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Sortir du nucléaire n°49



Printemps 2011

Catastrophe nucléaire au Japon

Le syndrome de Fukushima

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°49 - Printemps 2011

 Fukushima
Article publié le : 1er mai 2010


Cette nouvelle page de la triste histoire des catastrophes nucléaires (qui est loin d’être entièrement écrite) s’est ouverte de la même manière que les précédentes : par des silences et des mensonges. Soucieux sans doute de préserver son image internationale, le gouvernement japonais a maintenu pendant plus d’une semaine un classement de l’accident au niveau 4 de l’échelle INES en dépit de toute vraisemblance. L’Agence Internationale de l’Énergie Atomique, pourtant à l’origine de cette échelle internationale des événements nucléaires, n’a pas fait grand-chose pour dénoncer cette sous-évaluation ni même pour favoriser une mobilisation internationale des secours.

Tout aussi consternant est le procès en indécence qui est fait à ceux qui dénoncent depuis des décennies les risques d’un accident majeur. Comment qualifier les propos des dirigeants industriels et des responsables politiques, en France mais aussi dans de nombreux autres pays, qui vantent les mérites de leurs filières nucléaires et s’inquiètent d’éventuels retards dans les contrats ? La France a d’ailleurs dû laisser un souvenir impérissable chez ses partenaires japonais : au moment où Anne Lauvergeon proclamait crânement que “s’il y avait des EPR à Fukushima, il n’y aurait pas de fuites possibles dans l’environnement, quelle que soit la situation”, elle organisait dans l’urgence le rapatriement du personnel d’Areva.

Les chefs d’État de nombreux pays du monde ont entonné leur antienne habituelle et appelé à ne pas remettre en cause, dans l’émotion de l’événement, les fondements d’une politique énergétique. Lorsque le président français claironne que “l’excellence technique, la rigueur, l’indépendance et la transparence de notre dispositif de sûreté sont reconnues mondialement”, le président Obama affirme que le nucléaire fait partie de l’avenir énergétique des États-Unis et le Premier ministre David Cameron déclare en écho que le nucléaire doit faire partie du bouquet énergétique britannique. Quant à Vladimir Poutine il réaffirme que la Russie va continuer d’aider la Turquie dans la construction de centrales “plus sûres que celles de Fukushima” (par exemple à Akkuyu, dans une zone de très forte sismicité…). Mais ces discours ont un impact limité sur des sociétés civiles qui s’estiment bernées par la propagande sur la sécurité absolue de l’industrie nucléaire. Confrontés à cette défiance, les dirigeants politiques font un peu comme les ingénieurs de Tepco : ils prennent des mesures pour réduire la pression. En France, en Grande-Bretagne et progressivement dans l’ensemble de l’Europe, les installations nucléaires seront contrôlées. En Allemagne, la chancelière ordonne la fermeture provisoire de sept réacteurs. Aux États-Unis, Obama concède également des contrôles tandis qu’en Chine le gouvernement gèle le processus d’approbation pour la construction de nouvelles centrales. Reste à savoir si ces promesses, prises sous la pression des opinions, dépasseront le stade de l’exercice de relations publiques.

Dans les années 70, l’accident majeur a été décrit par une formule métaphorique : le syndrome chinois. Le cœur nucléaire en fusion traverserait l’écorce terrestre pour rejoindre les antipodes. Si la réalité physique de ce phénomène est bien évidemment exclue, force est de constater que l’impact politique de la catastrophe de Fukushima irradie le reste du monde. Triste ironie de l’histoire, cet accident survient pratiquement au moment du 25e anniversaire de Tchernobyl. “Le monde n’a pas tenu compte de la première leçon atomique”, constate douloureusement Svetlana Alexievitch, l’auteur de La Supplication. “Mais voilà la deuxième leçon atomique, quand tout se passe dans le pays le plus développé techniquement, dans les centrales les plus sécurisées… Ce n’est pas une tragédie que pour le Japon, mais pour toute l’humanité.”

Jean-Luc Thierry

Cette nouvelle page de la triste histoire des catastrophes nucléaires (qui est loin d’être entièrement écrite) s’est ouverte de la même manière que les précédentes : par des silences et des mensonges. Soucieux sans doute de préserver son image internationale, le gouvernement japonais a maintenu pendant plus d’une semaine un classement de l’accident au niveau 4 de l’échelle INES en dépit de toute vraisemblance. L’Agence Internationale de l’Énergie Atomique, pourtant à l’origine de cette échelle internationale des événements nucléaires, n’a pas fait grand-chose pour dénoncer cette sous-évaluation ni même pour favoriser une mobilisation internationale des secours.

Tout aussi consternant est le procès en indécence qui est fait à ceux qui dénoncent depuis des décennies les risques d’un accident majeur. Comment qualifier les propos des dirigeants industriels et des responsables politiques, en France mais aussi dans de nombreux autres pays, qui vantent les mérites de leurs filières nucléaires et s’inquiètent d’éventuels retards dans les contrats ? La France a d’ailleurs dû laisser un souvenir impérissable chez ses partenaires japonais : au moment où Anne Lauvergeon proclamait crânement que “s’il y avait des EPR à Fukushima, il n’y aurait pas de fuites possibles dans l’environnement, quelle que soit la situation”, elle organisait dans l’urgence le rapatriement du personnel d’Areva.

Les chefs d’État de nombreux pays du monde ont entonné leur antienne habituelle et appelé à ne pas remettre en cause, dans l’émotion de l’événement, les fondements d’une politique énergétique. Lorsque le président français claironne que “l’excellence technique, la rigueur, l’indépendance et la transparence de notre dispositif de sûreté sont reconnues mondialement”, le président Obama affirme que le nucléaire fait partie de l’avenir énergétique des États-Unis et le Premier ministre David Cameron déclare en écho que le nucléaire doit faire partie du bouquet énergétique britannique. Quant à Vladimir Poutine il réaffirme que la Russie va continuer d’aider la Turquie dans la construction de centrales “plus sûres que celles de Fukushima” (par exemple à Akkuyu, dans une zone de très forte sismicité…). Mais ces discours ont un impact limité sur des sociétés civiles qui s’estiment bernées par la propagande sur la sécurité absolue de l’industrie nucléaire. Confrontés à cette défiance, les dirigeants politiques font un peu comme les ingénieurs de Tepco : ils prennent des mesures pour réduire la pression. En France, en Grande-Bretagne et progressivement dans l’ensemble de l’Europe, les installations nucléaires seront contrôlées. En Allemagne, la chancelière ordonne la fermeture provisoire de sept réacteurs. Aux États-Unis, Obama concède également des contrôles tandis qu’en Chine le gouvernement gèle le processus d’approbation pour la construction de nouvelles centrales. Reste à savoir si ces promesses, prises sous la pression des opinions, dépasseront le stade de l’exercice de relations publiques.

Dans les années 70, l’accident majeur a été décrit par une formule métaphorique : le syndrome chinois. Le cœur nucléaire en fusion traverserait l’écorce terrestre pour rejoindre les antipodes. Si la réalité physique de ce phénomène est bien évidemment exclue, force est de constater que l’impact politique de la catastrophe de Fukushima irradie le reste du monde. Triste ironie de l’histoire, cet accident survient pratiquement au moment du 25e anniversaire de Tchernobyl. “Le monde n’a pas tenu compte de la première leçon atomique”, constate douloureusement Svetlana Alexievitch, l’auteur de La Supplication. “Mais voilà la deuxième leçon atomique, quand tout se passe dans le pays le plus développé techniquement, dans les centrales les plus sécurisées… Ce n’est pas une tragédie que pour le Japon, mais pour toute l’humanité.”

Jean-Luc Thierry



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