-Marie Brom
Administrateur du Réseau "Sortir du nucléaire"

Patrick Ollier n’en est pas à son coup d’essai : lors du débat de loi d’orientation sur les énergies en 2005, un amendement portant son nom visait à relever à plus de 30 MW (contre 12) le plancher d’achat obligatoire par EDF du courant produit pour chaque parc éolien. Cet amendement fut heureusement retiré par le Sénat.

Par ailleurs, Patrick Ollier est président du groupe d’amitiés France-Libye de l’Assemblée, et l’on sait la passion qu’a le dictateur libyen pour le nucléaire sous toutes ses formes… Sur plus d’une centaine de pages, ce rapport accumule les banalités anti-éoliennes, les contre-vérités, n’hésitant pas à appeler à la rescousse Valéry Giscard d’Estaing pour stigmatiser une région "dévastée par une ceinture d’éolienne, et… devenue inhabitable". Heureusement pour nous, il s’agit de la Pologne…

Après avoir assommé le lecteur par une série de généralités sur le développement mondial de l’énergie éolienne (que tout internaute pouvait déjà aisément trouver) près de la moitié de ce rapport concerne le coût de l’éolien, qui ne devrait son succès qu’à l’obligation de rachat (à un coût trop intéressant, à en croire les auteurs). Le rapport déplore également la trop faible présence des industriels français dans ce secteur. Mais c’est oublier un peu vite que si cette politique de rachat a été mise en place, c’était précisément pour permettre l’émergence d’une industrie éolienne… Mais bien trop tard, et bien mal, lorsque l’on se compare à nos voisins allemands : de l’autre côté du Rhin, c’est après la décision politique d’abandonner le nucléaire que les industriels allemands, pragmatiques comme ils savent l’être, ont réussi à se placer en leaders mondiaux de l’éolien.

Alors qu’en France, il s’agissait d’abord de continuer à privilégier l’industrie nucléaire, tout en donnant quelques miettes aux énergies renouvelables… Quoi d’étonnant à ce que l’industrie française ait "raté le développement de l’éolien terrestre", comme le souligne le rapport Ollier ?

Concernant le volet financier, dans sa trop évidente volonté de discréditer l’éolien, ce rapport n’hésite pas à avancer un coût de production de 3 centimes d’euro par kWh nucléaire, oubliant les gigantesques investissements consentis par l’État pour chaque tranche nucléaire, se souciant peu de l’enrichissement du combustible, négligeant les coûts – encore à définir – de la gestion des déchets nucléaires. Même EDF n’ose plus évoquer un chiffre aussi ridiculement irréaliste.

D’autant que le vent, à l’inverse du combustible nucléaire, ne coûte plus rien, une fois l’éolienne en fonction (ce qui est également vrai pour l’énergie photovoltaïque…).

Suivent quelques banalités sur l’intermittence de l’éolien (mais qui a dit qu’il fallait ne compter que sur le vent pour notre électricité ?), la nécessité du recours à d’autres énergies pour pallier l’absence de vent… Rien de bien nouveau. Un conseil à Monsieur Ollier et ses pairs : qu’ils regardent la disponibilité de nos centrales nucléaires (60% pour la centrale de Fessenheim depuis 3 ans) avant de parler d’intermittence. Suit un fort déplaisant développement sur "l’acceptabilité conditionnée au respect des paysages, des sites et des activités préexistantes" : véritable fourre-tout de tous les arguments des anti-éoliens sur le plan du respect des paysages.

On invoque les "140 à 150 mètres" de hauteur des éoliennes mais sans mentionner – ne serait-ce qu’à titre de comparaison - les 150 mètres de hauteur des tours de refroidissement des centrales nucléaires. On parle de “mitage du territoire”, en appelant à la rescousse l’Académie des Beaux-Arts, ardent défenseur de la tradition française mais qui ne s’est jamais trop préoccupée des quelques 200000 pylônes à Haute Tension qui parsèment la France. Le rapport Ollier va même jusqu’à évoquer, à propos du littoral, une "distance de sauvegarde de 10 km côté terrestre et de 20 km sur mer". Mais que faire alors des centrales nucléaires de Gravelines, Penly, Paluel, Flamanville, le Blayais, qui sont au bord des côtes (en violation de la loi littoral, ceci dit en passant) ?

Et que dire des quelques très aléatoires propositions qui clôturent ce rapport, qui ne sont pas toujours en adéquation avec son contenu ?

- Mise en place de schémas régionaux de l’éolien ? Une garantie que rien de neuf ne pourra se construire avant plusieurs années, compte-tenu du temps mis à élaborer de tels schémas.
- Mise en place d’un seuil de puissance ? Ce n’est rien d’autre qu’un appel du pied aux opposants à "l’éolien industriel", et qui prétend empêcher de fait toute création de faible puissance, mieux adaptée à une commune moyenne, à un territoire.
- Distance minimale de 500 mètres entre éolienne et "locaux d’activités préexistants" ? Mais le rapport Ollier aurait mieux fait d’évaluer l’opinion des (rares) riverains situés à 300 mètres des installations existantes, au lieu de se contenter d’annoncer une nouvelle distance sortie d’on ne sait où…
- Classement des éoliennes ? Mais de fait, lorsque l’on mesure les chicaneries de toutes sortes qui entravent tout nouveau projet, ce classement existe déjà…
- Obligation de constituer des provisions pour "démantèlement des installations en fin de vie" : Cela serait effectivement une bonne idée, si elle devait s’appliquer à toute structure de production d’énergie… et commençons donc par la dizaine de réacteurs nucléaires arrêtés depuis une vingtaine d’années…

Quant aux recommandations finales, ce qu’il faut bien appeler des vœux pieux montre le peu de sérieux de ce rapport. Soyons charitables et n’en disons pas plus… À la lecture de ce rapport, on s’aperçoit que bien évidemment, les conclusions préexistaient à la rédaction du texte, puisque ces conclusions ne reprennent que très partiellement le problème des "nuisances" et pas du tout le long développement financier. La réponse est simple, trop simple peut-être pour quelques députés : à la suite du Grenelle de l’environnement, la France a prétendu choisir de s’engager résolument sur la voie de la réduction des gaz à effet de serre, et sur celle des énergies renouvelables. Pour ce dernier cas, il est clair qu’à l’heure actuelle, seul l’éolien dispose d’une technologie suffisamment maîtrisée pour faire face aux nécessités du Grenelle. L’incitation financière – que l’on pourrait discuter, à condition que l’État prenne en charge la réalisation d’un "plan éolien", comme il l’a fait pour le nucléaire – vient en renfort pour rendre cette énergie particulièrement attractive pour les investisseurs privés.

Mais la France s’est imposé la poursuite du nucléaire. Et là, rien ne va plus. En dehors de notre pays, quel pays industrialisé envisage encore sérieusement d’investir lourdement dans le nucléaire ? Même la sacro-sainte AIEA (Agence Internationale pour l’Énergie Atomique) n’envisage qu’une lente décroissance de la part de l’atome dans l’énergie mondiale. Notre pays ne peut pas à la fois poursuivre cette aventure nucléaire qui nous entraînera fatalement à l’impasse technologique, financière autant que sociale, et prendre le risque de voir les énergies renouvelables se développer à un point où le nucléaire deviendra inutile, voire néfaste.

Il ne reste donc au pouvoir nucléaire, et à son allié objectif, le pouvoir politique actuel, qu’à tenter, à force de rapports et de recommandations alambiquées, de freiner autant qu’il est possible le
développement des énergies renouvelables qu’il promeut pourtant officiellement. De ce combat d’arrière-garde, les seuls perdants seront en définitive nos industriels, empêchés de construire une industrie de l’énergie renouvelable, et les Français, appelés à compenser les pertes d’AREVA, à soutenir financièrement la recherche sur le nucléaire (entre 8 et 12% du budget de la recherche civile), et à subir une stratégie énergétique vieille de plus de trente ans, empêtrée dans ses contradictions, et qui risque bien de finir dans un Tchernobyl à la française.

Jean-Marie Brom
Administrateur du Réseau "Sortir du nucléaire"



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