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Sortir du nucléaire n°26



Février 2005

Action

Jeûne Vivre sans nucléaire, été 2004

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°26 - Février 2005

 Luttes et actions
Article publié le : 1er février 2005


Dormance dans l’oeil d’un petit cyclone

Retour sur le jeûne "Vivre sans nucléaire" qui s’est déroulé pendant 36 jours, de juin à juillet 2004.

Trois hommes à la queue leu leu marchent sur la rue en tenant chacun sous le bras une chaise longue et un oreiller. Ils ont l’allure de flemmards professionnels ; jusqu’à en arracher quelques sourires aux Parisiens...



Mais ces grands adeptes du farniente ont ceci de particulier qu’ils ne mangeront pas non plus et ne boiront que de l’eau pendant un mois (plus précisément pendant 27 jours pour l’un et 36 jours pour les deux autres).

Et il est vrai que par certains aspects, un jeûne à durée indéterminée ressemble à une grève de la verticale, tant la faiblesse souvent nous ramène au lit.

L’intention de ce jeûne politique ?

Lancer un cri d’alarme via les relais locaux et les médias afin que la population française se rende bien compte qu’elle risque d’en reprendre pour 50 ou 70 ans en plus de risques type Tchernobyl et d’accumulation de déchets éternels ingérables ; car la construction d’une nouvelle vieille centrale nucléaire EPR servira de tête de pont pour installer un deuxième parc électro-nucléaire.

Et cela sans qu’aucun bilan honnête total et indépendant (sur les plans financier, sanitaire, environnemental, démocratique, ...) ait été envisagé sur les précédents 30 ans de nucléaire civil déjà imposés au pays.

Et cela au détriment des économies d’énergies et des renouvelables que la France, archaïquement, s’obstine à considérer comme une petite vitrine pour faire joli.

A l’occasion de ce jeûne, 75 groupes de soutien passèrent peu ou prou à l’action (ceux de Lyon, Bar-le-Duc en Meuse, Foix en Ariège et Redon en Bretagne furent particulièrement actifs), des centaines de personnes entamèrent des jeûnes courts en rotation et quelques personnes en régions se lancèrent aussi avec nous dans des jeûnes à durée indéterminée (Chloé en Creuse, Marcelin dans l’Orne, Françoise à Poitiers et Claude à Thonon en Haute-Savoie).

Le début du jeûne fut salué par quelques médias nationaux et de nombreux médias régionaux.

Puis, les jeûneurs sur Paris reçurent la visite de divers alliés politiques (plusieurs têtes des Verts, Corinne Lepage de CAP 21, A. Krivine de la LCR, JP. Brard - apparenté Communiste, M. Guibert, le Monsieur environnement du PS, M. Sanchez, le porte-parole de la Confédération Paysanne, la Fondation Danièle Mitterrand, JM. Müller du MAN, P. Rabhi, A. Jacquard, ...) sans que cela intéresse particulièrement les médias.

La problématique parisienne a ceci de particulier que même si on y trouve les têtes de nombreuses associations et ONG, celles-ci ont quand même relativement peu de militants de base actifs sur place ; alors que nous comptions sur ces groupes pour créer du visuel qui puisse intéresser les médias télés.

Après trois semaines, constatant que l’impact médiatique du jeûne stagne, nous faisons donc appel à des militants des régions pour venir passer à l’action sur Paris et renforcer le bureau du jeûne qui travaille formidablement.

Dans la semaine qui suivra, divers événements renouvelleront l’impact du jeûne :

Installation d’une immense banderole (10 x 15 m.) “LE NUCLEAIRE TUE L’AVENIR” sur le Trocadéro face à la tour Eiffel, hospitalisation de Michel qui termine son jeûne en catastrophe, conférence de presse beaucoup mieux suivie, perturbation de l’inauguration officielle de Paris-Plage par banderoles, corne de brume et théâtre de rue, annonce d’une présence prévue devant l’Elysée qui accepte finalement de nous recevoir avec notre groupe de

négociateurs.

Entretemps, le jeûne touche ses limites : un deuxième jeûneur n’est plus en état de continuer et l’énergie semble s’effilocher, aussi dans les groupes de soutien.

Nous avions visé une fenêtre médiatique disponible entre fin du tour cycliste et début des jeux Olympiques mais de toute évidence les départs en vacances sont aussi une cause de démobilisation.

Les dates pour une telle action avaient-elles été bien choisies ?

Et si le momentum s’était produit autour de la

rentrée, ne nous aurait-on pas dit qu’on avait déjà trop à faire par ailleurs ?

Par acquis de conscience, même si nous ne croyons pas que cela puisse changer la donne, nous attendons de recevoir la réponse écrite promise par l’Elysée suite à notre rencontre. Nous constaterons effectivement, à la réception de sa lettre, que le président Chirac utilise la langue de bois pour mieux noyer le poisson : Il élude les sujets tabous (réorientation des budgets de recherche sur les énergies renouvelables et bilan indépendant

complet des dernières décennies électro-nucléaires) pour nous convier à participer aux prochains débats publics sur la question preuve, s’il en est, de la “démocratie” de tels choix ...

Sauf que les dits débats se font après que les décisions aient été prises ; sauf que ces débats sont souvent organisés par ceux-la même qui promeuvent les programmes nucléaires ; et qu’ils y sont donc très sur-représentés.

A la fin du 36e jour de jeûne, nous terminons notre action ; conscients de n’avoir atteint aucun objectif concret à court terme (hormis la création d’un collectif anti-EPR pour l’automne) ; conscients d’une percée médiatique très partielle et qui n’aura pas su provoquer le sursaut espéré dans la population. Comme si trop de voyants étaient aujourd’hui au rouge (OGM, dérèglements climatiques, pollutions et agressions multiples), suscitant plus de fatalisme et de résignation que de résistances actives. Comme si notre capacité même à s’alerter s’émoussait (telle cette grenouille qui se laisse engourdir dans un chaudron d’eau chauffé à feu doux). Et espérant encore malgré tout que nous saurons apprendre et changer autrement que par la “pédagogie des catastrophes”.

Néanmoins, ce type d’action (le jeûne politique) approfondit réflexion, motivation et mobilisation.

De plus, le jeûne prolongé constitue une sorte de désobéissance subtile durable qui interpelle dans notre monde opulent qui ne veut surtout pas se priver de rien.

Une sorte d’appel à rupture (on arrête, on fait silence et on réfléchit) qui touche par l’intérieur :

le journaliste d’un grand quotidien national nous a avoué avoir rêvé de nous (les jeûneurs) la nuit avant de venir nous interviewer.

Un “Sage” à qui nous avions demandé en début de jeûne de nous soutenir a d’abord répondu qu’il n’aimait pas ce type d’action. Re-contacté à mi-parcours du jeûne, il a annoncé qu’il avait besoin encore d’y réfléchir. Et nous avons bénéficié en fin de jeûne de son soutien actif officiel.

Bref, succès mitigé. Nous aurons apporté notre modeste pierre à l’édifice pour des choix de société plus sains. Continuons, contre vents et marées (et même avec), par toutes les couleurs possibles de l’action non-violente.

André Larivière

Mais ces grands adeptes du farniente ont ceci de particulier qu’ils ne mangeront pas non plus et ne boiront que de l’eau pendant un mois (plus précisément pendant 27 jours pour l’un et 36 jours pour les deux autres).

Et il est vrai que par certains aspects, un jeûne à durée indéterminée ressemble à une grève de la verticale, tant la faiblesse souvent nous ramène au lit.

L’intention de ce jeûne politique ?

Lancer un cri d’alarme via les relais locaux et les médias afin que la population française se rende bien compte qu’elle risque d’en reprendre pour 50 ou 70 ans en plus de risques type Tchernobyl et d’accumulation de déchets éternels ingérables ; car la construction d’une nouvelle vieille centrale nucléaire EPR servira de tête de pont pour installer un deuxième parc électro-nucléaire.

Et cela sans qu’aucun bilan honnête total et indépendant (sur les plans financier, sanitaire, environnemental, démocratique, ...) ait été envisagé sur les précédents 30 ans de nucléaire civil déjà imposés au pays.

Et cela au détriment des économies d’énergies et des renouvelables que la France, archaïquement, s’obstine à considérer comme une petite vitrine pour faire joli.

A l’occasion de ce jeûne, 75 groupes de soutien passèrent peu ou prou à l’action (ceux de Lyon, Bar-le-Duc en Meuse, Foix en Ariège et Redon en Bretagne furent particulièrement actifs), des centaines de personnes entamèrent des jeûnes courts en rotation et quelques personnes en régions se lancèrent aussi avec nous dans des jeûnes à durée indéterminée (Chloé en Creuse, Marcelin dans l’Orne, Françoise à Poitiers et Claude à Thonon en Haute-Savoie).

Le début du jeûne fut salué par quelques médias nationaux et de nombreux médias régionaux.

Puis, les jeûneurs sur Paris reçurent la visite de divers alliés politiques (plusieurs têtes des Verts, Corinne Lepage de CAP 21, A. Krivine de la LCR, JP. Brard - apparenté Communiste, M. Guibert, le Monsieur environnement du PS, M. Sanchez, le porte-parole de la Confédération Paysanne, la Fondation Danièle Mitterrand, JM. Müller du MAN, P. Rabhi, A. Jacquard, ...) sans que cela intéresse particulièrement les médias.

La problématique parisienne a ceci de particulier que même si on y trouve les têtes de nombreuses associations et ONG, celles-ci ont quand même relativement peu de militants de base actifs sur place ; alors que nous comptions sur ces groupes pour créer du visuel qui puisse intéresser les médias télés.

Après trois semaines, constatant que l’impact médiatique du jeûne stagne, nous faisons donc appel à des militants des régions pour venir passer à l’action sur Paris et renforcer le bureau du jeûne qui travaille formidablement.

Dans la semaine qui suivra, divers événements renouvelleront l’impact du jeûne :

Installation d’une immense banderole (10 x 15 m.) “LE NUCLEAIRE TUE L’AVENIR” sur le Trocadéro face à la tour Eiffel, hospitalisation de Michel qui termine son jeûne en catastrophe, conférence de presse beaucoup mieux suivie, perturbation de l’inauguration officielle de Paris-Plage par banderoles, corne de brume et théâtre de rue, annonce d’une présence prévue devant l’Elysée qui accepte finalement de nous recevoir avec notre groupe de

négociateurs.

Entretemps, le jeûne touche ses limites : un deuxième jeûneur n’est plus en état de continuer et l’énergie semble s’effilocher, aussi dans les groupes de soutien.

Nous avions visé une fenêtre médiatique disponible entre fin du tour cycliste et début des jeux Olympiques mais de toute évidence les départs en vacances sont aussi une cause de démobilisation.

Les dates pour une telle action avaient-elles été bien choisies ?

Et si le momentum s’était produit autour de la

rentrée, ne nous aurait-on pas dit qu’on avait déjà trop à faire par ailleurs ?

Par acquis de conscience, même si nous ne croyons pas que cela puisse changer la donne, nous attendons de recevoir la réponse écrite promise par l’Elysée suite à notre rencontre. Nous constaterons effectivement, à la réception de sa lettre, que le président Chirac utilise la langue de bois pour mieux noyer le poisson : Il élude les sujets tabous (réorientation des budgets de recherche sur les énergies renouvelables et bilan indépendant

complet des dernières décennies électro-nucléaires) pour nous convier à participer aux prochains débats publics sur la question preuve, s’il en est, de la “démocratie” de tels choix ...

Sauf que les dits débats se font après que les décisions aient été prises ; sauf que ces débats sont souvent organisés par ceux-la même qui promeuvent les programmes nucléaires ; et qu’ils y sont donc très sur-représentés.

A la fin du 36e jour de jeûne, nous terminons notre action ; conscients de n’avoir atteint aucun objectif concret à court terme (hormis la création d’un collectif anti-EPR pour l’automne) ; conscients d’une percée médiatique très partielle et qui n’aura pas su provoquer le sursaut espéré dans la population. Comme si trop de voyants étaient aujourd’hui au rouge (OGM, dérèglements climatiques, pollutions et agressions multiples), suscitant plus de fatalisme et de résignation que de résistances actives. Comme si notre capacité même à s’alerter s’émoussait (telle cette grenouille qui se laisse engourdir dans un chaudron d’eau chauffé à feu doux). Et espérant encore malgré tout que nous saurons apprendre et changer autrement que par la “pédagogie des catastrophes”.

Néanmoins, ce type d’action (le jeûne politique) approfondit réflexion, motivation et mobilisation.

De plus, le jeûne prolongé constitue une sorte de désobéissance subtile durable qui interpelle dans notre monde opulent qui ne veut surtout pas se priver de rien.

Une sorte d’appel à rupture (on arrête, on fait silence et on réfléchit) qui touche par l’intérieur :

le journaliste d’un grand quotidien national nous a avoué avoir rêvé de nous (les jeûneurs) la nuit avant de venir nous interviewer.

Un “Sage” à qui nous avions demandé en début de jeûne de nous soutenir a d’abord répondu qu’il n’aimait pas ce type d’action. Re-contacté à mi-parcours du jeûne, il a annoncé qu’il avait besoin encore d’y réfléchir. Et nous avons bénéficié en fin de jeûne de son soutien actif officiel.

Bref, succès mitigé. Nous aurons apporté notre modeste pierre à l’édifice pour des choix de société plus sains. Continuons, contre vents et marées (et même avec), par toutes les couleurs possibles de l’action non-violente.

André Larivière



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