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Sortir du nucléaire n°82



Été 2019

Actualités

Les Small Modular Reactors (SMR), un contre argumentaire

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°82 - Été 2019

 Industrie nucléaire  Projets nucléaires


Les Small Modular Reactors (SMR), ou en version française les “réacteurs nucléaires de faible puissance“ font de nouveau leur apparition dans le projet de l’industrie nucléaire. L’occasion pour Manon Besnard du cabinet WISE-Paris, de faire le point sur ces réacteurs qui seraient soi-disant ceux qui sauveraient la filière de la déroute financière et de la perte de compétences. Petit contre argumentaire.



Argument n°1 :
Le principal atout de cette nouvelle génération de réacteur est son prix compétitif donc accessible avec un investissement faible. Ces réacteurs peuvent être construits en usine car ils nécessitent moins de génie civil qu’une centrale classique. On bénéficie de l’effet de série.

Manon Besnard : S’avancer sur des coûts de réacteurs qui n’existent pas encore semble très hasardeux. L’industrie nucléaire nous a habitué à des annonces de coûts pour de nouveaux réacteurs, qui ne se sont pas vérifiés au moment de la construction. Les promoteurs de ces réacteurs expliquent qu’une production en série permettrait d’obtenir des coûts intéressants. Il faudrait donc en fabriquer en série, ce qui nécessiterait un investissement initial massif (usines de fabrication des modules, commande initiale d’un nombre important de réacteurs pour rentabiliser les investissements).

Argument n°2 :
Ils sont plus sûrs car plus petits et plus simples, et utilisables de manière à pouvoir fonctionner dans des zones isolées, avec peu de personnel qualifié.

Manon Besnard : Une petite taille permet en effet d’avoir un potentiel de danger plus faible, puisque la filière de la déroute financière et de la perte l’inventaire en radioéléments est plus faible. Une puissance plus faible pourrait également permettre de réduire les risques de fusion du cœur. D’un autre côté, en multipliant les installations et les sites, on multiplie aussi le nombre d’installation susceptible de subir un accident. L’idée de rapprocher l’implantation des réacteurs des besoins est dangereuse, puisqu’il reste au contraire nécessaire de placer ces réacteurs dans des zones relativement isolées. Au final, le risque est davantage disséminé sur le territoire, y compris vis-à-vis des actes malveillants. Enfin, la multiplication des sites peut conduire à un besoin plus élevé, plutôt que réduit, en personnel qualifié.

Argument n°3 :
Ils sont exportables dans des pays en développement qui ne disposent pas d’un réseau d’électricité et peuvent être utilisés facilement sur des sites industriels, pour leur permettre de se passer des énergies fossiles, de dessaler l’eau ou même produire de la chaleur.

Manon Besnard : Ces pays peuvent directement développer un réseau adapté à un fonctionnement avec des énergies renouvelables, dont les technologies sont déjà disponibles. Les SMR ne sont pas prêts à être déployés à grande échelle. Par ailleurs, cette option nécessiterait pour ces pays de se doter des compétences et d’une organisation nécessaire au contrôle de la sûreté des installations, voire d’une filière de construction, de maintenance, d’exploitation et de gestion de la chaîne du combustible dans le cas où ces pays ne voudraient pas dépendre de puissances étrangères pour leur approvisionnement en électricité.

Argument n°4 :
Les SMR sont flexibles et autonomes, ils peuvent répondre facilement aux demandes fluctuantes en énergie. Ils sont destinés à compléter les solutions actuelles de production d’électricité.

Manon Besnard : Les technologies SMR sont similaires aux réacteurs actuels, seule la puissance et le mode de fabrication changent. Leur flexibilité peut être meilleure mais elle reste nécessairement limitée. Elle dégrade par ailleurs très vite le coût de production. Un des avantages d’une plus faible puissance est toutefois une perte de capacité brutale moins importante que pour les réacteurs actuels lors d’un arrêt imprévu d’un réacteur.

Argument n°5 :
Certains modèles de SMR pourraient être des sur-générateurs, qui génèrent donc plus de combustible qu’ils n’en consomment.

Manon Besnard : Il s’agirait d’une technologie de réacteurs à neutrons rapide (comme Superphénix). Cette technologie étaient présentée comme pouvant “brûler“ les déchets nucléaires, ce qui n’a jamais été fait à l’échelle industrielle. Cette technologie nécessiterait de gérer de grosses quantités de plutonium, ce qui pose d’importantes questions de sécurité. Le risque de prolifération serait d’autant plus important que les SMR seraient dispersés sur de nombreux sites.

Argument n°6 :
Le Canada, les États-Unis, la Russie et même la Belgique investissent dans cette technologie. La France, a mis 20 millions d’euros, dont 10 millions de l’État, pour financer une première phase de réflexion sur le développement de SMR de 150 à 170 mégawatts. Il faut continuer la recherche pour pouvoir commercialiser un projet au plus vite.

Manon Besnard : Le parc nucléaire français actuel arrive en fin de vie. Le système électrique de demain doit se décider dans les années à venir. Les SMR, dont l’intérêt résiderait dans leur développement en série, ne sont pas prêts pour être lancés dans les vingt ans qui viennent. Le projet de PPE repousse à 2021 d’éventuels nouveaux projets de construction de réacteurs, mais il s’agit d’EPR2. En ce qui concerne les SMR, il n’est question que d’évaluer le potentiel de ces nouvelles technologies. En France comme ailleurs, les délais de déploiement d’une filière SMR sont incompatibles avec la perspective de faire jouer un rôle important à ce type de réacteur dans la transition énergétique.

Pour terminer, les défenseurs de la filière SMR semblent prétendre que cette technologie a réponse à tous les problèmes de la filière. Toutefois, ils n’abordent pas la question du devenir des déchets radioactifs produits, ni de la nécessité d’extraire de l’uranium (avec toute la pollution qui va avec) pour faire fonctionner ces réacteurs...

Manon Besnard : Et pour cause : sur ces sujets, les SMR n’apportent pas de réponse différente que les plus gros réacteurs actuels. Au contraire, la dissémination plus grande des réacteurs apporte une couche supplémentaire de complexité dans la gestion de ce problème.

Les SMR, c’est quoi le principe ?

Les SMR seraient des réacteurs d’une puissance allant de quelques dizaines à quelques centaines de mégawatts, et qui seraient construits en série, par modules préfabriqués en usine. Cette appellation ne fait pas référence à une technologie particulière, et peut donc regrouper des réacteurs à eau pressurisée, des réacteurs à neutrons rapides, des réacteurs fonctionnant au thorium...

Les Russes investissent dans le nucléaire civil flottant

Après avoir construit de nombreux réacteurs nucléaires pour leurs navires de guerre et sous-marins, dont certains gisent maintenant dans l’eau, les autorités russes planifient maintenant des SMR à usage civil.

Ainsi, Rosatom a implanté deux réacteurs nucléaires KLT-40S de 35 MW dans le bateau ‘’Akademik Lomonosov’’. Ces réacteurs sont inspirés des machines utilisées dans certains brise-glaces. L’ensemble flottant s’apparente plutôt à une barge, car son déplacement nécessite des remorqueurs.

Construit depuis 2009 dans les chantiers navals de Saint-Pétersbourg, le navire a fait étape en 2018 à Mourmansk pour le chargement du combustible nucléaire. Il est à nouveau remorqué jusqu’en Sibérie afin d’être connecté au réseau électrique de la ville de Pevek. L’énergie électrique produite servira surtout à alimenter les activités d’extraction et de transformation d’hydrocarbures dans la région.

Enferrée dans sa dynamique nucléocrate agressive, Rosatom envisage de construire d’autres SMR flottants d’encombrement réduit, mais de plus forte puissance, afin de répondre “officiellement“ à des besoins décentralisés.

Argument n°1 :
Le principal atout de cette nouvelle génération de réacteur est son prix compétitif donc accessible avec un investissement faible. Ces réacteurs peuvent être construits en usine car ils nécessitent moins de génie civil qu’une centrale classique. On bénéficie de l’effet de série.

Manon Besnard : S’avancer sur des coûts de réacteurs qui n’existent pas encore semble très hasardeux. L’industrie nucléaire nous a habitué à des annonces de coûts pour de nouveaux réacteurs, qui ne se sont pas vérifiés au moment de la construction. Les promoteurs de ces réacteurs expliquent qu’une production en série permettrait d’obtenir des coûts intéressants. Il faudrait donc en fabriquer en série, ce qui nécessiterait un investissement initial massif (usines de fabrication des modules, commande initiale d’un nombre important de réacteurs pour rentabiliser les investissements).

Argument n°2 :
Ils sont plus sûrs car plus petits et plus simples, et utilisables de manière à pouvoir fonctionner dans des zones isolées, avec peu de personnel qualifié.

Manon Besnard : Une petite taille permet en effet d’avoir un potentiel de danger plus faible, puisque la filière de la déroute financière et de la perte l’inventaire en radioéléments est plus faible. Une puissance plus faible pourrait également permettre de réduire les risques de fusion du cœur. D’un autre côté, en multipliant les installations et les sites, on multiplie aussi le nombre d’installation susceptible de subir un accident. L’idée de rapprocher l’implantation des réacteurs des besoins est dangereuse, puisqu’il reste au contraire nécessaire de placer ces réacteurs dans des zones relativement isolées. Au final, le risque est davantage disséminé sur le territoire, y compris vis-à-vis des actes malveillants. Enfin, la multiplication des sites peut conduire à un besoin plus élevé, plutôt que réduit, en personnel qualifié.

Argument n°3 :
Ils sont exportables dans des pays en développement qui ne disposent pas d’un réseau d’électricité et peuvent être utilisés facilement sur des sites industriels, pour leur permettre de se passer des énergies fossiles, de dessaler l’eau ou même produire de la chaleur.

Manon Besnard : Ces pays peuvent directement développer un réseau adapté à un fonctionnement avec des énergies renouvelables, dont les technologies sont déjà disponibles. Les SMR ne sont pas prêts à être déployés à grande échelle. Par ailleurs, cette option nécessiterait pour ces pays de se doter des compétences et d’une organisation nécessaire au contrôle de la sûreté des installations, voire d’une filière de construction, de maintenance, d’exploitation et de gestion de la chaîne du combustible dans le cas où ces pays ne voudraient pas dépendre de puissances étrangères pour leur approvisionnement en électricité.

Argument n°4 :
Les SMR sont flexibles et autonomes, ils peuvent répondre facilement aux demandes fluctuantes en énergie. Ils sont destinés à compléter les solutions actuelles de production d’électricité.

Manon Besnard : Les technologies SMR sont similaires aux réacteurs actuels, seule la puissance et le mode de fabrication changent. Leur flexibilité peut être meilleure mais elle reste nécessairement limitée. Elle dégrade par ailleurs très vite le coût de production. Un des avantages d’une plus faible puissance est toutefois une perte de capacité brutale moins importante que pour les réacteurs actuels lors d’un arrêt imprévu d’un réacteur.

Argument n°5 :
Certains modèles de SMR pourraient être des sur-générateurs, qui génèrent donc plus de combustible qu’ils n’en consomment.

Manon Besnard : Il s’agirait d’une technologie de réacteurs à neutrons rapide (comme Superphénix). Cette technologie étaient présentée comme pouvant “brûler“ les déchets nucléaires, ce qui n’a jamais été fait à l’échelle industrielle. Cette technologie nécessiterait de gérer de grosses quantités de plutonium, ce qui pose d’importantes questions de sécurité. Le risque de prolifération serait d’autant plus important que les SMR seraient dispersés sur de nombreux sites.

Argument n°6 :
Le Canada, les États-Unis, la Russie et même la Belgique investissent dans cette technologie. La France, a mis 20 millions d’euros, dont 10 millions de l’État, pour financer une première phase de réflexion sur le développement de SMR de 150 à 170 mégawatts. Il faut continuer la recherche pour pouvoir commercialiser un projet au plus vite.

Manon Besnard : Le parc nucléaire français actuel arrive en fin de vie. Le système électrique de demain doit se décider dans les années à venir. Les SMR, dont l’intérêt résiderait dans leur développement en série, ne sont pas prêts pour être lancés dans les vingt ans qui viennent. Le projet de PPE repousse à 2021 d’éventuels nouveaux projets de construction de réacteurs, mais il s’agit d’EPR2. En ce qui concerne les SMR, il n’est question que d’évaluer le potentiel de ces nouvelles technologies. En France comme ailleurs, les délais de déploiement d’une filière SMR sont incompatibles avec la perspective de faire jouer un rôle important à ce type de réacteur dans la transition énergétique.

Pour terminer, les défenseurs de la filière SMR semblent prétendre que cette technologie a réponse à tous les problèmes de la filière. Toutefois, ils n’abordent pas la question du devenir des déchets radioactifs produits, ni de la nécessité d’extraire de l’uranium (avec toute la pollution qui va avec) pour faire fonctionner ces réacteurs...

Manon Besnard : Et pour cause : sur ces sujets, les SMR n’apportent pas de réponse différente que les plus gros réacteurs actuels. Au contraire, la dissémination plus grande des réacteurs apporte une couche supplémentaire de complexité dans la gestion de ce problème.

Les SMR, c’est quoi le principe ?

Les SMR seraient des réacteurs d’une puissance allant de quelques dizaines à quelques centaines de mégawatts, et qui seraient construits en série, par modules préfabriqués en usine. Cette appellation ne fait pas référence à une technologie particulière, et peut donc regrouper des réacteurs à eau pressurisée, des réacteurs à neutrons rapides, des réacteurs fonctionnant au thorium...

Les Russes investissent dans le nucléaire civil flottant

Après avoir construit de nombreux réacteurs nucléaires pour leurs navires de guerre et sous-marins, dont certains gisent maintenant dans l’eau, les autorités russes planifient maintenant des SMR à usage civil.

Ainsi, Rosatom a implanté deux réacteurs nucléaires KLT-40S de 35 MW dans le bateau ‘’Akademik Lomonosov’’. Ces réacteurs sont inspirés des machines utilisées dans certains brise-glaces. L’ensemble flottant s’apparente plutôt à une barge, car son déplacement nécessite des remorqueurs.

Construit depuis 2009 dans les chantiers navals de Saint-Pétersbourg, le navire a fait étape en 2018 à Mourmansk pour le chargement du combustible nucléaire. Il est à nouveau remorqué jusqu’en Sibérie afin d’être connecté au réseau électrique de la ville de Pevek. L’énergie électrique produite servira surtout à alimenter les activités d’extraction et de transformation d’hydrocarbures dans la région.

Enferrée dans sa dynamique nucléocrate agressive, Rosatom envisage de construire d’autres SMR flottants d’encombrement réduit, mais de plus forte puissance, afin de répondre “officiellement“ à des besoins décentralisés.



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