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Sortir du nucléaire n°39



Eté 2008

Témoignage

Opposition au réacteur ITER, Jean Marcon gardé à vue... mais regard critique !

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°39 - Eté 2008

 ITER
Article publié le : 1er août 2008


Le 23 avril 2008, Jean Marcon, président de l’association Médiane (84), ancien administrateur et actuel représentant du Réseau “Sortir du nucléaire” en Provence, a été interpellé et mis en garde à vue au commissariat de Manosque, accusé à tort de la diffusion d’un tract contre ITER utilisant de manière ironique et parodique des sceaux officiels. Voici son témoignage :



A l’occasion de mon interpellation le 23 avril 2008 et de la garde à vue de 19 heures qui en a suivi, vous avez été très nombreux à téléphoner ou faxer au commissariat de Manosque pour demander ma libération.
Philippe Brousse m’a fait suivre les messages de ceux qui ont informé le Réseau "Sortir du nucléaire" de leur appel ; j’en ai dénombré près d’une centaine. Je regrette de ne pouvoir répondre à chacun. Et je sais que beaucoup, beaucoup d’autres ont aussi téléphoné, jour et nuit, au commissariat. Cette magnifique solidarité m’a été d’un très grand réconfort et je suis persuadé qu’elle a hâté ma remise en liberté. Un grand merci à tous !

Ce sont les militants de notre association Médiane qui ont déclenché l’alarme au tout début ; alarme immédiatement relayée par le Réseau "Sortir du nucléaire" dont les responsables ont travaillé très tard dans la nuit pour alerter tous les réseaux français et même européens. Une fois de plus le Réseau "Sortir du nucléaire" a démontré qu’il était indispensable à l’efficacité de nos luttes anti-nucléaires, partout en France.

ITER : guère de place à la liberté d’expression
En parcourant distraitement le mail d’un "faucheur volontaire" donnant des conseils sur la conduite à tenir en garde à vue, j’étais loin de penser que j’allais être dans cette situation dès le lendemain. Même en mai 68, au quartier Latin et au Comité de grève de mon entreprise, je n’avais pas expérimenté ça. Mais dans la France de 2008, les choses ont changé : quelques jours avant moi, un autre septuagénaire (de Réseau éducation sans frontières) a été placé en garde à vue à Aix en Provence alors qu’il distribuait un tract de soutien aux "sans papiers". Quant au nucléaire, il reste plus que jamais la religion d’un État aux mains de redoutables intégristes de l’atome, et la moindre voix d’opposition n’aide pas notre chef VRP à vendre à "nos amis démocrates" chinois ou libyens.

Dans la région, avec la construction d’ITER à Cadarache, les méthodes employées (sans consultation publique sérieuse, débat public après
que tout ait été décidé, mise en place d’un "commando" par le préfet de région pour s’affranchir de tous les obstacles légaux, graves atteintes à la flore et à la faune - dont plusieurs espèces protégées -, etc.) ne laissent guère de place à l’expression d’une opposition et à la liberté d’expression. Dans ce contexte, les pouvoirs publics peuvent être tentés d’organiser de telles actions policières spectaculaires destinées à museler ou impressionner toute éventuelle opposition. Ces actions pourraient aussi servir à montrer aux pays partenaires (Russie, Chine, Corée du Sud, États-Unis, Japon, Union européenne, Inde) que la France ne tolère aucune opposition à ITER ; certains de ces pays partenaires n’ayant pas l’habitude de supporter, chez eux, la moindre opposition.

On pourrait aussi penser que ces méthodes sont révélatrices de sérieux problèmes auxquels doit faire face la mission ITER. En effet le budget initial d’ITER de 10 milliards d’euros sera très certainement revu à la hausse pour atteindre les 30 milliards à la fin. Or, à la suite des États-Unis, les économies mondiales semblent être entrées dans une période de récession durable. La première conséquence pour ITER est que les États-Unis ont décidé de ne pas payer leur contribution 2008 au projet. Dans ce contexte économique mondial, on ne voit pas comment ils seraient en mesure de payer leur contribution en 2009 et les années suivantes. Les Américains n’ont jamais vraiment cru à ITER. Après s’être retirés une 1ère fois, ils sont revenus sur la pointe des pieds et plusieurs hauts responsables ont toujours affirmé qu’il n’était pas question de prélever sur leur budget de recherche domestique pour financer ITER... L’exemple américain pourrait faire des émules chez les autres pays tout autant concernés par cette époque de vaches maigres. Le financement d’ITER n’est donc pas assuré ; la bête ITER est aux abois. Et une bête blessée, c’est connu, devient dangereuse...

Une piste XXXL est en cours de construction entre Fos/Mer et Cadarache et sur le site un véritable cyclone a fait disparaître la forêt abritant les espèces protégées. "Les travaux d’ITER ont ravagé le terrain (un ami a survolé récemment la zone en planeur)" nous dit un correspondant.
Garde à vue : Le témoignage édifiant de Jean Marcon

L’association Médiane a son siège à Pertuis (84), je suis président de Médiane et j’habite aussi dans le 84, près de Pertuis. Médiane travaille en étroite collaboration avec le Réseau “Sortir du nucléaire” dont j’ai été administrateur en 2006. Nous avons organisé l’opposition au “Temple solaire” Iter avec 2 manifestations régionales en 2004, 2005 et une nationale en 2007 à Marseille. ITER : réacteur expérimental thermonucléaire international (Russie, Chine, Corée du Sud, États-Unis, Japon, Union européenne, Inde) est un projet de prototype de réacteur nucléaire à fusion actuellement en construction à Cadarache. Ce futur réacteur coûteux, dangereux et inutile est destiné à démontrer la faisabilité scientifique et technique de la fusion nucléaire comme nouvelle source d’énergie (pour en savoir plus : https://www.stop-iter.org/).

Mardi 22 avril 2008

Convocation téléphonique d’un capitaine de police de Manosque (04) : je dois me rendre au commissariat de Manosque le mercredi 23/04/08 à 14h30. Il refuse de me donner les raisons de cette convocation.

Mercredi 23 avril 2008

14h15 : j’informe le capitaine que je n’irai pas à sa convocation.

18h40 : une limousine avec un véhicule de la
gendarmerie de Pertuis sont dans ma cour.
Dès que j’ouvre la porte, deux policiers sous la direction du commissaire Janas, directeur de la sûreté publique du 04, entrent accompagnés d’un gendarme de Pertuis. Immédiatement deux lascars me sautent dessus et me menottent brutalement dans le dos. Je suis alors embarqué dans la limousine pour le commissariat de Pertuis. Là, je signe une acceptation de perquisition immédiate de mon domicile. Le commandant de police de Pertuis est présent. Nous nous connaissons et avons des relations "civilisées" de confiance mutuelle suite aux précédentes manifestations organisées par Médiane et le Réseau "Sortir du nucléaire".
Les "shérifs" du 04 m’enlèvent alors les menottes.
Retour à mon domicile pour la perquisition à laquelle procèdent le directeur de la sûreté publique du 04, le capitaine de police Pistorès et le sous-officier, chauffeur de la limousine.

19h30-20h30 : Perquisition de la maison par les trois policiers sous l’œil narquois et étonné, me semble-t-il, du lieutenant de la gendarmerie de Pertuis :
Je suppose qu’ils recherchent parmi les dossiers Iter le fameux tract anonyme utilisant des sceaux officiels et qui a circulé dans la région en début d’année. (…) Ces messieurs sont pressés : ils vident tous les placards et laissent tout éparpillé par terre. Pour accéder aux rangements élevés ils montent avec leurs chaussures sur des chaises fragiles, et ignorent les protestations de ma femme. Après la maison, on continue à la cave et au garage qui recèle beaucoup d’archives.
Finalement, ils confisqueront les derniers dossiers de l’association et surtout l’ordinateur.
Vers le milieu de la perquisition, je vois arriver avec plaisir une douzaine d’amis : c’est le Conseil d’Administration de Médiane au complet accompagné de quelques adhérents. Ils n’ont pas traîné pour arriver et surtout ils ont déjà alerté le Réseau "Sortir du nucléaire". Quel soulagement pour ma femme et moi ! Nous ne sommes plus seuls face cette escalade policière.

20h45 : Je suis embarqué pour la garde à vue à Manosque. Avant le départ, ils demandent à emporter les médicaments que je suis supposé prendre et sont incrédules d’apprendre qu’à mon âge, je ne prends rien pour assurer ma survie... J’emporte seulement un sandwich et heureusement car il n’y avait rien à manger en garde à vue.

40mn à bord d’une limousine vers Manosque : à la droite du chauffeur, M. le Directeur de la Sûreté du 04, costume gris, cravate ; à l’arrière, le capitaine de police et moi, l’inculpé.
Silence total. J’essaie d’apprécier la situation : je pensais qu’on ne déplaçait les grosses pointures de la police que pour la neutralisation de dangereux parrains ! Quelle promotion pour moi ! Je blague, mais eux semblaient y croire à leur rôle de "shérifs". J’ai compris par la suite qu’ils n’ont aucun sens de l’humour.

Vers 21h30-22h au commissariat : Le capitaine à qui j’ai donné le numéro de téléphone de mon avocat me dit qu’on ne peut pas le joindre. Il me demande si je veux un avocat commis d’office. Je demande qu’on essaie d’abord de joindre le mien et il m’assure qu’il l’appellera à la 1ère heure le lendemain. Je ne suis pas autorisé à appeler qui que ce soit d’autre. Le capitaine et M. le Directeur se plaignent que j’ai gâché leur soirée en famille. Ce dernier me dit de mettre la nuit à profit pour réfléchir. Mais je n’ai rien à réfléchir puisque je suis innocent et n’ai rien à voir avec cette affaire.

Vers 22h, la garde à vue :
On m’emmène au sous-sol ; un homme m’allège de mes papiers, ceinture et chaussures. Puis il m’enferme. Je n’ai pas pu croiser le regard de ce fonctionnaire, il a opéré sur moi comme si j’étais un objet, le énième objet qu’il met au placard.
Cellule carrée de 2,50m de côté avec tout un côté vitré, exposé comme un fauve au zoo. Sauf qu’il n’y a pas de visiteurs ici. Puissant néon au plafond et bruyante soufflerie qui impulse une température de 27°C. Banquette et couverture pour s’allonger.

Vers 23h30 : on me ramène chez le capitaine pour signer des papiers et retour en cage.
Impossible de dormir à cause de la lumière et de la soufflerie. Je fais de la gymnastique, je compte lentement jusqu’à 1000, puis je recommence. Je guette les rares pas dans le couloir, mais il n’y en a plus. (…)

Jeudi 24/04/08

J’ai dû finir par m’assoupir enfin quand des bruits de clés, de portes et de voix me ramènent à la réalité. "C’est la relève !" m’annoncent 2 jeunes gardiens. J’apprends qu’il est 5 heures. En cage on ne sait pas si c’est le jour ou la nuit.

7h30 : un fonctionnaire, de bonne humeur, vient me chercher. C’est pour les empreintes et les photos. "J’ai pas souvent des clients septuagénaires comme vous !" déclare-t-il hilare.
Un autre vient me proposer le petit-déjeuner : un jus de fruit ; le café est payant. Je lui dit d’aller se faire..., car je suis parti sans un sou. Deux minutes après il revient avec un café : "c’est le personnel qui vous l’offre !" Le photographe me fait comprendre qu’on ne m’interrogera pas avant 10h30 car la fonction de la garde à vue est de vous faire mijoter, isolé, de manière à être mûr pour avouer tout ce qu’ils veulent.

10h30-11h00 : interrogatoire dans le bureau du capitaine :
Je revois la lumière du jour.
Question : Quand êtes-vous venu à Manosque la dernière fois ?
Réponse : vers la mi-2007.
Q : Distribuez-vous des tracts habituellement ?
R : Il y a longtemps que je ne l’ai pas fait.
Il tape tout ce que je dis mais souvent utilise d’autres mots que les miens ; je dois lui faire corriger la déposition.
Puis il me déclare :"Vous avez beaucoup d’amis ! Ils nous appellent au téléphone".
Cette information est un formidable réconfort. Depuis la mise en cage je n’avais aucune nouvelle de l’extérieur. La solidarité est en action.
C’est 11h, le capitaine me dit qu’il n’a toujours pas pu joindre mon avocat. J’accepte donc l’avocat commis d’office.

Q : Connaissez-vous la dame qui est à côté de vous ?
Il me montre une photo pas très nette.
R : Non.

Q : Vous reconnaissez-vous sur cette photo ?
R : Apparemment c’est moi.
Puis : Cependant je ne reconnais pas le gilet type "pare-balle" dont je suis affublé sur cette photo.
Il refuse de taper le qualificatif "pare-balle".
Je ne reconnais pas non plus les lunettes noires à verres ronds que j’ai sur la photo. D’ailleurs je ne porte jamais de lunettes noires, hormis pour la conduite auto.

Sur ce cliché la personne qui est supposée être moi et la dame à côté portent un paquet de feuilles A4.

Q : Où pensez-vous que cette photo a été prise ?
R : Aucune idée ! La dernière fois que j’ai peut-être distribué des tracts, ça pourrait être lors des manifestations contre Iter en 2004 ou 2005. Puis ironiquement j’ajoute : le président de Médiane ne distribue plus de tract depuis longtemps ; ce n’est pas dans les attributions d’un président !
Le Capitaine : "Ce cliché a été pris le 9 février 2008 à 15h par une caméra de vidéo surveillance près de la Poste à Manosque."

Q : Quelle est votre réaction ?
R : C’est scandaleux ! Avec ce montage photo vous utilisez des méthodes dignes de la police chinoise, de la STASI. Je demande une expertise de cette photo.

Et j’ajoute : Comment pouvez-vous vous prêter à de telles ignominies ? Mais bien sûr vous l’aurez votre promotion !
Il est indigné.
(…)
Je signe la déposition et retour en cage.

11h30 : Avocate commise d’office. L’entretien est légalement limité à quelques minutes. Elle m’informe de mes droits : droit de voir un médecin, etc.
Je lui demande d’appeler mon avocat.
Retour en cage.

Vers 12h : plateau repas. Je n’avais pas mangé depuis le sandwich de la veille à 19h.

Puis je me prépare mentalement à la prolongation de la garde à vue à 48h.

13h : On me rend mes affaires et retour dans le bureau du Capitaine.
M. Le Directeur de la Sûreté m’accueille et déclare que je suis libre.

Dehors Vincent, un sympathisant de "Sortir du nucléaire" est là ; il attend ma sortie depuis 9h.
Il m’apprend que mon épouse est venue ce matin pour être interrogée. Il est entré dans le commissariat avec elle et a vu le fonctionnaire qui répondait aux incessants appels téléphoniques et qui répondait "Je prends note de votre demande". En fait il ne prenait aucune note, mais il a bien transmis à ses supérieurs que le téléphone sonnait continuellement pour demander ma libération.
Aux policiers qui lui disaient que ça ne servait à rien d’attendre car on ne savait pas quand je serai libéré, Vincent déclarait : "je reste jusqu’à sa sortie !".
Vincent m’a ramené chez moi à 40km au Sud-Ouest de Manosque alors qu’il habite à 40km au nord-Est. Encore merci Vincent.

19h à la maison :
Depuis mon départ la veille, le téléphone a sonné continuellement : des messages de soutien, innombrables. Plusieurs journalistes ont voulu me parler, avant mon arrivée...
Deux veulent venir vers 17h30 à la maison ; seule la correspondante de la Provence sera là finalement, elle publiera un assez bon article. Les amis de Médiane et de "Sortir du nucléaire" arrivent, et j’apprends ce qui s’est passé dehors : la mobilisation locale, régionale et nationale. Ceux de Médiane et au Réseau "Sortir du nucléaire", Philippe et les autres ont travaillé tard dans la nuit pour ameuter tous les adhérents. Et les adhérents ont répondu "présents" ; le commissariat de Manosque a été submergé d’appels. Merci à tous.

Jean Marcon

jean.marcon@free.fr

Soutenez l’action de l’association Médiane en envoyant un chèque de 10 euros à :
Médiane, Jean Marcon, M C A
167 Rue Resini, 84120 Pertuis
Jean Marcon

A l’occasion de mon interpellation le 23 avril 2008 et de la garde à vue de 19 heures qui en a suivi, vous avez été très nombreux à téléphoner ou faxer au commissariat de Manosque pour demander ma libération.
Philippe Brousse m’a fait suivre les messages de ceux qui ont informé le Réseau "Sortir du nucléaire" de leur appel ; j’en ai dénombré près d’une centaine. Je regrette de ne pouvoir répondre à chacun. Et je sais que beaucoup, beaucoup d’autres ont aussi téléphoné, jour et nuit, au commissariat. Cette magnifique solidarité m’a été d’un très grand réconfort et je suis persuadé qu’elle a hâté ma remise en liberté. Un grand merci à tous !

Ce sont les militants de notre association Médiane qui ont déclenché l’alarme au tout début ; alarme immédiatement relayée par le Réseau "Sortir du nucléaire" dont les responsables ont travaillé très tard dans la nuit pour alerter tous les réseaux français et même européens. Une fois de plus le Réseau "Sortir du nucléaire" a démontré qu’il était indispensable à l’efficacité de nos luttes anti-nucléaires, partout en France.

ITER : guère de place à la liberté d’expression
En parcourant distraitement le mail d’un "faucheur volontaire" donnant des conseils sur la conduite à tenir en garde à vue, j’étais loin de penser que j’allais être dans cette situation dès le lendemain. Même en mai 68, au quartier Latin et au Comité de grève de mon entreprise, je n’avais pas expérimenté ça. Mais dans la France de 2008, les choses ont changé : quelques jours avant moi, un autre septuagénaire (de Réseau éducation sans frontières) a été placé en garde à vue à Aix en Provence alors qu’il distribuait un tract de soutien aux "sans papiers". Quant au nucléaire, il reste plus que jamais la religion d’un État aux mains de redoutables intégristes de l’atome, et la moindre voix d’opposition n’aide pas notre chef VRP à vendre à "nos amis démocrates" chinois ou libyens.

Dans la région, avec la construction d’ITER à Cadarache, les méthodes employées (sans consultation publique sérieuse, débat public après
que tout ait été décidé, mise en place d’un "commando" par le préfet de région pour s’affranchir de tous les obstacles légaux, graves atteintes à la flore et à la faune - dont plusieurs espèces protégées -, etc.) ne laissent guère de place à l’expression d’une opposition et à la liberté d’expression. Dans ce contexte, les pouvoirs publics peuvent être tentés d’organiser de telles actions policières spectaculaires destinées à museler ou impressionner toute éventuelle opposition. Ces actions pourraient aussi servir à montrer aux pays partenaires (Russie, Chine, Corée du Sud, États-Unis, Japon, Union européenne, Inde) que la France ne tolère aucune opposition à ITER ; certains de ces pays partenaires n’ayant pas l’habitude de supporter, chez eux, la moindre opposition.

On pourrait aussi penser que ces méthodes sont révélatrices de sérieux problèmes auxquels doit faire face la mission ITER. En effet le budget initial d’ITER de 10 milliards d’euros sera très certainement revu à la hausse pour atteindre les 30 milliards à la fin. Or, à la suite des États-Unis, les économies mondiales semblent être entrées dans une période de récession durable. La première conséquence pour ITER est que les États-Unis ont décidé de ne pas payer leur contribution 2008 au projet. Dans ce contexte économique mondial, on ne voit pas comment ils seraient en mesure de payer leur contribution en 2009 et les années suivantes. Les Américains n’ont jamais vraiment cru à ITER. Après s’être retirés une 1ère fois, ils sont revenus sur la pointe des pieds et plusieurs hauts responsables ont toujours affirmé qu’il n’était pas question de prélever sur leur budget de recherche domestique pour financer ITER... L’exemple américain pourrait faire des émules chez les autres pays tout autant concernés par cette époque de vaches maigres. Le financement d’ITER n’est donc pas assuré ; la bête ITER est aux abois. Et une bête blessée, c’est connu, devient dangereuse...

Une piste XXXL est en cours de construction entre Fos/Mer et Cadarache et sur le site un véritable cyclone a fait disparaître la forêt abritant les espèces protégées. "Les travaux d’ITER ont ravagé le terrain (un ami a survolé récemment la zone en planeur)" nous dit un correspondant.
Garde à vue : Le témoignage édifiant de Jean Marcon

L’association Médiane a son siège à Pertuis (84), je suis président de Médiane et j’habite aussi dans le 84, près de Pertuis. Médiane travaille en étroite collaboration avec le Réseau “Sortir du nucléaire” dont j’ai été administrateur en 2006. Nous avons organisé l’opposition au “Temple solaire” Iter avec 2 manifestations régionales en 2004, 2005 et une nationale en 2007 à Marseille. ITER : réacteur expérimental thermonucléaire international (Russie, Chine, Corée du Sud, États-Unis, Japon, Union européenne, Inde) est un projet de prototype de réacteur nucléaire à fusion actuellement en construction à Cadarache. Ce futur réacteur coûteux, dangereux et inutile est destiné à démontrer la faisabilité scientifique et technique de la fusion nucléaire comme nouvelle source d’énergie (pour en savoir plus : https://www.stop-iter.org/).

Mardi 22 avril 2008

Convocation téléphonique d’un capitaine de police de Manosque (04) : je dois me rendre au commissariat de Manosque le mercredi 23/04/08 à 14h30. Il refuse de me donner les raisons de cette convocation.

Mercredi 23 avril 2008

14h15 : j’informe le capitaine que je n’irai pas à sa convocation.

18h40 : une limousine avec un véhicule de la
gendarmerie de Pertuis sont dans ma cour.
Dès que j’ouvre la porte, deux policiers sous la direction du commissaire Janas, directeur de la sûreté publique du 04, entrent accompagnés d’un gendarme de Pertuis. Immédiatement deux lascars me sautent dessus et me menottent brutalement dans le dos. Je suis alors embarqué dans la limousine pour le commissariat de Pertuis. Là, je signe une acceptation de perquisition immédiate de mon domicile. Le commandant de police de Pertuis est présent. Nous nous connaissons et avons des relations "civilisées" de confiance mutuelle suite aux précédentes manifestations organisées par Médiane et le Réseau "Sortir du nucléaire".
Les "shérifs" du 04 m’enlèvent alors les menottes.
Retour à mon domicile pour la perquisition à laquelle procèdent le directeur de la sûreté publique du 04, le capitaine de police Pistorès et le sous-officier, chauffeur de la limousine.

19h30-20h30 : Perquisition de la maison par les trois policiers sous l’œil narquois et étonné, me semble-t-il, du lieutenant de la gendarmerie de Pertuis :
Je suppose qu’ils recherchent parmi les dossiers Iter le fameux tract anonyme utilisant des sceaux officiels et qui a circulé dans la région en début d’année. (…) Ces messieurs sont pressés : ils vident tous les placards et laissent tout éparpillé par terre. Pour accéder aux rangements élevés ils montent avec leurs chaussures sur des chaises fragiles, et ignorent les protestations de ma femme. Après la maison, on continue à la cave et au garage qui recèle beaucoup d’archives.
Finalement, ils confisqueront les derniers dossiers de l’association et surtout l’ordinateur.
Vers le milieu de la perquisition, je vois arriver avec plaisir une douzaine d’amis : c’est le Conseil d’Administration de Médiane au complet accompagné de quelques adhérents. Ils n’ont pas traîné pour arriver et surtout ils ont déjà alerté le Réseau "Sortir du nucléaire". Quel soulagement pour ma femme et moi ! Nous ne sommes plus seuls face cette escalade policière.

20h45 : Je suis embarqué pour la garde à vue à Manosque. Avant le départ, ils demandent à emporter les médicaments que je suis supposé prendre et sont incrédules d’apprendre qu’à mon âge, je ne prends rien pour assurer ma survie... J’emporte seulement un sandwich et heureusement car il n’y avait rien à manger en garde à vue.

40mn à bord d’une limousine vers Manosque : à la droite du chauffeur, M. le Directeur de la Sûreté du 04, costume gris, cravate ; à l’arrière, le capitaine de police et moi, l’inculpé.
Silence total. J’essaie d’apprécier la situation : je pensais qu’on ne déplaçait les grosses pointures de la police que pour la neutralisation de dangereux parrains ! Quelle promotion pour moi ! Je blague, mais eux semblaient y croire à leur rôle de "shérifs". J’ai compris par la suite qu’ils n’ont aucun sens de l’humour.

Vers 21h30-22h au commissariat : Le capitaine à qui j’ai donné le numéro de téléphone de mon avocat me dit qu’on ne peut pas le joindre. Il me demande si je veux un avocat commis d’office. Je demande qu’on essaie d’abord de joindre le mien et il m’assure qu’il l’appellera à la 1ère heure le lendemain. Je ne suis pas autorisé à appeler qui que ce soit d’autre. Le capitaine et M. le Directeur se plaignent que j’ai gâché leur soirée en famille. Ce dernier me dit de mettre la nuit à profit pour réfléchir. Mais je n’ai rien à réfléchir puisque je suis innocent et n’ai rien à voir avec cette affaire.

Vers 22h, la garde à vue :
On m’emmène au sous-sol ; un homme m’allège de mes papiers, ceinture et chaussures. Puis il m’enferme. Je n’ai pas pu croiser le regard de ce fonctionnaire, il a opéré sur moi comme si j’étais un objet, le énième objet qu’il met au placard.
Cellule carrée de 2,50m de côté avec tout un côté vitré, exposé comme un fauve au zoo. Sauf qu’il n’y a pas de visiteurs ici. Puissant néon au plafond et bruyante soufflerie qui impulse une température de 27°C. Banquette et couverture pour s’allonger.

Vers 23h30 : on me ramène chez le capitaine pour signer des papiers et retour en cage.
Impossible de dormir à cause de la lumière et de la soufflerie. Je fais de la gymnastique, je compte lentement jusqu’à 1000, puis je recommence. Je guette les rares pas dans le couloir, mais il n’y en a plus. (…)

Jeudi 24/04/08

J’ai dû finir par m’assoupir enfin quand des bruits de clés, de portes et de voix me ramènent à la réalité. "C’est la relève !" m’annoncent 2 jeunes gardiens. J’apprends qu’il est 5 heures. En cage on ne sait pas si c’est le jour ou la nuit.

7h30 : un fonctionnaire, de bonne humeur, vient me chercher. C’est pour les empreintes et les photos. "J’ai pas souvent des clients septuagénaires comme vous !" déclare-t-il hilare.
Un autre vient me proposer le petit-déjeuner : un jus de fruit ; le café est payant. Je lui dit d’aller se faire..., car je suis parti sans un sou. Deux minutes après il revient avec un café : "c’est le personnel qui vous l’offre !" Le photographe me fait comprendre qu’on ne m’interrogera pas avant 10h30 car la fonction de la garde à vue est de vous faire mijoter, isolé, de manière à être mûr pour avouer tout ce qu’ils veulent.

10h30-11h00 : interrogatoire dans le bureau du capitaine :
Je revois la lumière du jour.
Question : Quand êtes-vous venu à Manosque la dernière fois ?
Réponse : vers la mi-2007.
Q : Distribuez-vous des tracts habituellement ?
R : Il y a longtemps que je ne l’ai pas fait.
Il tape tout ce que je dis mais souvent utilise d’autres mots que les miens ; je dois lui faire corriger la déposition.
Puis il me déclare :"Vous avez beaucoup d’amis ! Ils nous appellent au téléphone".
Cette information est un formidable réconfort. Depuis la mise en cage je n’avais aucune nouvelle de l’extérieur. La solidarité est en action.
C’est 11h, le capitaine me dit qu’il n’a toujours pas pu joindre mon avocat. J’accepte donc l’avocat commis d’office.

Q : Connaissez-vous la dame qui est à côté de vous ?
Il me montre une photo pas très nette.
R : Non.

Q : Vous reconnaissez-vous sur cette photo ?
R : Apparemment c’est moi.
Puis : Cependant je ne reconnais pas le gilet type "pare-balle" dont je suis affublé sur cette photo.
Il refuse de taper le qualificatif "pare-balle".
Je ne reconnais pas non plus les lunettes noires à verres ronds que j’ai sur la photo. D’ailleurs je ne porte jamais de lunettes noires, hormis pour la conduite auto.

Sur ce cliché la personne qui est supposée être moi et la dame à côté portent un paquet de feuilles A4.

Q : Où pensez-vous que cette photo a été prise ?
R : Aucune idée ! La dernière fois que j’ai peut-être distribué des tracts, ça pourrait être lors des manifestations contre Iter en 2004 ou 2005. Puis ironiquement j’ajoute : le président de Médiane ne distribue plus de tract depuis longtemps ; ce n’est pas dans les attributions d’un président !
Le Capitaine : "Ce cliché a été pris le 9 février 2008 à 15h par une caméra de vidéo surveillance près de la Poste à Manosque."

Q : Quelle est votre réaction ?
R : C’est scandaleux ! Avec ce montage photo vous utilisez des méthodes dignes de la police chinoise, de la STASI. Je demande une expertise de cette photo.

Et j’ajoute : Comment pouvez-vous vous prêter à de telles ignominies ? Mais bien sûr vous l’aurez votre promotion !
Il est indigné.
(…)
Je signe la déposition et retour en cage.

11h30 : Avocate commise d’office. L’entretien est légalement limité à quelques minutes. Elle m’informe de mes droits : droit de voir un médecin, etc.
Je lui demande d’appeler mon avocat.
Retour en cage.

Vers 12h : plateau repas. Je n’avais pas mangé depuis le sandwich de la veille à 19h.

Puis je me prépare mentalement à la prolongation de la garde à vue à 48h.

13h : On me rend mes affaires et retour dans le bureau du Capitaine.
M. Le Directeur de la Sûreté m’accueille et déclare que je suis libre.

Dehors Vincent, un sympathisant de "Sortir du nucléaire" est là ; il attend ma sortie depuis 9h.
Il m’apprend que mon épouse est venue ce matin pour être interrogée. Il est entré dans le commissariat avec elle et a vu le fonctionnaire qui répondait aux incessants appels téléphoniques et qui répondait "Je prends note de votre demande". En fait il ne prenait aucune note, mais il a bien transmis à ses supérieurs que le téléphone sonnait continuellement pour demander ma libération.
Aux policiers qui lui disaient que ça ne servait à rien d’attendre car on ne savait pas quand je serai libéré, Vincent déclarait : "je reste jusqu’à sa sortie !".
Vincent m’a ramené chez moi à 40km au Sud-Ouest de Manosque alors qu’il habite à 40km au nord-Est. Encore merci Vincent.

19h à la maison :
Depuis mon départ la veille, le téléphone a sonné continuellement : des messages de soutien, innombrables. Plusieurs journalistes ont voulu me parler, avant mon arrivée...
Deux veulent venir vers 17h30 à la maison ; seule la correspondante de la Provence sera là finalement, elle publiera un assez bon article. Les amis de Médiane et de "Sortir du nucléaire" arrivent, et j’apprends ce qui s’est passé dehors : la mobilisation locale, régionale et nationale. Ceux de Médiane et au Réseau "Sortir du nucléaire", Philippe et les autres ont travaillé tard dans la nuit pour ameuter tous les adhérents. Et les adhérents ont répondu "présents" ; le commissariat de Manosque a été submergé d’appels. Merci à tous.

Jean Marcon

jean.marcon@free.fr

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Médiane, Jean Marcon, M C A
167 Rue Resini, 84120 Pertuis
Jean Marcon



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