Faire un don

Sortir du nucléaire n°79



Automne 2018

Alternatives

Le stockage de l’énergie électrique : Pourquoi est-il nécessaire de stocker de l’énergie électrique ?

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°79 - Automne 2018

 Energies renouvelables  Maîtrise de l’énergie


Les trois fonctions principales pour le système de production, de transport et de distribution de l’électricité

Premièrement, cela permet le lissage de la charge. La production électrique doit toujours être égale à la consommation et doit donc en permanence s’adapter à l’évolution des besoins de la consommation, sinon la fréquence et la tension électrique sont perturbées. Les conséquences peuvent conduire à des dysfonctionnements d’appareils, voire à des coupures d’électricité. Lorsque la production est supérieure à la consommation on rétablit l’équilibre en stockant de l’énergie et réciproquement lorsque la production est inférieure à la consommation on rétablit l’équilibre en puisant dans les moyens de stockage.

Deuxièmement, le stockage assure une fonction de secours. L’arrêt non programmé d’un réacteur nucléaire, une rupture de ligne ou encore un incendie de transformateur sont les causes de défaillances du réseau électrique qui doivent être palliées quasi instantanément par la mise en service de moyens de production de secours.

Enfin, le stockage permet l’intégration dans le réseau de sources d’énergies intermittentes. Même si les prévisions météorologiques permettent d’anticiper les niveaux de production de l’éolien et du photovoltaïque, il y a des moments d’excédent de production. En l’absence de moyens de stockage cette production serait perdue. Parallèlement, lors d’une insuffisance de production les réserves stockées seront restituées, on évite ainsi le recours à d’autres sources de production polluantes (thermique à flamme ou nucléaire). La disponibilité de moyens de stockage régularisant l’offre et la demande devrait aussi limiter les fluctuations du prix de l’électricité.

Six principaux moyens de stockage de l’énergie électrique

Station de transfert d’énergie par pompage (STEP)

Station de transfert d’énergie par pompage (STEP) du Lac Noir (Alsace).

Un réservoir d’eau d’un bassin supérieur permet de stocker de l’énergie potentielle gravitaire. En période de forte demande électrique, l’eau du bassin supérieur alimente une turbine reliée à un alternateur pour produire de l’électricité, pour terminer dans un bassin inférieur. En période de faible demande électrique, où l’électricité est abondante, la turbine réversible pompe l’eau de ce bassin inférieur pour l’acheminer vers le bassin supérieur. Cette technique est utilisée depuis de nombreuses années, avec les centrales nucléaires, l’excès de production électrique nocturne est utilisé pour pomper l’eau du bassin inférieur vers le supérieur. La puissance disponible française en STEP est de 4,3 GW. Cette technologie a un bon rendement, les pertes énergétiques sont d’environ 25 % et elle peut être mise en service en 10 minutes. Si les potentiels théoriques de développement sont importants, les impacts écologiques de la construction de nouveaux réservoirs limitent très largement les nouvelles implantations surtout après le drame de Sivens.

Volant d’inertie

VOLANT D’INERTIE - 1 : Coffre 2 : Volant 3 : Moteur 4 : Support 5 : Onduleur 6 : Pompe 7 : Charge 8 : Décharge

Le stockage par volant d’inertie consiste à stocker l’électricité sous forme d’énergie cinétique. Un tel système est constitué d’une masse cylindrique fixée à un axe rotatif. Cette masse est entraînée par un moteur électrique en période creuse, pour charger le système en énergie cinétique. En période de décharge, cette énergie fait tourner un alternateur pour produire de l’électricité. Une fois lancée, la masse tourne par inertie, à des vitesses pouvant atteindre les 16 000 tours par minute  [1].

Ce système a un excellent rendement (moins de 5 % de pertes), il peut produire de l’électricité en quelques millisecondes mais il est limité en puissance. Il est très utile pour pallier les pics de consommation brefs comme ceux de 19h le soir et il peut être installé au plus près des lieux de consommation.

Stockage par air comprimé : CAES (Compressed Air Energy Storage)

Stockage par air comprimé : CAES (Compressed Air Energy Storage)

Durant les moments d’excès de production d’électricité, le compresseur comprime l’air pour le stocker dans des réservoirs ou des cavernes souterraines. Cet air comprimé est ensuite envoyé dans une chaudière puis dans une turbine pour produire de l’électricité grâce à un alternateur. Le rendement de ce type de système n’est pas très bon (50 % de perte), mais des évolutions technologiques devraient permettre de l’améliorer dans les années à venir.

Stockage sous forme d’hydrogène

Le principe du stockage d’électricité sous forme d’hydrogène repose sur l’électrolyse de l’eau. L’eau est décomposée en oxygène et en hydrogène lors d’un pic de production électrique. Cet hydrogène est ensuite comprimé, liquéfié ou bien stocké sous forme d’hydrure métallique. Cette transformation a un très mauvais rendement (perte supérieure à 50 %). La transformation inverse, pour réinjecter de l’électricité sur le réseau à partir de l’hydrogène stocké, peut se faire grâce à trois procédés : alimentation d’une pile à combustible, synthèse du gaz naturel par méthanation [2] pouvant ensuite alimenter une centrale à gaz ou encore utilisation de l’hydrogène dans une centrale à gaz conçue à cet effet. Le grand intérêt de cette technique réside dans le fait qu’on dispose déjà des infrastructures de stockage du méthane, à savoir le réseau actuel de stockage et distribution du gaz naturel.

Stockage dans des batteries électrochimiques

Des plaques métalliques insérées dans des solutions ioniques permettent une circulation réversible d’électrons. L’énergie est stockée sous forme chimique. Les rendements sont bons et la mise en service rapide. Néanmoins la production de batteries, nécessite des matériaux coûteux et des processus de production eux-mêmes polluants. L’hypothèse d’utiliser les batteries des véhicules électriques semble une idée séduisante mais, les batteries ne pouvant être chargées/déchargées qu’un nombre limité de fois, cet usage risque de raccourcir leur durée de fonctionnement.

Stockage d’électricité sous forme thermique

Cette technique repose sur un cycle thermodynamique lors duquel de l’énergie électrique est emmagasinée sous forme de chaleur dans des matériaux réfractaires portés à haute température puis restituée lorsqu’un besoin de production électrique apparaît. L’installation de stockage comprend deux enceintes pressurisées. Une enceinte à haute température et une enceinte à basse température reliées entre elles par des turbomachines. Durant la phase de stockage, l’électricité est utilisée pour entraîner une pompe à chaleur qui transfère de la chaleur d’une enceinte basse température à l’enceinte haute température. Durant la phase de décharge, la chaleur de l’enceinte à haute température est transformée en énergie mécanique par un ensemble turbine-compresseur qui entraîne une génératrice renvoyant l’énergie électrique dans le réseau, puis transférée dans l’enceinte basse température. Les études préliminaires ont montré qu’un rendement global de 70 % est accessible avec les performances des turbomachines existantes.

Les moyens techniques de stockage des excès ponctuels d’électricité existent et il est nécessaire de les développer. Les investissements dans ces moyens ne seront possibles que par le transfert des milliards aujourd’hui engloutis par le nucléaire et les fossiles. Le stockage électrique à l’échelle de région devrait aussi limiter le transport d’électricité sur de grandes distances, ce qui limiterait les pertes et éviterait la construction de nouvelles lignes Très Haute Tension.

Martial Château


Notes

[1L’enceinte sous vide et les paliers magnétiques assurent une absence de frottement.

[2Méthanation : réaction chimique de l’hydrogène sur le gaz carbonique produisant du méthane (gaz “naturel“). Cette réaction dégage beaucoup de chaleur qui peut être utilisée pour améliorer le rendement de l’électrolyse de l’eau.

Les trois fonctions principales pour le système de production, de transport et de distribution de l’électricité

Premièrement, cela permet le lissage de la charge. La production électrique doit toujours être égale à la consommation et doit donc en permanence s’adapter à l’évolution des besoins de la consommation, sinon la fréquence et la tension électrique sont perturbées. Les conséquences peuvent conduire à des dysfonctionnements d’appareils, voire à des coupures d’électricité. Lorsque la production est supérieure à la consommation on rétablit l’équilibre en stockant de l’énergie et réciproquement lorsque la production est inférieure à la consommation on rétablit l’équilibre en puisant dans les moyens de stockage.

Deuxièmement, le stockage assure une fonction de secours. L’arrêt non programmé d’un réacteur nucléaire, une rupture de ligne ou encore un incendie de transformateur sont les causes de défaillances du réseau électrique qui doivent être palliées quasi instantanément par la mise en service de moyens de production de secours.

Enfin, le stockage permet l’intégration dans le réseau de sources d’énergies intermittentes. Même si les prévisions météorologiques permettent d’anticiper les niveaux de production de l’éolien et du photovoltaïque, il y a des moments d’excédent de production. En l’absence de moyens de stockage cette production serait perdue. Parallèlement, lors d’une insuffisance de production les réserves stockées seront restituées, on évite ainsi le recours à d’autres sources de production polluantes (thermique à flamme ou nucléaire). La disponibilité de moyens de stockage régularisant l’offre et la demande devrait aussi limiter les fluctuations du prix de l’électricité.

Six principaux moyens de stockage de l’énergie électrique

Station de transfert d’énergie par pompage (STEP)

Station de transfert d’énergie par pompage (STEP) du Lac Noir (Alsace).

Un réservoir d’eau d’un bassin supérieur permet de stocker de l’énergie potentielle gravitaire. En période de forte demande électrique, l’eau du bassin supérieur alimente une turbine reliée à un alternateur pour produire de l’électricité, pour terminer dans un bassin inférieur. En période de faible demande électrique, où l’électricité est abondante, la turbine réversible pompe l’eau de ce bassin inférieur pour l’acheminer vers le bassin supérieur. Cette technique est utilisée depuis de nombreuses années, avec les centrales nucléaires, l’excès de production électrique nocturne est utilisé pour pomper l’eau du bassin inférieur vers le supérieur. La puissance disponible française en STEP est de 4,3 GW. Cette technologie a un bon rendement, les pertes énergétiques sont d’environ 25 % et elle peut être mise en service en 10 minutes. Si les potentiels théoriques de développement sont importants, les impacts écologiques de la construction de nouveaux réservoirs limitent très largement les nouvelles implantations surtout après le drame de Sivens.

Volant d’inertie

VOLANT D’INERTIE - 1 : Coffre 2 : Volant 3 : Moteur 4 : Support 5 : Onduleur 6 : Pompe 7 : Charge 8 : Décharge

Le stockage par volant d’inertie consiste à stocker l’électricité sous forme d’énergie cinétique. Un tel système est constitué d’une masse cylindrique fixée à un axe rotatif. Cette masse est entraînée par un moteur électrique en période creuse, pour charger le système en énergie cinétique. En période de décharge, cette énergie fait tourner un alternateur pour produire de l’électricité. Une fois lancée, la masse tourne par inertie, à des vitesses pouvant atteindre les 16 000 tours par minute  [1].

Ce système a un excellent rendement (moins de 5 % de pertes), il peut produire de l’électricité en quelques millisecondes mais il est limité en puissance. Il est très utile pour pallier les pics de consommation brefs comme ceux de 19h le soir et il peut être installé au plus près des lieux de consommation.

Stockage par air comprimé : CAES (Compressed Air Energy Storage)

Stockage par air comprimé : CAES (Compressed Air Energy Storage)

Durant les moments d’excès de production d’électricité, le compresseur comprime l’air pour le stocker dans des réservoirs ou des cavernes souterraines. Cet air comprimé est ensuite envoyé dans une chaudière puis dans une turbine pour produire de l’électricité grâce à un alternateur. Le rendement de ce type de système n’est pas très bon (50 % de perte), mais des évolutions technologiques devraient permettre de l’améliorer dans les années à venir.

Stockage sous forme d’hydrogène

Le principe du stockage d’électricité sous forme d’hydrogène repose sur l’électrolyse de l’eau. L’eau est décomposée en oxygène et en hydrogène lors d’un pic de production électrique. Cet hydrogène est ensuite comprimé, liquéfié ou bien stocké sous forme d’hydrure métallique. Cette transformation a un très mauvais rendement (perte supérieure à 50 %). La transformation inverse, pour réinjecter de l’électricité sur le réseau à partir de l’hydrogène stocké, peut se faire grâce à trois procédés : alimentation d’une pile à combustible, synthèse du gaz naturel par méthanation [2] pouvant ensuite alimenter une centrale à gaz ou encore utilisation de l’hydrogène dans une centrale à gaz conçue à cet effet. Le grand intérêt de cette technique réside dans le fait qu’on dispose déjà des infrastructures de stockage du méthane, à savoir le réseau actuel de stockage et distribution du gaz naturel.

Stockage dans des batteries électrochimiques

Des plaques métalliques insérées dans des solutions ioniques permettent une circulation réversible d’électrons. L’énergie est stockée sous forme chimique. Les rendements sont bons et la mise en service rapide. Néanmoins la production de batteries, nécessite des matériaux coûteux et des processus de production eux-mêmes polluants. L’hypothèse d’utiliser les batteries des véhicules électriques semble une idée séduisante mais, les batteries ne pouvant être chargées/déchargées qu’un nombre limité de fois, cet usage risque de raccourcir leur durée de fonctionnement.

Stockage d’électricité sous forme thermique

Cette technique repose sur un cycle thermodynamique lors duquel de l’énergie électrique est emmagasinée sous forme de chaleur dans des matériaux réfractaires portés à haute température puis restituée lorsqu’un besoin de production électrique apparaît. L’installation de stockage comprend deux enceintes pressurisées. Une enceinte à haute température et une enceinte à basse température reliées entre elles par des turbomachines. Durant la phase de stockage, l’électricité est utilisée pour entraîner une pompe à chaleur qui transfère de la chaleur d’une enceinte basse température à l’enceinte haute température. Durant la phase de décharge, la chaleur de l’enceinte à haute température est transformée en énergie mécanique par un ensemble turbine-compresseur qui entraîne une génératrice renvoyant l’énergie électrique dans le réseau, puis transférée dans l’enceinte basse température. Les études préliminaires ont montré qu’un rendement global de 70 % est accessible avec les performances des turbomachines existantes.

Les moyens techniques de stockage des excès ponctuels d’électricité existent et il est nécessaire de les développer. Les investissements dans ces moyens ne seront possibles que par le transfert des milliards aujourd’hui engloutis par le nucléaire et les fossiles. Le stockage électrique à l’échelle de région devrait aussi limiter le transport d’électricité sur de grandes distances, ce qui limiterait les pertes et éviterait la construction de nouvelles lignes Très Haute Tension.

Martial Château



Soyez au coeur de l'information !

Tous les 3 mois, retrouvez 36 pages (en couleur) de brèves, interviews, articles, BD, alternatives concrètes, actions originales, luttes antinucléaires à l’étranger, décryptages, etc.

Je m'abonne à la revue du Réseau