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Sortir du nucléaire n°37



Déc - janv 2008

Risques

Le nucléaire et l’eau

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°37 - Déc - janv 2008

 Nucléaire et climat  Le nucléaire et l’eau  Sites nucléaires
Article publié le : 1er janvier 2008


Tous les établissements nucléaires, centrales atomiques, complexes industriels (pudiquement baptisés CEN : centres d’études nucléaires, mais certains à finalité militaire), anciennes mines d’uranium et sites de stockage de déchets, engendrent des pollutions radioactives et chimiques dans les milieux aquatiques. Il faut aussi évoquer les problèmes dus aux prélèvements d’eau et aux barrages-réservoirs liés aux réacteurs. Une situation occultée en France par l’administration et par la plupart des médias.



La France est l’état qui possède le triste record mondial en établissements nucléaires, par rapport à sa superficie et par rapport à sa population. Un demi-siècle d’activités atomiques a parsemé le pays de sites en activité, ou déclassés, ou abandonnés, lesquels rejettent ou laissent échapper dans l’environnement des radioéléments et des polluants chimiques.

Aux émissions gazeuses radioactives des centrales s’ajoutent d’importants rejets ou écoulements qui contaminent les eaux de surface (cours d’eau, plans d’eau et eaux littorales) et les eaux souterraines. La surveillance de ces pollutions est sous-gérée par l’administration. Les analyses “officielles” sont, ou bien non réalisées, ou bien tenues secrètes, ou encore mensongèrement minimisées. Ainsi, le seuil sanitaire de radioactivité bêta totale de 0,37 Bq/l (becquerel par litre) pour les eaux de consommation (eaux de distribution et eaux en bouteille) n’est pas, en général, contrôlé.

Les rejets “légaux” des centrales dans les milieux aquatiques

La Loi de Protection de la Nature de 1976 stipulait l’interdiction de l’introduction dans l’environnement de toute substance polluante. Mais ce beau principe est dérogé, pour les “établissements classés” (industriels, énergétiques et agricoles), par des autorisations de rejets polluants dans des normes fixées par arrêté préfectoral ou par décret. Ainsi les centrales nucléaires peuvent émettre “légalement” des gaz radioactifs (du tritium principalement et des gaz rares), des rejets liquides chimiques et des substances radioactives en milieu aquatique.

Les seuils à ne pas dépasser sont fixés suffisamment hauts pour qu’un “incident” augmentant un rejet reste dans la norme annuelle autorisée. C’est ce qui se produisit en 1984 à la centrale du Blayais : 160 m3 d’effluents radioactifs furent déversés dans la Gironde, par suite d’une fausse manœuvre, ceci correspondant à plusieurs milliards de becquerels. Mais il n’y eut pas “d’accident nucléaire” car la dose annuelle de radioactivité autorisée ne fut pas dépassée.

Stop Golfech a publié les quantités des rejets annuels dans la Garonne de la centrale de Golfech, en 2002, 2003 et 2004, d’après les rapports EDF. Pour les produits radioactifs, la centrale avait rejeté, en 2002, 125 920 m3 de liquides représentant, pour le tritium, une radioactivité de 1 897 ci (1 ci, curie = 37 milliards de Bq).
Outre ces émissions radioactives, la centrale rejette dans le fleuve des substances chimiques : de la soude à 48 % (115 tonnes en 2004), de l’acide chlorhydrique à 33 % (173,5 t), du sodium (30,4 t), du chlore (56 t), de l’acide borique (17 t en 2002), de l’ammoniaque (3,1 t), de la morpholine, de l’hydrazine, des phosphates, des sulfates, des AOX… Des centrales ont été autorisées à rejeter du cuivre et du zinc, d’autres des biocides utilisés pour éliminer des amibes pathogènes.

Ces produits chimiques et des radioéléments vont migrer et se concentrer dans les organismes aquatiques et dans les sédiments. Ils pourront se retrouver dans l’eau d’irrigation pompée dans le cours d’eau.

Par ailleurs, l’eau chaude émise par la centrale et provenant du circuit de refroidissement, va provoquer une mortalité ou des troubles chez la faune aquatique. La présence de sels minéraux va induire la prolifération d’une certaine flore et microflore aquatiques. C’est le phénomène d’eutrophisation, lequel se traduit par la diminution de l’oxygène dissous et le “pourrissement” des eaux.

Pollutions accidentelles et pollutions diffuses

À ces pollutions “légales”, dues aux rejets des centrales “en fonctionnement normal”, s’ajoutera l’émission accidentelle ou diffuse de produits radioactifs par divers sites nucléaires. Outre “l’incident” de la centrale du Blayais précédemment cité, on peut évoquer l’émission accidentelle de plutonium dans la Loire par la centrale de St-Laurent-des-Eaux, en 1980, plutonium que l’on retrouve à présent dans les sédiments du fleuve, la rupture, en 2004, de la digue d’un bassin de décantation de l’usine de Malvesi (prés de Narbonne), répandant dans les champs une eau chargée en nitrates, en uranium et en métaux… Des nappes phréatiques, des étangs, des petits cours d’eau, des canaux ont été ou sont pollués en radioéléments par les sites nucléaires de Marcoule, de Pierrelatte-Tricastin, de La Hague, de Saclay, du Bouchet (Essonne), du Bosc (Hérault), de St-Priest-la-Prugne (Loire)…

Mais le secteur le plus touché par une pollution aquatique radioactive est celui des anciennes mines d’uranium en Limousin (Jouac, Bellezane, Brugeaud, Bessines…). Ce secteur renferme la majorité des 50 millions de tonnes des résidus miniers français provenant de l’extraction de l’uranium. Le traitement des boues par la COGEMA entraîne des écoulements radioactifs qui gagnent le lac de St-Pardoux. Après la plainte déposée, en 2002, par l’association “Sources et rivières en Limousin” et le procès en 2005, la pollution du lac a été reconnue et le plan d’eau fut curé en automne 2006. Mais, pour l’association, cette opération ne supprime pas la source de pollution en amont du lac. Anecdote impensable : lors de la vidange du lac les poissons pêchés ont été vendus aux habitants…

Prélèvements d’eau et barrages de soutien d’étiage

Le circuit d’eau d’un réacteur qui, sous forme de vapeur sous pression, a fait tourner la turbine doit être refroidi par de l’eau pompée dans un milieu aquatique. Dans le système “circuit fermé” (voir figure), le prélèvement d’eau pour un réacteur de 1 000 à 1 300 MW est de l’ordre de 3 m3/sec. Le tiers de cette eau est évaporé par une tour réfrigérante. Ainsi les deux réacteurs de la centrale de Golfech prélèvent dans la Garonne dans les 220 millions de m3 par an et leurs tours en évaporent 40 millions.

C’est donc un fort volume d’eau qui est soustrait à un bassin hydrographique. S’additionnent à ce prélèvement les quantités d’eau utilisées pour l’irrigation, en sachant que 70 % de cette eau n’est pas restituée aux milieux naturels aquatiques.

Les centrales nucléaires et l’irrigation des grandes cultures (celle du maïs principalement) entraînent ainsi la diminution de la ressource en eau des bassins versants.

Par ailleurs, il faudra que le fleuve alimentant la centrale ait un débit suffisant, question qui se pose surtout en été, époque de l’étiage (l’étiage est le débit minimum d’un cours d’eau). Dans les années 1970, avant même que des projets de centrales se concrétisent, des “barrages de soutien d’étiage” furent réalisés dans le but d’apporter, en été, un complément d’eau à des fleuves ou des rivières pour des centrales nucléaires programmées. Cette finalité a été officiellement reconnue pour certains barrages-réservoirs en partie financés par EDF : l’énorme réservoir “Aube” (175 millions de m3) fut destiné à la centrale de Nogent-sur-Seine, celui de Lunax-Gimone (25 millions de m3), en Gascogne, à celle de Golfech, ceux de Grangent et Villerest (sur le cours supérieur de la Loire) et celui de Naussac (sur l’Allier) furent réalisés pour les centrales de la Loire, celui de Pierre Percée pour les réacteurs de Cattenom.

La maîtrise d’ouvrage de ces réservoirs fut confiée à des “institutions” composées essentiellement, sinon uniquement, d’élus territoriaux. Ce sont les EPTB, “établissements publics territoriaux de bassin”. Les EPTB vont profiter du programme électronucléaire pour décider d’autres barrages-réservoirs dans le bassin de la Loire, dans le bassin de la Garonne, mais aussi dans des bassins sans centrales nucléaires comme le bassin de l’Adour et le bassin de la Charente (dans ces bassins les réservoirs sont uniquement destinés à l’irrigation).

Le combat contre les barrages-réservoirs

La programmation de ces grands barrages-réservoirs, liés ou non aux centrales nucléaires, allait susciter une vive opposition de la part des populations riveraines, des écologistes, des naturalistes, des pêcheurs… Dans le bassin de la Loire, l’EPTB promoteur des barrages était l’EPALA présidé par le maire de Tours, Jean Royer. Après une quinzaine d’années de lutte (1980-1994), les opposants eurent gain de cause : les projets des barrages de Serre-de-la-Fare, du Veudre et de Chambonchard furent gelés. Un “Plan Loire Grandeur Nature” gère maintenant les cours d’eau et les vallées d’une façon assez écologique.

Dans les bassins de la Garonne, de la Charente et de l’Adour le combat anti-barrages fut plus difficile à mener à cause de la faible densité humaine du milieu rural et du fait de l’énorme lobby maïsicole, lobby soutenu par la plupart des élus (certains ayant des intérêts dans cette maïsiculture irriguée et dans la réalisation des barrages) et par l’administration complice (Agence de l’Eau Adour-Garonne et DDAFs).

Toutefois, des associations, comités et collectifs de défense réussirent à faire mettre au placard une demie douzaine de projets de grands réservoirs.

La lutte la plus remarquable fut menée par les habitants de la vallée du Gijou dans le Tarn menacés par un barrage qui aurait noyé trois hameaux.

Actuellement la mobilisation reste potentielle à l’encontre du barrage-réservoir de Charlas, dans le Comminges, au sud-ouest de Toulouse. Charlas serait le plus gros réservoir du Sud-Ouest (110 millions de m3). Il servirait à soutenir l’étiage de la Garonne (donc à alimenter Golfech, mais ceci n’étant écrit nulle part) et à accroître les superficies irriguées (toujours le maïs, avec une nouvelle filière : sa distillation en agro-carburant !). La résistance à Charlas dure depuis une vingtaine d’années. En automne 2003 se déroula un épique “débat public” opposant les pro et les anti-barrages. Le gouvernement Villepin, en 2006, avait promis le co-financement de l’état, mais le nouveau gouvernement ne s’est pas encore prononcé.

Signalons que le coût du barrage est chiffré à 300 millions d’euros et que l’Agence de l’Eau participerait à 50 % à son financement. Ceci signifie que les habitants du Sud-Ouest financeraient Charlas, et par leurs impôts et taxes et par leur facture d’eau !

Henry Chevallier Collectif Sortir du Nucléaire 32 Coordination Stop Golfech Réseau Eau France Nature Environnement E-mail : ende.doman@wanadoo.fr

Références bibliographiques :

Bruno Chareyron, 2005 – 50 ans d’extraction de l’uranium en France : quel impact ?, L’Ecologiste, n°16 (sept.-nov. 2005)

Henry Chevallier, 1993 – Les barrages-réservoirs liés aux centrales nucléaires, La Gazette Nucléaire, n°127-128 (juillet 1993)

Henry Chevallier, 2007 – L’Eau, un enjeu pour demain. État des lieux et perspectives, Editions Sang de la Terre, 351 pages (www.sang-de-la-terre.fr)

Coordination antinucléaire Stop Golfech – Volumes d’eau prélevés et évaporés par la centrale de Golfech, rejets radioactifs et chimiques, Stop Golfech, n°45 (août 2003), 49 (août 2004) et 54 (nov. 2005).

La France est l’état qui possède le triste record mondial en établissements nucléaires, par rapport à sa superficie et par rapport à sa population. Un demi-siècle d’activités atomiques a parsemé le pays de sites en activité, ou déclassés, ou abandonnés, lesquels rejettent ou laissent échapper dans l’environnement des radioéléments et des polluants chimiques.

Aux émissions gazeuses radioactives des centrales s’ajoutent d’importants rejets ou écoulements qui contaminent les eaux de surface (cours d’eau, plans d’eau et eaux littorales) et les eaux souterraines. La surveillance de ces pollutions est sous-gérée par l’administration. Les analyses “officielles” sont, ou bien non réalisées, ou bien tenues secrètes, ou encore mensongèrement minimisées. Ainsi, le seuil sanitaire de radioactivité bêta totale de 0,37 Bq/l (becquerel par litre) pour les eaux de consommation (eaux de distribution et eaux en bouteille) n’est pas, en général, contrôlé.

Les rejets “légaux” des centrales dans les milieux aquatiques

La Loi de Protection de la Nature de 1976 stipulait l’interdiction de l’introduction dans l’environnement de toute substance polluante. Mais ce beau principe est dérogé, pour les “établissements classés” (industriels, énergétiques et agricoles), par des autorisations de rejets polluants dans des normes fixées par arrêté préfectoral ou par décret. Ainsi les centrales nucléaires peuvent émettre “légalement” des gaz radioactifs (du tritium principalement et des gaz rares), des rejets liquides chimiques et des substances radioactives en milieu aquatique.

Les seuils à ne pas dépasser sont fixés suffisamment hauts pour qu’un “incident” augmentant un rejet reste dans la norme annuelle autorisée. C’est ce qui se produisit en 1984 à la centrale du Blayais : 160 m3 d’effluents radioactifs furent déversés dans la Gironde, par suite d’une fausse manœuvre, ceci correspondant à plusieurs milliards de becquerels. Mais il n’y eut pas “d’accident nucléaire” car la dose annuelle de radioactivité autorisée ne fut pas dépassée.

Stop Golfech a publié les quantités des rejets annuels dans la Garonne de la centrale de Golfech, en 2002, 2003 et 2004, d’après les rapports EDF. Pour les produits radioactifs, la centrale avait rejeté, en 2002, 125 920 m3 de liquides représentant, pour le tritium, une radioactivité de 1 897 ci (1 ci, curie = 37 milliards de Bq).
Outre ces émissions radioactives, la centrale rejette dans le fleuve des substances chimiques : de la soude à 48 % (115 tonnes en 2004), de l’acide chlorhydrique à 33 % (173,5 t), du sodium (30,4 t), du chlore (56 t), de l’acide borique (17 t en 2002), de l’ammoniaque (3,1 t), de la morpholine, de l’hydrazine, des phosphates, des sulfates, des AOX… Des centrales ont été autorisées à rejeter du cuivre et du zinc, d’autres des biocides utilisés pour éliminer des amibes pathogènes.

Ces produits chimiques et des radioéléments vont migrer et se concentrer dans les organismes aquatiques et dans les sédiments. Ils pourront se retrouver dans l’eau d’irrigation pompée dans le cours d’eau.

Par ailleurs, l’eau chaude émise par la centrale et provenant du circuit de refroidissement, va provoquer une mortalité ou des troubles chez la faune aquatique. La présence de sels minéraux va induire la prolifération d’une certaine flore et microflore aquatiques. C’est le phénomène d’eutrophisation, lequel se traduit par la diminution de l’oxygène dissous et le “pourrissement” des eaux.

Pollutions accidentelles et pollutions diffuses

À ces pollutions “légales”, dues aux rejets des centrales “en fonctionnement normal”, s’ajoutera l’émission accidentelle ou diffuse de produits radioactifs par divers sites nucléaires. Outre “l’incident” de la centrale du Blayais précédemment cité, on peut évoquer l’émission accidentelle de plutonium dans la Loire par la centrale de St-Laurent-des-Eaux, en 1980, plutonium que l’on retrouve à présent dans les sédiments du fleuve, la rupture, en 2004, de la digue d’un bassin de décantation de l’usine de Malvesi (prés de Narbonne), répandant dans les champs une eau chargée en nitrates, en uranium et en métaux… Des nappes phréatiques, des étangs, des petits cours d’eau, des canaux ont été ou sont pollués en radioéléments par les sites nucléaires de Marcoule, de Pierrelatte-Tricastin, de La Hague, de Saclay, du Bouchet (Essonne), du Bosc (Hérault), de St-Priest-la-Prugne (Loire)…

Mais le secteur le plus touché par une pollution aquatique radioactive est celui des anciennes mines d’uranium en Limousin (Jouac, Bellezane, Brugeaud, Bessines…). Ce secteur renferme la majorité des 50 millions de tonnes des résidus miniers français provenant de l’extraction de l’uranium. Le traitement des boues par la COGEMA entraîne des écoulements radioactifs qui gagnent le lac de St-Pardoux. Après la plainte déposée, en 2002, par l’association “Sources et rivières en Limousin” et le procès en 2005, la pollution du lac a été reconnue et le plan d’eau fut curé en automne 2006. Mais, pour l’association, cette opération ne supprime pas la source de pollution en amont du lac. Anecdote impensable : lors de la vidange du lac les poissons pêchés ont été vendus aux habitants…

Prélèvements d’eau et barrages de soutien d’étiage

Le circuit d’eau d’un réacteur qui, sous forme de vapeur sous pression, a fait tourner la turbine doit être refroidi par de l’eau pompée dans un milieu aquatique. Dans le système “circuit fermé” (voir figure), le prélèvement d’eau pour un réacteur de 1 000 à 1 300 MW est de l’ordre de 3 m3/sec. Le tiers de cette eau est évaporé par une tour réfrigérante. Ainsi les deux réacteurs de la centrale de Golfech prélèvent dans la Garonne dans les 220 millions de m3 par an et leurs tours en évaporent 40 millions.

C’est donc un fort volume d’eau qui est soustrait à un bassin hydrographique. S’additionnent à ce prélèvement les quantités d’eau utilisées pour l’irrigation, en sachant que 70 % de cette eau n’est pas restituée aux milieux naturels aquatiques.

Les centrales nucléaires et l’irrigation des grandes cultures (celle du maïs principalement) entraînent ainsi la diminution de la ressource en eau des bassins versants.

Par ailleurs, il faudra que le fleuve alimentant la centrale ait un débit suffisant, question qui se pose surtout en été, époque de l’étiage (l’étiage est le débit minimum d’un cours d’eau). Dans les années 1970, avant même que des projets de centrales se concrétisent, des “barrages de soutien d’étiage” furent réalisés dans le but d’apporter, en été, un complément d’eau à des fleuves ou des rivières pour des centrales nucléaires programmées. Cette finalité a été officiellement reconnue pour certains barrages-réservoirs en partie financés par EDF : l’énorme réservoir “Aube” (175 millions de m3) fut destiné à la centrale de Nogent-sur-Seine, celui de Lunax-Gimone (25 millions de m3), en Gascogne, à celle de Golfech, ceux de Grangent et Villerest (sur le cours supérieur de la Loire) et celui de Naussac (sur l’Allier) furent réalisés pour les centrales de la Loire, celui de Pierre Percée pour les réacteurs de Cattenom.

La maîtrise d’ouvrage de ces réservoirs fut confiée à des “institutions” composées essentiellement, sinon uniquement, d’élus territoriaux. Ce sont les EPTB, “établissements publics territoriaux de bassin”. Les EPTB vont profiter du programme électronucléaire pour décider d’autres barrages-réservoirs dans le bassin de la Loire, dans le bassin de la Garonne, mais aussi dans des bassins sans centrales nucléaires comme le bassin de l’Adour et le bassin de la Charente (dans ces bassins les réservoirs sont uniquement destinés à l’irrigation).

Le combat contre les barrages-réservoirs

La programmation de ces grands barrages-réservoirs, liés ou non aux centrales nucléaires, allait susciter une vive opposition de la part des populations riveraines, des écologistes, des naturalistes, des pêcheurs… Dans le bassin de la Loire, l’EPTB promoteur des barrages était l’EPALA présidé par le maire de Tours, Jean Royer. Après une quinzaine d’années de lutte (1980-1994), les opposants eurent gain de cause : les projets des barrages de Serre-de-la-Fare, du Veudre et de Chambonchard furent gelés. Un “Plan Loire Grandeur Nature” gère maintenant les cours d’eau et les vallées d’une façon assez écologique.

Dans les bassins de la Garonne, de la Charente et de l’Adour le combat anti-barrages fut plus difficile à mener à cause de la faible densité humaine du milieu rural et du fait de l’énorme lobby maïsicole, lobby soutenu par la plupart des élus (certains ayant des intérêts dans cette maïsiculture irriguée et dans la réalisation des barrages) et par l’administration complice (Agence de l’Eau Adour-Garonne et DDAFs).

Toutefois, des associations, comités et collectifs de défense réussirent à faire mettre au placard une demie douzaine de projets de grands réservoirs.

La lutte la plus remarquable fut menée par les habitants de la vallée du Gijou dans le Tarn menacés par un barrage qui aurait noyé trois hameaux.

Actuellement la mobilisation reste potentielle à l’encontre du barrage-réservoir de Charlas, dans le Comminges, au sud-ouest de Toulouse. Charlas serait le plus gros réservoir du Sud-Ouest (110 millions de m3). Il servirait à soutenir l’étiage de la Garonne (donc à alimenter Golfech, mais ceci n’étant écrit nulle part) et à accroître les superficies irriguées (toujours le maïs, avec une nouvelle filière : sa distillation en agro-carburant !). La résistance à Charlas dure depuis une vingtaine d’années. En automne 2003 se déroula un épique “débat public” opposant les pro et les anti-barrages. Le gouvernement Villepin, en 2006, avait promis le co-financement de l’état, mais le nouveau gouvernement ne s’est pas encore prononcé.

Signalons que le coût du barrage est chiffré à 300 millions d’euros et que l’Agence de l’Eau participerait à 50 % à son financement. Ceci signifie que les habitants du Sud-Ouest financeraient Charlas, et par leurs impôts et taxes et par leur facture d’eau !

Henry Chevallier Collectif Sortir du Nucléaire 32 Coordination Stop Golfech Réseau Eau France Nature Environnement E-mail : ende.doman@wanadoo.fr

Références bibliographiques :

Bruno Chareyron, 2005 – 50 ans d’extraction de l’uranium en France : quel impact ?, L’Ecologiste, n°16 (sept.-nov. 2005)

Henry Chevallier, 1993 – Les barrages-réservoirs liés aux centrales nucléaires, La Gazette Nucléaire, n°127-128 (juillet 1993)

Henry Chevallier, 2007 – L’Eau, un enjeu pour demain. État des lieux et perspectives, Editions Sang de la Terre, 351 pages (www.sang-de-la-terre.fr)

Coordination antinucléaire Stop Golfech – Volumes d’eau prélevés et évaporés par la centrale de Golfech, rejets radioactifs et chimiques, Stop Golfech, n°45 (août 2003), 49 (août 2004) et 54 (nov. 2005).



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