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Sortir du nucléaire n°46



Eté 2010

Analyse

Les Etats-Unis contaminés par le modèle nucléaire français ?

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°46 - Eté 2010

 Déchets radioactifs
Article publié le : 1er août 2010


Avec l’abandon du projet de Yucca Mountain, au Nevada, les États-Unis doivent repenser complètement leur politique de gestion des déchets nucléaires. La récente décision de Barack Obama d’accorder des prêts pour construire de nouvelles centrales nucléaires a également changé la donne. C’est dans ce contexte que l’Institute for Energy and Environmental Research (IEER) s’attaque à la "mythologie" du programme français de retraitement.



Le projet de stockage définitif des déchets nucléaires à Yucca Mountain était dénoncé depuis près de 30 ans par les organisations écologistes mais aussi par les autorités du Nevada et la ville de Las Vegas, gênée par cet encombrant voisin. Plusieurs études scientifiques avaient fait apparaître des problèmes insoupçonnés et la tenue à long terme des conteneurs de déchets s’avérait problématique, même dans cette zone très aride et désertique. L’élection de Barack Obama a porté un ultime coup à un projet qui est aujourd’hui annulé.
Les États-Unis doivent maintenant trouver un autre site, d’autant plus que les exploitants de centrales menacent d’attaquer le gouvernement pour n’avoir pas tenu ses engagements. Tout le processus est donc relancé, mais dans un contexte très différent. "Yucca Mountain a été conçu à un moment où nous ne pensions pas redémarrer l’industrie nucléaire", s’exclamait le 5 mars dernier Steven Chu, secrétaire américain à l’Énergie (Reuters). Il y a effectivement une interaction forte entre les politiques de gestion des déchets et les perspectives de développement de l’énergie nucléaire. Pour que l’opinion accepte le redéploiement de cette industrie il faut que la question des déchets apparaisse résolue. Le lobby nucléaire en revient à ses mythes fondateurs, vieux de plus d’un demi-siècle : le rêve d’une énergie pratiquement éternelle avec des réacteurs qui absorbent leurs propres déchets. Dans cette course aux mirages, la France, avec ses usines de retraitement et ses surgénérateurs, fait figure de modèle.
Dans un récent rapport, Arjun Makhijani, le président de l’IEER, fait le point sur cette question et dissèque notamment le nucléaire français.

Un bilan sans appel

Le rapport de l’IEER "The mythology and messy reality of the nuclear reprocessing" s’appuie sur un tour d’horizon des questions de retraitement et de réacteurs surgénérateurs. La situation française est particulièrement détaillée. Première constatation : le retraitement, tel qu’il est pratiqué en France, n’a pas résolu la question des déchets nucléaires et l’opposition des populations locales concernées est tout à fait comparable à celle qui existe dans les autres pays. Mais les ennuis ne s’arrêtent pas là. Le retraitement entraîne un surcoût considérable pour le prix du kWh et le stockage sous forme liquide de déchets à très haute activité représente un risque supplémentaire énorme. A. Makhijani procède
également à une évaluation de la proportion de l’uranium qui pourrait être réellement utilisée avec un parc de réacteurs à eau pressurisée : même avec le retraitement et le réenrichissement il est impossible d’utiliser plus de 1 % de l’uranium de départ.

"Après six décennies de développement et d’énormes dépenses, les réacteurs surgénérateurs refroidis au sodium et le retraitement ne sont pas parvenus à un stade commercial", rappelle l’IEER dans ses recommandations. "Étant donné les délais importants avant commercialisation (...), les risques de prolifération, et les efforts déjà réalisés, il ne semble pas judicieux de continuer à investir plus d’argent de Recherche & Développement dans cette voie. Les moyens de R&D concernant l’approvisionnement énergétique devraient être utilisés en priorité au développement et au déploiement des énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique."

Jean-Luc Thierry

Le rapport "Mythology and messy reality of nuclear fuel reprocessing" (Arjun Makhijani, avril 2010) est consultable sur www.ieer.org

Le projet de stockage définitif des déchets nucléaires à Yucca Mountain était dénoncé depuis près de 30 ans par les organisations écologistes mais aussi par les autorités du Nevada et la ville de Las Vegas, gênée par cet encombrant voisin. Plusieurs études scientifiques avaient fait apparaître des problèmes insoupçonnés et la tenue à long terme des conteneurs de déchets s’avérait problématique, même dans cette zone très aride et désertique. L’élection de Barack Obama a porté un ultime coup à un projet qui est aujourd’hui annulé.
Les États-Unis doivent maintenant trouver un autre site, d’autant plus que les exploitants de centrales menacent d’attaquer le gouvernement pour n’avoir pas tenu ses engagements. Tout le processus est donc relancé, mais dans un contexte très différent. "Yucca Mountain a été conçu à un moment où nous ne pensions pas redémarrer l’industrie nucléaire", s’exclamait le 5 mars dernier Steven Chu, secrétaire américain à l’Énergie (Reuters). Il y a effectivement une interaction forte entre les politiques de gestion des déchets et les perspectives de développement de l’énergie nucléaire. Pour que l’opinion accepte le redéploiement de cette industrie il faut que la question des déchets apparaisse résolue. Le lobby nucléaire en revient à ses mythes fondateurs, vieux de plus d’un demi-siècle : le rêve d’une énergie pratiquement éternelle avec des réacteurs qui absorbent leurs propres déchets. Dans cette course aux mirages, la France, avec ses usines de retraitement et ses surgénérateurs, fait figure de modèle.
Dans un récent rapport, Arjun Makhijani, le président de l’IEER, fait le point sur cette question et dissèque notamment le nucléaire français.

Un bilan sans appel

Le rapport de l’IEER "The mythology and messy reality of the nuclear reprocessing" s’appuie sur un tour d’horizon des questions de retraitement et de réacteurs surgénérateurs. La situation française est particulièrement détaillée. Première constatation : le retraitement, tel qu’il est pratiqué en France, n’a pas résolu la question des déchets nucléaires et l’opposition des populations locales concernées est tout à fait comparable à celle qui existe dans les autres pays. Mais les ennuis ne s’arrêtent pas là. Le retraitement entraîne un surcoût considérable pour le prix du kWh et le stockage sous forme liquide de déchets à très haute activité représente un risque supplémentaire énorme. A. Makhijani procède
également à une évaluation de la proportion de l’uranium qui pourrait être réellement utilisée avec un parc de réacteurs à eau pressurisée : même avec le retraitement et le réenrichissement il est impossible d’utiliser plus de 1 % de l’uranium de départ.

"Après six décennies de développement et d’énormes dépenses, les réacteurs surgénérateurs refroidis au sodium et le retraitement ne sont pas parvenus à un stade commercial", rappelle l’IEER dans ses recommandations. "Étant donné les délais importants avant commercialisation (...), les risques de prolifération, et les efforts déjà réalisés, il ne semble pas judicieux de continuer à investir plus d’argent de Recherche & Développement dans cette voie. Les moyens de R&D concernant l’approvisionnement énergétique devraient être utilisés en priorité au développement et au déploiement des énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique."

Jean-Luc Thierry

Le rapport "Mythology and messy reality of nuclear fuel reprocessing" (Arjun Makhijani, avril 2010) est consultable sur www.ieer.org



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