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La phrase qui tue le nucléaire

Lettre ouverte de neuf Prix Nobel de la Paix aux dirigeants du monde

Article publié le 6 décembre 2012



Lettre adressée aux dirigeants du monde par 9 Prix Nobel de la Paix dans les premiers mois de la catastrophe de Fukushima et pour le 25ème anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl.



Préférez les énergies renouvelables à l’énergie nucléaire

Lettre ouverte de neuf Prix Nobel de la Paix aux dirigeants du monde
26 avril 2011

En ce 25ème anniversaire de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en Ukraine - et plus de deux mois après les gigantesques tremblement de terre et raz-de-marée qui ont dévasté le Japon – nous, soussignés et lauréats du Prix Nobel de la Paix, vous demandons d’investir dans un futur plus sûr et plus pacifique en vous engageant pour favoriser les sources d’énergie renouvelable. Il est temps de reconnaître que le nucléaire n’est pas une source d’énergie propre, ni sûre, ni économiquement abordable.

Nous sommes extrêmement inquiets de voir que la vie des Japonais est menacée par la radioactivité dispersée dans l’air, l’eau et la nourriture suite à la panne qui a eu lieu à la centrale nucléaire de Fukushima. Nous sommes fermement convaincus que si le monde cesse d’utiliser l’énergie nucléaire, les générations futures des peuples du monde entier - et en particulier les Japonais qui ont déjà trop souffert - connaîtront une vie plus pacifique et plus sûre.

"Vingt-cinq ans après Tchernobyl, il y a des gens qui affirment que les choses s’améliorent. Je ne suis pas d’accord", c’est ce que dit Mykola Isaiev, qui fut l’un des liquidateurs de Tchernobyl (les personnes qui contribuèrent à nettoyer le site). "Nos enfants sont malades parce qu’ils ont mangé des aliments contaminés et notre économie est anéantie." Isaiev ajoute qu’il peut se mettre à la place des liquidateurs qui travaillent actuellement au Japon. Comme lui, ils ne mettaient probablement pas beaucoup en question la sûreté nucléaire.

Entendez ce que déclare un commerçant de Kesennuma, l’une des villes de la côte Nord-Est ayant subi de plein fouet le tsunami : "Ces radiations sont quelque chose d’absolument effrayant. C’est bien pire qu’un tsunami. Un tsunami, ça se voit. Mais ça, on ne peut pas le voir".

La triste réalité, c’est que la crise radiologique qui frappe actuellement le Japon peut se produire à nouveau dans d’autres pays, comme elle s’est déjà produite à Tchernobyl en Ukraine à l’époque soviétique (en 1986), à Three Mile Island aux États-Unis (en 1979) ainsi qu’à Windscale/Sellafield au Royaume-Uni (en 1957). Les accidents nucléaires peuvent être engendrés - et le sont effectivement – par des catastrophes naturelles - comme un tremblement de terre ou un raz-de-marée – ainsi que par des erreurs et négligences humaines. Dans le monde entier, les gens craignent aussi l’éventualité d’attentats terroristes dirigés contre des centrales nucléaires.

Mais la radioactivité ne doit pas seulement nous inquiéter en cas d’accident nucléaire. Chaque étape de la chaîne du combustible nucléaire relâche de la radioactivité, à commencer par l’extraction de l’uranium ; ensuite, cela continue durant des générations car les déchets nucléaires contiennent du plutonium qui restera toxique pendant des milliers d’années. Malgré des années de recherche, les pays ayant un programme nucléaire, à l’instar des États-Unis, ont échoué à relever le défi que constitue la recherche d’un stockage sûr et sécurisé du combustible nucléaire "usagé". En attendant, des déchets nucléaires supplémentaires sont produits chaque jour.

Les partisans de l’énergie nucléaire doivent affronter le fait que les programmes nucléaires civils fournissent les matières nécessaires à la fabrication d’armes nucléaires. C’est bien là la préoccupation sous-jacente face au programme nucléaire iranien. Tandis que, pour continuer dans la voie de l’énergie atomique, l’industrie nucléaire préfère ignorer cette énorme menace, celle-ci ne disparaît pas du simple fait qu’on la minimise ou qu’on l’ignore.

Nous devons également nous confronter à la dure réalité économique de l’énergie nucléaire. Dans une économie de libre marché, le nucléaire ne rivalise pas avec les autres sources d’énergie, tout simplement parce qu’il n’en a pas la capacité. L’énergie nucléaire est un choix énergétique au coût exorbitant, qui est en général payé par les contribuables. L’industrie nucléaire a reçu des subventions considérables - l’argent des contribuables, donc - de la part des gouvernements, qui ont apporté leur garantie pour le financement de la construction des centrales, pour limiter la responsabilité des opérateurs en cas d’accident et assumer les coûts sanitaires et de dépollution. Il ne tient qu’à nous d’utiliser cet argent public d’une manière plus responsable en l’investissant dans les nouvelles sources d’énergie.

Il y a actuellement plus de 400 réacteurs nucléaires à travers le monde - dont un grand nombre se trouve sur des sites à haut risque de catastrophes naturelles ou de bouleversements politiques. Ces centrales fournissent moins de 7 % de la consommation mondiale d’énergie [1]. En tant que dirigeants du monde, vous pouvez travailler ensemble afin de remplacer cette petite quantité d’énergie d’origine nucléaire par d’autres sources d’énergie facilement disponibles, très sûres et économiquement abordables, pour nous engager vers un avenir sans carbone ni nucléaire.

Il nous est impossible d’empêcher de se produire les catastrophes naturelles comme celle qui vient d’avoir lieu au Japon, mais ensemble nous pouvons faire de meilleurs choix quant à nos sources d’énergie.

Nous sommes en mesure d’abandonner les combustibles fossiles ainsi que l’énergie nucléaire et d’investir dans une révolution des énergies propres. Ce changement est déjà en marche. Ces cinq dernières années, à l’échelle mondiale, l’éolien et le solaire ont produit plus d’énergie que les centrales nucléaires. Les revenus mondiaux provenant du solaire, de l’éolien et des autres sources d’énergie renouvelable ont bondi de 35 % en 2010. Investir dans ces énergies renouvelables sera également créateur d’emplois.

Les sources d’énergie renouvelable sont l’une des clés majeures pour un avenir pacifique. C’est pourquoi on trouve tant de gens à travers le monde - et spécialement les jeunes - qui s’engagent déjà de leur propre initiative dans cette transition, sans attendre que les gouvernements agissent en ce sens.

En s’engageant pour un avenir sans nucléaire et faiblement émetteur de carbone, les États pourront s’associer et renforcer le mouvement mondial, grandissant et de plus en plus influent, de citoyens qui rejettent la prolifération nucléaire et soutiennent les énergies renouvelables. Nous vous demandons de vous joindre à eux pour transmettre un héritage fort qui assurera la vie et la protection non seulement des générations futures mais aussi de notre planète elle-même.

Cordialement,

Betty Williams, Irlande (Prix Nobel 1976)
Mairead Maguire, Irlande (Prix Nobel 1976)
Rigoberta Menchu Tum, Guatemala (Prix Nobel 1992)
Jody Williams, États-Unis (Prix Nobel 1997)
Shirin Ebadi, Iran (Prix Nobel 2003)
Wangari Maathai, Kenya (Prix Nobel 2004)
Archevêque Desmond Tutu, Afrique du Sud (Prix Nobel 1984)
Adolfo Perez Esquivel, Argentine (Prix Nobel 1980)
Président Jose Ramos Horta, Timor oriental (Prix Nobel 1996)

Traduit de l’anglais au français par Laurienne Mazure et Xavier Rabilloud pour le Réseau "Sortir du nucléaire".

 Lire le texte original de la lettre, en anglais


Notes

[1Note du Réseau "Sortir du nucléaire" : il s’agit ici de la consommation d’énergie primaire. La statistique la plus significative, car seule à rendre compte à la fois des différences de rendement entre sources d’énergie et de la couverture effective des besoins énergétiques réels, est la consommation d’énergie finale, dont le nucléaire couvre à peine plus de 2 % au niveau mondial. Pour bien saisir la différence entre énergie primaire et énergie finale - cruciale dès lors qu’il s’agit de comprendre le sens réel de statistiques énergétiques - on consultera avec profit la fiche synthétique « De l’énergie primaire à l’énergie finale » de Global Chance, une association d’experts indépendants en énergie. Téléchargez la fiche en PDF.

Préférez les énergies renouvelables à l’énergie nucléaire

Lettre ouverte de neuf Prix Nobel de la Paix aux dirigeants du monde
26 avril 2011

En ce 25ème anniversaire de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en Ukraine - et plus de deux mois après les gigantesques tremblement de terre et raz-de-marée qui ont dévasté le Japon – nous, soussignés et lauréats du Prix Nobel de la Paix, vous demandons d’investir dans un futur plus sûr et plus pacifique en vous engageant pour favoriser les sources d’énergie renouvelable. Il est temps de reconnaître que le nucléaire n’est pas une source d’énergie propre, ni sûre, ni économiquement abordable.

Nous sommes extrêmement inquiets de voir que la vie des Japonais est menacée par la radioactivité dispersée dans l’air, l’eau et la nourriture suite à la panne qui a eu lieu à la centrale nucléaire de Fukushima. Nous sommes fermement convaincus que si le monde cesse d’utiliser l’énergie nucléaire, les générations futures des peuples du monde entier - et en particulier les Japonais qui ont déjà trop souffert - connaîtront une vie plus pacifique et plus sûre.

"Vingt-cinq ans après Tchernobyl, il y a des gens qui affirment que les choses s’améliorent. Je ne suis pas d’accord", c’est ce que dit Mykola Isaiev, qui fut l’un des liquidateurs de Tchernobyl (les personnes qui contribuèrent à nettoyer le site). "Nos enfants sont malades parce qu’ils ont mangé des aliments contaminés et notre économie est anéantie." Isaiev ajoute qu’il peut se mettre à la place des liquidateurs qui travaillent actuellement au Japon. Comme lui, ils ne mettaient probablement pas beaucoup en question la sûreté nucléaire.

Entendez ce que déclare un commerçant de Kesennuma, l’une des villes de la côte Nord-Est ayant subi de plein fouet le tsunami : "Ces radiations sont quelque chose d’absolument effrayant. C’est bien pire qu’un tsunami. Un tsunami, ça se voit. Mais ça, on ne peut pas le voir".

La triste réalité, c’est que la crise radiologique qui frappe actuellement le Japon peut se produire à nouveau dans d’autres pays, comme elle s’est déjà produite à Tchernobyl en Ukraine à l’époque soviétique (en 1986), à Three Mile Island aux États-Unis (en 1979) ainsi qu’à Windscale/Sellafield au Royaume-Uni (en 1957). Les accidents nucléaires peuvent être engendrés - et le sont effectivement – par des catastrophes naturelles - comme un tremblement de terre ou un raz-de-marée – ainsi que par des erreurs et négligences humaines. Dans le monde entier, les gens craignent aussi l’éventualité d’attentats terroristes dirigés contre des centrales nucléaires.

Mais la radioactivité ne doit pas seulement nous inquiéter en cas d’accident nucléaire. Chaque étape de la chaîne du combustible nucléaire relâche de la radioactivité, à commencer par l’extraction de l’uranium ; ensuite, cela continue durant des générations car les déchets nucléaires contiennent du plutonium qui restera toxique pendant des milliers d’années. Malgré des années de recherche, les pays ayant un programme nucléaire, à l’instar des États-Unis, ont échoué à relever le défi que constitue la recherche d’un stockage sûr et sécurisé du combustible nucléaire "usagé". En attendant, des déchets nucléaires supplémentaires sont produits chaque jour.

Les partisans de l’énergie nucléaire doivent affronter le fait que les programmes nucléaires civils fournissent les matières nécessaires à la fabrication d’armes nucléaires. C’est bien là la préoccupation sous-jacente face au programme nucléaire iranien. Tandis que, pour continuer dans la voie de l’énergie atomique, l’industrie nucléaire préfère ignorer cette énorme menace, celle-ci ne disparaît pas du simple fait qu’on la minimise ou qu’on l’ignore.

Nous devons également nous confronter à la dure réalité économique de l’énergie nucléaire. Dans une économie de libre marché, le nucléaire ne rivalise pas avec les autres sources d’énergie, tout simplement parce qu’il n’en a pas la capacité. L’énergie nucléaire est un choix énergétique au coût exorbitant, qui est en général payé par les contribuables. L’industrie nucléaire a reçu des subventions considérables - l’argent des contribuables, donc - de la part des gouvernements, qui ont apporté leur garantie pour le financement de la construction des centrales, pour limiter la responsabilité des opérateurs en cas d’accident et assumer les coûts sanitaires et de dépollution. Il ne tient qu’à nous d’utiliser cet argent public d’une manière plus responsable en l’investissant dans les nouvelles sources d’énergie.

Il y a actuellement plus de 400 réacteurs nucléaires à travers le monde - dont un grand nombre se trouve sur des sites à haut risque de catastrophes naturelles ou de bouleversements politiques. Ces centrales fournissent moins de 7 % de la consommation mondiale d’énergie [1]. En tant que dirigeants du monde, vous pouvez travailler ensemble afin de remplacer cette petite quantité d’énergie d’origine nucléaire par d’autres sources d’énergie facilement disponibles, très sûres et économiquement abordables, pour nous engager vers un avenir sans carbone ni nucléaire.

Il nous est impossible d’empêcher de se produire les catastrophes naturelles comme celle qui vient d’avoir lieu au Japon, mais ensemble nous pouvons faire de meilleurs choix quant à nos sources d’énergie.

Nous sommes en mesure d’abandonner les combustibles fossiles ainsi que l’énergie nucléaire et d’investir dans une révolution des énergies propres. Ce changement est déjà en marche. Ces cinq dernières années, à l’échelle mondiale, l’éolien et le solaire ont produit plus d’énergie que les centrales nucléaires. Les revenus mondiaux provenant du solaire, de l’éolien et des autres sources d’énergie renouvelable ont bondi de 35 % en 2010. Investir dans ces énergies renouvelables sera également créateur d’emplois.

Les sources d’énergie renouvelable sont l’une des clés majeures pour un avenir pacifique. C’est pourquoi on trouve tant de gens à travers le monde - et spécialement les jeunes - qui s’engagent déjà de leur propre initiative dans cette transition, sans attendre que les gouvernements agissent en ce sens.

En s’engageant pour un avenir sans nucléaire et faiblement émetteur de carbone, les États pourront s’associer et renforcer le mouvement mondial, grandissant et de plus en plus influent, de citoyens qui rejettent la prolifération nucléaire et soutiennent les énergies renouvelables. Nous vous demandons de vous joindre à eux pour transmettre un héritage fort qui assurera la vie et la protection non seulement des générations futures mais aussi de notre planète elle-même.

Cordialement,

Betty Williams, Irlande (Prix Nobel 1976)
Mairead Maguire, Irlande (Prix Nobel 1976)
Rigoberta Menchu Tum, Guatemala (Prix Nobel 1992)
Jody Williams, États-Unis (Prix Nobel 1997)
Shirin Ebadi, Iran (Prix Nobel 2003)
Wangari Maathai, Kenya (Prix Nobel 2004)
Archevêque Desmond Tutu, Afrique du Sud (Prix Nobel 1984)
Adolfo Perez Esquivel, Argentine (Prix Nobel 1980)
Président Jose Ramos Horta, Timor oriental (Prix Nobel 1996)

Traduit de l’anglais au français par Laurienne Mazure et Xavier Rabilloud pour le Réseau "Sortir du nucléaire".

 Lire le texte original de la lettre, en anglais



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