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Sortir du nucléaire n°59



Novembre 2013

Alternatives

Le logement social en mode "sobriété"

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°59 - Novembre 2013

 Habitat écologique


À Saint-Dié des Vosges, le chantier de la résidence Jules Ferry s’achemine vers son achèvement fin 2013. Avec 8 niveaux en bois et paille, et des performances énergétiques élevées (certification PassivHaus) fondées sur une conception bioclimatique, voici un projet exemplaire.



 

Le Toit Vosgien SA, bailleur social de la région de Saint Dié des Vosges, possède 2400 logements environ. Il s’est engagé dans la construction bois à haute performance énergétique il y a une quinzaine d’années, l’objectif étant d’allier l’écologie et la réduction des charges des locataires par l’innovation constructive (chauffage, eau chaude, etc). Ce faisant, il implique de nombreuses entreprises locales et contribue à faire avancer la transition énergétique.

La genèse du projet

Suite à divers collaborations avec le Toit Vosgien sur des opérations très innovantes tel que la construction de quatre logements passifs en paille à Gerbépal (650 m d’altitude) en 2009 et à la rénovation passive de 30 logements à Raon L’Étape en 2010, le projet de la résidence Jules Ferry à commencé en étude dès 2011. Les objectifs de grande hauteur en bois (8 niveaux !), d’utilisation de la paille en isolation et d’énergies renouvelables pour atteindre le plus bas niveau possible de charges locatives.

© Antoine Pagnoux - ASP architectes

La sobriété comme méthode

Il existe de plus en plus de projets de bâtiment "basse énergie", mais souvent l’approche est très "techno", basée sur des systèmes complexes pour "rattraper" des mauvaises habitudes de conception au niveau de la volumétrie, de l’enveloppe et des ponts thermiques du bâtiment.

Inspiré par la méthodologie négawatt, le parti à été pris de la plus grande simplicité en basant la performance d’abord sur le bioclimatisme (compacité, orientation), puis sur la grande qualité de l’enveloppe (bois massif + paille) et enfin sur une production d’énergie par couplage solaire thermique et pompe à chaleur géothermique.

© Vincent Pierré - Terranergie

La paille et la poutre

La structure porteuse est constituée de voile de bois massif contre-collé sur laquelle viennent se fixer des caissons préfabriqués étanches, contenant chacun 5 bottes de paille agricole. Ce système à permis de monter les 700 caissons (plus de 3000 bottes de paille) et les 8 niveaux en moins d’un mois sous des pluies battantes. C’est une alternative performante et économique aux isolants type laine de roche où polystyrène.

© Vincent Pierré - Terranergie

Des énergies renouvelables au plus juste

Plutôt que d’investir dans de fortes capacités de production d’énergies renouvelables, le projet s’est attaché à produire un maximum de négawatts, c’est-à-dire... d’énergie que l’on n’a pas à produire. Après la phase de sobriété (limiteur de débit sur les points d’eau), l’efficacité a cherché à minimiser toutes les pertes en "recyclant" l’énergie dans le bâtiment. Par exemple, la ventilation à double flux récupère en moyenne plus de 85 % de l’énergie contenue dans l’air extrait de la ventilation et des échangeurs en cuivre récupèrent plus de 33 % de la chaleur des eaux usées pour préchauffer l’eau chaude sanitaire. Enfin, pour le peu de besoins qui restent, le couple solaire + pompe à chaleur prend le relais.

Des charges minimales

Pour les besoins en chauffage (20°C), eau chaude sanitaire, électricité de ventilation et frais d’entretien du système énergétique, les charges annuelles pour un logement de 90m² sont de 130€ ! C’est techniquement impossible de faire moins dans le climat vosgien !

Un projet où l’on ne peut rien retirer

Souvent les concepteurs se demandent ce que l’on pourrait encore ajouter à un projet, ici la question est plutôt "que pourrait on retirer ?" Pas grand chose, tant les puissances installées sont faibles, la pompe à chaleur a une puissance de 30kW pour 26 logements (dans les Vosges, une grosse maison individuelle mal isolée nécessite cette puissance !)

© Vincent Pierré - Terranergie

Dans les bâtiments passifs, la source d’énergie n’est plus la question principale

Pour se rendre compte de la rupture en terme d’économies d’énergie par rapport à la moyenne des bâtiments existants (division par 20 par rapport aux besoins de chauffage !), les besoins en eau chaude sanitaire sont le double des besoins en chauffage !

Sachant que l’ "énergie grise" contenue dans la structure du bâtiment peut représenter jusqu’à 50 ans de l’énergie utilisée pour le chauffage, c’est cet aspect qui devient primordial dans la conception. En cela, les bâtiments passif construit en béton + polystyrène + PVC présentent des bilans d’émissions de GES et d’énergie grise très défavorables. Or, un bâtiment n’est construit ou rénové lourdement qu’une fois tout les 50 à 100 ans, alors qu’un système énergétique peut être changé plus fréquemment.

Et les utilisateurs ?

Contrairement à des rumeurs persistantes, la principale "contrainte" d’usage des bâtiments passifs est qu’il ne faut pas laisser les fenêtres ouvertes en continu en hiver (un peu comme la logique le voudrait pour tout les bâtiments !). Au delà, toutes les sobriétés sont les bienvenues, température pas au delà de 20°C, douche pas trop longue, bon usage des lumières...

Un chantier propre, rapide et efficace

Assuré exclusivement par des entreprises locales et basé sur une grande part de préfabrication bois, le chantier a été beaucoup plus propre que les chantiers classiques nécessitant des grandes quantités de béton, d’eau et d’emballages divers.

© Vincent Pierré - Terranergie

Un concept généralisable

La construction et plus encore la rénovation passive ne sont pas des nec plus ultra mais tout simplement la bonne méthodologie de conception. Choisir d’investir dans la qualité de l’enveloppe du bâtiment plutôt que dans les systèmes est une logique pérenne et efficace économiquement.
De notre expérience, la stratégie passive sans surinvestissement est applicable à tous les types de bâtiments publics et collectifs, à l’exception de la maison individuelle. En effet, cette dernière, en plus de générer des problèmes urbanistiques liés à l’étalement et aux transports, a une fâcheuse tendance à être très peu compacte (beaucoup de m² de mur, de toit et de sol, pour peu d’habitants).

Les bâtiments passifs, briques d’une société négawatt

En réduisant drastiquement les besoins en énergie tant à la construction / rénovation par recours aux fibres végétales qu’en fonctionnement par des faibles besoins facilement couvrables par des énergies renouvelables, les bâtiments passifs nous font entrer de plain-pied dans la transition énergétique. Basés sur les concepts de simplicité et de mutualisation, ils sont de fait les meilleurs contradicteurs des réseaux énergétiques centralisés de forte puissance.

Vincent Pierré

© Antoine Pagnoux - ASP architectes

Contacts :

  • Toit Vosgien : 6 rue du Breuil, 88100 Saint-Dié-des-Vosges
  • ASP Architecture : 18 rue Antoine de Saint-Exupéry BP 46218, 88100 Saint-Dié-Des-Vosges
  • Bureau d’étude énergie : Terranergie, 1 rue du Kemberg, 88580 Saulcy-sur-Meurthe

 

Le Toit Vosgien SA, bailleur social de la région de Saint Dié des Vosges, possède 2400 logements environ. Il s’est engagé dans la construction bois à haute performance énergétique il y a une quinzaine d’années, l’objectif étant d’allier l’écologie et la réduction des charges des locataires par l’innovation constructive (chauffage, eau chaude, etc). Ce faisant, il implique de nombreuses entreprises locales et contribue à faire avancer la transition énergétique.

La genèse du projet

Suite à divers collaborations avec le Toit Vosgien sur des opérations très innovantes tel que la construction de quatre logements passifs en paille à Gerbépal (650 m d’altitude) en 2009 et à la rénovation passive de 30 logements à Raon L’Étape en 2010, le projet de la résidence Jules Ferry à commencé en étude dès 2011. Les objectifs de grande hauteur en bois (8 niveaux !), d’utilisation de la paille en isolation et d’énergies renouvelables pour atteindre le plus bas niveau possible de charges locatives.

© Antoine Pagnoux - ASP architectes

La sobriété comme méthode

Il existe de plus en plus de projets de bâtiment "basse énergie", mais souvent l’approche est très "techno", basée sur des systèmes complexes pour "rattraper" des mauvaises habitudes de conception au niveau de la volumétrie, de l’enveloppe et des ponts thermiques du bâtiment.

Inspiré par la méthodologie négawatt, le parti à été pris de la plus grande simplicité en basant la performance d’abord sur le bioclimatisme (compacité, orientation), puis sur la grande qualité de l’enveloppe (bois massif + paille) et enfin sur une production d’énergie par couplage solaire thermique et pompe à chaleur géothermique.

© Vincent Pierré - Terranergie

La paille et la poutre

La structure porteuse est constituée de voile de bois massif contre-collé sur laquelle viennent se fixer des caissons préfabriqués étanches, contenant chacun 5 bottes de paille agricole. Ce système à permis de monter les 700 caissons (plus de 3000 bottes de paille) et les 8 niveaux en moins d’un mois sous des pluies battantes. C’est une alternative performante et économique aux isolants type laine de roche où polystyrène.

© Vincent Pierré - Terranergie

Des énergies renouvelables au plus juste

Plutôt que d’investir dans de fortes capacités de production d’énergies renouvelables, le projet s’est attaché à produire un maximum de négawatts, c’est-à-dire... d’énergie que l’on n’a pas à produire. Après la phase de sobriété (limiteur de débit sur les points d’eau), l’efficacité a cherché à minimiser toutes les pertes en "recyclant" l’énergie dans le bâtiment. Par exemple, la ventilation à double flux récupère en moyenne plus de 85 % de l’énergie contenue dans l’air extrait de la ventilation et des échangeurs en cuivre récupèrent plus de 33 % de la chaleur des eaux usées pour préchauffer l’eau chaude sanitaire. Enfin, pour le peu de besoins qui restent, le couple solaire + pompe à chaleur prend le relais.

Des charges minimales

Pour les besoins en chauffage (20°C), eau chaude sanitaire, électricité de ventilation et frais d’entretien du système énergétique, les charges annuelles pour un logement de 90m² sont de 130€ ! C’est techniquement impossible de faire moins dans le climat vosgien !

Un projet où l’on ne peut rien retirer

Souvent les concepteurs se demandent ce que l’on pourrait encore ajouter à un projet, ici la question est plutôt "que pourrait on retirer ?" Pas grand chose, tant les puissances installées sont faibles, la pompe à chaleur a une puissance de 30kW pour 26 logements (dans les Vosges, une grosse maison individuelle mal isolée nécessite cette puissance !)

© Vincent Pierré - Terranergie

Dans les bâtiments passifs, la source d’énergie n’est plus la question principale

Pour se rendre compte de la rupture en terme d’économies d’énergie par rapport à la moyenne des bâtiments existants (division par 20 par rapport aux besoins de chauffage !), les besoins en eau chaude sanitaire sont le double des besoins en chauffage !

Sachant que l’ "énergie grise" contenue dans la structure du bâtiment peut représenter jusqu’à 50 ans de l’énergie utilisée pour le chauffage, c’est cet aspect qui devient primordial dans la conception. En cela, les bâtiments passif construit en béton + polystyrène + PVC présentent des bilans d’émissions de GES et d’énergie grise très défavorables. Or, un bâtiment n’est construit ou rénové lourdement qu’une fois tout les 50 à 100 ans, alors qu’un système énergétique peut être changé plus fréquemment.

Et les utilisateurs ?

Contrairement à des rumeurs persistantes, la principale "contrainte" d’usage des bâtiments passifs est qu’il ne faut pas laisser les fenêtres ouvertes en continu en hiver (un peu comme la logique le voudrait pour tout les bâtiments !). Au delà, toutes les sobriétés sont les bienvenues, température pas au delà de 20°C, douche pas trop longue, bon usage des lumières...

Un chantier propre, rapide et efficace

Assuré exclusivement par des entreprises locales et basé sur une grande part de préfabrication bois, le chantier a été beaucoup plus propre que les chantiers classiques nécessitant des grandes quantités de béton, d’eau et d’emballages divers.

© Vincent Pierré - Terranergie

Un concept généralisable

La construction et plus encore la rénovation passive ne sont pas des nec plus ultra mais tout simplement la bonne méthodologie de conception. Choisir d’investir dans la qualité de l’enveloppe du bâtiment plutôt que dans les systèmes est une logique pérenne et efficace économiquement.
De notre expérience, la stratégie passive sans surinvestissement est applicable à tous les types de bâtiments publics et collectifs, à l’exception de la maison individuelle. En effet, cette dernière, en plus de générer des problèmes urbanistiques liés à l’étalement et aux transports, a une fâcheuse tendance à être très peu compacte (beaucoup de m² de mur, de toit et de sol, pour peu d’habitants).

Les bâtiments passifs, briques d’une société négawatt

En réduisant drastiquement les besoins en énergie tant à la construction / rénovation par recours aux fibres végétales qu’en fonctionnement par des faibles besoins facilement couvrables par des énergies renouvelables, les bâtiments passifs nous font entrer de plain-pied dans la transition énergétique. Basés sur les concepts de simplicité et de mutualisation, ils sont de fait les meilleurs contradicteurs des réseaux énergétiques centralisés de forte puissance.

Vincent Pierré

© Antoine Pagnoux - ASP architectes

Contacts :

  • Toit Vosgien : 6 rue du Breuil, 88100 Saint-Dié-des-Vosges
  • ASP Architecture : 18 rue Antoine de Saint-Exupéry BP 46218, 88100 Saint-Dié-Des-Vosges
  • Bureau d’étude énergie : Terranergie, 1 rue du Kemberg, 88580 Saulcy-sur-Meurthe


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