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Fukushima, suivi de la catastrophe - Archives 2011-2015

Les Japonais plus mobilisés que jamais contre le nucléaire

Article publié le 21 août 2012



Au Japon, le redémarrage de deux réacteurs n’a pas mis un coup d’arrêt à la mobilisation pour la sortie du nucléaire. Au contraire, les Japonais sont déterminés et le mouvement plus actif que jamais.



Manifestation du 29 juillet
(REUTERS/Yuriko Nakao)

Le mois dernier, le gouvernement a mis les Japonais devant le fait accompli avec le redémarrage des deux réacteurs de la centrale nucléaire d’Ohi (un le 3 juillet, puis un autre le 18 juillet), dans la préfecture de Fukui.

Alors que la pétition « Adieu au nucléaire » initiée par le prix Nobel de littérature Kenzaburo Oé avait déjà rassemblé plus de 7,5 millions de signatures, le gouvernement a préféré entendre les voix des industriels, prétextant une pénurie d’électricité imminente. Les ONGs, comme Green Action Japan, avaient pourtant dénoncé les discours alarmistes des compagnies électriques, qui sous-estimaient le potentiel des économies d’électricité. Et en effet, alors que se termine l’été et que 96 % des réacteurs sont à l’arrêt, aucun black-out n’a eu lieu et l’économie du pays ne s’est pas effondrée. Un maintien de tous les réacteurs à l’arrêt aurait donc été tout à fait possible [1].

Après la manifestation du lundi 16 juillet, qui a regroupé 170 000 personnes à Tokyo [2], la mobilisation ne faiblit pas. Des manifestations pacifiques sont organisées chaque vendredi à proximité du Parlement. Alors que seules quelques centaines de personnes se rassemblaient devant le bâtiment au printemps dernier, elles se comptent désormais par milliers toutes les semaines. Le dimanche 29 juillet, près de 10 000 personnes ont formé une chaîne humaine devant ce bâtiment, symbole du pouvoir.

À côté des activistes, des ONGs et des personnalités issues du monde culturel comme l’écrivain Kenzaburo Oé, et de quelques politiques (tel l’ancien premier ministre Yukio Hatoyama, qui s’est mêlé aux manifestants le 20 juillet dernier), on retrouve en grande majorité des « citoyens ordinaires », de tous âges et de tous profils : étudiants, cadres, familles, retraités... Pour tous, le danger nucléaire est évident et doit absolument être évité, pour préserver la vie et les générations futures. On peut imaginer que la récente découverte des mutations génétiques chez les papillons de la région de Fukushima, ainsi que celle de poissons très fortement contaminés au large de Fukushima, contribuera à une prise de conscience encore plus large.

Vidéo de la manifestation du 29 juillet 2012 devant le Parlement :

À cela s’ajoute l’exaspération croissante contre l’irresponsabilité des autorités. Le 5 juillet, une enquête parlementaire attribuant principalement la catastrophe à des erreurs humaines [3] avait déjà amené à voir la crise sous une autre perspective. Plus question d’un désastre naturel à accepter avec fatalité, mais bien d’une remise en cause des autorités et des firmes nucléaires qui se sont défilé devant leurs responsabilités et ont sciemment couvert de dangereuses failles de sûreté. Pour la société japonaise, peu encline à la remise en question de la hiérarchie, ce fut un véritable choc. Depuis, les révélations sur l’irresponsabilité des autorités et les mensonges de Tepco continuent de se succéder :

  • Le 27 juillet, un rapport du Ministère de l’Enseignement et des Sciences a révélé que le gouvernement n’avait même pas songé à publier les données rassemblées par SPEEDI, un logiciel qui permettait de simuler la dispersion des substances radioactives. En l’absence d’informations, des milliers de personnes s’étaient réfugiées dans la ville de Namie, située juste sous le panache radioactif [4] !
  • Début août, le journal Yomiuri Shimbun a publié une retranscription de vidéoconférences datant des tout premiers jours suivant la catastrophe. Celle-ci fait état d’une gestion désastreuse de la crise par les autorités, qu’on voit exploser. Les injonctions contradictoires pleuvent et personne ne semble avoir la situation en main [5].
  • Enfin, il a été reporté à plusieurs reprises que des travailleurs sous-traitants de Tepco opérant actuellement sur la centrale accidentée « oubliaient » de porter leur dosimètre [6]...

Cette exaspération a des répercussions politiques. Le 28 juillet a vu la création d’un parti Vert japonais, Greens Japan. Issu des activistes du mouvement antinucléaire, comptant beaucoup de jeunes et de femmes, il ne compte aucun « professionnel de la politique » et vient bouleverser le jeu politique japonais, qui ne comptait jusqu’ici que deux partis-mastodontes, le Parti Libéral-Démocrate (au pouvoir sans interruption de 1955 à 2009) et le Parti Démocrate. Les élections législatives de l’été 2013 auront valeur de test.

Chaîne humaine autour du Parlement Japonais
photo Associated Press

La pression des populations porte apparemment ses fruits. En effet, le Premier Ministre Yoshihiko Noda a choisi le 6 août, date de commémoration du bombardement d’Hiroshima, pour annoncer qu’il avait demandé à son gouvernement d’envisager comment se passer à terme de l’énergie nucléaire au Japon. Yukio Edano, ministre de l’Industrie, a même déclaré : « Je ne pense pas que sortir du nucléaire soit négatif pour l’économie japonaise. Nous pouvons le faire ». À la fin du mois d’août, un projet de réforme de politique énergétique doit être proposé et des experts doivent se prononcer sur la part future du nucléaire dans le mix énergétique : 25 % ? 15% ? 0% ? Éspérons que la mobilisation des citoyens rendra incontournable le choix d’un Japon sans nucléaire !

Manifestation du 29 juillet
(REUTERS/Yuriko Nakao)

Le mois dernier, le gouvernement a mis les Japonais devant le fait accompli avec le redémarrage des deux réacteurs de la centrale nucléaire d’Ohi (un le 3 juillet, puis un autre le 18 juillet), dans la préfecture de Fukui.

Alors que la pétition « Adieu au nucléaire » initiée par le prix Nobel de littérature Kenzaburo Oé avait déjà rassemblé plus de 7,5 millions de signatures, le gouvernement a préféré entendre les voix des industriels, prétextant une pénurie d’électricité imminente. Les ONGs, comme Green Action Japan, avaient pourtant dénoncé les discours alarmistes des compagnies électriques, qui sous-estimaient le potentiel des économies d’électricité. Et en effet, alors que se termine l’été et que 96 % des réacteurs sont à l’arrêt, aucun black-out n’a eu lieu et l’économie du pays ne s’est pas effondrée. Un maintien de tous les réacteurs à l’arrêt aurait donc été tout à fait possible [1].

Après la manifestation du lundi 16 juillet, qui a regroupé 170 000 personnes à Tokyo [2], la mobilisation ne faiblit pas. Des manifestations pacifiques sont organisées chaque vendredi à proximité du Parlement. Alors que seules quelques centaines de personnes se rassemblaient devant le bâtiment au printemps dernier, elles se comptent désormais par milliers toutes les semaines. Le dimanche 29 juillet, près de 10 000 personnes ont formé une chaîne humaine devant ce bâtiment, symbole du pouvoir.

À côté des activistes, des ONGs et des personnalités issues du monde culturel comme l’écrivain Kenzaburo Oé, et de quelques politiques (tel l’ancien premier ministre Yukio Hatoyama, qui s’est mêlé aux manifestants le 20 juillet dernier), on retrouve en grande majorité des « citoyens ordinaires », de tous âges et de tous profils : étudiants, cadres, familles, retraités... Pour tous, le danger nucléaire est évident et doit absolument être évité, pour préserver la vie et les générations futures. On peut imaginer que la récente découverte des mutations génétiques chez les papillons de la région de Fukushima, ainsi que celle de poissons très fortement contaminés au large de Fukushima, contribuera à une prise de conscience encore plus large.

Vidéo de la manifestation du 29 juillet 2012 devant le Parlement :

À cela s’ajoute l’exaspération croissante contre l’irresponsabilité des autorités. Le 5 juillet, une enquête parlementaire attribuant principalement la catastrophe à des erreurs humaines [3] avait déjà amené à voir la crise sous une autre perspective. Plus question d’un désastre naturel à accepter avec fatalité, mais bien d’une remise en cause des autorités et des firmes nucléaires qui se sont défilé devant leurs responsabilités et ont sciemment couvert de dangereuses failles de sûreté. Pour la société japonaise, peu encline à la remise en question de la hiérarchie, ce fut un véritable choc. Depuis, les révélations sur l’irresponsabilité des autorités et les mensonges de Tepco continuent de se succéder :

  • Le 27 juillet, un rapport du Ministère de l’Enseignement et des Sciences a révélé que le gouvernement n’avait même pas songé à publier les données rassemblées par SPEEDI, un logiciel qui permettait de simuler la dispersion des substances radioactives. En l’absence d’informations, des milliers de personnes s’étaient réfugiées dans la ville de Namie, située juste sous le panache radioactif [4] !
  • Début août, le journal Yomiuri Shimbun a publié une retranscription de vidéoconférences datant des tout premiers jours suivant la catastrophe. Celle-ci fait état d’une gestion désastreuse de la crise par les autorités, qu’on voit exploser. Les injonctions contradictoires pleuvent et personne ne semble avoir la situation en main [5].
  • Enfin, il a été reporté à plusieurs reprises que des travailleurs sous-traitants de Tepco opérant actuellement sur la centrale accidentée « oubliaient » de porter leur dosimètre [6]...

Cette exaspération a des répercussions politiques. Le 28 juillet a vu la création d’un parti Vert japonais, Greens Japan. Issu des activistes du mouvement antinucléaire, comptant beaucoup de jeunes et de femmes, il ne compte aucun « professionnel de la politique » et vient bouleverser le jeu politique japonais, qui ne comptait jusqu’ici que deux partis-mastodontes, le Parti Libéral-Démocrate (au pouvoir sans interruption de 1955 à 2009) et le Parti Démocrate. Les élections législatives de l’été 2013 auront valeur de test.

Chaîne humaine autour du Parlement Japonais
photo Associated Press

La pression des populations porte apparemment ses fruits. En effet, le Premier Ministre Yoshihiko Noda a choisi le 6 août, date de commémoration du bombardement d’Hiroshima, pour annoncer qu’il avait demandé à son gouvernement d’envisager comment se passer à terme de l’énergie nucléaire au Japon. Yukio Edano, ministre de l’Industrie, a même déclaré : « Je ne pense pas que sortir du nucléaire soit négatif pour l’économie japonaise. Nous pouvons le faire ». À la fin du mois d’août, un projet de réforme de politique énergétique doit être proposé et des experts doivent se prononcer sur la part future du nucléaire dans le mix énergétique : 25 % ? 15% ? 0% ? Éspérons que la mobilisation des citoyens rendra incontournable le choix d’un Japon sans nucléaire !



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