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Sortir du nucléaire n°75



Automne 2017

Livres

Nous avons lu

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°75 - Automne 2017



Le monde comme projet Manhattan

Jean-Marc Royer, Ed. Le passager clandestin, 2017, 307 p., 15 €, à commander sur https://boutique.sortirdunucleaire.org/ ou par le biais du catalogue joint à ce n° de la revue.

Le nucléaire est la "figure de proue d’une civilisation fondamentalement morbide, mortifère et autodestructrice qui s’est violemment imposée en Occident depuis deux siècles". Son apparition "quasi concomitante d’Auschwitz-Birkenau", marque une rupture fondamentale dans l’histoire du capitalisme et de l’humanité, car “les complexes scientifique, militaire et industriel sur lesquels il repose ont en effet orienté de façon décisive les appareils d’État et les industries de l’après-guerre vers une guerre généralisée au vivant". Telle est la thèse centrale défendue par Jean-Marc Royer au travers d’une approche novatrice, à la fois historique, anthropologique et psychanalytique. Point de départ de son analyse : le "projet Manhattan" qui a débouché sur les bombardements de Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août 1945 et surtout qui a donné "une nouvelle dimension politique aux possesseurs de cette arme de domination totale". La négation des victimes des accidents nucléaires — comme dernièrement ceux de Fukushima — en est une des conséquences. L’actualité récente autour de la Corée du Nord comme du traité d’interdiction des armes nucléaires souligne la pertinence de la thèse développée par Jean-Marc Royer.

Patrice Bouveret


L’épopée alsacienne du Dreyeckland

Jocelyn Peyret, Jérôme Do Bentzinger Editeur, 2017, 214 p., 21 € à commander sur https://boutique.sortirdunucleaire.org/ ou par le biais du catalogue joint à ce n° de la revue.

Jocelyn Peyret nous offre une plongée très documentée dans les luttes écologistes des années 70 dans le Dreyeckland, région des trois frontières située au sud de l’Alsace. L’époque est aux grands projets industriels, dévoreurs d’énergie et d’espace et de surcroît, anti-démocratiques, ainsi qu’au développement intensif de l’énergie nucléaire. C’est le début de la prise de conscience des impacts de la pollution, et des réflexions autour de l’écologie sociale et environnementale. Français et Allemands, qui 30 ans avant s’affrontaient lors de la dernière guerre, se retrouvent à combattre le même ennemi. L’auteur nous livre un récit riche et précis, appuyé de nombreux documents, témoignages et entretiens avec les principaux acteurs et témoins de ces luttes, qui se sont affirmées par le biais de journaux indépendants, puis par des "radios pirates". La 2e partie du livre est consacrée à l’exemple de Radio Verte Fessenheim, née en 1977 contre l’implantation de la centrale nucléaire, nous rappelant à quel point les médias indépendants et associatifs sont indispensables aux mobilisations et, plus largement, à une information de proximité qui brise le monopole des médias dominants.

Une lecture poignante et enthousiasmante, qui donne l’envie de ne pas baisser les bras dans nos luttes actuelles !

Myriam Battarel


L’opposition citoyenne au projet Cigéo

Cadrage géographique et enjeux géopolitiques locaux et globaux

Collectif d’auteur-e-s, sous la direction de Pierre Ginet, L’Harmattan, 2017, 184 p., 22 €, à commander sur https://boutique.sortirdunucleaire.org/ ou par le biais du catalogue joint à ce n° de la revue.

Dans le cadre de la lutte contre CIGÉO, ce projet d’enfouissement en profondeur de déchets radioactifs, une importante expertise citoyenne a été développée par des militants dans des domaines aussi divers que la géologie, l’économie, la sûreté nucléaire, le droit, les enjeux socio-économiques... Coordonné par un professeur de l’Université de Lorraine, l’ouvrage L’opposition citoyenne au projet Cigéo donne la parole aux acteurs de la lutte qui ont investi ces questions et présente l’état de leurs recherches. Il met en lumière les différentes failles de CIGÉO, mais également les difficultés du combat contre un projet imposé et les puissantes logiques politiques et économiques qui l’accompagnent. Très détaillée et abondamment sourcée, cette publication pourra intéresser celles et ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances sur ce sujet.

Charlotte Mijeon


Bure. La bataille du nucléaire : un récit au cœur de la lutte

Les premiers lecteurs de cet ouvrage seront les gendarmes, qui en ont saisi le manuscrit lors de la perquisition massive menée à Bure le 20 septembre dernier ! Rédigé par deux personnes impliquées dans la mobilisation contre le projet CIGÉO, cet essai est une enquête autant qu’un témoignage sensible. Un livre qui vous embarque et appelle à la résistance.

Installés près de Bure depuis plus d’un an, acteurs et témoins d’une mobilisation intense, les auteurs de Bure, la bataille du nucléaire ont voulu transmettre l’histoire d’un territoire et de ses habitants, confrontés à un projet démentiel. "Dès le début de notre enquête, nous avons senti que nous ne pouvions résumer l’enjeu des déchets radioactifs à un débat technique et économique. Le nucléaire introduit d’abord des bouleversements politiques."

Recueillant témoignages et expériences vécues, ils ont mené une enquête qui conjugue investigation et empathie avec les personnes rencontrées, analyse politique et appel à l’action. Nous voici embarqués au cœur de l’histoire d’un territoire sacrifié. Les auteurs analysent ainsi comment le petit village de Bure a été choisi pour accueillir un projet de poubelle nucléaire, non pour les propriétés de son sous-sol, mais parce qu’il ne comptait que six habitants au km2...

Témoignages à l’appui, ils racontent l’achat des consciences pour faire accepter l’enfouissement des déchets radioactifs, dans une région rurale et désindustrialisée où l’argent de l’Andra coule à flot pour financer salles des fêtes flambant neuves et lampadaires rutilants dans des villages dépeuplés. Ils évoquent les petits cadeaux aux élus locaux, les pressions sur les maires récalcitrants, les expositions pour apprendre aux enfants à vivre avec la radioactivité... Nous sommes confrontés au désarroi d’agriculteurs, harcelés pour céder leurs terres et réduits au silence par l’octroi de baux agricoles précaires par l’Andra. C’est également un plongeon en eaux troubles, au cœur des scandales et soupçons de trafics d’influences qui entourent la cession de terrains à l’Andra.

"Quand le livre sera lu, peut-être que la forêt aura été expulsée pour la 2e fois. Ce qui est sûr, c’est que nous aurons vécu et essayé des choses."

Mais ce livre est également une bouffée d’espoir, qui nous invite à faire connaissance avec une résistance de plus de 20 ans. Celle-ci a connu un nouveau souffle avec l’ouverture à Bure d’une Maison de Résistance et l’arrivée de dizaines de personnes qui se sont installées sur ce territoire pour le faire vivre. Le récit revient sur le tournant de l’été 2016, lorsque le début de travaux dans le Bois Lejuc a mis le feu aux poudres. Occupation du bois, témoignage de solidarité d’habitants autrefois résignés, victoires en justice, mise à bas d’un mur érigé illégalement par l’Andra : en peu de temps, la résistance a pris une ampleur nouvelle et la fatalité cédé la place au sentiment d’avoir enfin prise sur les choses. Avec des accents lyriques assumés, les auteurs nous font goûter en quoi l’occupation du Bois Lejuc, ce bois qui "se peuple de possibles", a donné une autre dimension à la lutte. Au-delà de la résistance à CIGÉO, celle-ci est devenue un creuset où se réinventent de nouvelles formes de vie et où se développent des réflexions qui dépassent la question du nucléaire : comment se réapproprier nos vies ? "Quand ce livre sera lu, peut-être que la forêt aura été expulsée pour la deuxième fois. Peut-être que les barricades tiendront toujours debout, que d’autres vies se seront accrochées dans les arbres [...]. Ce qui est sûr, c’est que nous aurons vécu et essayé des choses"...

La conclusion de cet essai est un appel à une résistance collective et festive : "Nous voudrions [...] que ses mots se déploient en mille mains tendues. En invitation à se sentir touchés et concernés par le sort de cette contrée aux confins de l’Est, et celles et ceux qui y vivent. À y rendre visite, et plus si affinités. À emmêler vos propres histoires à celles qui s’écrivent là-bas. Et, face à la menace d’une contamination, faire le pari d’une contagion joyeuse." Un appel plus urgent que jamais...

Bure. La bataille du nucléaire, de Gaspard d’Allens et Andrea Fuori, édité au Seuil collection Reporterre, 160 pages. 12 €, à commander sur https://boutique.sortirdunucleaire.org/ ou par le biais du catalogue joint à ce n° de la revue.

Charlotte Mijeon

Le monde comme projet Manhattan

Jean-Marc Royer, Ed. Le passager clandestin, 2017, 307 p., 15 €, à commander sur https://boutique.sortirdunucleaire.org/ ou par le biais du catalogue joint à ce n° de la revue.

Le nucléaire est la "figure de proue d’une civilisation fondamentalement morbide, mortifère et autodestructrice qui s’est violemment imposée en Occident depuis deux siècles". Son apparition "quasi concomitante d’Auschwitz-Birkenau", marque une rupture fondamentale dans l’histoire du capitalisme et de l’humanité, car “les complexes scientifique, militaire et industriel sur lesquels il repose ont en effet orienté de façon décisive les appareils d’État et les industries de l’après-guerre vers une guerre généralisée au vivant". Telle est la thèse centrale défendue par Jean-Marc Royer au travers d’une approche novatrice, à la fois historique, anthropologique et psychanalytique. Point de départ de son analyse : le "projet Manhattan" qui a débouché sur les bombardements de Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août 1945 et surtout qui a donné "une nouvelle dimension politique aux possesseurs de cette arme de domination totale". La négation des victimes des accidents nucléaires — comme dernièrement ceux de Fukushima — en est une des conséquences. L’actualité récente autour de la Corée du Nord comme du traité d’interdiction des armes nucléaires souligne la pertinence de la thèse développée par Jean-Marc Royer.

Patrice Bouveret


L’épopée alsacienne du Dreyeckland

Jocelyn Peyret, Jérôme Do Bentzinger Editeur, 2017, 214 p., 21 € à commander sur https://boutique.sortirdunucleaire.org/ ou par le biais du catalogue joint à ce n° de la revue.

Jocelyn Peyret nous offre une plongée très documentée dans les luttes écologistes des années 70 dans le Dreyeckland, région des trois frontières située au sud de l’Alsace. L’époque est aux grands projets industriels, dévoreurs d’énergie et d’espace et de surcroît, anti-démocratiques, ainsi qu’au développement intensif de l’énergie nucléaire. C’est le début de la prise de conscience des impacts de la pollution, et des réflexions autour de l’écologie sociale et environnementale. Français et Allemands, qui 30 ans avant s’affrontaient lors de la dernière guerre, se retrouvent à combattre le même ennemi. L’auteur nous livre un récit riche et précis, appuyé de nombreux documents, témoignages et entretiens avec les principaux acteurs et témoins de ces luttes, qui se sont affirmées par le biais de journaux indépendants, puis par des "radios pirates". La 2e partie du livre est consacrée à l’exemple de Radio Verte Fessenheim, née en 1977 contre l’implantation de la centrale nucléaire, nous rappelant à quel point les médias indépendants et associatifs sont indispensables aux mobilisations et, plus largement, à une information de proximité qui brise le monopole des médias dominants.

Une lecture poignante et enthousiasmante, qui donne l’envie de ne pas baisser les bras dans nos luttes actuelles !

Myriam Battarel


L’opposition citoyenne au projet Cigéo

Cadrage géographique et enjeux géopolitiques locaux et globaux

Collectif d’auteur-e-s, sous la direction de Pierre Ginet, L’Harmattan, 2017, 184 p., 22 €, à commander sur https://boutique.sortirdunucleaire.org/ ou par le biais du catalogue joint à ce n° de la revue.

Dans le cadre de la lutte contre CIGÉO, ce projet d’enfouissement en profondeur de déchets radioactifs, une importante expertise citoyenne a été développée par des militants dans des domaines aussi divers que la géologie, l’économie, la sûreté nucléaire, le droit, les enjeux socio-économiques... Coordonné par un professeur de l’Université de Lorraine, l’ouvrage L’opposition citoyenne au projet Cigéo donne la parole aux acteurs de la lutte qui ont investi ces questions et présente l’état de leurs recherches. Il met en lumière les différentes failles de CIGÉO, mais également les difficultés du combat contre un projet imposé et les puissantes logiques politiques et économiques qui l’accompagnent. Très détaillée et abondamment sourcée, cette publication pourra intéresser celles et ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances sur ce sujet.

Charlotte Mijeon


Bure. La bataille du nucléaire : un récit au cœur de la lutte

Les premiers lecteurs de cet ouvrage seront les gendarmes, qui en ont saisi le manuscrit lors de la perquisition massive menée à Bure le 20 septembre dernier ! Rédigé par deux personnes impliquées dans la mobilisation contre le projet CIGÉO, cet essai est une enquête autant qu’un témoignage sensible. Un livre qui vous embarque et appelle à la résistance.

Installés près de Bure depuis plus d’un an, acteurs et témoins d’une mobilisation intense, les auteurs de Bure, la bataille du nucléaire ont voulu transmettre l’histoire d’un territoire et de ses habitants, confrontés à un projet démentiel. "Dès le début de notre enquête, nous avons senti que nous ne pouvions résumer l’enjeu des déchets radioactifs à un débat technique et économique. Le nucléaire introduit d’abord des bouleversements politiques."

Recueillant témoignages et expériences vécues, ils ont mené une enquête qui conjugue investigation et empathie avec les personnes rencontrées, analyse politique et appel à l’action. Nous voici embarqués au cœur de l’histoire d’un territoire sacrifié. Les auteurs analysent ainsi comment le petit village de Bure a été choisi pour accueillir un projet de poubelle nucléaire, non pour les propriétés de son sous-sol, mais parce qu’il ne comptait que six habitants au km2...

Témoignages à l’appui, ils racontent l’achat des consciences pour faire accepter l’enfouissement des déchets radioactifs, dans une région rurale et désindustrialisée où l’argent de l’Andra coule à flot pour financer salles des fêtes flambant neuves et lampadaires rutilants dans des villages dépeuplés. Ils évoquent les petits cadeaux aux élus locaux, les pressions sur les maires récalcitrants, les expositions pour apprendre aux enfants à vivre avec la radioactivité... Nous sommes confrontés au désarroi d’agriculteurs, harcelés pour céder leurs terres et réduits au silence par l’octroi de baux agricoles précaires par l’Andra. C’est également un plongeon en eaux troubles, au cœur des scandales et soupçons de trafics d’influences qui entourent la cession de terrains à l’Andra.

"Quand le livre sera lu, peut-être que la forêt aura été expulsée pour la 2e fois. Ce qui est sûr, c’est que nous aurons vécu et essayé des choses."

Mais ce livre est également une bouffée d’espoir, qui nous invite à faire connaissance avec une résistance de plus de 20 ans. Celle-ci a connu un nouveau souffle avec l’ouverture à Bure d’une Maison de Résistance et l’arrivée de dizaines de personnes qui se sont installées sur ce territoire pour le faire vivre. Le récit revient sur le tournant de l’été 2016, lorsque le début de travaux dans le Bois Lejuc a mis le feu aux poudres. Occupation du bois, témoignage de solidarité d’habitants autrefois résignés, victoires en justice, mise à bas d’un mur érigé illégalement par l’Andra : en peu de temps, la résistance a pris une ampleur nouvelle et la fatalité cédé la place au sentiment d’avoir enfin prise sur les choses. Avec des accents lyriques assumés, les auteurs nous font goûter en quoi l’occupation du Bois Lejuc, ce bois qui "se peuple de possibles", a donné une autre dimension à la lutte. Au-delà de la résistance à CIGÉO, celle-ci est devenue un creuset où se réinventent de nouvelles formes de vie et où se développent des réflexions qui dépassent la question du nucléaire : comment se réapproprier nos vies ? "Quand ce livre sera lu, peut-être que la forêt aura été expulsée pour la deuxième fois. Peut-être que les barricades tiendront toujours debout, que d’autres vies se seront accrochées dans les arbres [...]. Ce qui est sûr, c’est que nous aurons vécu et essayé des choses"...

La conclusion de cet essai est un appel à une résistance collective et festive : "Nous voudrions [...] que ses mots se déploient en mille mains tendues. En invitation à se sentir touchés et concernés par le sort de cette contrée aux confins de l’Est, et celles et ceux qui y vivent. À y rendre visite, et plus si affinités. À emmêler vos propres histoires à celles qui s’écrivent là-bas. Et, face à la menace d’une contamination, faire le pari d’une contagion joyeuse." Un appel plus urgent que jamais...

Bure. La bataille du nucléaire, de Gaspard d’Allens et Andrea Fuori, édité au Seuil collection Reporterre, 160 pages. 12 €, à commander sur https://boutique.sortirdunucleaire.org/ ou par le biais du catalogue joint à ce n° de la revue.

Charlotte Mijeon



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