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Sortir du nucléaire n°54



Eté 2012

Penly : l’ "incident technique" était bien un accident

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°54 - Eté 2012

 Incidents / Accidents  Penly


Le 5 avril 2012, un incendie se déclenche sur une pompe du circuit primaire de la centrale nucléaire de Penly, suivi par une importante fuite d’eau. Incident sous contrôle… ou véritable accident ?



Un événement minimisé

À première vue, ça n’avait pas l’air bien méchant, ce qui s’était produit au réacteur n°2 de Penly ce 5 avril vers 13 h : un "départ de feu" (qu’on imagine aussitôt arrêté), dû à une fuite de lubrifiant. "Deux petites flaques d’huile", selon les mots d’EDF. L’arrêt immédiat du réacteur avait été déclenché. Plus tard une fuite d’eau s’était déclarée sur une vanne, mais avait été maîtrisée ; pour Henri Proglio, PDG d’EDF, il ne s’agissait que d’un incident technique.

Il y avait pourtant de quoi s’inquiéter. L’incendie, puis la fuite d’eau avait eu lieu sur une pompe du circuit primaire, qui assure en continu le refroidissement du combustible nucléaire. Cet équipement particulièrement important pour la sûreté aurait donc dû être surveillé de près. On remarquera aussi qu’entre le signalement de l’événement et l’intervention des pompiers, près d’une heure s’était écoulée.

Un véritable accident

Quelques jours plus tard, une lettre d’inspection de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) fait cependant état de dégâts bien plus importants que les déclarations lénifiantes d’EDF ne le laissent supposer. On est loin des "petites flaques" : la fuite d’huile à l’origine du "départ de feu" a aspergé planchers, charpentes et équipements. C’est bien un incendie d’hydrocarbures qui a eu lieu, qui a apparemment mis les joints de la pompe à dure épreuve, déclenchant une fuite de liquide réfrigérant dans des proportions peu anodines. Par ailleurs, les vannes manipulées par les techniciens pour maîtriser la fuite d’eau se sont refermées "de manière inattendue" ; certaines sont sérieusement endommagées. On comprend que le réacteur ne redémarrera pas de sitôt.

Par ailleurs, selon des documents internes à EDF parvenus au Réseau "Sortir du nucléaire", cet "incident technique" - perte de réfrigérant primaire - devrait être classé parmi les "accidents de très faible fréquence". On y apprend également qu’un accident similaire, lié à des joints mal adaptés, s’était produit quelques années auparavant sur un autre réacteur de Penly.

Une sûreté dégradée

Cet accident est survenu sur un réacteur relativement récent et censé avoir passé avec succès l’épreuve des "stress tests", ce qui en dit long sur la fiabilité de ces évaluations de sûreté.

Il est difficile d’en identifier les causes, qui sont probablement multiples. Défaut générique ? Usure accélérée des équipements, hypothèse avancée par des travailleurs de la centrale qui pointent une fragilisation des tuyauteries liée au mode de pilotage du réacteur ? Surtout, il est probable que la fuite d’huile qui a déclenché l’incendie et le comportement imprévu des vannes soient liés à une maintenance déficiente, conséquence des conditions de travail dégradées des travailleurs. Sur le site "Ma zone contrôlée va mal"1, géré par des sous-traitants du nucléaire, on peut d’ailleurs lire le dialogue fictif suivant :

"Allo Penly ! Allo, ici le Président de la République. Qui a fait la maintenance sur cette pompe l’an dernier ?" Le directeur [de la centrale] : "Euh, un sous-traitant, évidemment !". "Le Dossier de Suivi de l’Intervention que vous allez présenter à l’ASN est conforme aux exigences de qualité, n’est-ce pas ?" "Euh, oui Monsieur le Président, il est conforme ! Mais nous savons que dans l’équipe qui a réalisé cette maintenance, sur quatre intervenants, il n’y avait qu’un seul agent confirmé en mécanique, les trois autres n’étaient pas du métier, un coiffeur, un paysagiste et un pâtissier complétaient l’équipe ! […] C’est comme ça depuis la privatisation d’EDF ! Aujourd’hui tout repose sur l’expérience des anciens et comme convenu M. le Président, les nouveaux entrants sont eux très polyvalents et forcément corvéables à souhait !"

Charlotte Mijeon Chargée de communication du Réseau "Sortir du nucléaire"

Notes : 1 : www.ma-zone-controlee.com/?p=23549

Pour aller plus loin : https://www.sortirdunucleaire.org/Documents-internes-a-EDF

Un événement minimisé

À première vue, ça n’avait pas l’air bien méchant, ce qui s’était produit au réacteur n°2 de Penly ce 5 avril vers 13 h : un "départ de feu" (qu’on imagine aussitôt arrêté), dû à une fuite de lubrifiant. "Deux petites flaques d’huile", selon les mots d’EDF. L’arrêt immédiat du réacteur avait été déclenché. Plus tard une fuite d’eau s’était déclarée sur une vanne, mais avait été maîtrisée ; pour Henri Proglio, PDG d’EDF, il ne s’agissait que d’un incident technique.

Il y avait pourtant de quoi s’inquiéter. L’incendie, puis la fuite d’eau avait eu lieu sur une pompe du circuit primaire, qui assure en continu le refroidissement du combustible nucléaire. Cet équipement particulièrement important pour la sûreté aurait donc dû être surveillé de près. On remarquera aussi qu’entre le signalement de l’événement et l’intervention des pompiers, près d’une heure s’était écoulée.

Un véritable accident

Quelques jours plus tard, une lettre d’inspection de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) fait cependant état de dégâts bien plus importants que les déclarations lénifiantes d’EDF ne le laissent supposer. On est loin des "petites flaques" : la fuite d’huile à l’origine du "départ de feu" a aspergé planchers, charpentes et équipements. C’est bien un incendie d’hydrocarbures qui a eu lieu, qui a apparemment mis les joints de la pompe à dure épreuve, déclenchant une fuite de liquide réfrigérant dans des proportions peu anodines. Par ailleurs, les vannes manipulées par les techniciens pour maîtriser la fuite d’eau se sont refermées "de manière inattendue" ; certaines sont sérieusement endommagées. On comprend que le réacteur ne redémarrera pas de sitôt.

Par ailleurs, selon des documents internes à EDF parvenus au Réseau "Sortir du nucléaire", cet "incident technique" - perte de réfrigérant primaire - devrait être classé parmi les "accidents de très faible fréquence". On y apprend également qu’un accident similaire, lié à des joints mal adaptés, s’était produit quelques années auparavant sur un autre réacteur de Penly.

Une sûreté dégradée

Cet accident est survenu sur un réacteur relativement récent et censé avoir passé avec succès l’épreuve des "stress tests", ce qui en dit long sur la fiabilité de ces évaluations de sûreté.

Il est difficile d’en identifier les causes, qui sont probablement multiples. Défaut générique ? Usure accélérée des équipements, hypothèse avancée par des travailleurs de la centrale qui pointent une fragilisation des tuyauteries liée au mode de pilotage du réacteur ? Surtout, il est probable que la fuite d’huile qui a déclenché l’incendie et le comportement imprévu des vannes soient liés à une maintenance déficiente, conséquence des conditions de travail dégradées des travailleurs. Sur le site "Ma zone contrôlée va mal"1, géré par des sous-traitants du nucléaire, on peut d’ailleurs lire le dialogue fictif suivant :

"Allo Penly ! Allo, ici le Président de la République. Qui a fait la maintenance sur cette pompe l’an dernier ?" Le directeur [de la centrale] : "Euh, un sous-traitant, évidemment !". "Le Dossier de Suivi de l’Intervention que vous allez présenter à l’ASN est conforme aux exigences de qualité, n’est-ce pas ?" "Euh, oui Monsieur le Président, il est conforme ! Mais nous savons que dans l’équipe qui a réalisé cette maintenance, sur quatre intervenants, il n’y avait qu’un seul agent confirmé en mécanique, les trois autres n’étaient pas du métier, un coiffeur, un paysagiste et un pâtissier complétaient l’équipe ! […] C’est comme ça depuis la privatisation d’EDF ! Aujourd’hui tout repose sur l’expérience des anciens et comme convenu M. le Président, les nouveaux entrants sont eux très polyvalents et forcément corvéables à souhait !"

Charlotte Mijeon Chargée de communication du Réseau "Sortir du nucléaire"

Notes : 1 : www.ma-zone-controlee.com/?p=23549

Pour aller plus loin : https://www.sortirdunucleaire.org/Documents-internes-a-EDF



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