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La phrase qui tue le nucléaire

Jean-Marie Pelt (botaniste, président de l’Institut européen d’écologie)

Article publié le 3 juillet 2012



"Avec le nucléaire les hommes se sont pris pour des dieux"



Botaniste, Jean-Marie Pelt, 77 ans, est le fondateur de l’Institut européen d’écologie, à Metz. Chroniqueur talentueux de l’émission "CO2 mon amour" sur France Inter et auteur de très nombreux ouvrages liés aux plantes et à l’écologie, Jean-Marie Pelt habite également à 20km de la centrale de Cattenom en Lorraine. Pour La Vie, il revient sur la vision prométhéenne que, selon lui, l’industrie nucléaire recèle.

Après Fukushima, l’énergie nucléaire vous parait-elle être une énergie d’avenir ?

La réponse est un non clair et massif. Je le pense depuis sa promotion vigoureuse en France il y a trois décennies. C’est une énergie qui est tout sauf durable, car elle repose sur l’exploitation d’un minerai, l’uranium, qui est une ressource limitée et située hors de nos frontières, ce qui met à mal l’argument de l’indépendance énergétique. Ensuite, il y a l’énorme problème de la durée de vie de ses déchets : des centaines de milliers d’années ! Enfin, quand il y a un accident, on le voit à l’heure actuelle au Japon, ses conséquences potentielles sont tellement monstrueuses qu’il suffit à discréditer cette énergie.

Pourtant, au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, les partisans du nucléaire mettent en avant son absence d’émissions de CO2.

Après les accidents de Three Miles Island et de Tchernobyl, c’est, en effet l’argument qu’on a mis en avant pour lui redonner une seconde jeunesse. C’était l’opinion de Mme Merkel qui a voulu prolonger la durée de vie des centrales nucléaires allemandes au-delà de 2020, contrairement aux engagements passés entre M. Schroeder et les Verts. Mais c’est un argument à courte vue, en quelque sorte du "moindre mal", qui voudrait faire du nucléaire l’énergie du futur, alors que c’est déjà, pour moi, l’énergie du passé. Le choix nucléaire reste la conséquence d’une vision très prométhéenne des sciences et des technologies, où l’homme entend manifester avec majesté sa toute puissance sur la nature. Pour un ingénieur c’est sans doute plus gratifiant d’inaugurer une centrale qu’une éolienne. Mais Prométhée, tout comme Icare, s’est brûlé les ailes...

En 2007, Nicolas Sarkozy n’a pas voulu qu’on discute du nucléaire lors du Grenelle de l’environnement. Regrettez-vous que les ONG l’aient accepté ?

Durant ces dernières années, je n’étais pas très content que les ONG et même les Verts soient devenus silencieux sur le nucléaire. C’est un peu le "deal" du Grenelle avec le gouvernement : on interdit certains OGM et, en échange, on ne touche pas au nucléaire. C’est un compromis pour le moins imprudent surtout avec un Président qui est un des promoteurs de ce "tout nucléaire" dont nous avons tellement de mal à nous défaire.

Justement au Japon, Nicolas Sarkozy, tout en convoquant un G20 de la sûreté nucléaire, a affirmé qu’il n’y avait pas d’autre choix énergétique.

La sortie du nucléaire n’est évidement pas possible du jour au lendemain, mais si on regarde à vingt ou trente ans, c’est un choix tout à fait possible et raisonnable.

La mutation énergétique réclame un changement considérable de nos modes de vie. En sommes-nous capables autrement qu’en paroles ?

Pour arriver à cette mutation énergétique, le déclencheur ce n’est pas tellement un changement de nos modes de vie mais une nouvelle volonté politique. Bien sûr qu’il faut être plus sobre en bannissant le chauffage électrique ou en renforcant l’isolation dans la construction des immeubles – un des points positifs du Grenelle – mais surtout il faut massivement investir dans les énergies renouvelables, notamment le solaire.

Vous êtes écologiste et croyant. Or si l’Église s’est prononcée contre le nucléaire militaire, elle est restée particulièrement silencieuse sur le nucléaire civil. Pourquoi ?

L’Église est souvent très silencieuse sur tout ce qui touche à certains aspects du progrès scientifique et technique. Peut-être parce que ce sont des choix qui ne sont pas directement corrélés à des paroles de l’Évangile. Pourtant on l’entend beaucoup sur la bioéthique mais très peu sur les OGM ou, en effet, sur des questions comme le nucléaire. L’Église devrait se souvenir qu’Adam a été chassé du paradis parce qu’il avait croqué la pomme. Avec le nucléaire, les hommes ne se sont-ils pas pris pour des dieux ?

Source : LaVie.fr

Botaniste, Jean-Marie Pelt, 77 ans, est le fondateur de l’Institut européen d’écologie, à Metz. Chroniqueur talentueux de l’émission "CO2 mon amour" sur France Inter et auteur de très nombreux ouvrages liés aux plantes et à l’écologie, Jean-Marie Pelt habite également à 20km de la centrale de Cattenom en Lorraine. Pour La Vie, il revient sur la vision prométhéenne que, selon lui, l’industrie nucléaire recèle.

Après Fukushima, l’énergie nucléaire vous parait-elle être une énergie d’avenir ?

La réponse est un non clair et massif. Je le pense depuis sa promotion vigoureuse en France il y a trois décennies. C’est une énergie qui est tout sauf durable, car elle repose sur l’exploitation d’un minerai, l’uranium, qui est une ressource limitée et située hors de nos frontières, ce qui met à mal l’argument de l’indépendance énergétique. Ensuite, il y a l’énorme problème de la durée de vie de ses déchets : des centaines de milliers d’années ! Enfin, quand il y a un accident, on le voit à l’heure actuelle au Japon, ses conséquences potentielles sont tellement monstrueuses qu’il suffit à discréditer cette énergie.

Pourtant, au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, les partisans du nucléaire mettent en avant son absence d’émissions de CO2.

Après les accidents de Three Miles Island et de Tchernobyl, c’est, en effet l’argument qu’on a mis en avant pour lui redonner une seconde jeunesse. C’était l’opinion de Mme Merkel qui a voulu prolonger la durée de vie des centrales nucléaires allemandes au-delà de 2020, contrairement aux engagements passés entre M. Schroeder et les Verts. Mais c’est un argument à courte vue, en quelque sorte du "moindre mal", qui voudrait faire du nucléaire l’énergie du futur, alors que c’est déjà, pour moi, l’énergie du passé. Le choix nucléaire reste la conséquence d’une vision très prométhéenne des sciences et des technologies, où l’homme entend manifester avec majesté sa toute puissance sur la nature. Pour un ingénieur c’est sans doute plus gratifiant d’inaugurer une centrale qu’une éolienne. Mais Prométhée, tout comme Icare, s’est brûlé les ailes...

En 2007, Nicolas Sarkozy n’a pas voulu qu’on discute du nucléaire lors du Grenelle de l’environnement. Regrettez-vous que les ONG l’aient accepté ?

Durant ces dernières années, je n’étais pas très content que les ONG et même les Verts soient devenus silencieux sur le nucléaire. C’est un peu le "deal" du Grenelle avec le gouvernement : on interdit certains OGM et, en échange, on ne touche pas au nucléaire. C’est un compromis pour le moins imprudent surtout avec un Président qui est un des promoteurs de ce "tout nucléaire" dont nous avons tellement de mal à nous défaire.

Justement au Japon, Nicolas Sarkozy, tout en convoquant un G20 de la sûreté nucléaire, a affirmé qu’il n’y avait pas d’autre choix énergétique.

La sortie du nucléaire n’est évidement pas possible du jour au lendemain, mais si on regarde à vingt ou trente ans, c’est un choix tout à fait possible et raisonnable.

La mutation énergétique réclame un changement considérable de nos modes de vie. En sommes-nous capables autrement qu’en paroles ?

Pour arriver à cette mutation énergétique, le déclencheur ce n’est pas tellement un changement de nos modes de vie mais une nouvelle volonté politique. Bien sûr qu’il faut être plus sobre en bannissant le chauffage électrique ou en renforcant l’isolation dans la construction des immeubles – un des points positifs du Grenelle – mais surtout il faut massivement investir dans les énergies renouvelables, notamment le solaire.

Vous êtes écologiste et croyant. Or si l’Église s’est prononcée contre le nucléaire militaire, elle est restée particulièrement silencieuse sur le nucléaire civil. Pourquoi ?

L’Église est souvent très silencieuse sur tout ce qui touche à certains aspects du progrès scientifique et technique. Peut-être parce que ce sont des choix qui ne sont pas directement corrélés à des paroles de l’Évangile. Pourtant on l’entend beaucoup sur la bioéthique mais très peu sur les OGM ou, en effet, sur des questions comme le nucléaire. L’Église devrait se souvenir qu’Adam a été chassé du paradis parce qu’il avait croqué la pomme. Avec le nucléaire, les hommes ne se sont-ils pas pris pour des dieux ?

Source : LaVie.fr



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